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Vinsobres, les projets pour grandir

Avec environ 1 500 hectares de vignes répartis sur un territoire de 3 500 hectares, la commune de Vinsobres se partage entre vignes et forêts. Le cahier des charges de l’appellation interdit d’ailleurs tout déboisement afin de préserver ces écosystèmes naturels. « Un équilibre que les vignerons tiennent absolument à conserver », précise Charles Vinson du domaine du Moulin.

Située aux confins des Alpes, Vinsobres bénéficie d’un climat et d’une géographie propices à la culture de la vigne. En plus de la présence de nombreuses zones boisées, le mistral assèche et protège les vignes contre les maladies cryptogamiques et le Pontias, un vent local, rafraîchit l’air matinal, même en plein été. L’amplitude thermique entre le jour et la nuit est marquée, ce qui favorise une maturité lente des raisins.

L’INAO autorisant désormais l’ajout de couleurs dans une appellation existante, la reconnaissance des blancs pourrait avoir lieu d’ici deux ans. Avec ce projet, l’appellation veut donner une réponse à la demande croissante pour la catégorie sans engager une procédure de modification du cahier des charges, souvent lourde. « Initialement, l’idée était d’étendre la zone de production, mais cela aurait exigé plusieurs années d’expertises et d’analyses de terrain », précise Aurélien Aubert, porte-parole de l’appellation Vinsobres.

Une évolution logique pour l’appellation, qui mise sur la qualité et la diversité de ses terroirs. Sur les 1 500 hectares de vignes seuls 48 hectares sont aujourd’hui consacrés aux cépages blancs, principalement du viognier (17 hectares) et du grenache blanc (10 hectares) mais aussi les cépages clairette, marsanne, roussanne, etc. Le rolle pourrait aussi être autorisé à terme dans les assemblages mais cela « dépendra de l’évolution réglementaire », souligne Richard Jaume, le copropriétaire du domaine Jaume.

Le village de Vinsobres, regarde son vignoble qui fait face au mont Ventoux.

Les terroirs de Vinsobres

Les premières terrasses, situées entre 200 et 250 mètres d’altitude, sont constituées de limons accumulés, représentent l’essentiel de la production des blancs.
Les coteaux, situées entre 250 et 350 mètres d’altitude reposent sur un terroir argilo-calcaire.
Les terroirs des collines, situés entre 300 et 500 mètres d’altitude et composés à parts égales d’argile, de sable et de limon, sont marqués par un relief accidenté.
– Enfin, entre 350 et 450 mètres, on retrouve le plateau composé de galets roulés et des marnes.

Vinsobres /

Vinsobres en trois points

– Cru des côtes-du-rhône depuis 2006 pour les rouges. Ce classement concerne exclusivement les terres offrant une vue sur le mont Ventoux.
– Cépages majoritaires : grenache, syrah et mourvèdre
– Le volume de production est partagé à parts égales entre les sept caves coopératives et vingt-trois domaines

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Sept vins à découvrir

Domaine Chaume-Arnaud, vinsobres 2021
Philippe Chaume et Valérie Chaume-Arnaud ont fait de ce domaine l’un des plus réguliers de l’appellation. Le couple applique avec passion les principes de l’agriculture biodynamique depuis 2003 et les vignes sont certifiées bio depuis 2009. Un 2021 en équilibre et en fraîcheur, qui exprime avec finesse des arômes de fruits rouges.
17,30 euros

Domaine Vallot, Cuvée François 2022
François Vallot dirige ce domaine certifié en agriculture biologique depuis 2003 et en biodynamie depuis 2007. Situé entre Nyons et Vaison-la-Romaine, le vignoble s’appuie sur des coteaux ensoleillés aux sols calcaires, à 450 mètres d’altitude. Une adresse de vins fins, à l’image de cette cuvée qui dévoile un fruit frais, réhaussé par des notes d’épices. Bouche charnue et gourmande, finale longue.
12 euros

Domaine Saint Vincent, Cuvée Saint-Pierre 2022
Philippe Lescoche, rejoint par sa fille Ludivine, a acquis en 2012 ce domaine familial. Le vignoble (50 hectares) culmine à plus de 500 mètres d’altitude et est certifié en agriculture biologique depuis 2023. Issu de vieilles vignes de grenache et de syrah soigneusement sélectionnées sur le lieu-dit Saint-Pierre, ce 2022 à la bouche fine et gourmande exprime un joli fruit aux senteurs de garrigue et des notes toastées.
17 euros

