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Champagne, les marches du succès

Anselme Selosse et la vérité des raisins
Le jeune journaliste idéaliste que j’étais à la fin des années 1970 se sentait effrayé par l’état de la viticulture champenoise. La vision des coteaux recouverts de déchets urbains était insupportable. J’avais donc demandé à Michel Dovaz, mon maître et ami, grand spécialiste de ce vignoble, s’il connaissait un jeune vigneron sérieux qui cultivait encore ses sols. Sans hésiter, il m’a donné le nom d’Anselme Selosse à Avize. Dès ma première visite, j’ai été séduit par son talent et son désir d’exprimer dans ses vins la vérité de ses raisins. Il venait de prendre la suite de son père Jacques et vinifiait encore dans les vieux foudres qui masquaient la pureté aromatique des vins tranquilles. Je lui ai suggéré d’acheter des barriques bourguignonnes, ce qui lui a valu de se voir refuser l’appellation pour excès de boisé. Véronique Hugel dirigeait alors la section Champagne de l’Inao. Il y a depuis prescription et nous pouvons lui dire qu’Anselme a désobéi et que son vin se dégustait splendidement dix ans plus tard. Entre temps, il était devenu la star montante des récoltants-manipulants et une solide amitié était née, partagée avec son épouse Corinne et Francis Égly, mon autre grande référence. Anselme a su transmettre à son fils Guillaume sa passion et son éthique et redonner sa fierté à toute une génération de vignerons, avec le respect des grandes maisons et de leurs chefs de cave.

Bollinger et le goût original du grand RD
J’ai découvert Bollinger lorsque j’étais élève à l’Académie du vin, l’école de dégustation créée par Steven Spurrier. Ce fut immédiatement un coup de cœur. On pouvait en 1979 acheter pour des sommes modestes dans les magasins Nicolas la magnifique cuvée RD 1959. L’étiquette précisait « dégorgé en 1975 » et je ne comprenais pas ce que cela voulait dire. Quatre ans depuis le dégorgement, ce n’était pas récent et tous les champagnes, par définition, sont récemment dégorgés. Lors de ma première visite à la maison Bollinger, je trouvais oxydés les RD dégustés. Je ne retrouvais pas la saveur magnifique de mon 1959. Lors de ma seconde visite, j’avais demandé à Guy Adam, le chef de cave de la maison, qui m’avait pris en amitié, de dégorger un 1959 pour le comparer avec ma bouteille de 1959 dégorgée en 1975, huit ans plus tôt. Il n’y eut pas d’hésitation sur la supériorité de ce vieux dégorgé, bien plus jeune et plus complexe en goût. Guy m’avait avoué que lui non plus ne comprenait pas le caractère toujours un peu oxydatif des vins juste après leur dégorgement. Ce fut pour moi le début d’une longue amitié avec les directeurs et les chefs de cave de la maison au cours de laquelle, durant de nombreuses années, j’ai tenté de les persuader de produire au cœur de leur vignoble d’Aÿ (le plus grand terroir de Champagne selon moi) un grand vin de caractère unique. Ils ont quand même mis plus de trente ans à le produire, c’est la cuvée spéciale La Côte aux Enfants. Mieux vaut tard que jamais.

Michel, Francis et ce garagiste que je n’oublierai pas
J’avais trouvé en Anselme Selosse le vigneron idéal pour suivre la qualité des chardonnays en Champagne. Mais j’avais besoin d’une autre référence pour mon suivi des pinots noirs. Cette fois, en 1985, j’ai eu recours à un renseignement donné par un garagiste de Tours-sur-Marne à qui j’avais demandé s’il connaissait un vigneron de ce secteur qui continuait à cultiver ses vignes. Il m’apprit qu’il en connaissait un, situé sur la route de Trépail, en bout de village, à Ambonnay. J’ai pu vérifier sur place le même jour, en rencontrant Michel Égly, qu’il disait vrai. Le couple de vignerons qu’il formait avec sa femme était modeste, sincère et travailleur. Les vins étaient excellents, avec ce caractère délicatement mielleux après six ou sept ans de vieillissement, véritable caractéristique de ce grand cru. Les dégustateurs du Guide Hachette n’étaient évidemment pas capables de comprendre ce niveau de qualité et très peu de spécialistes connaissaient ce producteur. Une amitié encore plus forte se noua avec la famille quand, trois ans plus tard, Francis, leur fils qui travaillait déjà avec eux, me fit déguster son millésime 1985. Je pris ensuite l’habitude de venir goûter les vins tranquilles à la propriété. Dans le remarquable millésime 1989, une cuve, qui se distinguait par sa force de caractère, marquait trop les assemblages. Je me souvenais de la création par Henri Krug de son fameux Clos du Mesnil, en 1979 et pour les mêmes raisons. La difficulté était que cette cuve provenait d’une vigne de pinot noir. Je réussis à convaincre facilement Francis Égly de la conserver à part et de la vendre comme un blanc de noirs. Le décret d’appellation le permettait, mais pratiquement personne n’en n’élaborait à l’époque. Michel, qui était opposé à la création de cette cuvée, pensait que personne ne comprendrait le sens de « blanc de noirs ». Heureusement, Francis ne l’écouta pas et la sortie de ce vin ne manqua pas de conquérir son importateur américain et le critique américain Robert Parker. Très vite, la cuvée devint culte et entraîna l’extraordinaire mode des blancs de noirs que tous les producteurs de champagne ou presque produisent désormais. Celui de Francis reste toujours une référence, au même titre que son génial coteaux-champenois, mais c’est une autre histoire.

Du repas le plus cher du monde à une merveille de coteaux-champenois
Remontons à la préhistoire. Au début des années 1970, j’étais un jeune adulte et le restaurant à la mode s’appelait Denis. L’endroit avait organisé, à grand renfort de publicité pour le magazine Gault & Millau, le repas le plus cher du monde. Nos duettistes reconnaissaient le génie du chef et dès que j’ai pu avoir un peu d’argent, je suis allé vérifier leur enthousiasme. Je me rappelle encore les deux vins rouges dégustés, un beaune premier cru Bressandes de chez Louis Jadot et un pinot noir de Bouzy de chez Paul Bara. Bouzy était le grand vin rouge à la mode à Paris et celui-ci était réellement délicieux, plus encore que le beaune. Hélas, tous les autres vins de Bouzy dégustés pendant les vingt ans qui ont suivi étaient désastreux, délavés, acidulés et parfois insipides. Je perdais l’espoir de retrouver un grand vin tranquille de Champagne. Un rouge des Riceys, millésime 1975, me le redonna. Aussi, dès le début de mon amitié avec la famille Égly, je n’eus de cesse d’essayer de réaliser ce rêve. Francis, le fils de Michel, le souhaitait aussi. Grâce à la qualité de sa viticulture et avec l’aide de notre ami et complice Dominique Laurent, après trois millésimes consécutifs de recherche et d’améliorations, Francis produisit le grand vin rouge que tous les observateurs considèrent comme un modèle pour la Champagne. Densité et élégance de la matière, beauté du parfum, grande possibilité de vieillissement. Aujourd’hui, tous les producteurs perfectionnistes essaient de retrouver le secret de l’élaboration de grands vins tranquilles de terroir.

Et Cristal devint cristal
Cristal est une cuvée de prestige très souvent désarmante, même pour ses élaborateurs. Quand ils la dégustaient jeune, à la fin des années 1990, Jean-Claude Rouzaud et Michel Pansu, son regretté chef de cave disparu cette année, ne la reconnaissaient pas et n’y trouvaient pas la finesse et la pureté de leur assemblage initial. Il leur fallait sept ou huit ans après dégorgement pour les retrouver. Jean-Claude Rouzaud, œnologue lui-même, et Michel Pansu divergeaient sur la façon de doser la cuvée. Jean-Claude préférait utiliser pour le dosage un vin de réserve longtemps vieilli sous foudre. Michel choisissait un vin plus jeune, souvent du même millésime, estimant qu’il s’intégrait immédiatement et avec plus de facilité. Très intelligemment, Jean-Claude eut l’idée de convoquer un petit groupe d’amis de la maison lors du dosage du cristal 1990. Il leur demanda de déguster différentes propositions à l’aveugle et d’indiquer leur préférence. J’ai eu l’honneur et le plaisir de participer à cette dégustation. Naturellement, Jean-Claude et une partie des dégustateurs eurent une légère préférence pour le dosage traditionnel. De mon côté, avec quelques autres, je préférais nettement le dosage proposé par Michel Pansu et son équipe, dont commençait à faire partie un certain Jean-Baptiste Lécaillon qui dirige aujourd’hui si brillamment toutes les propriétés de la maison. Jean-Claude s’inclina et accepta la proposition faite avec le vin du même millésime. Depuis, la cuvée a gagné un ou deux ans supplémentaires de vieillissement avant dégorgement. Le vignoble qui la produit est encore mieux défini, s’appuyant sur les sols les plus crayeux du domaine de la maison. Sa finesse, sa pureté et son caractère cristallin sont devenus encore plus évidents. Lui reste encore à gagner lors du dosage un ou deux grammes de sucre de moins comme les millésimes plus anciens désormais régulièrement remis sur le marché. Et je pourrai mourir heureux pour mes amis de la maison et tous les amateurs de ce vin incomparable.

Au nom de Saint-Thierry
Un 25 décembre, vers l’an 500. Un roi franc salien nommé Clovis se fait baptiser par l’évêque Rémi, suite à sa victoire sur les Alamans, dans l’ancienne cathédrale de Reims. On l’imagine debout dans ce qui ressemblerait à une cuve en bois de vinification remplie à moitié de liquide. Pourquoi pas du vin issu du vignoble le plus proche, à quelques kilomètres de distance, regardant un village nommé Saint-Thierry ? Quand on s’intéresse à la qualité historique des terroirs champenois, on ne comprend pas pourquoi les vignes de ce massif si réputé autrefois n’ont pas vu leur qualité reconnue par la classification commerciale officielle dont se réclament les premiers et grands crus. On se demande aussi pourquoi la légendaire veuve Clicquot avait acquis un superbe clos voisin de l’église de Saint-Thierry. Il y a plus de vingt ans, lors de mes dégustations intensives des champagnes de vignerons champenois, j’avais remarqué la qualité des vins du domaine Chartogne-Taillet, dont la propriétaire dirigeait le syndicat. Les trois beaux cépages chardonnay, pinot meunier, pinot noir, plantés sur les sols sableux de Merfy partageaient tous la même finesse. Alexandre, le fils d’Élisabeth Chartogne, considéré par Anselme Selosse comme son meilleur disciple, lui a brillamment succédé et a mis en valeur avec encore plus de précision la subtilité des différents lieux-dits de sa commune, au cœur du massif de Saint-Thierry, avec une reconnaissance internationale méritée. Restait le mystère du clos de Madame Clicquot. J’avais évoqué avec Dominique Demarville, quand il était chef de cave de la maison, la possibilité de le mettre en valeur et il était parfaitement d’accord pour le faire. J’espère qu’un jour son successeur persuadera sa direction de créer une cuvée spéciale qui serait une redécouverte d’un grand passé oublié, mais issu du patrimoine dont il a la charge.

