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La Méditerranée de A à Z


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A comme Assemblage
Même si elle souffre d’exceptions, la tradition originelle des vins du Sud est de se construire à partir de cépages complémentaires. Cette pratique de l’assemblage – marketée dans d’autres continents sous l’acronyme en rouge de « GSM », pour grenache-syrah-mourvèdre – correspond d’abord à une adaptation intelligente et pragmatique aux conditions climatiques de la région, les caractéristiques stylistiques et agronomiques de chaque cépage se complétant souvent. Mais les vignerons les plus talentueux ont su affiner leurs assemblages, associer à des cépages qu’on qualifiait autrefois « d’améliorateurs » (la syrah, le vermentino ou rolle, etc.), parfois aussi des variétés qualifiées d’internationales (les cabernets, le chardonnay, le sauvignon) des cépages autochtones comme évidemment le grenache et le mourvèdre, mais aussi le cinsault, la clairette et bien d’autres pour éviter l’écueil habituel d’une standardisation des vins.

B comme Bandol
Quelques sites méditerranéens, rares, ont su émerger plus tôt que les autres, en des temps où l’image de marque des vins produits dans ces régions n’était pas flatteuse. C’est le cas de Bandol, merveilleux terroir provençal et berceau d’un cépage capricieux mais brillant, le mourvèdre. L’époque a aujourd’hui changé et de nombreux autres terroirs intéressants ont émergé. Mais cette prééminence historique engage l’appellation à maintenir fièrement sa personnalité unique.

C comme Cépages
Dans notre pays d’impénitente administration, on a souvent voulu opposer les cépages dits internationaux – entendez, selon vos convictions, sans authenticité ou gage autoproclamé de succès commercial – aux variétés « méditerranéennes », quitte à avoir une vision large de la Méditerranée en plaçant par exemple la syrah du nord de la vallée du Rhône dans la catégorie : IGP et « vins de France » pour les cabernets, pinots et chardonnay ; AOC pour les grenaches, syrah ou mourvèdre. Cette catégorisation, vaguement compréhensible quand il fallu restructurer le vignoble dans les années 1970 et 1980, n’a plus de sens aujourd’hui.

C comme Coopérative
La coopération fait partie du paysage languedocien, mais aussi rhodanien, provençal et corse. C’est un acteur majeur, autant par son poids économique que par sa dimension sociologique. Quel que soit le niveau qualitatif des caves (qui navigue aujourd’hui selon l’opérateur et le secteur viticole entre l’excellent et le banal, mais de plus en plus rarement le médiocre), les volumes produits et traités par la coopération influent sur les tarifs des appellations et des vins et, partant, sur l’image et la réputation de ceux-ci. L’aménagement du territoire, et la survie de nombreux villages méditerranéens, est l’autre aspect fondamental de la question, trop rarement mis en avant. Certaines caves, ou groupements de caves, ont réussi à faire leur mue stylistique et commerciale. Beaucoup d’autres tentent de se construire un avenir entre recherche d’autonomie, de plus en plus vaine, et partenariats avec de grands opérateurs installés ou émergents.

C comme Corse
La Corse n’est pas seulement une île paradisiaque habité par un peuple fier de son insularité, c’est aussi une terre de grands vins. Dans un monde du vin en transformation, la Corse possède une actualité brillante et un avenir plus prometteur encore, avec une grande diversité de terroirs, une richesse ampélographique qui ne demande qu’à être explorée et une variété de production qui pourrait se renouveler au-delà de la suprématie commerciale actuelle du rosé.

D comme Douceur
Ce fut autrefois la grande fierté d’une bonne partie des vignobles méditerranéens, Roussillon en premier lieu, mais aussi Languedoc, sud de la vallée du Rhône et Corse : les vins doux, souvent de muscat en blanc et de grenache en rouge, ont connu une longue gloire puis un lent déclin. À l’heure de la mixologie triomphante, les banyuls, rivesaltes et autres muscats peuvent peut-être aujourd’hui s’inventer un nouvel avenir, pour peu que l’innovation soit en marche…

G comme garrigue
Le paysage méditerranéen par excellence trouve à l’heure de l’agroforesterie une actualité renouvelée : la plupart des vignobles de Provence, de Corse ou du Languedoc s’intègrent, depuis toujours, dans un écosystème naturellement diversifié. Les océans de vigne, en Méditerranée, on ne connaît pas.

G comme Gastronomie
Puisant racines et recettes dans la diversité de la production agricole locale, la ou plutôt les gastronomies de l’ensemble du bassin méditerranéen sont extrêmement savoureuses et variées. Toutes ont cependant un point commun, quels qu’en soient l’origine géographique et le mode de consommation, de la « street food » jusqu’au repas de fête : celui de toujours s’accorder aux vins, rouges autant que rosés ou blancs. En cette époque de déconsommation alarmante, c’est un aspect que l’on aurait tort de négliger.

G comme Grenache
Longtemps, le grenache fut considéré comme un cépage secondaire. Qu’importe que le provençal Châteauneuf lui accorde, certes avec douze autres comparses, une part majeure de son impressionnante authenticité, que les grands vins doux du Roussillon en soient composés, ses rendements trop facilement généreux, sa supposée faiblesse tannique, ses couleurs peu foncées, sa propension à l’oxydation, tout cela construisait un profil généreux mais sans race. Depuis le début de ce siècle, c’est peu de dire que son image a été prodigieusement transformée. Pour peu que l’on maîtrise sa proverbiale générosité, ce qui n’est pas chose facile en ces temps de réchauffement climatique, le cépage allie comme personne nuances aromatiques, finesse de texture et gourmandise suave. Il ne réussit pas partout, mais s’il existe un cépage méditerranéen identitaire, c’est bien lui.

H comme Histoire
Les archéologues penchent pour des régions plus lointaines – la Géorgie, l’Arménie – pour situer les origines de la vigne, mais à coup sûr, la Méditerranée fut le berceau de la civilisation du vin. Elle en reste aujourd’hui un centre essentiel, malgré le développement au Moyen Âge de la viticulture des ordres religieux, rhénane et bourguignonne, malgré le développement spectaculaire des vignobles boostés par l’activisme commercial anglais, Bordeaux ou Porto par exemple, malgré enfin l’émergence spectaculaire des vignobles du Nouveau Monde au cours du siècle dernier.

I comme Identité
Il n’existe pas une identité des vins méditerranéens, mais d’innombrables, et il serait vain de vouloir les caricaturer d’un seul mot ou de quelques-uns. Qu’y a-t-il de commun entre la rigueur structurale des cabernets de Bolgheri, la rondeur enveloppante d’un grenache du Roussillon ou les épices poivrés d’un bandol ? Pas grand-chose, sinon l’affirmation d’un caractère. La région fut longtemps la terre de production de vins anonymes, elle s’affirme aujourd’hui comme le garant de la personnalité et de la diversité.

