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Château Grenouilles, l’élégance pour horizon


Retrouvez cet article dans En Magnum #39. Vous pouvez l’acheter en kiosque, sur notre site ici, ou sur cafeyn.co.


Des sept grands crus de Chablis, ensemble de 103 hectares, Grenouilles n’est pas le plus connu. Déjà, c’est le plus petit, seulement 9,38 hectares plantés. Surtout, il n’est exploité que par sept producteurs : Louis Michel, Testut (aujourd’hui Brocard), Droin, Gautherin, Daniel-Étienne Defaix, Régnard et la coopérative La Chablisienne, qui en détient à elle seule 7,20 hectares, répartis en douze parcelles dont s’occupent à temps plein deux salariés. Avec sa configuration en amphithéâtre qui borde le Serein et ses brumes humides au printemps favorisant les températures négatives, Grenouilles est aussi le terroir le plus gélif. De grenouilles, il n’est plus question aujourd’hui, mais la route très passante qui trace au pied n’a jamais été l’amie des batraciens. Les plus vieilles vignes plantées ici datent de 1947, les dernières plantations, de 2017. La protection contre le gel se fait tantôt par câbles chauffants, tantôt par bougies. Côté vinification, le schéma est bien rôdé, la douzaine de parcelles permettant de gérer les écarts de maturité avec le parcours de vendanges. Les vins sont entonnés en cours de fermentation. Estelle Roy, la jeune œnologue de la cave, a porté la part de fûts de 30 à 50 %, mais il n’y a toujours pas de bois neuf. À partir du millésime 2022, les contenants de 228 litres ont laissé la place à des 400 litres, laissant entrevoir un supplément de pureté calcaire dans les années qui viennent. Comme tous les grands crus de Chablis, celui de Grenouilles est mis en bouteille après dix-huit mois d’élevage, pour une attente supplémentaire de deux années en bouteille avant commercialisation. Les bonnes années, le rendement moyen avoisine les 35 à 40 hectolitres à l’hectare, quand le décret en autorise jusqu’à 54.

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Le millésime 1979 a été le premier vinifié par la cave, dans un site implanté au cœur de la colline. Au fil du temps, les vins ont été étiquetés Château Grenouilles CFA puis Château Grenouilles, l’ancien second vin (Fiefs de Grenouilles) ainsi que la vente d’un peu de vin en vrac au négoce local ayant cessé. Comme le détaille Damien Leclerc, le directeur général de La Chablisienne, d’autres évolutions sont à venir : « Pendant longtemps, on a eu besoin de la marque La Chablisienne pour crédibiliser la marque Château Grenouilles. Avec les nouveaux habillages, son nom s’efface. Mais juridiquement, les deux entités ont toujours été différentes. » Officielle depuis février 2025, cette distinction de marque permettra une montée en gamme. Comment définir le style du grand cru Grenouilles ? C’est sans doute celui qui offre le plus de finesse, d’équilibre et d’élégance, le distinguant toujours de ses pairs. Il n’a pas le caractère froid du grand cru Blanchot, dont l’orientation au soleil du matin donne un fruité blanc, pas non plus le caractère solaire et floral de Vaudésir, la puissance soyeuse de Preuses ni la dimension saline de Bougros ou de Valmur et bien sûr, pas la puissance ample et large du grand cru Les Clos. Bref, un style unique qui méritait bien un château pour lui rendre hommage.

La dégustation

Château Grenouilles 2022
Encore un peu jeune, des nuances de fleurs et de fougères, des amers déjà prononcés en bouche. Avec le temps, ils vont s’associer aux senteurs plus végétales. Net, pur et droit.
93/100

Château Grenouilles 2021
Fruité évolué avec un départ exotique marqué (fruits de la passion), il devra être bu plus rapidement que d’autres. C’est le dernier millésime élevé en pièces de 228 litres et l’élevage est un peu plus marqué en bouche dans ce millésime difficile (gel, oïdium, pluie).
91/100

Château Grenouilles 2020
Début des vendanges le 25 août, ce qui se ressent dans les parfums de fruits bien mûrs, avec un petit blocage de maturité qui amène quelques notes végétales. Ses amers se déploient en bouche.
92/100

Château Grenouilles 2019
Dès le premier coup de nez, les parfums de fruits bien mûrs, légèrement confits, explosent dans le verre. L’élevage en pièces lui va bien, lui conférant une rondeur caressante puisque le vin avait la matière pour le supporter. La bouche est tapissante, fondue, avec une franche expression minérale. Il goûte déjà bien et va évoluer. Grand millésime.
96/100