Billecart-Salmon et le mur de barriques
Depuis les années 1980, trop de Champenois avaient abandonné la vinification en barrique, la remplaçant par des cuves en acier inoxydable. On y contrôlait plus facilement la température et l’hygiène mais, à mon sens, on y perdait en complexité. Il me semblait anormal de réserver à Krug ou Bollinger le monopole de la vinification traditionnelle. Et partout où je passais déguster les vins tranquilles, je faisais du lobbying pour convaincre les chefs de cave de revenir à la vinification sous bois. Sans grand succès, sauf chez quelques vignerons qui me confirmaient dans mes convictions. Quelques maisons avaient quand même conservé des foudres qu’elles destinaient au vieillissement des vins de réserve utilisés pour le dosage, une initiative qui m’a toujours semblé beaucoup plus discutable. L’infatigable Alexandre Bader, qui depuis si longtemps dirige commercialement la maison Billecart-Salmon, m’a heureusement pris au mot et me fit un jour, en souriant, découvrir un véritable mur de barriques dans l’impeccable chai de la maison. S’ajoute désormais une batterie superbe de foudres parfaitement entretenus qui contribuent à l’excellence et à la complexité des vins de la maison. Son exemple sera certainement imité un jour ou l’autre par toutes les grandes maisons, y compris Dom Pérignon, comme mon petit doigt me le suggère.

Renaissance de Cramant
Tout dégustateur voulant comprendre le vin de Champagne se doit de déguster quelques semaines après leur vinification les vins tranquilles qui seront la base des assemblages propres à leurs cuvées. À chaque fois que je dégustais les vins tranquilles des grandes maisons, j’étais impressionné par l’élégance, la délicatesse et la subtilité des vins du secteur de Cramant. Mais chaque fois que je dégustais un champagne issu de ce secteur, à l’exception des vins de Diebolt-Valois et de Lilbert, j’étais fort déçu par rapport à leurs pairs d’Avize, de Vertus ou du Mesnil-sur-Oger. J’avais aussi la chance de déguster très souvent les grands vins de mon ami Anselme Selosse. Un heureux hasard m’a permis il y a une dizaine d’années de rencontrer deux vignerons très motivés, habitant Cramant, Gilles Lancelot et Richard Fouquet (Champagne Guiborat). Richard fut le premier à reconsidérer sa viticulture et ses vinifications avec l’appui de Karine, son épouse, remarquable œnologue. En particulier en allongeant ses élevages sur pointe et en adoptant de mettre fin à la fermentation malolactique des vins tranquilles. Il obtient ainsi des vins d’une confondante cristallinité, en particulier sa sublime cuvée « De Caurés à Mont-Aigü ». Depuis quelques années, Gilles Lancelot a lui aussi magnifiquement affiné son étonnante cuvée Marie et sa bien nommée cuvée Table Ronde, son épouse cordon bleu étant née Perceval. Son fils l’ayant rejoint, ils ont créé un délicat champagne rosé astucieusement appelé La Dame du Lac. Les bulles sont légères, le goût exquis et ces vins font honneur à leur village.

La création des Cintres
Mes vingt-deux ans passés à la direction de La Revue du vin de France ont suivi le sillage tracé par son fondateur, Raymond Baudoin, qui avait persuadé un membre de la famille Collard, au début des années 1950, de commercialiser le vin qu’il produisait sur le magnifique coteau des Goisses sous le nom de Clos des Goisses, pour imiter les clos célèbres de Bourgogne et leur avantage commercial de monopole. J’ai évidemment suivi les différents millésimes de cette cuvée que Raymond Baudouin avait inscrite sur la carte des vins de grands restaurants étoilés, sous l’égide de l’Académie du vin de France dont il était l’un des fondateurs. Tout naturellement, lorsque Charles Philipponnat a repris la direction de la maison qui porte le nom de son grand-père, j’étais présent au moment des vendanges pour goûter les vins tranquilles. L’amitié immédiate qui est née entre nous me permit de discuter librement du style de cette cuvée Clos des Goisses et du caractère unique et magnifique de son vin. Une seule chose me gênait un peu. Sur ce coteau incomparable, pinot noir et chardonnay sont marqués par leur terroir, mais je pensais qu’une cuvée de pur pinot noir serait capable de rivaliser avec celle que mon ami Francis Égly produisait depuis quelques années à Ambonnay, avec peut-être encore plus de minéralité. La mode des grands blancs de noirs étant désormais bien installée en Champagne, Charles n’a pas eu trop de mal à sélectionner quelques barriques de pinot noir issu du secteur le plus éloquent du coteau pour ce cépage. Ainsi est née la merveilleuse et rare cuvée Les Cintres. J’espère que d’autres lieux-dits exceptionnels en tant que grands terroirs de pinot noir produiront eux aussi leur blanc de noirs. Je crois savoir que quelques-uns sont en préparation.

Les fêtes en grand format

Champagne Philipponnat, Clos des Goisses 2013

Installée à Aÿ et Mareuil-sur-Aÿ, la maison Philipponnat poursuit depuis cinq siècles une histoire familiale intimement liée à ces terroirs d’exception. Si toute sa gamme mérite l’attention, elle doit sa renommée au Clos des Goisses, acquis en 1935, et qui est le plus vaste clos de la Champagne (cinq hectares et demi en pente abrupte) dominant la Marne.
Sous l’impulsion de Charles Philipponnat depuis le début des années 2000, la maison n’a cessé de gagner en précision, en cave comme au vignoble, où les équipes veillent avec rigueur au respect des gestes essentiels pour préserver ce patrimoine unique. Les champagnes affichent un style reconnaissable entre tous : complexe, riche et d’une grande précision aromatique. Cette cuvée offre une magnifique expression du terroir, magnifiée par une fermentation sous bois parfaitement maîtrisée. On apprécie le charisme et l’intensité de ce millésime 2013, aux nobles notes de fruits jaunes mûrs et à la vinosité affirmée.
97/100 – 640 euros le magnum disponible ici

 

Château de Beaucastel 2021, châteauneuf-du-pape

Depuis 1909, cette propriété emblématique de Châteauneuf-du-Pape appartient à la famille Perrin, qui en a fait une référence incontournable et un vignoble d’excellence, produisant des vins grandioses et profondément identitaires dans les deux couleurs. Le domaine repose sur un encépagement complexe où le mourvèdre, présent sur près d’un tiers des surfaces, apporte structure et profondeur, tandis que le grenache confère finesse et fraîcheur, atouts précieux face au réchauffement climatique. Le nouveau chai, bioclimatique et construit avec des matériaux durables, témoigne de l’engagement de cette famille passionnée en faveur d’une viticulture d’avenir. Superbe nez, aux senteurs de poivre blanc et de tabac, déjà avenant et ouvert, la bouche de ce 2021 se révèle pleine, caressante, d’une grande tendreté de tannin. Un grand vin, vibrant de vigueur et de classe.
95/100 – 206 euros le magnum disponible ici

 

Domaine Faiveley, La Framboisière (monopole) 2022, mercurey

La famille Faiveley a bâti au fil des générations l’un des domaines majeurs de Bourgogne, devenu aujourd’hui un ambassadeur incontournable des grands pinots noirs et chardonnays dans le monde. Elle propose des vins remarquables à tous les niveaux de prix, sans jamais renoncer à une exigence de qualité et de style constamment réaffirmée. Sous l’impulsion d’Erwan et Eve Faiveley, l’équipe actuelle conduit le domaine avec une maîtrise qui permet à l’ensemble de la gamme d’afficher une régularité exemplaire. Ce pinot noir porte admirablement son nom : typé par son terroir, il dévoile des saveurs intenses de fruits rouges (framboise), relevées par de délicates notes de cuir noble. La bouche offre complexité, précision et une finale ciselée.
92/100 – 87 euros le magnum disponible ici

 

Château Haut-Bailly, Haut-Bailly·II 2021, pessac-léognan

Régulièrement citée parmi les pessac-léognan les plus remarquables de l’appellation, cette propriété, reprise en 1998 par la famille Wilmers, s’appuie sur un vignoble de 30 hectares qui demeuré inchangé depuis le XIXe siècle. Son patrimoine végétal exceptionnel (certains pieds atteignant 120 ans) est entretenu avec un soin exemplaire par une équipe technique performante, administrée avec passion par Véronique Sanders et dirigée sur le plan œnologique par Gabriel Vialard. Second vin de la propriété, Haut-Bailly II se distingue par une régularité sans faille et une élégance évidente. Cet assemblage classique séduit par sa précision et sa gourmandise, tout en conservant une finesse remarquable. Un 2021 accessible, déjà délicieux, mais promis à un bel avenir.
91/100 – 80 euros le magnum disponible ici

 

Domaine Antoine Sanzay, La Paterne 2022, saumur-champigny

Antoine Sanzay cultive ses 12 hectares en agriculture biologique certifiée et signe des vins qui brillent par leur finesse et leur fraîcheur. Ces derniers millésimes ont vu l’ensemble de la gamme gagner en élégance et en définition de texture, tout en affirmant un véritable caractère ligérien : fruit éclatant, tension et fraîcheur. Pur cabernet franc, la cuvée Paterne se déguste avec un plaisir immédiat et séduit par un fruit parfaitement exprimé, porté en bouche par un tanin juteux et sphérique, et par une belle gourmandise.
92/100 – 35 euros le magnum disponible ici

 

Château de Pressac 2022, saint-émilion grand cru

Depuis 1997, Jean-François Quenin consacre toute son énergie à ce cru qu’il a patiemment replanté. Implanté sur une veine argilo-calcaire à sol rouge, le vignoble de 40 hectares s’étend jusqu’à Saint-Étienne-de-Lisse, au cœur d’un secteur particulièrement intéressant de l’appellation saint-émilion. Les vins, d’une régularité exemplaire, se distinguent par une profondeur vibrante, un raffinement de texture remarquable et un caractère aromatique complexe et singulier. Une propriété à suivre de près, d’autant que les prix demeurent très sages. Grande réussite pour ce 2022 charmeur, qui allie complexité et profondeur en bouche, avec une finale intense et aérienne, marquée par des notes de bulbe d’iris et de craie. Un vin enthousiasmant.
96/100 – 69 euros le magnum disponible ici

 

Chine, le vignoble du ciel

Dans le sud-ouest de la Chine, au Yunnan, au cœur de la région des Trois Fleuves, là ou courent trois des grands fleuves d’Asie (le Yangzi, le Mékong et la Salouen), développer des vignobles d’altitude produisant des vins de haute qualité est le défi relevé aujourd’hui par une poignée d’acteurs déterminés à mettre cette province montagneuse sur la carte des grands vins du monde. En pionniers, Château Célèbre, Ao Yun, Muxin, Xiaoling, Shangri-La Winery et quelques autres se sont ainsi engagés dans les pas des missionnaires vignerons de la fin du XIXᵉ siècle qui ont implanté la culture de la vigne dans cette région difficile d’accès, au paysage d’une beauté à couper le souffle, classé au patrimoine mondial de l’Unesco. L’arrivée des premiers missionnaires dans cette contrée située entre le Tibet et la Chine date de 1865. En 1905, dans un contexte de fortes tensions interethniques, ils sont massacrés et l’église qu’il ont bâtie est incendiée. En guise de réparation, ils sont autorisés à construire en 1914 un nouveau lieu de culte qu’ils entourent de vignobles. En 1952, lorsque ces missionnaires sont expulsés du pays, ils sont laissés à l’abandon. Seuls quelques plantations de baco noir sont maintenues, puisque les raisins de ce cépage sont consommés localement. En 1997, un certain Augustin, chef de la communauté catholique de la région, relance la production de vin à la suite des encouragements du gouvernement chinois qui veut développer des produits régionaux. Il reçoit l’aide d’une religieuse de Yen Ting, formée à la vinification par les missionnaires, qui lui transmet les bases du métier. Rapidement, Augustin incite les villageois à planter des vignes et à produire du vin. En 2002, intéressé par cette renaissance, le gouvernement chinois dépêche sur place des experts pour collaborer avec Mei Li Winery, la société d’état qu’il charge de développer l’activité viticole de la région. Après quelques années infructueuses, la mission est confiée à Shangri-La Winery, elle aussi détenue par l’État, qui détient désormais seule le droit de créer de nouveaux vignobles. Les fermiers locaux déjà propriétaires restent libres de vendre leur production, ce qui a permis la naissance de nouveaux domaines, comme Xiaoling en 2014.