J comme Jardin
Le littoral méditerranéen est un vaste jardin, sauvage par endroits, méticuleusement organisé à d’autres. La vigne fait partie du paysage, mais elle est très rarement seule. Elle compose avec une nature touffue et multiple, où règnes végétal et minéral sont harmonieusement partagés, où d’autres plantes vivrières donnent depuis des millénaires leurs fruits. Ne négligeons pas ce jardin enchanté, ne le détruisons pas : il est notre histoire, nos racines, notre âme.

L comme Languedoc
Dans sa très longue et riche histoire, le Languedoc a tout connu, la richesse comme la misère, le rêve comme le désespoir, la créativité comme la routine. Région presque entièrement vouée à la seule viticulture lorsque l’invention du train amena nos provinces à spécialiser leurs productions, le Languedoc fut le pays qui eut le plus gros effort à faire pour restructurer une industrie fondée sur une production de gros volume destinée à une consommation de masse. En cinquante ans, ce gigantesque challenge a été réalisé sur de multiples plans, tant sur ceux des structures que sur ceux des marchés. Tout n’est pas encore parfait ni achevé, mais le Languedoc est aujourd’hui un vignoble moderne, conçu pour produire des vins de qualité et capable de s’adapter rapidement aux évolutions de marché.

L comme Liberté
Même quand ils n’offrent pas la version la plus originale de leur personnalité, presque tous les cépages peuvent s’implanter dans le bassin méditerranéen. Pourquoi faut-il donc les classer administrativement dans diverses catégories d’AOC, d’IGP ou désormais de « vins de France », quitte à tordre les usages historiques, à placer la syrah rhodanienne dans le camp de l’authenticité des appellations et le cabernet-sauvignon pourtant présent en Provence depuis le XIXe siècle dans celui des IGP ou des cépages « de complément » forcément minoritaires dans un assemblage ? Dans le bouleversement de l’époque, ne pourrait-on pas laisser tomber une bonne fois pour toutes des réglementations plus politiques que naturelles, plus temporelles qu’historiques, et apporter aux créateurs et aux entrepreneurs le grand souffle de la liberté ?

M comme Mistral
Ensoleillé, chaud et sec, tel est le climat méditerranéen. Mais aussi venteux. Mistral dans la vallée rhodanienne et sur le littoral, tramontane en Roussillon, le vent qui souffle ici est fort et froid. Depuis toujours, il joue un rôle essentiel pour la viticulture. Assainisseur des raisins, garant des amplitudes thermiques entre nuit et jour, limitant drastiquement les risques de pourriture par temps humide, le mistral est depuis toujours l’allié fidèle de la vigne.

M comme Muscat
Le viognier est à la mode, pourquoi le muscat ne la retrouverait-il pas ?

N comme Nouveaux Vignerons
Tous les vignobles réputés ont une caractéristique commune, ils attirent de nouveaux vignerons qui, souvent, développent de nouvelles idées et de nouvelles structures de production. La plupart des secteurs de la Méditerranée viticole n’échappent pas à cette règle régénératrice, mais avec des profils très différents. Les « tickets d’entrée » ne sont pas les mêmes qu’il s’agisse d’une Provence (en particulier littorale) idéalisée dans le monde entier, une Corse bien plus protectrice de ses acteurs locaux et un Languedoc-Roussillon toujours en reconstruction structurelle. Ce sont des acteurs puissants – grandes fortunes et grands groupes – qui donnent aujourd’hui le la de la viticulture provençale alors que l’évolution du Languedoc et du Roussillon s’est faite avec des francs-tireurs passionnés et farouchement indépendants tout autant qu’avec des entrepreneurs du cru ayant spectaculairement bouleversé un modèle familial d’un autre temps. Au final, l’innovation des uns, la puissance d’autres et les racines de ceux qui sont là depuis toujours construisent un mélange plutôt rare dans le monde du vin et assurément très positif.

O comme Oliviers
La polyculture est une tradition séculaire de la Méditerranée et les Toscans l’ont parfaitement symbolisée en associant quasi systématiquement une production d’huile d’olive à celle de vin. Sauf dans certains secteurs, la France méditerranéenne n’a pas la même tradition de l’olivier, mais elle peut s’inspirer de cet exemple pour réassocier à son activité viticole d’autres facettes donnant une dimension holistique à l’entreprise. Certains le font avec une activité œnotouristique, d’autres, plus rares, avec des projets de polyculture, mais la quête de sens est un aspect fondamental de la civilisation du vin.

P comme Provence
Une Provence viticole à la croisée des chemins, c’est pour le moins le constat que l’on peut faire aujourd’hui. Depuis le début des années 2000, la production de rosé est devenue un moteur essentiel de son développement, initiant d’ailleurs une évolution que l’on comprend mieux aujourd’hui : moins de vins rouges accompagnant les repas traditionnels, plus de rosé, de blanc et de bulles pour des moments de convivialité. Cette transformation glamour a attiré de nouveaux investisseurs, à commencer par l’omniscient LVMH. Maître du jeu contemporain, le groupe ne saurait pour autant reproduire la stratégie et les méthodes qui ont fait son succès à Cognac et en Champagne. L’époque a changé et les marchés aussi. En attendant, reste une myriade de vignerons qui réinventent, chacun à leur façon, une région beaucoup moins uniforme qu’on ne l’imagine souvent.

Q comme Qualité
Aucune autre région de France n’a autant progressé en qualité moyenne que l’ensemble du bassin méditerranéen. C’est même, quand on y réfléchit rétrospectivement, une évolution qui était incroyable à envisager à la fin du siècle précédent. Cela n’empêche pourtant pas une partie du public et une majorité, hélas, de professionnels, surtout dans l’Hexagone, de placer toujours ces vins dans un second rideau de hiérarchie : voilà bien le vrai défi de ces prochaines années.

R comme Rosé
Il domine aujourd’hui la production provençale, y compris dans des appellations réputées historiquement pour leur rouge comme Bandol, mais aussi languedocienne ou corse. Le rosé s’est taillé une part de lion, avec d’autres codes que ceux qui ont régi les vins de qualité depuis des décennies. Plutôt que vouloir analyser les multiples causes de ce raz-de-marée et sa capacité à durer, contentons-nous de relever deux aspects significatifs. En premier lieu, grâce au rosé, les vignobles de la Méditerranée sont entrés dans un autre univers de consommation, et même un autre imaginaire que ceux où on les enfermait. Le rosé, avec vingt ans d’avance, annonce également le grand bouleversement de consommation des vins, moins axé sur les rouges voués à l’accompagnement exclusif des repas, plus ouvert sur d’autres moments et sur d’autres modes, où rosé, mais aussi rouges légers, vins orange, blancs, bulles et sans alcool auront leur place.

S comme Salinité
Curieusement, la fraîcheur, la tension, la minéralité, la salinité ont longtemps été des mots absents du vocabulaire organoleptique des vins de la Méditerranée. Cela a été le combat personnel de certains producteurs de faire entrer ces mots dans le profil de leurs vins ; cela reste un enjeu majeur à l’heure du dérèglement climatique.