Domaine Jaume, Altitude 420 2022
Le domaine incontournable de l’appellation a fêté ses 100 ans en 2005. Les frères Pascal et Richard Jaume ont été rejoints par Anthony et Vincent, la cinquième génération. La culture raisonnée et le travail minutieux à la vigne comme au chai permettent l’élaboration de vins riches et puissants, non dénués de finesse et de complexité. La cuvée Altitude 420, assemblage de grenache et de syrah plantés entre 400 et 440 mètres d’altitude, dévoile des notes de groseille, de cassis et de violette. Finale élégante, persistante, de belle longueur.
12 euros

La Vinsobraise, Cuvée Thérapius 2022
Moteur de l’appellation, la cave de la Vinsobraise (250 adhérents aujourd’hui) a ouvert ses portes en 1949. Son président, Michael Jaume, a fait de la qualité des raisins un principe fondamental. Parmi les cuvées produites, la cuvée Thérapius séduit par sa robe rouge grenat, son nez sur les fruits noirs et le cuir et sa bouche onctueuse, avec une belle fraîcheur.
15,20 euros

Domaine du Moulin, Les Vieilles vignes de Jean Vinson 2023
Denis et Frédérique Vinson, épaulés par leurs deux fils Charles et Joseph, peuvent compter sur leur chai d’élevage creusé dans la roche, qui offre des conditions idéales pour le vieillissement des vins. Le vignoble de 20 hectares (45 parcelles) comprend des vieilles vignes plantées en coteaux, sur un terroir argilo-calcaire très caillouteux. Elles produisent ce vin d’une grande finesse, aux arômes de fruits gourmands et aux tanins soyeux.
9,50 euros

Domaine Autrand, vinsobres 2023
Christine Aubert, propriétaire du domaine depuis 2002, a été rejointe en 2008 par son fils Aurélien. Le duo veille sur un vignoble de 82 hectares divisé en deux parties. La majorité est située à une altitude moyenne de 400 mètres sur des coteaux argileux ou caillouteux. Le reste est planté autour du domaine familial, sur des coteaux caillouteux à une altitude moyenne de 200 mètres. Assemblage de grenache, syrah et mourvèdre cultivés en altitude, ce 2023 délicat et élégant, plaira par ses tannins souples et ses arômes de fruits rouges et noirs.
12,70 euros

André Drappier n’est plus

Photo Mathieu Garçon.

Si tout le monde connaît aujourd’hui le visage de son fils, Michel, c’est André qui a véritablement lancé l’entreprise dans le sillon de la modernité. Jusque-là, la maison avait traversé toutes les crises de la Champagne, elle s’en était sortie en vendant des moûts à de grandes maisons de la Marne. Alors que jusqu’en 1950 la maison ne propose qu’une seule cuvée, l’idée de génie d’André et son épouse Micheline est de créer la cuvée Carte d’Or en 1951. Une réussite pour celui qui n’est à l’époque que récoltant-manipulant (ce n’est qu’en 1986 qu’il prendra le statut de négociant). À la fin de la même décennie, il crée également l’extra-dry, la cuvée que le général de Gaulle va sélectionner pour son usage familial, à Colombey-les-Deux-Églises (et non pour l’Élysée, comme une légende tenace mais fausse l’affirme).

André était né en 1926, sa santé avait décliné ces derniers mois. Il n’aura pas soufflé sa centième bougie.

À sa famille, à ses proches et aux amoureux de la maison, Bettane+Desseauve présente ses plus sincères condoléances.

Cattier, l’histoire du Clos du Moulin


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« Mon grand-père Jean Cattier a signé l’acte d’achat du clos lors du Noël 1950. C’est une vigne qui apparaît dans les registres dès le XVIIIe siècle, quand Allard de Maisonneuve, un officier militaire du roi Louis XV, se voit remettre la parcelle en récompense de ses services », explique Alexandre Cattier à propos de l’acquisition par sa famille du clos du Moulin. De cette parcelle unique, située dans la commune de Ludes, la maison Cattier a fait sa cuvée de prestige. Inutile de chercher un moulin, maintes fois détruit, maintes fois rebâti. Seules de vieilles cartes postales attestent de son existence. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les Alliés bombardent les positions allemandes, notamment les stocks de munitions entreposés non loin du clos. Il ne reste de celui-ci que les fondations et quelques mètres de murs encore debout, depuis fort bien restaurés par la famille d’Alexandre qui lui redonné son lustre originel. Situé au sommet d’une butte, entouré de cyprès, le lieu offre un panorama sur la face nord de la montagne de Reims.