S’appuyer sur les populations locales
Bien qu’il attire l’attention du gouvernement, des entreprises et de quelques investisseurs privés, ce nouvel eldorado de la vigne en Chine est difficile à conquérir. Les routes reliant les principales villes de la région n’ont été asphaltées que récemment. Celles menant des axes principaux jusqu’aux villages en altitude et aux vignobles sont étroites, longeant des précipices vertigineux et souvent menacées par des glissements de terrain ou rendues dangereuses par des yacks traversant la route avec une indifférence certaine. Dans ces conditions, l’acheminement du matériel technique nécessaire à la vinification relève de l’exploit. Difficile également d’attirer de jeunes travailleurs qualifiés dans ce secteur reculé où les infrastructures sont encore très rigoureuses. Installée sur les pentes et les plateaux de ces vallées, la population tibétaine locale, qui vit ici depuis des générations en quasi-autarcie, pratique une agriculture mixte autour de petits hameaux disséminés sur les flancs des montagnes. Le gouvernement tente de leur offrir éducation (nombre de quadragénaires sont analphabètes) et soins médicaux. Les domaines s’appuient sur ce réseau de familles, auxquelles ils louent des parcelles. Afin d’améliorer la qualité des raisins, il a fallu convaincre ces fermiers-vignerons habitués à maximiser leur production pour la vendre ou la consommer, des avantages d’une limitation des rendements. Des négociations subtiles qui reposent sur l’organisation traditionnelle locale, sous l’autorité d’un chef de village qui coordonne le travail quotidien et les relations avec le domaine. La technologie facilite les échanges de travail. Via des groupes WeChat (l’équivalent chinois de WhatsApp), la moindre tache suspecte sur une feuille de vigne est photographiée puis transmise au responsable viticole, qui recommande un traitement adapté ou se rend sur place.

Une même ambition
Comme c’est le cas pour Ao Yun, propriété de LVMH, certains domaines choisissent d’importer leur savoir-faire, laissant la direction des vignobles à des œnologues étrangers ou à des viticulteurs formés dans d’autres régions chinoises, voire à l’étranger. Le domaine Xiaoling, à l’inverse, a choisi de confier la gestion de ses vignes à de jeunes habitants locaux formés progressivement par des conseillers et par les anciens. L’importation de matériel végétal étranger étant interdite en Chine, les nouvelles plantations se font de concert avec les pépinières chinoises, même si une large partie des vignes actuellement en production sont l’héritage des générations passées ou d’origine inconnue. Les vignobles, comme ces hameaux où vivent les familles, sont éparpillés tout au long des vallées, se répartissant sur les pentes ou les terrasses à des altitudes comprises entre 1 800 et 2 800 mètres. L’air y est très pur et le soleil, s’il n’illumine que tardivement ces vallées dans la journée, brille d’une rare intensité. Les eaux de fonte issues des sommets sont habilement canalisées par des tuyaux permettant une irrigation adaptée, par des systèmes de goutte à goutte ou à plein débit. Malgré l’altitude, les températures hivernales descendent rarement sous les – 2°C. Les vignes n’ont donc pas besoin d’être enterrées, comme c’est le cas dans d’autres régions viticoles chinoises. La maturation du raisin, plus lente, dure entre 150 et 160 jours contre 100 à 120 jours en Europe. Des différences que les viticulteurs et les œnologues continuent d’apprendre à maîtriser dans une volonté ambitieuse mais affirmée de produire les meilleurs vins du monde à partir de raisins d’exception. Cette conviction est d’ailleurs celle des domaines pionniers de la région, intimement convaincus du potentiel de leurs vignobles et de la qualité de ces terroirs extraordinaires. C’est sans doute aussi leur seul point commun tant leurs ressources ou leurs approches les opposent.

À suivre de près
Avec pour mission de développer la filière vinicole régionale, la Shangri-La Winery mandatée par le gouvernement au début du siècle dispose d’un très large accès au foncier du secteur, ce qui lui permet d’expérimenter de nombreux cépages et des assemblages très variés. Le domaine Château Célèbre, fondé par deux frères venus du commerce du thé qui se sont intéressés au vin après plusieurs voyages d’étude au Chili, a fait de la viticulture d’altitude le socle de son projet. La production s’articule ici autour d’un bordeaux blend (Dan Shen Di), d’une gamme de vins parcellaires et d’une gamme de vins de plaisir (Allofme). Conseillés par Patrick Valette, les deux frères ont désormais confié la direction des vignes et du chai à son gendre, Vianney Jacqmin. Déjà célèbre de notre côté du monde, Ao Yun commercialise son grand vin rouge via la place de Bordeaux, tout comme trois cuvées parcellaires et sa toute dernière création, un vin blanc d’une grande finesse imaginé en 2020 lors de la pandémie de Covid. Jeune Chinois originaire de Tsing Tao, Mu Chao élabore quant à lui un chardonnay d’une finesse incomparable et un rouge d’assemblage sur le domaine qu’il a créé, baptisé Muxin. Ce technicien formé auprès des meilleurs vignerons français et américains a également travaillé le temps de trois vendanges pour le domaine Xiaoling, dont les débuts ont été accompagnés par l’œnologue valaisan Yves Roduit, resté deux ans sur place. Désormais, c’est Fung Tien et Li Da qui ont la responsabilité de ce projet mené dans la continuité du travail des missionnaires, sous la supervision de Sylvain Pitiot, l’ex-régisseur du Clos de Tart et associé du domaine. Tous sont des pionniers dans cette région qui suscite aujourd’hui l’intérêt des grands acteurs internationaux, tel l’australien Penfolds, mais aussi locaux, comme les domaines Xige ou Petit Mont, trop jeunes encore pour présenter les fruits de leurs premières récoltes.


Un vignoble engagé

Le château Célèbre et le domaine Xiaoling ont fait le choix de soutenir les populations locales dont dépend leur activité. Xiaoling aide les villages catholiques du Haut-Mékong via l’association Les Sentiers du Ciel. Le domaine privilégie la main-d’œuvre locale plutôt que l’automatisation et favorise les achats sur place dès que possible. Pendant les vendanges, c’est l’équivalent de la population d’un village qui travaille au tri du raisin et au chai. Le domaine emploie les personnes âgées et ceux qui maîtrisent mal le chinois, exclus du marché du travail. Château Célèbre, de son côté, reverse une partie des bénéfices générés par Allofme, sa gamme de vins au style et au prix accessibles, auprès d’actions visant à soutenir les femmes tibétaines, piliers de l’activité des villages, chargées à la fois des enfants et de la terre.


La dégustation

Les blancs

Clos Mao, Light Chardonnay 2023
Robe dorée, nez floral et fruité (pêche, coing) sur des notes minérales harmonieuses. La bouche, vive et élégante, est portée par un élevage en fût remarquable. Les saveurs de sésame et d’amande grillée évoquent celles d’un corton-charlemagne. Chardonnay noble, délicat et complexe.
98/100 – 150 euros

Domaine YiTong, Bijianliuquan Chardonnay 2023
Robe doré soutenu, nez sur les notes de pêche et de fruits jaunes, avec des parfums de cire d’abeille, de clou de girofle et une touche fumée. La bouche, fruitée et complexe,
se termine par une finale légèrement oxydative.
91/100 – 110 euros

Flower & Cloud Winery, Vidal (icewine) 2023
Robe dorée et lumineuse. Nez sur les notes de citron, de vanille, de fruits confits, de cannelle avec une légère touche fumée. La bouche est soutenue par une acidité vive et une belle structure. Un vin délicat et raffiné, à l’équilibre remarquable.
93/100 – 35 euros

Jiangyu Ferment, Cloud Chardonnay 2023
Robe or soutenu, nez sur les notes de biscuit salé, de fruits mûrs et de cire d’abeille. La bouche marquée par une vive effervescence allie salinité délicate et tension, avec des saveurs d’ananas rôti, de pomme cuite, de pignon et noisette. Un chardonnay à la texture généreuse et une expression sincère du terroir de Meli.
95/100 – 45 euros

MuHan Winery, In² Chardonnay 2024
Nez pur et concentré, mêlant fleurs blanches, fruits juteux, crème, pignon et noisette, avec une légère touche réductive. La bouche déploie une tension remarquable et une belle énergie. Finale douce, longue et persistante, fidèle à son terroir.
92/100 – 95 euros

Snow Mountain Vineyard, Chardonnay 2023
Nez d’une pureté remarquable, mêlant fleurs blanches, pomme verte et pamplemousse, où le fruit s’exprime avec intensité. La bouche, vive et structurée, révèle une minéralité cristalline évoquant l’eau de fonte des neiges. L’élevage, légèrement perceptible, apporte des nuances de crème fraîche et un caractère discrètement réducteur, conférant
une fraîcheur persistante en finale.
92/100 – 62 euros

Xiaoling Estate, Grand Vin Blanc Chardonnay 2023
Robe or pâle, nez floral avec des notes d’orange confite et de pêche. La bouche, ronde et structurée, avec une acidité parfaitement intégrée, révèle des arômes de sésame et de prune séchée, ponctué d’une touche saline. Généreux et séduisant, un chardonnay de belle complexité.
96/100 – 250 euros

Les rouges

Ao Yun 2020
Robe profonde et arômes complexes de fruits rouges, rehaussés de notes épicées, de cèdre et de tabac. En bouche, des tannins soyeux et savoureux offrent une structure présente tout conservant beaucoup d’élégance. Grand vin.
97/100 – 310 euros

Domaine de Dameiyong, Cabernet Sauvignon Reserve 2023
Robe rubis profond. Nez confituré sur les fruits rouges et noirs très mûrs, avec une touche boisée. Bouche douce et généreuse, à l’attaque ronde et à la texture juteuse et charnue. Les tannins fins et frais lui donnent un bel équilibre.
92/100 – 75 euros

Domaine YiTong, Luoxia (Pinot Noir) 2023
Robe pourpre intense. Nez sur les notes de violette, de cerise noire, de canneberge, de noisette avec une pointe de poivre blanc. Tannins ronds et acidité vive en bouche, où les saveurs sont complexes et équilibrées. Un profil atypique pour un pinot noir, qui séduit par son style et sa personnalité
92/100 – 110 euros