Château Grenouilles 2018
Un nez puissant, mûr, intense, sans la longueur et l’énergie du brillant 2019. Il n’est pas certain que le temps lui permette de rattraper son retard, même s’il s’améliore
à l’aération. Un vin
à carafer.
93/100

Château Grenouilles 2016
Servi en magnum. Quelques notes végétales durcissent légèrement la bouche, mais des parfums d’ananas apportent une gourmandise que l’on a envie d’apprécier sans plus attendre, avec cette séduisante nuance épicée poivrée (poivre blanc).
93/100

Château Grenouilles 2015
Servi en magnum. Les parfums sont élégants, mais encore un peu discrets. En revanche, dès l’entame de bouche, on a bien le supplément de volume et la puissance attendus d’un grand cru. Harmonieux, nuancé et abouti, avec des amers qui restent frais en finale et presque mentholés. Très chablis dans le style.
96/100

Château Grenouilles 2014
Ouvert, franc, avec un jus plus délié et de savoureux amers en finale. Pas un millésime démonstratif, mais une belle matière.
93/100

Château Grenouilles 2013
Servi en magnum. Des parfums un peu évolués, le fruit blanc est plus cuit que frais. Avec les nuances végétales et minérales en bouche cela donne un vin rond, qui finit sur une agréable saveur iodée. Il va se maintenir, son évolution semble derrière lui.
92/100

Château Grenouilles 2010
Servi en magnum. Au nez, on franchit un cap, avec un départ sur les épices, le poivre blanc. Belle complexité des arômes, moins de fruit et plus de minéralité, on retrouve la coquille d’huîtres tant recherchée. La bouche est savoureuse, avec une texture de belle épaisseur, un toucher soyeux. Un millésime idéalement équilibré, mûr mais sans excès, avec une acidité présente mais pas mordante, et une franche expression minérale. Longue persistance, dans l’harmonie et l’équilibre.
97/100

Château Grenouilles 2009
Le contraste avec le 2010 est évident. Le vin est plus solaire et présenté en bouteille. On apprécie ses amers minéraux en bouche, associés à des senteurs de jus d’ananas, mais le volume de bouche fait plus penser à un beau premier cru (type Mont de Milieu) qu’à un grand cru.
93/100

Château Grenouilles 2008
Petit manque de précision aromatique, l’acidité et les amers de bouche ne tirent pas dans
la même direction. Il est sûrement encore trop jeune, mais difficile à juger véritablement. Dans le doute, on le laisse en cave.
92/100

Château Grenouilles 2005
Changement de couleur dans la robe, le doré est marqué, toujours à reflets verts. Des annonces de sous-bois, de champignons des bois (mousseron), de noisette, de truffe blanche, c’est complexe et noble. Tout en finesse et en élégance, une grâce que l’on retrouve en bouche, avec harmonie et gourmandise. Il est aujourd’hui à maturité.
95/100

Château Grenouilles 2004
Servi en magnum. Un nez prononcé, entre fenouil grillé et nuances racinaires, le vin a toujours proposé ces nuances aromatiques particulières et le caractère fruité a disparu depuis longtemps, ce qui permet d’apprécier son glissant et son soyeux en bouche, avec une ultime persistance sur le poivre blanc. Ni grand ni long, mais harmonieux et agréable, il donne envie d’y revenir et appelle une cuisine végétale, des légumes grillés, quand le 2005 par sa noblesse aromatique appelle des plats plus crémés, plus riches. Il tient bien à l’aération.
94/100

Château Grenouilles 2000
Les parfums sont évolués et plaisants (fruits secs, sous-bois), mais en bouche il reste un peu étriqué, sur une réduction toastée grillée qui prend un peu le dessus sur la lecture
du terroir. Ce n’était pas le millésime du siècle en Bourgogne, mais les parfums sont séduisants.
90/100

Château Grenouilles 1999
Des parfums attirants de miel et de sous-bois, de noisette et de châtaigne grillée. La bouche est tapissante et enveloppante, il semble à point mais sans montrer le moindre signe de fatigue. Très plaisant.
94/100

Château Grenouilles 1996
C’est bien un 1996, toujours cette acidité marquée, un peu dure et anguleuse en bouche. Les arômes affichent une belle évolution, même si les champignons (mousseron) évoquent un sous-bois un peu humide et dans un style plus terrien que celui du 2005.
92/100