S comme Syrah
Et si ce cépage bien installé sur les contreforts granitiques ou schisteux du Massif central, à flanc de coteaux dominant un fleuve alpestre, le Rhône, à 250 kilomètres du littoral, n’était pas tout à fait chez lui en Méditerranée ? On l’a pourtant planté (presque partout), le considérant toujours comme un cépage « améliorateur », oubliant presque toujours qu’il offre souvent, au sud du 45e parallèle, une version convenue de ses qualités, ses notes de confiture de mûre et de chocolat, ses tannins enrobés, mais souvent asséchants en finale et sa prise de bois flatteuse et finalement caricaturale. La syrah joue certainement un rôle d’appoint intéressant dans la construction multi-cépages des vins de Méditerranée, mais elle n’est assurément pas une recette miracle du succès.

T comme Terroir
Le terroir méditerranéen demeure encore largement méconnu parce que l’on fait fi de son immense diversité. C’est le présupposé climatique – ensoleillement maximal, faibles pluies, souvent sécheresse, chaleur des étés – qui domine la compréhension des vignobles et unifie, faussement, un territoire vaste et complexe. De fait, la variété est partout : géologie, géographie (de la mer à la montagne, le plus souvent à quelques kilomètres de distance), expositions, microclimats, pratiques historiques, encépagements et même vision de l’activité, aucun autre bassin viticole n’est aussi riche de terroirs différents.

U comme Universalité
La vie en Provence fait rêver le monde entier. Le vin de Provence, pas encore.

V comme Vermentino
Comme la syrah pour les rouges, le vermentino – qu’on appelle aussi rolle en Provence et vermentinu en Corse – a été vu il y a une trentaine d’années comme une recette miracle pour relever le paysage alors désastreux des blancs du sud-est de la France. Contrairement à la syrah, ce cépage a pour lui d’être natif et adapté au terroir méditerranéen. S’il n’échappe pas à quelques caricatures pataudes, il a produit nombre de réussites convaincantes et surtout redonné une nouvelle ambition en matière de vins blancs aux vignerons locaux.

W comme Winemaker
Plus que partout ailleurs, les catégorisations traditionnelles de production ont pollué l’évolution des vignobles méditerranéens. En marquant souvent une opposition systémique entre vignerons, coopératives et négociants, les acteurs du monde viticole (en Languedoc-Roussillon en particulier) rappelaient certainement une vérité historique émancipatrice, mais perdaient du temps quant aux véritables enjeux de l’époque. Pis encore, de nombreux prescripteurs professionnels, cavistes, sommeliers, journalistes, persistent à mépriser le travail d’un négoce pourtant moteur du renouveau de ces régions, à sous-estimer la coopération et à célébrer uniformément le small is beautiful  censé être la règle des vignerons. Pour le coup, la notion anglo-saxonne de winemaking, quel que soit le pedigree du producteur, se révèle bien plus pertinente pour jauger l’évolution actuelle du secteur.

X comme Xérès et autres vins étonnants
Élargissons un instant notre dictionnaire à l’ensemble du bassin méditerranéen : des notes de noix des xérès à celles de safran des muscats du Cap Corse, des merveilleux épices des soleras de Banyuls aux fruits mûrs des vins de la Bekaa, quelle autre région du monde peut se targuer d’une telle variété de saveurs, mais aussi de styles et de savoir-faire viticoles ?

Y comme Yacht
Même si les ports de plaisance du littoral sont encombrés de yachts aussi spectaculaires que m’as-tu-vu, la Méditerranée n’est pas un paradis pour riches. Elle est aussi la mer des grandes migrations et de ses drames. Elle est, depuis l’Antiquité, le cœur battant de la civilisation. Et, depuis cette même Antiquité, le vin en est un symbole, un commerce, un art de vivre, un bonheur.

Z comme Zeste
Comme la minéralité, les agrumes et à fortiori leur zeste ne faisaient pas partie de l’imaginaire méditerranéen il y a quelques années. Ils sont d’abord arrivés dans celui-ci par le biais pour le moins caricatural des arômes de pamplemousse (que les œnologues appellent thiols) qui se sont imposés dans nombre de rosés, remplaçant les non moins grossières notes de bonbon à la fraise ou de vernis à ongle. Mais ils composent aujourd’hui les bouquets de plus en plus complexes et diversifiés des blancs et rosés méditerranéens, s’intégrant à une palette de saveurs et d’arômes brillamment complexe.

En Magnum, dix ans plus tard

Avec ce quarantième numéro, notre magazine fête ses dix ans d’existence. À l’heure de le mettre sous presse, je me joins à toute notre équipe éditoriale pour vous remercier sincèrement de votre fidélité et de votre intérêt pour notre travail. Dans un univers de la presse en plein bouleversement structurel, je crois ne pas me tromper en disant, avec beaucoup d’humilité et sans triomphalisme déplacé, que le succès d’En Magnum tient à la stabilité de sa ligne éditoriale. En quarante numéros, le magazine a évolué sur la forme sans renier jamais ce qui fait son identité, à savoir une attention constante à sa présentation, une exigence farouche quant à l’unité des photos publiées et une volonté puissante de mettre des contenus pointus au service de la révélation immédiate du génie du vin. Je voudrais profiter de cette édition anniversaire pour remercier également tous les journalistes, les photographes, les dégustateurs et tant d’autres contributeurs qui ont permis à En Magnum de porter une voix reconnue par l’ensemble de la filière française des vins et des spiritueux. Avec eux, notre magazine a pu se réinventer tout en gardant ce qui fait sa force parmi la presse spécialisée du vin. Cela se résume en deux mots : l’information et la nuance. Si la promesse faite à nos lecteurs dans le premier numéro, daté de juin 2015, n’a pas changé, le monde du vin, lui, est confronté à des épreuves et des défis qui modifieront son fonctionnement de manière sans doute définitive. Ce constat peut paraître terriblement anxiogène. Est-il inquiétant à la lecture de l’histoire pluriséculaire d’une boisson élaborée et partagée depuis les premiers jours de notre humanité ? Il serait présomptueux de la part de notre rédaction de penser détenir les clés et les outils pour changer la destinée du monde du vin. Notre rôle, que nous réaffirmons par ailleurs lors de nos événements ou avec nos nouveaux formats de prescription, est et sera toujours d’informer, révéler et partager avec ceux qui désirent apprendre. Au regard de ce que notre équipe observe sur le terrain, dans les vignobles, sur les marchés, auprès des professionnels et des consommateurs, il y a encore bien des raisons de s’émerveiller. En réinventant le vin, en faisant apparaître ses limites et parfois même ses errements, les nouvelles générations bâtissent un monde de demain plus exigeant, plus durable et plus éthique. Chez Bettane+Desseauve, nous sommes persuadés que cette révolution n’entraînera pas la chute de la civilisation de la vigne et du vin. On peut y voir un peu de naïveté. Je crois surtout que le fait d’adopter une fois pour toutes ce regard nouveau est une manière sans faille de faire preuve de beaucoup d’enthousiasme. L’été qui commence y est propice.