Jiangyu Ferment, 6000 Li Cabernet Sauvignon 2023
Robe rubis violet, légèrement translucide. Nez sur les notes de cassis, de cerise kirschée, de prune séchée, de vanille et d’épices, évoquant le chocolat Mon Chéri. Bouche droite et élancée, avec une acidité vive, des tannins fins. Frais, facile à boire, avec une finale de longueur moyenne et une légère perception de sucre résiduel.
92/100 – 43 euros

Jiangyu Ferment, 6000 Li Cabernet Sauvignon 2022
Parfums de noisette, de clou de girofle, de cerise et de prune, avec une note boisée bien intégrée. La bouche aérienne est marquée par les saveurs de cerise et de framboise, avec des tannins fins et une minéralité saillante. Un cabernet assez virtuose.
94/100 – 40 euros

Medo Shangri-La, Farmentation Syrah 2021
Nez franc de fruits frais, rehaussé de notes d’épices, de menthol et d’eucalyptus, avec une fraîcheur herbacée. La bouche, souple et juteuse, est portée par des tannins soyeux, une rondeur élégante et une finale moyennement longue, soulignée par une discrète note fumée, noble et racée.
93/100 – 40 euros

Shangri-La Winery, Sacred Legends Cabernet Sauvignon 2020
Nez complexe sur les notes de cassis et de petits fruits noirs légèrement confiturés, relevé d’arômes de poivre blanc. Bouche fruitée et fluide aux tannins bien extraits, donnant un bon potentiel de vieillissement à ce vin qui exprime son terroir.
93/100 – 154 euros

Shenchuan Winery, Steep Cabernet-Sauvignon 2020
Fruité d’une maturité remarquable, avec des notes de menthol, de fumée et d’épices. Des tannins fins et une tension en bouche soutiennent la structure solide de ce vin puissant et équilibré, malgré un fort degré d’alcool.
92/100 – 58 euros

Snow Mountain Vineyard, Cabernet Sauvignon 2023
Nez fruité, frais et expressif, rehaussé de notes de fumée, de boîte à cigares et d’épices. La bouche est suave avec des touches de fruits rouges, des tannins bien dessinés et une structure architecturée, avec une belle longueur.
93/100 – 62 euros

Snow Mountain Vineyard, Pinot Noir 2024
Nez élégant sur les arômes de pivoine, framboise, canneberge et feuilles sèches. La bouche, délicate et complexe, est sublimée par un élevage maîtrisé, avec des tannins soyeux et une finale équilibrée et d’une belle persistance.
94/100 – 62 euros

Snow Mountain Vineyard, Syrah 2024
Nez typique du cépage, mêlant notes de violette, fruits rouges et épices (poivre). La bouche, pure et harmonieuse, entre tannins souples et acidité mesurée, est soutenue par un élevage en fût. La palette aromatique est encore en évolution, annonçant un bel avenir pour ce vin remarquable.
95/100 – 62 euros

Xiaoling Estate, Grand Vin – Cabernet Sauvignon 2020
Nez de fruits noirs mûrs, sur les notes d’épices et de cacao, avec une touche boisée, vanillée et fumée. La bouche, fraîche et saline, s’appuie sur des tannins veloutés et une structure aérienne. Après quelques années de garde, ce cabernet-sauvignon issu des hauts plateaux impressionne par sa fraîcheur.
96/100 – 240 euros

Xiaoling Estate, Nuages de Xiaoling – Merlot 2022
Robe rubis translucide, nez expressif sur les parfums de violette, de rose, de cerise et de fruits rouges. Bouche élégante, soutenue par des tannins soyeux et des saveurs de prune séchée. Corps généreux et texture raffinée, c’est un merlot d’une grande élégance.
93/100 – 36 euros

Champagne, le club des extraordinaires

Abelé 1757,
Le Sourire de Reims 2013
Le millésime 2013 de cette cuvée de prestige séduit par son raffinement et son équilibre. La bouche est onctueuse et vineuse, soutenue par une tension juste. L’ensemble, d’une belle persistance, s’impose par son allure et ravira les amateurs exigeants.
145 euros

Agrapart,
Vénus 2019
Harmonieux et complet, ce blanc de blancs porte la signature d’un long travail sur lies qui donne à la bouche beaucoup de rondeur. Finesse aromatique remarquable, puissance contenue, intensité rare, c’est un vin superbe à la hauteur de la réputation du domaine.
170 euros

Alexandre Bonnet,
Les Contrées (7 cépages) 2020
Belle cuvée, complexe et raffinée, portée par une palette aromatique à la fois florale, fruitée et minérale. La bouche, ample et savoureuse, ravit par son équilibre et sa justesse. Toujours au sommet de la gamme de maison.
100 euros

Alfred Gratien,
Brut millésimé 2008
Le nez, aux accents grillés et fumés, s’ouvre peu à peu sur les fruits secs et les épices. En bouche, on retrouve la tension propre au grandiose millésime 2008. La finale est fruitée et gourmande. Un vin promis à une longue et brillante évolution.
160 euros

Ayala,
Perle 2015
Des notes de fruits blancs très mûrs (pêche blanche, poire) et une bouche crémeuse mais dynamique. La patine donnée par le long vieillissement renforce sa gourmandise et son équilibre raffiné. La cuvée exprime la quintessence du style Ayala.
170 euros

Beaumont des Crayères,
Fleur Noire 2018
Notes délicatement parfumées de fleurs et de fruits jaunes et rouges. La bouche est profonde et veloutée, avec une finesse qui confirme le statut de cette cuvée dans la gamme de la maison.
46 euros

Besserat de Bellefon,
Blanc de blancs
Superbe cuvée avec d’élégantes notes de zestes de citron, de la finesse aromatique et une bouche d’une tonicité sans la moindre agressivité. Spirituel, fin et raffiné, c’est un chardonnay d’une grande distinction.
61 euros

Billecart-Salmon,
Rendez-vous n°7 – Meunier
Ce septième rendez-vous de la maison met en avant le meunier de Venteuil, terroir situé sur la rive droite de la Marne. Nez floral de tilleul et flouve, rehaussé de notes d’agrumes délicates. Bouche gourmande et fruitée (cerise au sirop, poire, grenade), qui se prolonge sur une finale vive, acidulée et saline.
198 euros

Boizel,
Grand Vintage 2018
Élégant, avec un nez exprimant une maturité aromatique poussée, ce champagne classique et structuré plaît par sa bulle raffinée et son allonge crémeuse. Il illustre avec justesse le savoir-faire de la maison.
67 euros

Bollinger,
La Grande Année 2015
Il se montre aujourd’hui tout en amplitude, avec un nez qui mêle fruits à noyau et fruits rouges, soutenus par de fines notes épicées. Bouche charnue, ample, généreuse, finale fraîche et intense sur les accents d’agrumes. Un vin grandiose comme à son habitude.
215 euros

Franck Bonville,
Unisson
Issu de parcelles situées à Avize et Oger, ce blanc de blancs enchante par sa dimension florale et minérale, relevée de délicates notes de zestes d’agrumes. La bouche, profonde et sereine, se déploie avec énergie.
43,60 euros

Brice,
Héritage
Dominée par le pinot noir, cette belle cuvée énergique et gourmande charme par la plénitude de son fruit et sa tonicité. Un champagne apéritif d’un grand dynamisme et sûrement l’un des meilleurs rapports qualité-prix du marché.
31 euros

Canard-Duchêne,
V 2012
Nez intense sur les notes de framboise et de fruits rouges, bouche ample et généreuse, où notes grillées et de noisette se mêlent à des touches pâtissières, prolongée par une finale longue et persistante. La cuvée de prestige de la maison impressionne, surtout à ce prix.
80 euros

Castelnau,
Blanc de blancs 2009
On retrouve au nez des notes d’agrumes très expressives, à la fois fraîches et légèrement confites. La bouche, ample et onctueuse, déploie richesse et saveurs, avec un caractère généreux.
62 euros

Cattier,
Clos du Moulin
Une bouche parfaitement équilibrée où le dosage juste met en valeur le caractère calcaire propre à ce terroir. La finale, concentrée et droite, s’achève avec beaucoup de tonus.
158 euros

Charles Heidsieck,
Brut millésimé 2018
Alliance réussie de salinité et de gourmandise, ce champagne captive par l’intégration parfaite de ses bulles et son équilibre sans mollesse. Bouche ample et juteuse, portée par des arômes de fruits jaunes, de cacao et de café torréfié, sur une finale savoureuse.
117 euros

Charpentier,
Terre d’émotion – Brut Vérité
Fidèle à son nom, c’est un champagne sans artifices, dominé par les notes florales du chardonnay complétées harmonieusement par les notes fruitées des pinots. Savoureux et direct, il brillera à l’apéritif.
41,20 euros

Chassenay d’Arce,
Audace 2017
Beaucoup de vinosité, associée à une belle finesse de texture et à une délicate palette aromatique de fruits blancs et de zestes d’agrumes. Un ensemble élégant et à l’allonge harmonieuse.
42,30 euros

Roger Coulon,
Les Hauts Partas 2018
Issu d’une vinification en fûts, il laisse transparaître un caractère de terroir indéniable, propre à Chouilly, par sa plénitude en bouche, ses saveurs intenses et sa trame saline. Grand champagne de connaisseurs, qui évoluera bien avec le temps.
106 euros

Dehours et Fils,
Brisefer
Conçu pour accompagner des plats de haute gastronomie, ce chardonnay puissant, intense et extrêmement vineux, doté d’un potentiel de garde remarquable, s’adresse aux amateurs exigeants et aux connaisseurs avertis.
72 euros

Devaux,
Augusta
Fruitée et intense, c’est une cuvée qui plaît par sa chair, sa structure et sa précision. Agréable et bien fait, voilà un champagne accessible et plaisant, d’un excellent rapport qualité-prix.
27,90 euros

Dom Pérignon,
Vintage 2008 – Plénitude 2
Grandiose expression de l’œuvre du temps qui a donné à ce 2008 du gras et de l’onctuosité, mais aussi dévoile des saveurs puissantes de fruits exotiques, tout en conservant la finesse des grands terroirs qui l’ont vu naître. Grande émotion en perspective.
460 euros

Esterlin,
Cléo 2012
On recommande ce blanc de blancs raffiné et profond, au nez complexe de fleurs séchées et d’agrumes confits. La bouche, d’une belle vinosité, se déploie avec profondeur tout en gardant une finale svelte et fraîche. Parfait à déguster dès aujourd’hui.
57,40 euros

Frèrejean Frères,
Cuvée des Hussards 2013
Élancé et subtil, marqué par des notes de fleurs séchées, de zestes et de nuances calcaires, ce champagne racé, largement dominé par de superbes chardonnays, enchante par sa dimension apéritive.
165 euros

Gatinois,
Aÿ Grand Cru 2015
Champagne à pleine maturité auquel le millésime confère beaucoup de vinosité. Notes très expressives mêlant fruits rouges et jaunes, profondeur tonique en bouche et finale très concentrée et longue. On pourra le laisser encore quelques années dans sa cave.
45 euros

Gonet Sulcova,
Grand Cru
Minéral et floral, délicatement relevé de notes citronnées, ce champagne racé incarne parfaitement le génie charmeur de la côte des Blancs. Hautement recommandable, comme tout ce que fait cette maison attachante.
35 euros

Gosset,
12 ans de cave a minima
Aérien et lumineux, le nez intense évoque la pêche blanche, la mirabelle et les agrumes, relevés d’une touche mentholée. En bouche, l’attaque ample et gourmande mêle agrumes confits, gingembre et orange sanguine, avant une finale saline persistante.
155 euros