Château Grenouilles 1995
Servi en magnum. Notre flacon n’est pas parfait au nez, mais en bouche on retrouve la rondeur et la caresse que l’on apprécie dans les vieux vins de Chablis, avec une fraîcheur presque réglissée. Il gagne beaucoup à l’aération.
94/100

Château Grenouilles 1989
Joli nez encore jeune après plus de 30 ans de bouteille, expression convaincante de fruits mûrs encore frais (pêche, ananas), une touche de truffe blanche lui donne du piquant. Dans ce millésime solaire, le millésime l’emporte sur l’expression du sol. Il reste un grand vin, puissant et savoureux, encore riche à déguster, il fatigue un peu le palais. Plus un vin de volaille que de poisson.
94/100

Château Grenouilles 1979
Étonnant par ses parfums qui rappellent de nombreux 1979 en Champagne, fruits confits, truffe blanche, il s’ouvre bien dans le verre et maintient son énergie en bouche. Accompli.
93/100

Grands bordeaux à petit prix


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RIVE DROITE

Castillon-côtes-de-bordeaux
Château Alcée 2022
Cru fétiche des amateurs soucieux de trouver d’excellents rapports qualité-prix, la propriété de Nicolas et Cyrille Thienpont s’appuie sur un vignoble de douze hectares dont le terroir mêle calcaire et argiles rouges pour élaborer un vin toujours séduisant. Immense réussite en 2022, soyeux et crémeux, avec une fraîcheur irrésistible, il s’inscrit dans une impressionnante série de millésimes.
21 euros

Château Ampélia 2022
François Despagne, propriétaire du château Grand-Corbin-Despagne, cru classé à Saint-Émilion, a toujours été convaincu du potentiel qualitatif du terroir de Castillon. Avec les cinq hectares d’Ampélia, plantés à 95 % de merlot sur une mince couche argilo-calcaire reposant sur un socle calcaire, il propose ce 2022 plein d’allonge et de distinction.
12,50 euros

Château Cap de Faugères 2022
Mitoyen des frontières de l’appellation saint-émilion, cette propriété de Silvio Denz en appellation castillon élabore un vin frais et épicé, déjà agréable. Souple et gourmand, il est en progrès constant ces derniers millésimes grâce au travail d’une équipe impliquée autour de l’excellent directeur Vincent Cruège.
13,50 euros

Château Le Rey,
Les Rocheuses 2022
Jean-Christophe Meyrou, directeur des propriétés de Peter Kwok (Vignobles K) et Emmanuelle Fulchi d’Aligny, qui supervise l’ensemble de la production, peuvent explorer avec ce cru en castillon. Deux vins sont proposés, suivant une approche par terroir, dont cette cuvée Les Rocheuses qui met en avant des sols calcaires de premier ordre. Vin plein d’allonge, minéral et salin.
39 euros

Clos Louie 2022
Expression tonique du millésime avec de la rondeur et un tannin précis, sans dureté. Il y a du style et de la profondeur dans ce vin qui nous enchante ces derniers millésimes par sa régularité. Pour l’amateur qui ne connaît pas encore cette jolie étiquette, il y a urgence, surtout à ce prix.
30 euros

Clos Lunelles 2022
Propriété de Gérard Perse, l’homme de Pavie, ce castillon sur sol argilo-calcaire bénéficie des gros efforts effectués à la vigne comme au chai, aujourd’hui pleinement récompensés. Ces derniers millésimes, le cru a gagné en élégance et en fraîcheur aromatique, ce que confirme ce 2022 séducteur, à la texture soyeuse et à la finale poivrée pleine de classe. Une priorité pour l’amateur.
27 euros

Château Montlandrie 2022
Les sols d’argilo-calcaires qui dominent la Dordogne composent le terroir de ce domaine de douze hectares dirigé aujourd’hui par Noëmie et Constance Durantou (château L’Église-Clinet à Pomerol). S’il mérite d’être attendu en cave quelques années, ce 2022 confirmera à coup sûr toutes ses promesses. Attaque ample, suite énergique, tannin poudré, on le carafe si l’on est impatient.
24,50 euros