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Mathieu Mariotti, du cœur à l’ouvrage

Mathieu Mariotti a la sens de la formule, tout au moins la mémoire des adages. De ses racines italiennes, il a retenu un dicton incisif : « Tu as voulu le vélo, maintenant pédale ! ». Du conseil d’un ami, il a fait une maxime : « Tu n’as qu’une fois une première fois ». Un bon résumé de ses dernières années. Puisque le vin le passionne, il a pris la tête de la propriété familiale. Et pour ne pas rater ses débuts, il s’est donné le temps de dévoiler les premières cuvées de Clos de Caille, avec l’ambition d’en faire un domaine de référence en appellation côtes-de-provence. « Avec mes parents, ma sœur et mon frère, nous nous sommes dit qu’on lancerait les vins seulement quand ils sont prêts », insiste-t-il. « Cela impliquait d’abord d’avoir un vignoble abouti et un outil technique performant. Nous voulions interpeller dès les premières dégustations. » Chez les Mariotti, la famille est sacrée. Tous gravitent autour de la Sampi (Société anonyme monégasque de promotion immobilière), l’entreprise fondée par le grand-père dans les années 1970. Son fils Jean-Pierre, ingénieur polytechnicien, et son épouse Simona la développent avec des projets d’envergure en Principauté. Mathieu, Jean-Marie et Clarissa, ses petits-enfants, naissent à Monaco, mais passent week-ends et vacances dans un lieu magique situé à une centaine de kilomètres du Rocher. Acquis par la famille en 1992, le domaine Clos de Caille dévoile la nature enjôleuse de cette Provence intérieure magnétique, entre monts de l’Ubac et vallée de l’Argens. Les traces de son histoire remontent aux moines cisterciens, bâtisseurs au XIIe siècle de l’abbaye du Thoronet voisine. « Mon père a créé chez nous un attachement viscéral au Clos de Caille », raconte Mathieu, 36 ans aujourd’hui. « Nous avons là-bas des souvenirs d’enfance merveilleux. Plus tard, j’y ai travaillé tous les étés avec les ouvriers agricoles. C’était physique. J’ai compris la valeur du travail et évité de devenir un assisté parce que j’avais la chance de grandir à Monaco. Cela m’a servi d’école de la vie. »

Des choix forts et des projets
Pendant près de vingt ans, les raisins issus des trente hectares de vignes du domaine sont vendus à la coopérative du village d’Entrecasteaux. Les premières restructurations du vignoble interviennent dès 1996, mais le tournant décisif est pris en 2017 avec la construction d’un outil de production de pointe. Rudy Ricciotti, architecte de renommée internationale, d’origine italienne lui aussi, est choisi pour donner à Clos de Caille un chai gravitaire semi-enterré, adapté pour des vinifications parcellaires. Après une première vie professionnelle de trader en matières premières entre la Colombie et les États-Unis, Mathieu est de retour à Monaco. Il devient directeur financier du groupe immobilier. En 2021, il prend la direction du domaine. « Cela s’est fait naturellement. Le vin est une passion qui prend un quart de mon temps. Je gère le quotidien et nous conservons une approche collégiale pour les décisions importantes. C’est le travail de notre génération d’installer le domaine à un niveau d’excellence, avec une identité fidèle à l’approche vigneronne que nous pratiquons. » Certifié bio, le vignoble, agrandi à la fin de l’année 2024 avec dix hectares attenants, est replanté à partir de sélection massale. Une campagne de surgreffage permet d’accélérer les changements d’encépagement. Avec de fortes amplitudes thermiques entre le jour et la nuit, qui frôle souvent les vingt degrés, la situation du domaine peut lui permettre de bâtir sa réputation grâce à ses vins blancs et rouges. Un choix inspiré, pris à un moment où le marché du rosé sature dans un segment très concurrentiel. La couleur fétiche de la Provence ne représentera bientôt que les deux tiers de la production (contre 90 % encore en 2023). Ce virage n’est pas étranger à l’arrivée comme consultant de Matthieu Cosse, le vigneron de Cahors. « Dans ce nouveau milieu pour nous, les relations humaines sont décisives », explique Mathieu Mariotti. « Il nous fallait un œnologue à la hauteur d’un terroir exceptionnel, capable de trouver la typicité du lieu. Il nous a apporté cette vision, d’abord en réalisant soixante fosses pédologiques pour cartographier le parcellaire, puis par des vinifications peu interventionnistes. » Les liens entre eux se sont vite affermis. En tant qu’associés, ils viennent de faire l’acquisition du vignoble de Bonaguil dans le Lot, à une dizaine de kilomètres du domaine Cosse Maisonneuve.

Guillaume Vidal : « La biodynamie est un levier puissant au château La Coste »

Guillaume Vidal, le régisseur du vignoble et Raymond Gimenez, le maître de chai, partagent une vision commune qui veut faire du château La Coste un domaine de référence en Provence. Photos : Mathieu Garçon

Depuis quand travaillez-vous au domaine ?
Raymond Gimenez : Je suis maître de chai au château La Coste depuis quarante et un ans. Je travaille en binôme avec Guillaume Vidal depuis 2019. Pendant les vendanges, nous échangeons sur les parcelles, les maturités, les contrôles, les dégustations. Et pendant la vinification, nous sommes tous les deux au cœur de l’action.
Guillaume Vidal : J’ai toujours travaillé en bio et j’ai voulu poursuivre cet engagement ici. Nous avons engagé la conversion du vignoble dès mon arrivée et obtenu en 2022 la certification Demeter pour nos pratiques en biodynamie.

Quels changements avez-vous constaté depuis cette conversion ?
G. V. : Même si cinq ou six ans représentent une durée courte à l’échelle d’un vignoble, nous commençons déjà à observer des effets positifs. Les terroirs réagissent et les vignes sont plus résilientes au stress climatique. On le ressent aussi dans les profils des vins qui sont plus équilibrés et plus frais.
R. G. : Le feuillage des vignes reste sain même en période de forte chaleur, ce qui permet à la plante de continuer à produire des composés intéressants. Et de manière générale, l’expression du raisin est plus juste.

En quoi la biodynamie aide-t-elle concrètement la plante ?
G. V. : La biodynamie n’est pas une solution miracle, mais un levier puissant. On réactive la vie du sol pour lui permettre de retenir l’eau et les nutriments et de les restituer à la vigne quand elle en a besoin. On obtient une synergie entre le sol et la plante.
R. G. : Les acidités sont aussi mieux préservées et les fraîcheurs aromatiques plus nettes. On constate aussi que la montée brutale des degrés d’alcool, même en cas de canicule, est moindre que par le passé.

Cela influence votre manière de vinifier ?
G. V. : Nous vinifions tout séparément, nos cépages, nos parcelles, parfois même des sous-parcelles. On déguste chacune des cuves en fin de fermentation pour comprendre le vin qu’elles peuvent donner.
R. G. : Et selon les profils, nous décidons si cela ira dans une cuvée haut de gamme ou plus accessible. C’est un travail de sélection très précis.