Henriot,
Cuvée Hemera 2013
La grande cuvée de la maison est toujours un sommet de finesse par sa complexité mêlant agrumes citronnés et droiture verticale. Sérieuse dans ce millésime et sans austérité, la finale saline lui donne du caractère tout en renforçant son impression de longueur.
175 euros

Jacquesson,
Cuvée n°743 (dégorgement tardif)
Affiné par une longue autolyse, il déploie des parfums précis, où s’équilibrent épices fines et salinité crayeuse. En bouche, la texture gagne en profondeur et en tension, signant un grand champagne de gastronomie.
115 euros

Joseph Perrier,
Cuvée “200 ans” 2015
Proposé uniquement en magnum pour célébrer le 200ᵉ anniversaire de la maison, cet assemblage de chardonnay et de pinot noir, impressionne par sa tonicité et sa finesse dynamique. Encore très jeune, c’est un champagne doté d’une intensité profonde qui lui assure une belle évolution.
295 euros le magnum

Lallier,
Ouvrage
Grand champagne de gastronomie dont la puissance conviendra également à des accords plus riches. Sa persistance et sa tension finale, ponctuée de notes grillées particulièrement racées, lui donnent un style singulier.
148 euros

Lanson,
Le Blanc de blancs
Son caractère fruité et gourmand, s’allie à une bouche onctueuse et soutenue par une fine acidité, tandis que la finale, pure et tendue, révèle une salinité salivante. Superbe expression de ce millésime offrant beaucoup de rondeur.
62 euros

Laurent-Perrier,
Brut millésimé 2015
Né d’un millésime contrasté, il exprime toute la rigueur et la finesse du style maison. Nez complexe de cire d’abeille, citron confit et fleurs blanches, bouche vive, crémeuse et élégante, prolongée par des accents d’agrumes et de pain grillé.
69 euros

Le Brun de Neuville,
Blanc de noirs
Champagne gourmand et intense, réussi à la fois par son caractère accessible et par sa profondeur fruitée pleine de sève. Bien dans le style de la maison entre accessibilité et audace stylistique, c’est une belle réussite.
40,10 euros

Leclerc Briant,
Abyss 2018
La longue immersion de ce vin dans l’océan lui a sans doute donné cette texture d’une suavité et d’une onctuosité rares, tout en magnifiant la finesse aromatique et l’élégance d’une finale de toute beauté. Un vin hors du commun.
175 euros

Valentin Leflaive,
Avize Les Roches 20 – 4.0
Minéral, profond et intense, ce blanc de blancs issu du grand cru d’Avize charme par sa droiture et son expression pure et sans artifice. De la personnalité et un grand potentiel, à l’image des champagnes de la maison.
95 euros

Legras & Haas,
L’Évidence
Un grand champagne qui allie avec harmonie finesse et profondeur, porté par une élégance délicate et une minéralité joliment affirmée. Le charme épuré de sa finale en fait un vin de connaisseurs très exigeants. Il a de la classe.
46,95 euros

Lenoble,
Cuvée Gentilhomme 2012
Superbe palette aromatique dominée par de fines notes grillées. La bouche noble et très précise s’achève par une finale fraîche et séduisante qui donne à l’ensemble beaucoup de caractère. Assurément fait pour la table.
115 euros

Lombard, Verzenay 
Lieu-dit Les Corettes 2015
Il mérite encore un peu de patience, mais offre déjà une belle finesse aromatique, mêlant notes grillées, miel frais et épices douces. La bouche, précise et souple, se termine sur une finale agréable et intense, fidèle à l’esprit du millésime.
90 euros

Mailly Grand Cru,
Poétique de la Terre Variation XVIII.1
Assemblage de différents millésimes de pinot noir de Mailly élevé en fûts, envoûtant par son crémeux et son velouté en bouche. Somptueux et gourmand, il déploie des notes briochées, mais aussi florales et fruitées, avec une persistance splendide et d’une grande énergie.
99 euros

Mandois,
Clos Mandois 2012
Toujours aussi remarquable, ce vin se distingue par son intensité et sa belle personnalité. La trame minérale est bien présente, la bouche est riche en saveurs, gourmande et soutenue par une longue finale.
161 euros

Möet & Chandon,
Grand Vintage 2016
Nez délicat aux accents miellés, sans trace de réduction. La longue autolyse a donné beaucoup de fraîcheur et d’onctuosité à la bouche, tout en apportant une complexité aromatique qu’on retrouve jusque dans la finale. Appréciable dès maintenant et encore meilleur demain.
68 euros

Mumm,
RSRV Blanc de blancs 2015
Blanc de blancs salin et tonique, qui exprime bien la fraîcheur crayeuse des chardonnays de Cramant. Notes d’agrumes, de tarte au citron meringuée et de pêche blanche, bouche droite, incisive et minérale, où le dosage s’intègre avec justesse et la longueur impressionne.
60 euros

Bruno Paillard,
Cuvée 72
Grand bouquet complexe, mêlant des notes de zestes et de fruits rouges à des arômes de fleurs séchées et de fruits confits. Issu d’une solera et d’une année de base, il a bénéficié de 36 mois d’élevage sur lies, puis de 36 mois supplémentaires en bouteille après dégorgement.
69 euros

Palmer & Co,
Grands Terroirs 2015
Entre puissance solaire et fraîcheur, le nez affiche de subtiles notes de fleurs blanches, de fruits jaunes et d’ananas. Bouche crémeuse et gourmande, sur les saveurs d’agrumes, de brioche et de fruits secs, prolongée par une finale aux délicats amers de mandarine. Intense et élégant.
76 euros

Pannier,
Vintage 2018
Gourmand et souple, il mêle fruits rouges, agrumes et zestes. La bouche, ample et minérale, révèle des saveurs de pêches jaunes et d’abricots frais, équilibrée par une fraîcheur maîtrisée et une vinosité agréable.
44 euros

Perrier-Jouët,
Belle Époque Blanc de blancs 2017
Fins parfums de fleurs (orchidée, rose blanche), arômes fruités très purs, frais et aériens. La bouche, élégante et légère, reflète la noblesse des grands crus qui composent ce blanc de blancs iconique à la finale ciselée et longue.
380 euros

Philipponnat,
Blanc de noirs 2019
Splendide intensité aromatique, énergie et complexité, avec un dosage parfait qui soutient la forte personnalité de ce blanc de noirs sublime, reflétant avec évidence de grandes origines de raisins noirs. Nouvelle prouesse de cette maison si douée dans l’art de l’assemblage.
76 euros

Piper-Heidsieck,
Vintage 2018
Robe d’un bel or brillant, nez finement bouqueté mêlant agrumes et fruits confits, avec des touches florales et épicées délicates. La bouche séduit par son allonge veloutée et sa texture soyeuse. Brillant et raffiné, c’est une manière de redécouvrir cette maison qui a tant de choses à montrer.
66 euros

Pol Roger,
Vintage 2018
Encore très jeune, mais déjà expressif et complet, il déploie un fruit éclatant et une bouche longue et gourmande, alliant rondeur délicieuse et puissante énergie. Du grand art pour ce millésime qui marquera l’histoire de la maison.
76 euros

Pommery,
Brut Apanage
Assemblage de trois millésimes (2018, 2015 et 2012) complété par une réserve perpétuelle, surprenant par sa complexité aromatique entre notes de fruits confits et notes florales. C’est l’archétype du champagne de fête, élégant et raffiné.
70 euros

André Robert,
Terre du Mesnil 2019
Grâce à une vinification sous bois parfaitement maîtrisée, ce vin se révèle ambitieux, tout en restant remarquablement délicat et alerte. L’ensemble séduit par son allonge, sa classe, et promet une belle évolution en cave.
75 euros

Louis Roederer,
Blanc de blancs 2016
Issu principalement des grands crus de la maison, il déploie une énergie magnifique et équilibre avec justesse la salinité minérale et le fruité, reflet de la craie argileuse des parcelles sélectionnées. Parfaitement conforme à ce qu’on peut attendre de cette maison d’excellence.
90 euros

Barons de Rothschild,
Rare Collection 2014
Ce chardonnay issu de quatre grands crus (Avize, Cramant, Oger, Le Mesnil-sur-Oger) profite d’un long vieillissement sur lies pour afficher du corps, de l’élégance et de la finesse. Les notes d’agrumes et minérales confèrent du style à l’ensemble.
316 euros

Ruinart, Dom Ruinart 
Blanc de blancs 2013
Issu d’une vendange tardive, cet assemblage magistral de chardonnays issus de grands crus d’exception offre une fraîcheur cristalline et une tension remarquable. Tiré sous liège et élevé près de dix ans, il déploie des arômes d’agrumes, d’épices intenses et de fruits aux nuances poivrées.
265 euros

Sanger, Triangle Minéral 
Les Maladreries 2018
Nez intense, ouvert sur les épices et les fruits secs ou à noyau. La bouche, de bon corps, se montre précise, élégante et facile à boire, avec caractère et densité. Fraîcheur et minéralité soulignent la finale, longue et généreuse.
50,90 euros

Taittinger,
Prélude Grands Crus
Cet assemblage issu des meilleurs grands crus à disposition de la maison offre un équilibre parfait entre tension et puissance aromatique. Nez frais de fleurs de sureau, avec des touches minérales et épicées, bouche vive puis ample, qui s’achève sur une finale longue et précise.
62 euros

Telmont,
Blanc de blancs 2015
Blanc de blancs croquant et vineux, offrant une belle palette aromatique sur les notes salines et les agrumes confits. La bouche, intense et nerveuse, déploie profondeur et persistance. Prêt à être dégusté aujourd’hui.
144 euros

De Venoge,
Louis XV 2015
Une cuvée parvenue à sa pleine maturité, au bouquet expressif mêlant notes briochées, fruitées et florales. La bouche surprend par sa saveur harmonieuse et gourmande, vineuse et longue, alliant équilibre et générosité.
200 euros

Veuve Clicquot,
La Grande Dame 2018
Cette cuvée impressionne par sa puissance florale et ses notes d’épices, avec un toucher soyeux et un volume sphérique en bouche, promettant une belle évolution. La finale d’une minéralité remarquable, mêle parfums de jasmin et d’acacia, avec des saveurs de poire juteuse et de clémentine. À déguster au côté d’une cuisine d’exception.
190 euros

Veuve Fourny,
Blanc de blancs Premier Cru
Notes d’agrumes et caractère floral au nez, beaucoup de tonicité et d’élégance en bouche, ce vin fin et persistant impressionne par son harmonie. Finale ciselée sur les notes de craie et de bergamote. Rapport qualité-prix imbattable.
39,50 euros

Vranken,
Diamant 2014
Fidèle au style apéritif de cette cuvée, mais avec dans ce millésime une chair enveloppante et une palette aromatique qui entre dans sa maturité, avec des notes miellées, confites et florales. Il fera son effet, y compris auprès d’amateurs pointus.
110 euros