Clos Puy Arnaud, Grand Vin 2022
Ce domaine phare de Castillon s’appuie sur une quinzaine d’hectares cultivés en biodynamie. Son terroir de calcaires à astéries (le même que sur le plateau de Saint-Émilion) confère finesse et fraîcheur à des vins remarquables. Exercice 2022 brillant avec un vin qui affiche puissance aromatique, attaque ample et grande énergie.
33,50 euros

Côtes-de-bourg
Tutiac, Origines Ter Pointe 2022
Les vignerons de Tutiac s’inscrivent dans une démarche culturale vertueuse, avec mille hectares bientôt en conversion ou certifiés bio. Supervisés par Paul Oui, l’œnologue en chef de la cave, et avec le concours de Mathieu Cosse, l’excellent vigneron de Cahors, les vins progressent de manière spectaculaire. En particulier la gamme Origines qui propose des vins monocépages vinifiés et élevés dans une volonté de faire briller les terroirs et les cépages bordelais. Coup de cœur pour ce pur malbec dense et intense, parfumé par des notes florales (pivoine, rose, iris) qui s’expriment brillamment.
15,50 euros

Fronsac
Château La Dauphine 2022
La propriété de Jean-Claude Labrune dispose d’un vignoble de 66 hectares cultivés en bio qui se distingue par sa forme d’amphithéâtre et ses quatorze types de sols. Stéphanie Barousse, la talentueuse directrice, signe en 2022 un vin intense, subtil, qui donnera déjà beaucoup de plaisir par son caractère sensuel. Il partage avec les derniers millésimes profondeur, race, élégance et cette finale magistrale qui fait aujourd’hui du vin de la propriété l’un des meilleurs rapports qualité-prix de Bordeaux.
21,50 euros

Lalande-de-pomerol
Château Les Annereaux 2022
Dirigé par l’excellent Benjamin Hessel, ce vignoble historique de 25 hectares situé sur le plateau graveleux et sablo-graveleux et cultivé en agriculture bio produit l’un des vins les plus réguliers de l’appellation. Longueur, raffinement, énergie, on retrouve dans ce 2022 tout ce qui fait le charme de ce vin, expression fidèle de son terroir avec cette fraîcheur de fruit et une finesse de tannin évidente. Notes poivrées très distinguées en finale sur ce millésime où se mêlent des nuances de pétales de rose.
18,50 euros

Château Siaurac 2022
Situé à Néac, dans le prolongement du plateau de Pomerol, Siaurac est le plus grand domaine en appellation lalande-de-pomerol. Le château est depuis 2020 la propriété de l’assureur Suravenir, également propriétaire de Calon-Ségur dans le Médoc. Sous l’effet du travail de Vincent Millet et ses équipes, le vin ne cesse de progresser et affiche une suavité inédite, avec une matière désormais plus dense, tout en gardant son énergie. Sa fraîcheur et sa souplesse en font un vin de bistrot idéal.
18 euros

Lussac-saint-émilion
Château La Rose Perrière 2022
La famille Sylvain, connue également pour ses activités de tonnelier, accomplit un travail exceptionnel en prenant soin de ce vignoble de quatorze hectares, plantés sur des sols argilo-calcaires. Depuis quelques millésimes, c’est sans doute le cru qui a le plus progressé en appellation lussac, avec des vins qui retiennent toute notre attention. Harmonieux, fruité et frais, des tannins construits, ce 2022 plein d’allonge traduit un sens de la vinification remarquable et une volonté de proposer des vins immédiatement frais et accessibles.
19,80 euros

Montagne-saint-émilion
Domaine Simon Blanchard, Guitard 2022
Simon Blanchard, l’un des œnologues moteurs de Derenoncourt Consultants possède cette petite propriété (1,4 hectare) certifiée en biodynamie en 2023. Si tous les vins méritent d’être découverts d’urgence, notre équipe a beaucoup apprécié la cuvée Guitard. Cabernet franc de grande ampleur, minéral et sapide en bouche, avec une profondeur savoureuse et une finale aérienne, c’est un vin qui réinvente les codes de Bordeaux.
38 euros

Pomerol
Clos Beauregard 2022
En proposant un vin accessible et très classique de l’appellation par son tannin velouté, cette propriété de Grands Chais de France signe un genre d’idéal pour s’initier aux charmes du pomerol. Régulier et savoureux, ce 2022 de belle facture, vinifié avec subtilité et élevé avec parcimonie, délivre des notes poivrées et s’appuie sur une structure enveloppante et sphérique qui lui donne un charme évident.
25 euros