Impossible donc d’entrevoir à l’avance le potentiel de chaque parcelle en fonction des cuvées ?
R. G. : On aimerait, mais ce n’est pas figé. Nous savons où sont nos terroirs de qualité. Ce sont des parcelles où la roche mère est assez proche de la surface. Ce sont celles aussi où les vignes sont les plus âgées et très bien enracinées. Elles donnent les vins les plus aboutis, les plus gastronomiques. Nous avons une base de réflexion qui concerne 60 à 70 % de notre vignoble, mais ensuite il faut toujours s’adapter. Le millésime peut tout changer.
G. V. : Nous l’avons d’ailleurs constaté récemment avec un millésime 2022 précoce et chaud tandis que 2023 était plus tardif et humide. Deux années totalement opposées. Il faut remettre les compteurs à zéro chaque fois.

On imagine que c’est ce qui rend votre travail plus complexe.
G. V. : C’est ce qui fait la richesse de notre métier. On observe, on déguste les baies, on fait des analyses, on décide au cas par cas, on travaille pour déterminer le moment idéal pour vendanger des raisins dont l’équilibre allie maturité, fraîcheur et potentiel aromatique. Nous cherchons à faire des vins avec une excellente buvabilité pour répondre à la demande des consommateurs.
R. G. : Ce travail minutieux a un effet direct sur les degrés d’alcool. Depuis quatre ou cinq ans, grâce à cette optimisation, nous avons des vins avec moins d’alcool, qui titrent autour de 12,5 % pour les rosés et les blancs. Et pourtant, ils sont expressifs, intenses et toujours équilibrés.

Cette notion d’équilibre revient souvent chez vous.
R. G. : C’est ce qui fait la qualité d’un vin, surtout quand on veut leur donner une portée gastronomique. On a la chance d’avoir cette diversité de terroirs et d’expositions qui nous permet d’aller chercher cet équilibre.
G. V. : Et on essaie aussi de l’exprimer dans la complexité des vins. D’où ce travail de sélection parcellaire et d’élevage précis.

Comment se traduit cette précision dans l’élevage ?
G. V. : Depuis quatre ou cinq ans, nous travaillons beaucoup sur la sélection des bois. On teste différentes essences, en multipliant les provenances et les tonnelleries. Nous adaptons le contenant au cépage et selon chaque millésime. Le bois doit apporter une légère complexité, apporter de la structure et permettre d’accroître le potentiel de garde. Mais il ne doit pas masquer les arômes variétaux.
R. G. : Nous travaillons également sur les lies. Les vins blancs restent longtemps sur lies grossières, parfois jusqu’à la mise. Cela apporte du gras, du volume et une belle longueur en bouche. Cela fonctionne très bien, notamment lors des derniers millésimes.
G. V. : C’est aussi une façon d’accompagner la micro-oxygénation naturellement, sans intervention excessive. L’idée, c’est toujours de rester au plus près du raisin et du terroir.

Parlons du réchauffement climatique. Comment anticipez-vous ses effets dans les années à venir ?
G. V. : C’est un gros enjeu. Nous devons adapter notre vignoble dès maintenant. Nous travaillons donc sur des cépages plus résistants à la chaleur, comme la counoise ou le mourvèdre.
R. G. : Nous jouons aussi sur les expositions, les altitudes, les sols. Une partie du domaine est en amphithéâtre, avec des coteaux bien exposés, alors que l’autre partie s’appuie sur des sols volcaniques. Ces éléments sont intégrés dans notre réflexion.
G. V. : On croit aussi que notre vignoble a beaucoup de potentiel pour les blancs et que nos terroirs peuvent donner des grands vins blancs de gastronomie.

Ce qui signifie que la part de blanc sera plus importante dans votre production ?
R. G. : Aujourd’hui, la répartition des vins que nous proposons est à peu près de 55 % de rosés, 25 % de blancs et 20 % de rouges. Le rosé reste majoritaire, mais nous souhaitons équilibrer davantage les trois couleurs.
G. V. : Nous ne suivons pas le modèle classique de Provence avec 90 % de vin rosé. Nous voulons proposer autre chose et c’est d’ailleurs pour cela que nous avons un outil adapté avec le nouveau chai.
R. G. : Ces nouvelles infrastructures vont nous permettre d’avoir plus de capacité de vieillissement, notamment pour les blancs. L’objectif est de constituer une vinothèque et de garder des millésimes pendant dix ou quinze ans, afin d’accompagner la montée en gamme du domaine.

Comment envisagez-vous l’avenir ?
R. G. : Chaque année, nous nous remettons en question. Nous innovons et testons depuis quelques années des matériaux naturels pour l’élevage, béton, terre cuite, grès, pour aller toujours plus loin dans la précision, tout en respectant la nature du raisin.
G. V. : Nous avons la chance d’avoir des terroirs très variés, avec des sols majoritairement calcaires, mais aussi avec une partie basaltique. L’orientation nord de nos coteaux, qui préserve la fraîcheur des raisins, nous permet de produire des vins blancs avec de la salinité, ce qui est un peu notre signature. Les décisions que nous prenons aujourd’hui auront un effet dans dix ou vingt ans. Nous voulons assurer la pérennité du domaine et que ses vins restent parmi les meilleurs de Provence.

Vous avez aussi aujourd’hui un projet à l’étranger.
G. V. : Il y a dix ans, nous avons planté 120 hectares en Argentine, dans la région de Mendoza.
R. G. : Nous échangeons avec l’équipe locale et nous partageons nos philosophies, nos approches, nos retours d’expérience. C’est assez amusant, mais lorsque nous avons comparé les plans des chais, nous nous sommes rendu compte que nous avions fait exactement les mêmes choix d’élevage, sans s’être concertés, avec la même proportion de foudres, de barriques et de cuves béton. C’est bien la preuve que nous avons une vision commune, même à des milliers de kilomètres de distance.

La magnifique collection d’art contemporain du château La Coste est parsemée au cœur des vignes. Ici, le pavillon Renzo Piano est l’un des cinq lieux qui accueillent des expositions temporaires.
Le chai semi-gravitaire signé par l’architecte Jean Nouvel. La cuverie est enterrée à douze mètres de profondeur.