Trois millésimes
Pour la Champagne, la parcelle est grande (2,2 hectares). Vingt centimètres de terre recouvrent superficiellement le sous-sol de craie. Depuis toujours, chardonnays et pinots noirs plantés en 1981, 1983 et 2019, se partagent à parts égales cette surface délimitée. Comme pour tous les vignobles dont la famille est propriétaire, la viticulture du clos est raisonnée. Pour éviter de le tasser, un cheval effectue les travaux du sol. En cave, les raisins du clos ont toujours été isolés, suivant le même itinéraire technique que ceux issus des approvisionnements de la maison. Vinification en cuve béton (parfois en cuve inox), fermentation malolactique faite. Seules les premières cuvées sont retenues pour élaborer le champagne Clos du Moulin, afin d’éviter d’introduire des éléments amers qui accompagnent la fin du pressurage. Lancée vers la fin des années 1950, cette cuvée fut l’un des tout premiers champagnes à revendiquer un clos. À l’époque, le vin était tiré dans une bouteille champenoise standard, avant que ne soit adoptée l’actuelle bouteille spéciale. Les grands principes de son assemblage, eux, n’ont pas changé. Toujours une courte majorité de pinot noir complété par du chardonnay et toujours un assemblage de trois millésimes. Un même millésime se retrouve généralement dans trois tirages successifs de la cuvée, constituant 60 % du premier assemblage, puis 25 % et enfin 15 %, dès lors que ce millésime, conservé en cuve inox comme un vin de réserve, a atteint sa pleine puissance.
Quand elle est produite, la cuvée s’appuie sur l’intégralité des raisins du clos, sinon ces derniers sont utilisés pour les champagnes de la gamme Premier Cru. S’ensuit alors un long vieillissement sur lattes – moins long aujourd’hui (entre sept et huit ans) qu’à l’époque de Jean-Jacques Cattier, le père d’Alexandre, où il durait une dizaine d’années – qui permet de donner plus de fraîcheur au vin. Les dosages ont également baissé, passant de dix à six grammes par litre, mais s’appuient toujours sur des liqueurs d’expédition à base de chardonnay. En moyenne, cinq à six éditions de la cuvée Clos du Moulin sont produites par décennie (entre 10 et 15 000 bouteilles). Les Cattier ont cessé de tirer des magnums pour se concentrer sur les seules bouteilles, toujours dégorgées à la main et désormais habillées d’une étiquette en étain et en relief qui a pris la place de l’ancienne, sérigraphiée. Depuis le millésime 2006, la maison propose aussi une version rosée de Clos du Moulin, produite en quantités confidentielles (neuf éditions disponibles, 2 000 bouteilles à chaque tirage). Dans les deux couleurs, cet excellent champagne ne s’impose jamais par sa puissance ou sa vinosité, mais par son élégance, son équilibre et la justesse de chacune de ses différentes expressions. Cette verticale illustre aussi sa capacité à se bonifier en vieillissant.

Clos du Moulin – Millésimes 2016, 2015, 2014
Le tirage en cours de commercialisation propose une entame de bouche saline, qui laisse place à des parfums gourmands de fruits et de fleurs. La finale épicée est agréable
par son équilibre et sa persistance. Il affiche déjà la droiture des millésimes plus anciens et évoluera dans leur direction pendant vingt ans, voire plus.
Dosage : 6 g/l.
94/100

Clos du Moulin – Millésimes 2008, 2007, 2006
« Entre 2002 et 2009, on a eu une série de beaux millésimes », précise Alexandre Cattier, admiratif. Année parfaite en Champagne, 2008 donne à cette édition un équilibre accompli entre finesse, fraîcheur, élégance et persistance. Encore jeune, cette cuvée va bien évoluer dans le temps.
Dosage : 6 g/l.
95/100

Clos du Moulin – Millésimes 2004, 2003, 2002
« 2004 est une année généreuse », rappelle Alexandre Cattier. Depuis sa naissance, le profil aromatique de cet assemblage propose un fruité exotique (ananas, fruit de la passion) qui lui donne un caractère un peu moins aérien que les autres. Il répondra
aux attentes des amateurs de champagnes puissants.
Dosage : 8 g/l.
91/100