Château La Pointe 2022
Éric Monneret, l’ingénieux directeur de la propriété, et ses équipes ont parfaitement fait évoluer ce cru, propriété de Generali France qui compte maintenant 25,5 hectares situés sur sables, graves et argiles. La progression s’inscrit dans la durée et le vin gagne en charme avec des touches florales et davantage d’équilibre. Encore un peu fermes aujourd’hui, les tannins de ce 2022 auront besoin d’un an ou deux de garde pour être encore plus harmonieux. Le vin séduit par sa complexité aromatique (iris, myrtille, poivre noir de Sichuan) et sa bouche savoureuse et bien équilibrée.
51 euros

Château de Sales 2022
Avec presque 50 hectares de vignes sur un sol de petites graves et de sable avec oxydes de fer, ce domaine possède la plus importante superficie en appellation pomerol. En net progrès grâce à un travail remarquable des équipes, le cru propose en 2022 un vin réussi, auquel cabernet franc et cabernet-sauvignon continuent de donner plus de profondeur et de relief. Déjà ouvert et séduisant, très agréable par sa dimension crémeuse et sa rondeur, c’est incontestablement le meilleur vin de l’histoire de la propriété.
31 euros

Saint-émilion grand cru
Château Boutisse 2022
Située à l’est de l’appellation, dans le secteur de Saint-Christophe-des-Bardes, cette propriété de 25 hectares est depuis plus de vingt ans entre les mains de la famille Milhade. Elle y produit des vins amples et frais, comme ce 2022 précis et agréable, qui progresse vers plus de définition aromatique. Il s’affirme de plus en plus comme un rapport qualité-prix évident.
26,90 euros

Château Capet-Guillier 2022
Acquis en 2008 par la filiale bordelaise d’Advini, ce château a depuis multiplié les démarches durables et parcellaires pour prendre soin de son vignoble, cultivé selon des principes biodynamiques. Toujours très accessible, le grand vin ne cesse de progresser vers plus de persistance et d’intensité, avec cette générosité propre à son terroir. Dans ce millésime, 30 % de cabernet franc dans l’assemblage équilibrent une texture pleine et un tannin présent, mais remarquablement extrait.
40 euros

Maison Cardinale, Château Fleur Cardinale 2022
Ludovic et Caroline Decoster ont consacré du temps à prendre la mesure de leurs différentes propriétés, désormais regroupées sous le nom de Maison Cardinale, avec Fleur Cardinale comme domaine de proue. Ils proposent des saint-émilion toujours généreux, même en année moyenne, qui ne cessent de gagner en finesse ces derniers millésimes. Superbe et abouti, ce 2022 joue la carte de la grande sensualité. Longue finale, racée, minérale et pleine de promesses.
49,17 euros

Château de Ferrand 2022
Vignoble d’un seul tenant de 32 hectares situé sur le plateau de Saint-Hippolyte, point le plus haut de l’appellation, Ferrand multiplie les progrès et exprime désormais fidèlement son terroir. Sous l’impulsion de Philippe et Pauline Chandon-Moët, la propriété s’est dotée d’un nouvel outil de production moderne, mis à profit avec talent par Gonzague de Lambert, directeur et vinificateur accompli. Toucher de bouche velouté, rondeurs élégantes, bonne profondeur, grande délicatesse. Sans doute le meilleur millésime de la propriété.
35 euros

Château Fonroque 2022
Propriété de la famille Guillard, issue du monde de l’assurance, ce grand cru classé (17 hectares) est suivi avec beaucoup de soin par Alain Moueix qui y a mis en place une biodynamie intelligente et pragmatique. Millésime après millésime, la qualité du vin progresse, en conservant ses équilibres spécifiques, fondés sur la fraîcheur. Ce millésime solaire lui a donné un supplément de générosité et de gourmandise. Des notes de menthe sauvage et de fruits rouges très frais lui confèrent élégance et profondeur.
48 euros

Château Jean Faure 2022
Situés à deux pas de Cheval Blanc, les 18 hectares du château Jean Faure sont tenus avec un sens agronomique et œnologique rare par Marie-Laure Latorre et son équipe. Discipline de travail dans les vignes impressionnante, préparations organiques et biodynamiques, aménagement et respect de l’espace naturel, le cru multiplie les actions vertueuses et son grand vin atteint dans le millésime 2022 une dimension assez prodigieuse, porté par une large dominante de cabernet franc (64 %) dans l’assemblage. Raffiné, équilibré, frais, avec de délicieux accents de bulbe d’iris, son assise tannique gagnera encore en subtilité au fil du temps.
50 euros