Toutes les nuances du soleil

Photo : Fabrice Leseigneur

Dominique Courbis, Roussanne 2023, IGP ardèche
Les frères Laurent et Dominique Courbis dirigent depuis longtemps ce domaine situé à la limite sud de l’appellation saint-joseph et pratiquent une viticulture soignée où l’innovation est omniprésente. Dernier-né du domaine, ce vin de pure roussanne met en avant des arômes de fleurs blanches au nez, des notes d’ananas et d’agrumes. Servi frais, c’est le compagnon des beaux jours.
14,50 euros

Maison Louis Latour, Grand Ardèche 2022, IGP ardèche
La maison beaunoise a pris en 1979 la décision de se lancer dans l’élaboration de chardonnays en Ardèche, région propice à l’expression du cépage en raison de ses sols argilo-calcaires et son ensoleillement idéal. Ce blanc issu d’une sélection des meilleures parcelles se distingue par son nez expressif, brioché, avec des notes de pierre à fusil. La bouche est grasse, pleine et équilibrée.
14,90 euros

Domaine de Terrebrune 2019, bandol
Un terroir dans le terroir, voilà comment décrire cette propriété située à Ollioules, menée et choyée par le duo Reynald Delille et Jean d’Arthuys. Cet excellent bandol rosé, racé, ample et complexe, affiche un style et une minéralité obtenus grâce aux six années de vieillissement et aux sols calcaires de ce site d’exception. Des notes de menthol et de poivre lui donnent son caractère expressif.
29 euros

Champagne Canard-Duchêne, Rosé Iconic
Canard-Duchêne propose des champagnes apéritifs, tous bien constitués, à l’image de ce rosé fruité et gourmand qui fait la part belle aux fruits rouges, avec des notes complexes et précises, et se déploie de manière savoureuse en bouche. Équilibre, fraîcheur, allonge veloutée et bulle fine, c’est une belle réussite.
49 euros

Champagne Collard-Picard, Merveilles
Cette jeune maison d’Épernay, créée en 1996, a fait du vieillissement en bouteille le socle de son style et de la précision aromatique, une priorité. Ce rosé de saignée en surprendra plus d’un par sa gourmandise affirmée avec ses notes de fraise des bois, sa bouche charnue et sa vinosité onctueuse. La finale ne manque pas d’élégance.
49 euros

Champagne EPC, Blanc de blancs
Chacune des neuf cuvées d’EPC résulte d’une collaboration étroite entre un vigneron ou une coopérative et le chef de cave de cette toute jeune maison créée ex nihilo pour mettre en valeur un terroir précis de la Champagne. Pour ce brut nature, EPC s’appuie sur l’expertise de la coopérative de Berru pour révéler la richesse du terroir du mont de Berru. Un champagne vineux, immédiatement appréciable, à la franchise communicative et à la tonicité séduisante.
55,90 euros

Champagne Henriot, Brut 2015
Aussi à l’aise dans les vignes que dans sa cuverie, la charismatique cheffe de cave Alice Tétienne veille sur le style de cette maison réputée pour la pureté de ses champagnes, toujours très séduisants et gourmands. Ce millésime 2015, dont l’étiquette change pour l’occasion, plaira par son nez minéral, aux notes de fruits noirs, et sa bouche ciselée.
82,50 euros

Champagne Moët & Chandon, Impérial
Sous la vigilance de l’expérimenté chef de cave Benoît Gouez, le style des champagnes Moët & Chandon s’appuie sur trois fondamentaux : fruit, équilibre, accessibilité. Cette cuvée emblématique née en 1869 est une belle photographie de ce que l’art de l’assemblage poussé à son paroxysme peut donner en Champagne. On aime sa finale sur les agrumes confits.
42,90 euros

Champagne Pannier, Brut rosé
Cette maison, issue de la cave coopérative de Château-Thierry, possède une gamme aussi variée que réussie. Ce joli rosé d’assemblage, parfait à boire sous le soleil de l’été, avec son bouquet floral et fruité, sa bouche harmonieuse et élancée, sa belle profondeur généreuse, est une excellente introduction.
42,30 euros

Champagne Thiénot, Brut rosé
La nouvelle génération, Garance et Stanislas Thiénot, veille avec attention sur cette maison familiale qui a opéré une montée en gamme remarquable des cuvées qu’elle propose, tel ce brut rosé aux notes framboisées et finement végétales. La bulle tonique équilibre bien une bouche souple et agréable.
54,50 euros

Champagne Taittinger, Prestige rosé
Avec tact et talent, Vitalie Taittinger perpétue le style inimitable et admiré de cette maison familiale forte de 288 hectares de vignoble. Référence de la catégorie, ce champagne rosé présente une robe colorée et de jolies notes florales de pivoine et de groseille. On aime aussi son allonge crémeuse et subtile, ainsi que son énergie et sa longueur.
58 euros

Champagne Veuve Clicquot, La Grande Dame 2018
Il y a plus de deux siècles déjà, Madame Clicquot disait que « les raisins noirs donnent les vins blancs les plus fins ». Ce 2018, vingt-cinquième millésime de cette cuvée d’exception, lui donne encore raison par sa finesse et sa complexité entre notes de fleurs printanières et d’agrumes. On aime son intensité et sa salinité finale.
190 euros

Champagne Château de Bligny, Grand rosé
Installé au cœur de la côte des Bar, ce domaine champenois et son magnifique château appartiennent à la famille Rapeneau, qui protège avec brio ce patrimoine historique unique en Champagne. On recommande ce brut rosé qui dévoile un fruit framboisé expressif et une bouche ronde et ample. Aussi accessible que savoureux.
38 euros

Domaine du Grand Tinel, châteauneuf-du-pape 2023
Dans le sud de la vallée du Rhône, Christophe, Béatrice et Isabelle Jeune exploitent 74 hectares de vignes, dont 56 en appellation châteauneuf-du-pape. Les vins, élevés en foudres pendant une à deux années, sont fins élégants et frais, comme ce blanc réussi au nez de fleurs blanches et aux notes d’agrumes.
33 euros

Roseblood 2024, coteaux-varois-en-provence
Installé sur le versant sud des Alpilles, Estoublon est avant tout un terroir argilo-calcaire protégé et très travaillé. C’est aussi une propriété relancée par ses acquéreurs, Stéphane Courbit, Jean-Guillaume Prats et le couple Bruni-Sarkozy. Proposée en parallèle des vins du domaine, ce rosé au nez charmeur sur les notes de fleurs blanches séduit par son caractère fruité et équilibré.
17,50 euros

Château La Calisse, Cuvée Étoiles 2024, coteaux-varois-en-provence
Situé dans une conque à une altitude de 380 mètres, le vignoble de La Calisse a été entièrement repensé en 1990 par Patricia Ortelli. Issu d’un terroir de qualité et produite de manière confidentielle, cette cuvée Étoile à la robe lumineuse, au nez expressif et aux saveurs d’agrumes et de groseille est un rosé suave et puissant, fait pour la gastronomie.
35 euros

Château Bas 2024, coteaux-d’aix-en-provence
Construit sur le site d’une ancienne cité gallo-romaine, le château Bas et ses 385 hectares, dont 70 de vignes certifiées bio depuis plus de dix ans, est la propriété de la famille bordelaise Casteja. Un sol argilo-limoneux donne à ce rosé un bel équilibre entre acidité et fraîcheur, en plus d’arômes délicats de fruits rouges et d’agrumes. La finale est équilibrée.
12 euros

Château d’Esclans, Whispering Angel 2024, côtes-de-provence
Mené au sommet par Sacha Lichine, ce domaine de 125 hectares de vignes est situé à 25 kilomètres au nord de Fréjus. Il s’appuie sur des techniques de vinification très spécifiques et parfaitement maîtrisées pour faire naître une gamme de vins appréciés partout dans le monde, dont ce célèbre rosé, intense, élégant et très persistant.
20 euros

