Jérôme Bretaudeau, l’homme de la situation

Sur ses terres du Pays nantais, il réveille le Muscadet. Pour la région, c’est plus qu’un nouvel espoir, c’est une confirmation

« À 15 ans, on m’a offert un livre sur les cent plus belles bouteilles au monde. Je me suis pris de passion pour les grands crus. Ma première grande émotion a été un château-haut-brion 1988 », explique Jérôme Bretaudeau. Au mois de novembre 2023, à 48 ans, le vigneron du pays du muscadet est devenu membre de l’académie du vin de France, au milieu de ses pairs et des noms qui l’ont fait rêver, à l’âge de l’adolescence où tout s’imprime. Son aventure a commencé par des études. « Après avoir passé mon CAP-BEP viticulture-œnologie au lycée viticole de Briacé, au Landreau, j’ai fait un brevet professionnel en alternance chez Alain Gaubert, vigneron-pépiniériste de Vallet qui m’a embauché. » Installés à Gétigné, à un peu moins de quarante kilomètres au sud de Nantes, ses parents élèvent des vaches et cultivent de la vigne, seulement sur deux hectares, dans une logique de polyculture naturelle à l’époque. Le jeune homme en tire les leçons. Il s’installe en 2005 avec la volonté de faire parler chaque terroir sa propre langue. Sa réflexion se concentre sur la maîtrise de l’appareil végétal, de la sélection des porte-greffes jusqu’aux cultivars. La philosophie est claire : « Sur les terroirs entre Clisson, Gorges et Vallet, sans oublier Cugand, sur l’autre rive de la Sèvre nantaise, je pratique une agriculture biodynamique tendue vers un objectif d’équilibre naturel ». Jérôme possède aujourd’hui l’un des plus beaux vignobles de la région. Vingt hectares sublimés par un chai fonctionnel, construit en 2012. La structure a permis une progression qualitative constante. Inox, ciment, barriques de chêne, œufs béton, demi-muids, fûts bourguignons, jarres en terre cuite, grès, les matériaux sont au service du vin du lieu. Ou plutôt des lieux, uniques dans l’Hexagone.

Une vision du grand vin
Entre ses mains, le melon de Bourgogne a retrouvé ses lettres de noblesse et de l’éclat, de la profondeur et de la vibration. Sa réputation s’est construite autour de ses deux grands muscadets, Clos des Bouquinardières et Gaïa, en cru Gorges. Les vins expriment le cépage avec pureté et les terroirs de gabbros et de granits sur lesquels les vignes sont plantées. Comme le clos des Perrières, à Clisson. Ce vigneron intuitif qui aime les expériences propose aussi un 100 % chardonnay rond et tonique, élevé à la manière d’une solera champenoise. Avec la cuvée La Justice, il assemble chardonnay et savagnin (20 %) pour donner un blanc hors norme dans le « vignoble de Nantes ». Cela vaut aussi pour son pinot gris, ultra séducteur par sa tension, son rouge de merlot soyeux (Ornaté) et son gamay subtil et élégant. Star de la gamme, Statera, pinot noir plein de finesse et d’expression aromatique, a fini de convaincre depuis longtemps les grands amateurs du potentiel de ce vignoble en matière de beaux vins rouges et des prédispositions du vigneron pour la couleur.

Un partenaire privilégié
Jérôme Bretaudeau a aussi contribué à remettre le vignoble nantais sur la carte mondiale des grands vins. Et son domaine de Bellevue donne désormais la tendance dans une région longtemps mise de côté. Grâce à Fabrice Girard, directeur commercial chez Billecart-Salmon, un ami de longue date, le vigneron a fait la connaissance de Mathieu Roland-Billecart, le président de la maison champenoise : « Nous avons partagé des moments savoureux et je l’ai aidé pour la mise en place de la biodynamie en Champagne. Notre collaboration est rapidement devenue amicale. Je reste actionnaire majoritaire, donc cela représente un minimum de prise de risques pour moi. C’est un partenaire bienveillant qui me permettra d’aller plus loin et plus vite, afin que j’accomplisse mes rêves, notamment la construction d’un nouveau chai au milieu des vignes. C’est un projet sur le long terme, permettant d’assurer la pérennité du domaine ». Cela contribuera sans doute aussi à faire de son domaine une référence, peut-être à l’image de Clos Rougeard dans le Saumurois. C’est toute une région qui en profitera.

Photo : Leif Carlsson

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