Le champagne en couleur

Si le champagne a bâti son prestige et sa réputation sur l’art de l’assemblage, le paroxysme de cet exercice tient sans doute dans la réalisation d’un grand rosé. Il s’en vendait à peine 800 000 bouteilles en 1989. Aujourd’hui, la catégorie représente 10 à 12 % des quelques 300 millions de cols qui sortent des caves. Et elle est plutôt bien valorisée et donc choyée par tous les acteurs de la Champagne, puisqu’à niveau égal dans leur gamme, le rosé est toujours mieux positionné que le blanc. Il existe classiquement deux techniques pour l’élaborer. La plus commune consiste à ajouter une petite proportion de vin rouge à un assemblage de vins blancs, pratique interdite pour les vins rosés tranquilles et même les crémants rosés, mais parfaitement légale en Champagne. L’autre, plus rare, notamment chez les grandes maisons, car plus aléatoire pour obtenir l’intensité colorante souhaitée, consiste à pratiquer une saignée sur une cuve de moûts rouges en cours de macération. La maison Laurent-Perrier a fait de ces rosés de saignée l’une de ses grandes spécificités. Tout comme Nicolas Feuillatte qui la pratique pour sa cuvée de prestige Palmes d’Or Rosé Intense. Guillaume Roffiaen, le chef de cave de la maison, précise : « Rosé Intense s’appuie une macération de vins issus pour moitié du secteur de Bouzy, qui apporte un côté poivré et du secteur des Riceys, qui donne des notes de fraise écrasée ». Une troisième voie existe, empruntée par certains producteurs à l’image de la maison Louis Roederer pour sa cuvée Cristal rosé, qui consiste à cofermenter des raisins blancs et des raisins rouges. « La méthode a été mise au point par Jean-Claude Rouzaud dès les années 1970, pour la première édition de Cristal rosé », explique Jean-Baptiste Lécaillon, le chef de cave de Roederer. « Nous avons été plus loin en introduisant une macération préfermentaire à zéro degré qui permet de renforcer le caractère fruité, mais aussi, de mon point de vue, de mieux fixer la couleur et de marier les arômes. »

Multiples visages
Nombre de paramètres expliquent la palette chromatique des champagnes rosés, des teintes fuchsia jusqu’aux robes d’un rose fané en passant par les reflets cuivrés orangés qui apparaissent en même temps que se complexifient parfums, saveurs et textures. Le premier est le choix des cépages. Pour la majorité d’entre eux, les grands champagnes rosés sont exclusivement élaborés à partir de chardonnay et de pinot noir, dans des proportions parfois diamétralement opposées. Par exemple, la cuvée Dom Ruinart Rosé est composée à 85 % chardonnay tandis que chez Philipponnat, Clos des Goisses Juste Rosé s’appuie sur 85 % de pinot noir. Le premier affiche la texture d’un blanc quand le second affirme une vinosité prononcée. Les raisins de ces cuvées d’exception sont souvent issus des mêmes secteurs, soit principalement la montagne de Reims et la haute vallée de la Marne, avec quelques vignobles de l’Aube. Le réchauffement climatique permet aux crus situés sur la face nord de la montagne de Reims, comme Mailly, Verzy ou Verzenay, d’être de plus en plus recherchés. Les crus réputés pour leur production de vin rouge, comme Bouzy ou Aÿ, situés sur la face sud de la Montagne, sont pour leur part toujours des piliers dans l’élaboration des champagnes rosés, même si le réchauffement climatique permet désormais de récolter des raisins de pinot noir bien mûrs dans de nombreux secteurs. Si les maisons ayant recours à un vin rouge pour créer leur rosé s’approvisionnent historiquement auprès des vignerons locaux ou des coopératives, elles veillent aussi de plus en plus à le produire en interne, telle Veuve Clicquot qui a inauguré cette année sa nouvelle cuverie dédiée aux vins rouges sur son site de la Comète. Tant pour les vinifications que la conservation des vins de réserve, inox et bois restent classiquement les matières privilégiées pour élaborer des champagnes rosés. Certains chefs de cave expérimentent cependant des techniques dites de solera ou de réserve perpétuelle, l’expérience la plus aboutie étant celle de Palmer & Co, qui intègre à son Rosé Solera un vin rouge issu d’une cuve de réserve perpétuelle initiée il y a cinquante ans. Fruités et frais, expressions plus confiturées, notes épicées pour les uns, florales chez les autres, touches de gibier, de cuir ou de sous-bois, la diversité des profils aromatiques et gustatifs des champagnes rosés permet d’envisager des usages gastronomiques très diversifiés. Au cocktail ou sur l’ensemble d’un repas, desserts (aux fruits) inclus, le champagne rosé ne manque pas de ressources.

La sélection

Alfred Gratien,
Cuvée Paradis  – Rosé 2008
Une cuvée confidentielle par les volumes tirés, mais pas si rare puisque depuis 1988 et le premier millésime de la cuvée Paradis en version rosée, les chefs de cave de la maison, Nicolas Jaeger et avant lui son père Jean-Pierre, ont sélectionné onze millésimes. Dernier en date, ce 2008 à la robe cuivrée saumonée attire l’œil. On aime ses parfums délicats de gelée de framboise et de rose fanée. L’acidité et la verticalité du millésime 2008 se retrouve en bouche, avec une élégance caressante, avant une finale flamboyante et large.
120 euros

Vincent Couche,
Millésime rosé 2009
C’est un vin rosé porté par ses bulles plus qu’un champagne rosé à proprement parler, conformément au choix du vigneron. Les parfums sont très mûrs (figue, gelée de framboise) et les raisins de l’Aube apportent une assise tannique un peu déroutante. Sa puissance interpelle au niveau de ses usages et des accords, mais ce champagne dense appelle des viandes et même des gibiers.
83 euros

Billecart-Salmon,
Élisabeth Salmon 2013
L’une des maisons les plus reconnues pour la qualité de ses rosés se doit de proposer une cuvée de prestige de haut vol dans la catégorie. C’est le cas avec ce millésime 2013 où l’entame de bouche en puissance offre une sensation compacte qui va se délier avec un peu plus de temps en bouteille, les parfums de cuir et d’épices se mêlent aux petits fruits des bois et aux fleurs, avant une finale épurée qui file droit.
190 euros

Charles Heidsieck,
Rosé Millésimé 2018
Le nez puissant est bien en place, avec des notes de fraise légèrement confiturée, associée à des notes épicées (coco, vanille). Particulièrement agréable, moins épicé que d’autres millésimes et plus fruité, on retrouve dans ce 2018 le style soyeux de la cuvée conféré par la patine en cave, dans les crayères de la maison. On peut envisager un dessert aux fruits peu sucré.
163 euros

Bollinger,
La Grande Année – Rosé 2015
Le millésime était attendu pour cette maison spécialiste du pinot noir. En 2015, la vigne de la Côte aux Enfants, sur le terroir d’Aÿ, a permis l’élaboration d’un vin de belle matière, structuré et dense, qui sculpte les belles épaules de cette cuvée. La vinification en petits fûts apporte une patine et une micro-oxygénation à la base de blanc et lui procure une belle assise en bouche. Un vin de volailles rôties qui supportera des sauces aux saveurs de sous-bois.
290 euros

Dom Pérignon,
Rosé Vintage 2009
Un millésime qui fera date dans l’histoire glorieuse de cette cuvée. Par sa robe d’un rose brillant soulignée par des reflets orangés, par son nez bien ouvert, profond, intense, porté par un fruité très mûr (cerise, framboise, figue) et quelques touches plus florales, ce dom-pérignon rosé à la bouche ample et ronde offre une puissance et un éclat parfaitement équilibrés, où gourmandise et finesse se font la courte échelle.
430 euros

Krug,
Rosé 29e édition
Obtenu à partir d’un assemblage sophistiqué, comme souvent chez Krug, avec des vins rouges issus des récoltes 2016 et 2017, avant un long séjour sous verre en cave. Prometteur par son potentiel, il offre une puissance certaine en bouche, sur fond de fruits rouges frais, de senteurs de sous-bois, agrémentés de quelques touches plus épicées qui relèvent la finale avec persistance.
350 euros

Gosset,
Celebris – Rosé 2008
Chez Gosset, on aime prendre son temps et Odilon de Varine, le directeur de la maison, pense déjà au futur prometteur de cette cuvée dans la vinothèque de la maison. Il s’agit d’un somptueux rosé de gastronomie, racé, profond, avec une magnifique structure tannique patinée par les années et les parfums de fruits secs. Toutes les promesses du grandiose millésime 2008 sont tenues, depuis un certain temps déjà et pour longtemps encore.
250 euros

Henriot,
Rosé Millésimé 2015
Les millésimes de champagne rosé sont rares chez Henriot et il faut donc apprécier ce 2015 offrant vinosité contenue et puissance maîtrisée. Porté par des senteurs de fruits noirs et rouges ainsi que quelques touches d’agrumes (orange sanguine), il se déploie avec grâce et élégance jusqu’à une finale plus épicée, presque corsée, où la signature des pinots noirs du sud de la montagne de Reims se ressent.
82,50 euros

Laurent-Perrier,
Alexandra 2012
La grande cuvée de rosé de la maison reste confidentielle, mais chaque édition ravit toujours autant le palais et les sens. Selon une technique qui distingue Laurent-Perrier des autres grandes maisons, les chefs de cave Michel Fauconnet et aujourd’hui Olivier Vigneron, pratiquent une macération conjointe de pinots noir et de chardonnays tous issus de grands crus. Cette technique particulière, ainsi que le long vieillissement en cave, explique les reflets cuivrés presque orangés de la robe, les senteurs de fraise des bois et de sous-bois et cette bouche au toucher crémeux conclue par une persistance sur l’orange amère et le zeste d’orange.
390 euros

Mailly Grand Cru,
L’Intemporelle – Rosé 2019
Le terroir de Mailly offre une interprétation plus florale et délicate du pinot noir que les grands crus orientés au sud de la montagne de Reims. Cela se retrouve dans cette cuvée obtenue à partir de la même cuvée en blanc, teintée de 2 à 3 % de vin rouge du terroir de Mailly, cet assemblage 60 % pinot noir et 40 % chardonnay goûte sur la finesse, la fraîcheur et la délicatesse. Un rosé de fraîcheur plus que de puissance.
99 euros

Moët & Chandon,
Grand Vintage – Rosé 2016
Un nez assez concentré sur les fruits rouges (fraise, cerise, framboise), gourmand et sans exubérance. La bouche offre une entame assez compacte et affiche progressivement finesse et élégance. Le dosage en extra brut est ici intelligent car il permet au vin de s’exprimer sans l’alourdir. Savoureux par sa persistance sur une ultime touche gourmande de framboise, c’est un vin qui se destine plus à la table qu’à l’apéritif.
65 euros

Nicolas Feuilatte,
Palmes d’Or – Rosé Intense 2008
Après la splendeur du millésime 2006 dans cette couleur, 2008 paraît encore jeune malgré ses presque vingt ans. Il évoluera pourtant sur les mêmes notes de pivoine et de clou de girofle. Aujourd’hui, les parfums sont plus orthodoxes, avec des notes de groseille mûre et de sous bois. La bouche affiche un bel élan frais, avant un retour du fruit rouge en finale. Onctuosité et gourmandise sont des qualificatifs qui le caractérisent bien.
162 euros

Palmer & Co,
Rosé Solera
Un rosé unique dans toute la Champagne, puisqu’il est obtenu à partir de la cuvée Réserve en blanc, teintée avec un vin rouge élevé selon la méthode de solera, un procédé qui a débuté voici maintenant cinquante ans. L’origine ricetonne de ce rouge marque dans sa palette aromatique de fleurs et d’épices, mais cela fait toute l’originalité et la vinosité de ce rosé qui apprécie des fromages crémeux comme un chaource ou même une andouillette de Troyes grillée.
49,50 euros