Château des Demoiselles 2024, côtes-de-provence
Situé entre les spectaculaires gorges de Pennafort et les falaises rouges de Roquebrune, cette propriété sublime fête cette année ses vingt ans sous l’égide d’Aurélie Bertin, dont la famille est également propriétaire du château Sainte-Roseline. Ce 100 % rolle bio, friand et délicat, séduit par la finesse de ses notes de fruits exotiques. Un blanc à la bouche fraîche et tonique.
14,90 euros

Château Gassier, Le Pas du Moine 2024, côtes-de-provence Sainte-Victoire
Au cœur de la Provence de Cézanne, les 40 hectares du château Gassier sont un bijou d’innovation brillamment dirigé par Olivier Souvelain qui signe ici avec son équipe un rosé de style issu de terroirs situés au pied de la montagne Sainte-Victoire. C’est un vin aux notes florales et au toucher de bouche aérien, fait pour accompagner une gastronomie estivale raffinée.
18,90 euros

Château Minuty, « 281 » 2024, côtes-de-provence
Remarquablement bien exposées sur les coteaux des villages de Gassin et de Ramatuelle, dominant le golfe de Saint-Tropez, les vignes de ce domaine mondialement connu produisent des vins d’une grande élégance, à l’image de ce rosé de prestige, issu de terroirs de schistes, d’argiles et de sables, délicat par ses notes d’agrumes et de fruits blancs, mais aussi long en bouche.
50 euros

Château Sainte Marguerite, Collection Marguerites 2024, côtes-de-provence
Avec son vignoble situé au cœur du terroir de La Londe-les-Maures, toujours dirigé par les frères Olivier et Enzo Fayard, la propriété propose ce blanc très expressif et intense qui témoigne des recherches menées par le domaine en matière d’élevage. Minéral, salin, épuré, c’est un vin à la fois sphérique et sapide.
65 euros

Maison Galoupet, G de Galoupet 2024, côtes-de-provence
Acquise par LVMH en 2019, la propriété n’a pas changé sa démarche initiale qui cherche à révéler son terroir d’exception tout en préservant l’écosystème du secteur et en présentant des vins expressifs, accessibles et intenses. Nouvelle cuvée, le rosé G de Galoupet réussit le pari de l’accessibilité et de la fraîcheur.
20 euros

Château Martinolles, crémant de Limoux
En deux décennies, Jean-Claude Mas a bâti un patrimoine de plus de 800 hectares de vignes. La plupart des vins sont proposés à des tarifs angéliques, élément essentiel du concept de « luxe rural » décliné par ce pur Languedocien. Profond, expressif et nuancé, ce crémant est une belle expression du terroir de Limoux.
12,90 euros

Domaine de la Baume, Caméléon 2023, vin de France
Ce vaste domaine, situé entre Béziers et Pézenas, est la propriété du groupe alsacien Grands Chais de France. Au sein d’une gamme qui s’appuie sur des vins de cépage irréprochables techniquement, ce blanc original, ample et vif, aux notes gourmandes, affiche une belle longueur.
7,50 euros

Cave de Lugny, Cœur de Charmes 2022, mâcon Lugny
Fondée en 1927, la cave de Lugny est le premier producteur de vins du Mâconnais, alliant volume et exigence qualitative sur l’ensemble de sa gamme. Ce chardonnay, issu d’une sélection parcellaire rigoureuse, incarne la volonté de l’équipe technique de proposer des vins toujours sur le fruit et la fraîcheur.
15,50 euros

Gérard Bertrand, La Grande Bleue 2024, IGP méditerranée
Profondément ancré dans le Languedoc et amoureux de la Méditerranée, Gérard Bertrand célèbre deux univers qui le passionnent avec cette nouvelle cuvée. Fraîcheur, pureté, fruité, c’est un vin blanc à moins de dix euros qui saura plaire au plus grand nombre. Son achat profite aussi à l’organisation Oceana qui œuvre à la préservation de la biodiversité marine.
9,90 euros

Domaine de Chavet, Clos de Coquin 2022, menetou-salon
Antoine de la Farge, nouvelle valeur refuge de l’appellation menetou-salon, exploite trente hectares de vignes avec lesquels il signe une gamme réussie, dont ce blanc issu d’une parcelle spécifique qui a bénéficié d’un élevage de douze mois en fûts de 500 litres et en amphores. Des notes de fruits exotiques et de la rondeur en bouche.
20 euros

Joseph Mellot, Domaine des Mariniers 2023, pouilly-fumé
Catherine Corbeau-Mellot, avec ses fils Adrien et Armand, pilote une équipe culturale et technique performante qui cherche à faire rayonner les appellations du Centre-Loire. L’ensemble de la gamme a des choses à dire à table comme ce pouilly-fumé aux notes d’agrumes rehaussées par une touche fumée.
22,50 euros

Château de la Crée, santenay 1er cru Les Gravières 2022
Grace et Ken Evenstad ont créé le domaine Serene en Oregon en 1989. Amoureux de la Bourgogne, ils ont aussi acquis en 2015 le château de la Crée à Santenay. Avec ce chardonnay issu du climat des Gravières, noisetté et harmonieux, long et savoureux, le domaine propose une très jolie approche de ce terroir de premier ordre.
80 euros

Bouvet Ladubay, Brut rosé, saumur
Entre notes de fraise des bois et de framboise, cette bulle au joli bouquet de fruits rouges s’appuie sur un caractère léger et précis en bouche. Toujours en quête d’innovation et de qualité, la famille Monmousseau, propriétaire de cette maison historique de Saumur, propose des effervescent ligériens d’un excellent rapport qualité-prix.
9,50 euros

Château d’Aqueria, tavel 2024
Désormais propriété de la famille Guigal, le vignoble du plus célèbre domaine de l’appellation tavel compte 65 hectares d’un seul tenant plantés sur des galets roulés. On y produit des rosés frais, racés et toujours singuliers. Nez de fruits rouges et d’épices, bouche fraîche et structurée, celui-ci vieillira bien.
17 euros

Château de Bacchus, B de Bacchus 2024, IGP vaucluse
Située au pied du mont Ventoux, cette propriété a été rachetée en 2016 par Éric Claret-Tournier dont la volonté est de porter haut les couleurs de ce domaine dont la tradition viticole remonte à 1615. Les nombreux investissements consentis donnent aujourd’hui des résultats et surtout des vins réussis, comme ce blanc expressif et fruité. Idéal avec des crustacés.
15,80 euros

Divineo, Pétale de grenache 2022, vin de France
Au cœur d’une gamme de vins produits en Languedoc et vinifiés en Bourgogne, cette petite structure propose ce rosé de macération fruité. Un 100 % grenache noir, cultivé sur un sol argilo-calcaire couvert de cailloux roulés, qui plaira par ses arômes de groseille et d’agrumes. À servir avec des salades estivales.
20 euros