Château Larmande 2022
Le groupe La Mondiale, son propriétaire, et Véronique Corporandy, sa directrice technique, accordent la plus grande attention à ce cru d’une vingtaine d’hectares reposant sur des terroirs assez variés, partagés entre argilo-calcaires et sables au nord de l’appellation. Exceptionnel par son raffinement aromatique entre notes d’iris et de pivoine, ce millésime est sans doute le meilleur jamais produit par la propriété. Grand volume en bouche, tannins ultras fins et finale racée. Coup de cœur.
36 euros

Château Mangot 2022
Parfaitement tenu par Yann et Karl Todeschini, ce grand cru classé situé à Saint-Étienne-de-Lisse s’appuie sur un vignoble d’un seul tenant (34 hectares) qui profite de quatre types de terroirs différents où dominent les secteurs argilo-calcaires. Les vins denses, puissants et énergiques sont toujours de belle facture, comme ce 2022 enveloppant et tout en nuances.
28 euros

Château de Pressac 2022
Jean-François Quenin a complètement restructuré ce domaine d’une quarantaine d’hectares bien situé qui s’étend sur la bande étroite d’une veine argilo-calcaire à sols rouges qui va de Saint-Émilion à Saint-Étienne-de-Lisse. Ce 2022 somptueux confirme tous les progrès entrevus ici, avec un vin de grande profondeur, vibrant et raffiné. Finale complexe, intense et aérienne sur des notes de bulbe d’iris et de craie.
37 euros

Château Puyblanquet 2022
De nouveau entre les mains de la famille Malet Roquefort (château La Gaffelière) qui en fut propriétaire pendant presque 150 ans, les 19 hectares de Puyblanquet, d’un seul tenant, sont idéalement situés sur le plateau de Saint-Émilion avec une partie en coteaux. Complexe, frais, racé et d’une élégance évidente, ce saint-émilion de classe, dont le potentiel de terroir est au niveau de celui d’un premier cru classé, est encore très accessible. Ce 2022 est sans doute le meilleur de l’époque contemporaine du cru. À noter, la forte proportion de cabernet franc (80 %) de l’assemblage qui en fait un vin à part.
30 euros

Château Roylland 2022
Félicitations aux propriétaires, Martine et Jean-Bernard Chambard, qui ont entrepris un vaste programme de rénovation du vignoble (cinq hectares conduits en bio) de ce grand cru idéalement situé, réparti sur trois secteurs au milieu de crus comme Angelus, Canon ou Berliquet. Bouche sensuelle avec de l’ampleur et une matière déjà en place. Beaucoup de fruit et une fraîcheur évidente.
41 euros

 

MÉDOC

Haut-médoc
Château Beaumont 2022
Situé entre les communes de Saint-Julien et de Margaux et détenu aujourd’hui par les groupes Castel et Suntory, comme le château Beychevelle, Beaumont compte 114 hectares de vignes d’un seul tenant. Ses derniers millésimes sont tous de franches réussites, avec des vins classiques et sérieux qui se révèlent être très plaisants après deux à trois ans de garde, voire plus. Avec sa chair gourmande, ce 2022 est fidèle au caractère généreux du millésime. Rapport qualité-prix évident.
15,90 euros

Château Cantemerle 2022
Généreux et tendre, en conservant sa droiture et son énergie caractéristique, le grand vin de Cantemerle, cru classé en 1855, affiche dans le millésime 2022 ce qui fait sa superbe. Rapports qualité-prix exceptionnels, les derniers millésimes de cette propriété sont tous à rechercher. Il faut en acheter plusieurs bouteilles tant le vin évolue brillamment avec le temps en proposant une large palette de nuances aromatiques. Trame structurée et goût typiquement médocain.
39 euros

Château La Tour Carnet 2022
Propriété phare de Bernard Magrez, le château La Tour Carnet, cru classé en 1855, s’est certes agrandi en intégrant d’excellents terroirs dans les secteurs de Saint-Seurin-de-Cadourne, mais il continue de produire un vin d’une grande régularité, à un prix accessible vis-à-vis de son statut. Avec un style qui repose sur le volume, la rondeur et le caractère charnu, il profite des conditions du millésime 2022 pour afficher sève et profondeur. La direction de la talentueuse Lucile Dijkstra permettra au cru de continuer à afficher sa constance habituelle.
33 euros