Philipponnat,
Clos des Goisses – Juste Rosé 2015
Le pinot noir entre dans cette cuvée pour plus de 85 % de l’assemblage. Sa bouche exprime toute la puissance et la verticalité du clos des Goisses, ce terroir spectaculaire qui surplombe la Marne à Mareuil-sur-Aÿ. La vinification sous bois et l’élaboration du rouge par une technique de saignée renforcent la profondeur du vin, sur de puissantes senteurs de fleurs intense, d’épices poivrées et de cuir noble. Ce rosé de saveurs et de texture appelle des plats pleins de goût, comme un pigeon servi rosé.
460 euros

Pol Roger,
Rosé Vintage 2019
Un nez et une bouche portés par le vin rouge de l’assemblage, les notes florales et fruits noirs du pinot noir. C’est un rosé de structure plus que de fruit, à la vinosité prononcée et un champagne de table plus que de frivolité. Il lui faut des viandes rouges, de l’agneau, des ris de veau, voire pourquoi pas un filet de bœuf Wellington. Entre puissance et rondeur en bouche, ce 2019 encore jeune déploie avec l’aération un fruité gourmand et frais, sur les saveurs de framboise. Pur régal.
115 euros

Rare Champagne,
Rosé Millésime 2014
L’une des grandes cuvées de rosé les plus récentes de la Champagne, puisqu’elle ne fut lancée qu’avec le millésime 2007, pour quatre éditions seulement à ce jour. Les parfums intenses de fleurs épicées et de fruits rouges et noirs laissent progressivement la place au musc et à la cerise kirschée. La bouche est tout aussi flamboyante, rayonnante, presque fougueuse. Ce grand rosé doit être accompagné des préparations les plus fines, mais les viandes aux jus corsés et les champignons nobles ne lui feront pas peur.
410 euros

Ruinart,
Dom Ruinart – Rosé 2009
Peut-être le plus « blanc » de tous les grands rosés de Champagne, puisque la proportion de chardonnay grimpe ici à 85 %, pour seulement 15 % de pinot noir, en tenant compte du vin rouge ajouté à la base de vin blanc. Pourtant, après une entame particulièrement soyeuse, la bouche ne manque pas de vinosité, impression décuplée par les parfums savoureux de fruits rouges et noirs, relayés par des notes épicées qui vont s’accroître avec le temps.
265 euros

Louis Roederer,
Cristal – Rosé 2015
Encore très jeune, mais porteur d’une belle évolution à prévoir en bouteille avant de renaître dans la collection Vinothèque, ce 2015 offre un fruité rouge frais (fraise, groseille) sans aucune note d’évolution malgré ses dix ans de vieillissement en bouteille. En bouche, on aime sa vivacité tonique, son intensité, sa profondeur et ce sentiment d’énergie qui se dégage de sa finale portée par la fine salinité très pure de la craie du sous-sol champenois.
600 euros

Taittinger,
Comtes de Champagne – Rosé 2012
Cette cuvée d’une finesse légendaire laisserait croire à une part de chardonnay plus importante (30 % actuellement). L’origine en grand cru de tous les raisins entrant dans l’assemblage explique la grande pureté de bouche, qui conclut par une élégante note crayeuse faisant ressortir les délicats parfums de petits fruits des bois. Ici le dosage vient juste arrondir le volume patiné de la texture, avec subtilité et harmonie.
310 euros

Veuve Clicquot,
La Grande Dame – Rosé 2015
Depuis son lancement à la fin de l’année dernière, ses puissants parfums de fruits frais et mûrs se sont bien affirmés et ses senteurs plus épicées se déploient avec l’aération. Il s’agit en fait de la cuvée La Grande Dame en blanc complétée de quelques gouttes d’un vin rouge issu du clos Colin, à Bouzy. Ce grand rosé est parti pour une belle carrière en cave. Ses senteurs poivrées en finale supportent viandes rouges et petits gibiers associés à des jus corsés.
250 euros

Le Brun de Neuville, le temps des conquêtes

Photo Mathieu Garçon

Au jeu des sept familles de terroirs de la Champagne, tous les amateurs connaissent évidemment bien la montagne de Reims, la côte des Blancs, la vallée de la Marne, sans oublier les vignobles de l’Aube, le Vitryat ou le secteur de Montgueux. On a ainsi tendance à oublier un peu vite le Sézannais, un dernier secteur d’importance avec 1 500 hectares répartis entre douze communes intégrées à l’aire d’appellation champagne depuis l’extension de 1959. Ce terroir campé à l’ouest de la côte des Blancs est orienté au sud et sud-est. Le sol y est majoritairement crayeux avec quelques incrustations de silex et d’autres zones plus sableuses. Plus important opérateur local au vu des surfaces exploitées (160 hectares pour 250 vignerons), Le Brun de Neuville est une jeune cave coopérative, fondée en 1963, qui a privilégié depuis l’origine un approvisionnement 100 % issu du Sézannais. Ici, le cépage majeur est le chardonnay, qui représente plus de 85 % des plantations, complété principalement de pinot noir et de façon anecdotique par quelques plantations de cépages anciens comme le pinot blanc, l’arbane ou le petit meslier. La qualité des vins clairs de la cave jouit d’une telle réputation que les grandes maisons de la Marne viennent régulièrement s’y approvisionner pour réaliser leurs assemblages. Depuis toujours, Le Brun de Neuville leur revend les deux tiers de ses vins tranquilles. Sous sa marque propre, les volumes atteignent 250 à 300 000 cols selon les années, vendus pour les deux tiers en France.
Sous l’impulsion de Damien Champy, président dynamique et ambitieux, entouré d’une équipe qui ne l’est pas moins, Roman Vaz en cave et Agathe Bellanger à la direction commerciale, Le Brun de Neuville vient d’investir cinq millions d’euros dans un centre de pressurage flambant neuf, permettant de séparer les cépages et les communes, pour pressurer les jus au plus proche de la parcelle. La gamme est assez large pour une structure de taille modeste, mais comme l’explique Damien Champy : « Le champagne permet de répondre à tous les moments de consommation, depuis 11 heures du matin jusqu’au milieu de la nuit, de l’apéritif jusqu’à la gastronomie, sans oublier la mixologie. Donc on va jouer sur les assemblages de cépages, le vieillissement en cave ou bien le dosage. » Certaines cuvées sont ainsi vinifiées sous bois avant la prise de mousse, ce qui leur confère un style très particulier, mais qui vieillit bien. C’est le cas des cuvées de la collection Autolyse, qui vieillissent dix à douze ans minimums sur lies et dont la richesse les destine à la table. En perpétuelle quête d’innovation, la cave s’essaie aujourd’hui à la dernière mode en Champagne, le ratafia, cette mistelle autrefois populaire et que les sommeliers locaux tentent de relancer avec un spectaculaire cérémonial de service, en bonbonne présentée sur chariot et prélevée avec une pipette. Sans oublier les coteaux-champenois, en rouge sur les deux parcelles des Foizardes (à Bethon) et des Vallées (à Montgenost) et même en blanc avec un essai permis par la haute maturité de la récolte 2025 (12,5° naturels), en cours de vieillissement.

L’IA va-t-elle sauver le vin ?

Christophe a une problématique de rapatriement des raisins jusqu’à sa cave. Il va poser le problème à ChatGPT-5 (version payante). Il décrit ses vignes, l’écartement des ceps, explique clairement l’objectif de son action et les outils qu’il possède (cagettes, remorque) et demande plusieurs options comprenant l’aspect pratique et physique ainsi que les coûts engendrés. La réponse arrive en quelques secondes. Il y a des choses auxquelles il n’avait pas pensé et il va pouvoir appliquer tout de suite l’une de ces options. Au même moment, vie de vigneron oblige, il doit penser à vendre son vin. Il souhaite développer son marché aux États-Unis. ChatGPT-5 va lui pondre, en l’espace de deux minutes, un plan d’action précis allant jusqu’à des contacts d’importateurs qu’il n’avait pas repérés. Bluffant. L’IA trie les articles et les études réalisées à travers le monde, compile et fait sa sauce. À prendre ou à laisser, l’information est là, disponible, livrée par un petit soldat rapide et efficace qui peut faire gagner un temps incroyable, écrire mon article à ma place (en proposant même des intervenants fictifs !) et même faire gagner des procès. C’est le cas de Jean-Claude Mas qui a, lors d’un litige sur les TCA, gagné contre les experts adverses. Propriétaire des domaines Paul Mas (25 millions de bouteilles produites par an dans le Languedoc), il explique : « Tous les labos disent qu’en-dessous de trois nanogrammes, le TCA n’est pas détectable : c’est faux ! Ce n’est pas détectable en tant que goût de moisi, mais ça l’est dans le fait d’altérer ou d’éteindre le goût du vin. Le TCA affecte toujours le vin d’une manière ou d’une autre et dégrade sa qualité originelle. Nous avons pu le démontrer à travers cent pages d’études, de recherche et développement au Japon et en Californie, résumées dans un rapport de deux pages très digeste pour les juges. » Son avocat n’y connaissant rien en TCA, il lui a apporté l’expérience et la documentation. Tout ce travail a été fait en collaboration avec l’IA : « Si j’avais dû le faire moi-même, je n’aurais jamais pu. C’est un travail de Romain ! »

Un moteur invisible
Au-delà des compilations, l’IA fait faire au monde du vin un bond en avant, du pied de vigne jusqu’au palais du consommateur. À la vigne, des capteurs et de l’imagerie multispectrale permettent d’analyser en continu l’humidité du sol, les problèmes sanitaires et la vigueur de la végétation. Là où l’œil humain nécessitait plusieurs heures de contrôle visuel, un algorithme peut analyser des centaines d’hectares en quelques minutes. Le vigneron peut ainsi optimiser les interventions, réduire les intrants et gagner en précision. Des drones autonomes survolent les parcelles, enchaînent des milliers de photos et détectent les zones de stress hydrique, les premiers signes de mildiou ou les pieds manquants. Des tracteurs sans conducteur pilotés par l’IA peuvent réaliser le sarclage, les traitements sanitaires ou la fertilisation. En cave, l’IA intervient via des capteurs connectés, ce qui offre un monitoring en temps réel des fermentations alcoolique et malolactique. Des algorithmes ajustent automatiquement température et remontages selon le profil aromatique désiré. En analysant les moûts, l’IA peut prédire l’évolution des sucres, l’acidité et les arômes et permet d’anticiper les opérations de soutirage ou de sulfitage pour arriver à un résultat stable au niveau microbiologique et qualitatif. Winebot permet de laver les barriques. Au bureau aussi, on peut gagner un temps fou. GrapeTrack par exemple, membre de l’incubateur de start-ups Bernard Magrez, propose une solution clé en main pour être conforme avec les règles européennes en vigueur, liant automatiquement le calcul des valeurs énergétiques du vin par les labos au QR code qui apparaît sur la bouteille.
En Champagne, région innovante et réactive, l’IA réunit autour d’elle des vignerons, des maisons, le centre de recherche en sciences et technologies de l’information et de la communication (Crestic) de l’université de Reims, des start-ups comme Agreenculture (solutions d’automatisation pour les machines agricoles autonomes) et des acteurs forts comme Moët et Chandon. Deux volets sont scrutés : les maladies comme la flavescence dorée grâce à des drones aériens et la qualité des raisins à la réception de la vendange. « On se sert de l’apprentissage supervisé », explique Sébastien Dubuisson, directeur du pôle technique et environnemental du Comité Champagne. « Un homme entraîne la machine, la machine détecte et apprend d’elle-même, l’homme la corrige et, grâce au réseau de neurones, l’IA retient et accumule les informations de plus en plus précises. Les algorithmes s’auto-ajustent. Nous avons quatre ans d’antériorité sur ces techniques qui sont à peine commercialisées. » Concrètement, cela donne le tri optique mis en place par Moët et Chandon, qui a injecté un million d’euros dans des machines réparties dans le vignoble capables de faire la différence entre un bon et un mauvais grain. L’œil humain est remplacé par un œil électronique, plus factuel et régulier, ignorant la fatigue et le jugement aléatoire. Autre application de l’IA, plus proche du vigneron cette fois, la programmation de « chatbots » dans les logiciels pour un accès direct et rapide à l’information. Alimentés par l’IA, ils permettront aux vignerons de mieux choisir leurs porte-greffes, leurs clones et leurs cépages en fonction de leur parcelle, de mieux régler leur pulvérisateur, de mieux utiliser leurs produits phytos dans un contexte social tendu. Prêts dans deux ans, ces chatbots ne remplaceront pas les conseillers en chair et en os. Sébastien Dubuisson ajoute qu’une IA sans connaissances n’est pas intelligente : « Il faut les entraîner ! Plus elles sont entraînées, plus elles sont perfectionnées ». Aujourd’hui, ce sont des livres et des articles que l’IA synthétise. À terme, il y aura de l’IA partout sans que le vigneron ne s’en rende compte. Comme un moteur invisible.