Ségolène Gallienne, au service de la pureté

Photo : Mathieu Garçon

Le ton est direct, le rythme soutenu, les explications précises. Quand Ségolène Gallienne détaille un dossier, on comprend qu’elle en a étudié personnellement toutes les facettes. C’est ce qu’elle a entrepris avec la maison Lenoble, dont elle a fait l’acquisition en 2023 avec son family office. Aspects viticoles, marketing, financiers, humains ou environnementaux, mais aussi culturels, tout a été passé en revue par cette passionnée de vin. Elle y a été initiée par Albert Frère, son père, comme elle aime à le rappeler : « Mon père était un vrai épicurien. Il commençait ses repas au champagne pour les terminer avec des vins de Bordeaux. Il m’emmenait dans ses pérégrinations et m’a fait découvrir cet univers depuis que je suis toute petite. Je dis souvent, pour blaguer, que je suis tombée dedans comme Obélix est tombé dans la marmite ». Pour encore mieux s’y connaître, elle s’inscrit à la formation diplômante du WSET en 1997, à une époque où la certification anglo-saxonne sur le vin était moins à la mode qu’elle ne l’est depuis devenue. Elle découvre alors la Champagne, en étant administratrice de la maison Taittinger. Sa passion que l’on sent sincère pour le produit lui fait citer des maisons aux styles parfois opposés, Taittinger et ses chardonnays ou bien Bollinger, dont les pinots noirs constituent la clef de voûte. Ce qu’elle apprécie dans le style Lenoble, qui avait été consciencieusement mis au point par Anne et Antoine Malassagne, c’est un style défini par un dosage en extra brut qui souligne la pureté du champagne.

Au-delà du champagne
Un dosage minimaliste qui met en valeur autant les blancs de blancs que les blancs de noirs, deux axes de développement pour la gamme qui sera amenée à évoluer. Avec une franchise déconcertante, Ségolène Gallienne avoue spontanément ne pas aimer le rosé, quand bien même il s’agit de la couleur à la plus forte croissance depuis une vingtaine d’années. Elle n’en commande jamais au restaurant. Tout l’inverse de son mari, Ian, qui lui adore le rosé et les blancs de noirs, ce qui permettra à l’équipe technique, emmenée par Julien Lardy, de trouver son équilibre dans les nouvelles orientations prises. Des pistes qui pourraient aussi croiser la route des vins tranquilles, puisque Ségolène Gallienne croit beaucoup au potentiel des coteaux-champenois. « La maison est capable de produire toutes sortes de choses, donc je pense qu’il faut explorer toutes les pistes et jouer un peu l’alchimiste. Après, on peut se tromper. » Quand d’autres maisons jouent la carte de la mode ou de celle de l’art pour attirer l’attention, Ségolène Gallienne préfère se concentrer sur les fondamentaux : « Cela ne nous ressemble pas. Par contre, ce qui est épicurien et lié à la cuisine ou aux grands chefs nous ressemble beaucoup. Le champagne se marie très bien avec la gastronomie, peut-être davantage encore le bon plat que le menu d’un restaurant 3-étoiles. Cela peut être aussi bien dans une brasserie où vous avez le meilleur poulet-frites que dans un grand restaurant ou bien dans un endroit où l’on vous sert un tourteau ». Sa passion pour le champagne dépasse le seul cadre du produit. Il s’agit aussi d’une vision patrimoniale, raison pour laquelle elle et son mari ont été portés à regarder le dossier Lenoble, une maison familiale en quête de successeurs : « Le champagne, c’est du long terme, tout comme la vision de notre family office. On souhaitait réaliser un investissement familial qui nous plaise et nous ressemble, pour léguer quelque chose à nos enfants ». Elle précise : « C’est indispensable pour nous que cette maison reste établie à Damery. Il faut être fier de son héritage, de l’endroit d’où l’on vient. Pour moi, c’est une question d’éducation. Mon père a toujours été comme ça, fier d’où il venait ».

La disparition de Frédéric Panaïotis, chef de cave de Ruinart

Photo : Mathieu Garçon

La disparition accidentelle de Frédéric Panaïotis, emblématique chef de cave de Ruinart, me bouleverse. Trop brutale, trop tôt, trop de grands vins et de belles idées encore à partager. Frédéric, dont Guillaume Puzo évoque ci-dessous la fulgurante carrière, était un personnage hors norme comme seule la civilisation contemporaine du vin est capable de produire. Cet esthète aimait transmettre au plus grand nombre les secrets d’une maison historique dont il avait particulièrement rajeuni et précisé le style des vins au cours de ce premier quart de siècle. Il parlait plusieurs langues, et toutes lui permettaient de dispenser cette passion œnophile. Tous les visiteurs du Grand Tasting Paris, qu’il ne manquait jamais, se souviennent de la simplicité et de l’humanité sans pareil dont il faisait preuve pour expliquer le génie des champagnes de sa maison. Tous ceux qui, comme moi, ont eu la chance de partager avec lui des moments de complicité, des bonheurs de conversation et des émotions de grandes bouteilles ouvertes ensemble n’oublieront jamais le lumineux charisme de Frédéric.

A sa famille, à Frédéric Dufour, le président de Ruinart et à l’ensemble de ses équipes, Bettane+Desseauve présente ses plus sincères condoléances.

Par Thierry Desseauve


La nouvelle est brutale, comme l’accident de plongée qui nous a enlevé Fred. On s’était rencontrés voici plus de 30 ans, en septembre 1994 plus précisément. Lui venait d’être embauché dans l’équipe œnologique de Veuve Clicquot, après une première expérience au CIVC (aujourd’hui le Comité Champagne), moi j’y débutais un stage dans le cadre de mes études. Sa simplicité relationnelle et son aisance pédagogique nous ont fait immédiatement nous rapprocher. C’est à ses côtés que j’ai commencé à me former au champagne, son univers et sa dégustation. C’était une époque charnière dans la région, où l’on demandait aux œnologues de bien parler de leurs vins et de leur travail, en plus de leurs compétences strictement techniques. L’époque où le faire savoir venait compléter le savoir-faire. Et Fred, qui parlait déjà couramment l’anglais, l’allemand et l’espagnol, s’était par la suite mis au japonais puis au chinois, sans oublier l’italien. L’accomplissement de sa carrière fut sa nomination comme chef de cave de Ruinart en 2007. Il savait partager à un large public des sujets parfois techniques mais qui expliquaient de façon pointue tout l’art de son métier, élaborer de grands champagnes en anticipant leur évolution en cave et dans le temps. Tant de bons souvenirs de nos masterclasses au Grand Tasting, où derrière un sérieux et un professionnalisme qui ne le quittaient jamais, l’humour et la joie de vivre faisaient pétiller la conversation. Toujours svelte malgré les inévitables sollicitations gourmandes de son métier, débordant d’énergie en toutes circonstances, cet athlète aura croqué toute sa vie à pleines dents.

Tu vas nous manquer, Fred.

Par Guillaume Puzo