Clos du Moulin – Millésimes 1999, 1998, 1996
De la puissance et des amers en bouche. À l’époque, le dosage était un peu plus marqué, mais deux décennies passées en bouteille lui ont donné de la rondeur et de la texture. Aujourd’hui bien en place, avec une tension salivante en finale. Le fruité reste frais et jeune, donc ce vin ne manifeste aucun signe de déclin.
93/100

Clos du Moulin – Millésimes 1998, 1996, 1995
Plein et généreux, on devine un dosage ici aussi plus marqué, notamment au niveau de la rondeur et de la texture. Il offre une étonnante acidité pour un vin aussi âgé, avec des notes d’agrumes confits et une finale épicée. Grande énergie.
95/100

Clos du Moulin – Millésimes 1983, 1982, 1980
« 1983 est un grand millésime qui succède aux récoltes des années 1978, 1980 et 1981, les plus petites jamais vues. » L’effervescence est encore perceptible. On entre dans l’univers aromatique des vieux champagnes, entre notes de fruits confits, arômes racinaires (truffe blanche) et presque métalliques (limaille de fer). Un champagne à maturité, avec
une belle énergie et une acidité encore tonique.
95/100

Christophe Baudry et Jean-Martin Dutour, une même vision

Jean-Martin Dutour. Photos Charlotte Enfer

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Christophe Baudry.

Ils n’avaient rien en commun. Pourtant, leur vision similaire de la vigne et du futur de Chinon les a unis. Christophe est la cinquième génération à reprendre le domaine familial de la Perrière à Cravant-les-Coteaux, dont il est maire depuis seize ans. Jean-Martin est arrivé en 1996, fraîchement diplômé, pour reprendre la direction du domaine du Roncée. En 2003, ils s’associent pour mutualiser leurs ressources et équipements. « L’ambition initiale était seulement d’être plus performants, mieux organisés et stabilisés », confie Christophe. Lui a la fibre commerciale. Jean-Martin a la technique. Ils savent que leur force est d’allier leurs atouts. Leur projet est de fabriquer de grands vins. Les graves argilo-silicieuses de la Perrière et du Roncée leur permettaient déjà, avant les autres, d’obtenir des cabernets francs fruités tout en préservant la structure typique de Chinon. En 2007, ils reprennent le château de Saint-Louans, puy calcaire caractéristique du chinonais qui produit aujourd’hui leurs cuvées les plus qualitatives, dont un chenin élevé dans trois types de fûts différents avant assemblage. En 2009, ils acquièrent le château de La Grille, son flacon historique et ses vieilles vignes de cabernet franc sur 34 hectares. Ils y font aujourd’hui un rouge équilibré et un surprenant blanc de noirs pétillant naturel.
« Jean-Martin a beaucoup apporté à Chinon en tant qu’ancien président d’Interloire, et actuel président de l’appellation, avec sa vision de la viticulture », estime Christophe, admiratif. Le technicien a notamment initié l’arrêt du labour afin de préserver le carbone et l’azote dans les sols et permettre à la vigne de puiser plus profondément au cœur de ce terroir si particulier. Parallèlement, la famille de Christophe Baudry a servi de locomotive dans son évolution et son rayonnement. Depuis, l’appellation est reconnue, « elle a de l’avance par rapport aux autres rouges de Loire, sans aucun chauvinisme », affirme Christophe, facétieux. L’avenir de Chinon reste pourtant un sujet de préoccupation pour Jean-Martin Dutour. « Si l’on décide de conserver le cahier des charges tel quel, le style va forcément changer avec le réchauffement climatique. Il va falloir adapter les techniques et le discours. On pourrait aussi intégrer de nouveaux cépages comme l’artaban, le vidoc ou le floréal, pour tenter de reproduire l’identité chinonaise. »