AI comme aide
Qu’en disent les vignerons eux-mêmes ? Hormis les super assistants type ChatGPT, on en est aux balbutiements. D’ailleurs, par quoi commencer ? Coach d’accompagnement en business et stratégie (Orise Management), certifiée « AI for business », professeure à Sciences Po sur le leadership et l’innovation, Luz d’Ans pose le défi de manière générale : « Ce sentiment d’être perdu, tout le monde le vit, tous les dirigeants, quel que soit le domaine, ça se ressent », dit-elle comme pour rassurer. « L’intelligence artificielle doit être au profit de la stratégie et pas l’inverse. Avant même d’évoquer l’IA, on commence par déterminer les points de douleurs, “pain point” en marketing, là où l’entreprise a besoin de s’améliorer. » L’IA n’est donc pas le bouton magique qui va tout sauver, mais une aide qui s’ajoute à une construction de valorisation bien établie. Aurélie Bertin n’est pas encore passée à l’étape robot ni tri optique, trop coûteux. Pour ses deux propriétés, le château Sainte-Roseline et le château des Demoiselles, respectivement 110 et 75 hectares situés en Provence, elle a fait le choix stratégique et judicieux de prendre un conseiller IA « pour aller plus vite et plus loin et apporter un gain de productivité, de temps et de ressources sur tous les services de l’entreprise ». Objectif : remplacer les tâches répétitives et être plus performants. Jan Thienpont, qui gère avec son frère les châteaux Robin et Clos Fontaine, en appellations castillon et francs côtes-de-bordeaux, se considère comme un « vieux briscard » qui se méfie des exosquelettes et déteste la traçabilité, mais il est fasciné par les progrès incessants. « Les prémices de l’IA pour nous, c’est tout ce qui est gestion, administration, recherche d’information, avec ChatGPT qui est le haut de l’iceberg. Dans la commercialisation des vins et la comparaison des prix, les infos jouent dans notre relation avec le négoce. Pour chercher un ou une commerciale, l’annonce est formulée en deux secondes. Une cliente venue d’Asie m’a montré sur son téléphone les petits films qu’elle réalise, c’est phénoménal ! »

Touche pas à mon vin !
Pierre-François Colin travaille en bio et biodynamie sur un domaine familial de 29 hectares en AOC coteaux-du-vendômois (Loir-et-Cher). Il a 30 ans et il croit en l’IA. Pour lui, c’est un accompagnateur technique, voire un robot allégeant la lourdeur du mouvement, comme le sécateur électrique. Lui veut « se faire la main pour ne pas être largué », même s’il ne peut s’offrir le matériel dernier cri. « Les grands groupes s’y collent car pour nous, ces machines perfectionnées sont encore trop chères. Le tri optique est déjà inaccessible sans IA, alors avec l’IA intégrée, c’est clairement un frein ! Mais par effet de ruissellement, ces outils vont se démocratiser, je pense qu’on va y avoir accès. Et ça peut aller assez vite. » Fanny Boyer travaille avec son frère au Château Beaubois, un domaine familial de 65 hectares à l’extrême sud de l’appellation costières-de-nîmes, en bio et biodynamie également. Le duo utilise l’IA à différents stades, mais sait distinguer la part d’humain de la part d’IA. Dans le vignoble, une IA vient compléter la station météo qui se gère via une application. « Avant on notait tout sur un carnet, maintenant en un clic, on peut décider quand on part traiter, c’est génial ! » Il y a aussi des capteurs dans les sols pour prédire les risques de maladie, de manque d’eau, mais la vigneronne préfère encore contrôler. C’est en cave qu’elle est réticente. Elle veut faire son vin, seule et avec son œnologue conseil depuis vingt ans, indispensable, un échange où les idées sont confrontées pour arriver à un résultat satisfaisant : « Avec l’IA, on risque de finir tous dans un entonnoir. » Fanny Boyer croit beaucoup plus à l’utilité de l’IA dans la logistique, le transport et la gestion des stocks. Au lieu de stocker vingt mille bouteilles de rosés inutilement, l’IA lui suggère d’en produire moins. C’est énorme. Dans les retours de salons aussi, qu’elle n’a pas toujours le temps de traiter. À la comptabilité, elle utilise Amicompta depuis un an et demi. Il suffit désormais de scanner les factures autrefois rentrées manuellement. La comptable est toujours là, indispensable, mais elle peut se pencher sur d’autres dossiers. Car, par ailleurs, la charge s’alourdit, paperasserie et contrôles se multiplient. « Si l’État pouvait utiliser l’IA, ce serait merveilleux », lance-t-elle ironiquement. Lors des réunions commerciales de leur groupe Vinotribu, Dicte.Ai se charge du résumé de la réunion. En marketing, l’IA aide à la création d’étiquettes, de logos, de fiches techniques, des créations de textes et de contenu, et Leonardo.Ai gère les images (étiquettes et visuels). C’est clair, l’IA la soulage sur bien des points. Mais la vinification reste son domaine, pas touche !

Situations concrètes, solutions réelles
Pour un jeune négoce comme Aubert et Mathieu, créé en 2019, l’IA a vite été déterminante. Tout n’a pas été rose, comme ce vin élaboré à partir d’un cahier des charges fourni à l’IA et qui a fait déchanter ses créateurs, Jean-Charles Mathieu et Anthony Aubert. « Ce n’est pas révolutionnaire. Cela reste approximatif et le métier exige encore d’avoir les mains dans le marc. » L’IA donne des banalités et s’avère moins experte que la personne en cave. « Au final, il faut goûter les vins, chose que l’IA ne sait pas faire. » En revanche, elle est forte pour établir une charte graphique. Avec les bons éléments, l’IA crée le contenu : rédiger une fiche produit, trouver un nom, créer une histoire (storytelling), faire un plan marketing, un rétroplanning, etc. « Oui, il y a un vrai apport pour les vignerons concentrés à la vigne et à la cave. » Forts de ces connaissances, ils ont créé Capsule, un concept génial qui consiste à délivrer un message via un QRcode que le destinataire de la bouteille peut découvrir des années après. En Auvergne, Léa Desprat bouillonne d’idées sur son terroir volcanique planté de 150 hectares de vignes. Son aventure avec l’IA a commencé par hasard. Les caves du domaine, visibles toute l’année, sont en effet truffées d’escaliers, un vrai problème pour les personnes âgées ou handicapées. Alors elle a eu l’idée d’un casque de réalité virtuelle qui permet d’être en immersion totale dans la cave, le chai et les vignes sans se déplacer. L’expérience se prolonge dans les salons professionnels, bien loin de l’Auvergne où, assis à son stand de Prowein, l’acheteur peut visiter l’intégralité du domaine. La famille Desprat ne s’est pas arrêtée là. Egalement caviste-marchand de vin, elle a ouvert en avril dernier à Aurillac une nouvelle boutique qui s’adresse aux nouvelles générations (Couleurs Vignes), un lieu très coloré, fun, moderne, dynamique, déclinant des bouteilles classées par type de vin. Ici, pas de casque, mais une tablette ludique qui sert de conseil en cave. Après avoir fait sa sélection, le bot indique où trouver la bouteille dans le magasin. Mais est-ce vraiment ce qu’on appelle de l’IA ?

Encore bien des limites
Aymeric Izard, directeur des domaines d’Exéa (200 hectares à Lézignan-Corbières), utilise l’algorithme Météus depuis 2020, une station météo agricole professionnelle et connectée. Il gagne du temps et les méthodes empiriques deviennent plus précises. Il économise un traitement, un passage, du gazoil, mais selon lui, ce n’est pas de l’IA. « L’IA, c’est la voiture qui conduit toute seule. Elle se nourrit de données puis prend ses décisions de façon complètement autonome. Tous les ans, les paramètres changent et ne correspondent plus. On avait 300 jours de vent par an, maintenant plus que 200. Les données sur lesquelles s’appuient l’IA ne sont plus valables. La prévision est fausse. » Idem en œnologie. « Il faut accumuler de la donnée plus récente, les profils de vin que le consommateur apprécie évoluent aussi. » Il voit beaucoup de blocages. Et de chemin à faire pour un contrôle total de la machine, comme en médecine, beaucoup plus avancée selon lui. Certes, il existe des robots autonomes qui tondent l’herbe, font le travail du sol, comme celui de Pellenc développé avec eux (il est leur représentant languedocien). « Ce n’est pas de l’IA pour autant, car le robot fait ce qu’on lui dit de faire. » Tout ce qui existe aujourd’hui peut vite devenir obsolète. La révolution, personne ne l’avait vue arriver aussi tôt, tout le monde pensait que ce serait dans dix ans. Et cela va beaucoup plus vite que prévu. De nouvelles générations de solutions vont sortir, rendant les outils d’aujourd’hui has been ou au mieux à remettre à jour. Et peut-être un jour, viendra la singularité. Quand l’ordinateur, aide utile et bienveillante, se mettra à penser et à diriger à notre place, ayant gagné toute son autonomie, ce moment où les machines deviendront plus « intelligentes » que les humains et commenceront à s’améliorer elles-mêmes de manière autonome et exponentielle. « Ce point marquerait une rupture irréversible dans l’histoire technologique et humaine », nous dit ChatGPT lui-même. Alan Turing le savait pertinemment, lui qui a posé les bases théoriques de l’IA avec son célèbre test de Turing en 1950, destiné à évaluer si une machine peut « penser ». Cette singularité envisagée pour 2030 ou 2040, est déjà là. À quand au bout des rangs de vignes et à la porte du chai ?