Château Peyrat-Fourthon 2020
Propriété depuis 2004 de la famille Narboni, le vignoble de Peyrat-Fourthon est situé sur les terroirs de graves de Saint-Laurent-du-Médoc, secteur proche de l’appellation saint-julien et qui cultive avec cette dernière un caractère élégant. D’une régularité sans faille, il produit des vins amples, élégants, immédiatement appréciables en raison de leur justesse tannique. Les saveurs de cassis frais dominent aujourd’hui le bouquet de ce 2020 qui va joliment évoluer avec les années. À découvrir.
29 euros

Listrac-médoc
Château Fourcas Hosten 2022
Que de progrès depuis le rachat en 2006 de cette propriété superbe par la famille Mommeja. Rénovation du cuvier et du chai, restructuration du vignoble, nomination d’Eloi Jacob à la direction, mise en place de pratiques biodynamiques, ce qui a été entrepris ici a permis aux vins de devenir plus précis, plus denses, tout en préservant du fruit et une grande délicatesse aromatique, en rouge comme en blanc (l’un des meilleurs de Bordeaux). Ce 2022 séduit par son caractère fumé, la précision de ses arômes et le caractère délié et nerveux de son tannin.
24 euros

Margaux
Château Lascombes, Chevalier de Lascombes 2022
Axel Heinz, œnologue mondialement réputé, a engagé ce cru classé de Margaux dans la voie de la haute qualité, en se recentrant sur les meilleurs terroirs de son vignoble et en donnant plus d’importance dans les assemblages au cabernet-sauvignon. Si le grand vin s’inscrit dans cette voie du plus haut niveau, Chevalier, l’autre étiquette margalaise du cru, maintient son style accessible, charnu, rond et généreux, en se destinant plutôt à une consommation immédiate. On aime le caractère épicé de la finale, qui se mariera avec de nombreux plats.
40 euros

Château Cantenac-Brown, Brio 2022
L’amateur ne doit pas manquer le nouveau chai entièrement éco-responsable et unique en son genre dont la famille Le Lous vient de doter cette belle propriété. Si les trois vins produits ici sont à rechercher par les amateurs, y compris le blanc qui cultive un style à part avec beaucoup de gras en bouche, Brio donnera un aperçu éloquent du style de cette propriété. Résolument margalais, avec une droiture propre à ce secteur qui en fait un margaux capable de défier le temps, c’est un vin délicieux tout de suite comme plus tard.
26 euros

Médoc
Clos Manou 2020
Les vignes de Françoise et de Stéphane Dief, tenues avec une rigueur et un soin exceptionnels, sont situées sur la commune de Saint-Christoly. Brillants et subtils, les vins produits par cette propriété un peu hors des sentiers battus du Médoc affichent un caractère profondément médocain, entre droiture et fraîcheur aromatique. Capables de vieillir avec grâce, mais également accessibles dès à présent, les derniers millésimes sont des modèles de style que tout amateur doit avoir dans sa cave. Ils feront à coup sûr leur effet.
28 euros

Château Potensac 2020
En appellation médoc, la famille Delon s’occupe de Potensac selon les mêmes critères exigeants qu’au célèbre château Léoville Las Cases dont elle est propriétaire. L’âge très élevé du vignoble, dont certaines parcelles de cabernet ont plus de 80 ans, est l’un des facteurs du succès de ce vin classique, toujours élégant par ses notes de cèdre au nez et d’épices dans le tannin. Millésime 2020 réussi avec de la finesse, un caractère fruité et un tannin sans dureté. On recommande.
30 euros

Moulis
Château Branas Grand Poujeaux 2022
Encore un millésime parfaitement interprété par le Hollandais Arjen Pen qui signe un vin riche en saveurs, puissant, mais équilibré par des notes fraîches et noblement végétales. Le cru continue sur sa dynamique positive, permise par une réhabilitation du vignoble et la restauration du cuvier. Accessibles et encore assez méconnus en France, ce sont des vins qui font briller l’appellation moulis en lui donnant un caractère représentatif du terroir. Ils ne sont pas si nombreux.
32 euros