Nouveau challenge
Après La Chapinière, terre consacrée au sauvignon acquise en 2020, l’éventail des domaines Baudry & Dutour s’est encore agrandi avec le vignoble de la famille Nau en appellation bourgueil. « On ne cherchait pas à se développer davantage, mais on ne pouvait pas passer à côté de cette opportunité », explique Jean-Martin. Les deux associés ont immédiatement réalisé que les sols du domaine étaient exceptionnels et étrangement semblables aux calcaires légèrement argileux de Saint-Louans. Si l’appellation soufre d’une mauvaise réputation, l’AOC saint-nicolas-de-bourgueil ayant pris l’ascendant, surtout à l’étranger, grâce à sa particule et sa référence christique qui lui ont servi de gage de qualité, les terroirs de Bourgueil ont un potentiel énorme. D’autant plus dans ce domaine qui déploie quatre de ses dix-huit hectares sur des coteaux. À la richesse du sol et de la pente, le duo a ajouté une approche parcellaire pour obtenir deux cuvées aux profils aromatiques bien distincts, l’un plus tannique, l’autre plus fruité. Au chai, du béton uniquement, le bois est laissé aux autres domaines, pour préserver leurs personnalités, leur identités respectives. Les deux amis cherchent à inscrire leur démarche dans la même logique qu’à Chinon. Il s’agit de devenir une référence, pour changer l’image de l’appellation. Ils peuvent désormais montrer leur savoir-faire à l’échelle de la Touraine tout entière. Le binôme est beau à regarder, l’un ne prend pas la parole sans l’approbation de l’autre. L’association paraissait improbable à l’époque. Ils ont depuis longtemps mis fin aux doutes.

Isabel Ferrando, l’obsession de la finesse

Photo : Mathieu Garçon

Rien ne destinait Isabel Ferrando à devenir un jour vigneronne. Encore moins à s’imposer plus de vingt après ses débuts comme l’une des signatures incontournables de Châteauneuf-du-Pape. En 1997, à la naissance de Guillemette, sa fille unique, cette enfant du Ventoux décida que l’heure était venue pour elle de céder à l’appel de la terre et de renoncer à une vie dans la finance dont elle avait fini par se lasser. La jeune femme voulait créer quelque chose de ses mains, faire quelque chose de concret. Retour à Carpentras, d’où elle vient, pour suivre une formation et apprendre les rudiments du métier, le travail à la vigne et en cave. Apprendre aussi à se débrouiller seule. Rien n’est facile, le monde paysan a ses codes. Être une femme, évidemment, ne l’avantage pas. Mais Isabel a du tempérament. Elle s’accroche et rencontre Henri Bonneau à Châteauneuf-du-Pape. Ce vigneron de légende, disparu en 2016, la prend sous son aile. Elle découvre avec lui la diversité des terroirs de l’appellation, l’approche parcellaire, la magie de l’assemblage et surtout l’importance d’une viticulture respectueuse du vivant. À l’automne 2002, après de long mois de recherche, elle finit par trouver un endroit où elle se sent bien. Le domaine Saint-Préfert est alors loin d’être ce qu’il est devenu aujourd’hui, même si le vignoble avait de quoi séduire avec ses très vieilles vignes qualitatives, dont quelques clairettes roses et blanches plantées en 1940 et des cinsaults prodigieux de 1928 (cuvée F601). Elle le convertit d’abord au bio, puis à la biodynamie, tout en prenant le temps d’apprivoiser ses terroirs et d’en traduire les subtilités. Dans une logique « bourguignonne », elle isole et vinifie à part chacun d’entre eux dans sa cuverie, qui est aujourd’hui complètement rénovée. Acclamée par la critique américaine, le travail de l’ex-néo-vigneronne trouve au début des années 2010 une consécration encore plus grande avec la naissance de la cuvée Colombis qui réunit les vignes du domaine situées dans les secteurs de Colombis, du Cristia, du Rayas et des Roues. Autre succès avec ses vins blancs, merveilleux de finesse et toujours étonnants de longévité, notamment la cuvée spéciale Vieilles Clairettes. L’observation de ses terroirs et un sens du vin presque inné ont conduit Isabel Ferrando à repenser sa gamme et à proposer finalement un grand vin d’assemblage, issu d’une sélection parcellaire extrêmement rigoureuse, mêlant tous les terroirs dont elle dispose, entre galets, argile bleue, graviers et sables. Lié à sa personnalité et à son nom, le domaine Saint-Préfert a d’ailleurs changé récemment d’identité au profit de « Famille Isabel Ferrando ». Pas par excès de zèle, mais plutôt pour préparer l’avenir de la famille. Guillemette a décidé de rejoindre sa mère dans cette aventure. Toutes deux pourront compter sur une équipe pleinement concernée et inspirée par le parcours unique d’Isabel. On comprend cette admiration, plus de vingt ans de travail au service du grand vin, ce n’est pas rien.