Pauillac
Château Haut-Bages, Monpelou 2022
Cette propriété pauillacaise détenue par la famille Castéja, également propriétaire dans l’appellation des châteaux Batailley et Lynch-Moussas, crus classés en 1855, mérite d’être plus connue. Bien situé sur le plateau au nord de la ville, terroir de premier ordre, le cru produit avec beaucoup de régularité un vin remarquable qui gagne encore ces derniers millésimes en nuances et en charme. Les pauillacs accessibles ne sont plus si nombreux et celui-ci plaira aux amateurs de l’appellation comme à ceux qui la découvrent.
22,60 euros

Saint-estèphe
Château Capbern 2022
Propriété sœur de Calon-Ségur, aussi bien par sa proximité que dans l’esprit, Capbern est dirigé par les mêmes équipes talentueuses, conduites par Vincent Millet. On y produit un saint-estèphe de grande qualité, issu des vignes extérieures aux murs du clos de Calon. Nous le recommandons à chaque millésime pour son exceptionnel rapport qualité-prix et 2022 n’échappe pas à la règle. Brillant, frais, tonique, plein et intense, il partage avec ses frères séguriens une continuité de style évidente. Rapport qualité-prix dément.
29 euros

Château Le Crock 2022
Situés entre Cos d’Estournel et Montrose, les 32 hectares du château Le Crock appartiennent à la famille Cuvelier, par ailleurs propriétaire du château Léoville-Poyferré, grand cru classé de Saint-Julien. Le vin exprime fidèlement l’originalité du terroir de Saint-Estèphe et brille par sa diversité aromatique exceptionnelle, à nouveau atteinte en 2022 avec un raffinement supplémentaire donné par un caractère floral et des tannins séduisants et énergiques. Bon tout de suite et apte à la garde.
41 euros

Château Meyney 2022
Avec sa cinquantaine d’hectares répartis autour du château, situé sur une croupe de graves siliceuses et d’argiles bleues profondes en bord de Gironde, Meyney est l’un des grands terroirs de l’appellation saint-estèphe. Les vins ont retrouvé le lustre des grandes heures, en s’appuyant sur un cabernet-sauvignon magnifique et une spécificité unique, une forte proportion de petit verdot intégrant l’assemblage. Précis, savoureux, plein, avec beaucoup de fraîcheur aromatique et de finesse tannique, ce 2022 s’inscrit dans la lignée des grands millésimes du cru. Capable de vieillir très longtemps, c’est un rapport qualité-prix sans équivalent dans l’appellation.
34 euros

Château de Pez 2022
Propriété de la maison de Champagne Louis Roederer depuis 1995, ce très ancien vignoble d’une petite quarantaine d’hectares se situe à l’ouest du village de Saint-Estèphe. Denses, colorés, axés sur le fruit, les vins profonds et vigoureux se montrent toujours élégants. Réussi par sa droiture malgré une importante proportion de merlot dans l’assemblage, avec beaucoup de corps et une constitution solide, ce 2022 confirme les progrès entrevus ici et s’affirme comme une référence en matière de style pour le cru.
37 euros

Château Tronquoy 2022
Le château Tronquoy est l’autre propriété de la famille Bouygues à Saint-Estèphe, offrant une alternative aux grands vins produits au château Montrose. Ce cru de 18 hectares cultive une approche moderne du vin de Bordeaux, avec un vin fruité et accessible, sans charge tannique excessive, facile à lire immédiatement et capable de se complexifier subtilement après un peu de garde. Le blanc de la propriété, un peu plus rare, est l’un des meilleurs de la région.
33,90 euros

Saint-julien
Château Gloria 2022
Superbement situé sur la commune de Saint-Julien-Beychevelle, Gloria appartient à la famille Triaud, comme le château Saint-Pierre, grand cru classé en 1855. Bien connu des amateurs qui l’apprécient pour sa régularité et pour la constance de son prix, ce saint-julien brille par sa pureté de fruit, sa rondeur accessible et une superbe finesse de tannins. Grand classique de l’appellation, c’est un 2022 harmonieux, équilibré et sans aucune lourdeur malgré une finale très savoureuse.
46 euros

Château Teynac 2020
Achetée il y a une trentaine d’années par Fabienne et Philippe Pairault (disparu récemment et dont nous saluons la mémoire), cette propriété d’une douzaine d’hectares est située au cœur du village de Beychevelle. Elle est l’une des rares de taille moyenne dans ce secteur et propose des vins raffinés et profonds qui raviront les amateurs pointus de l’appellation. Sous l’impulsion d’Éléonore Pairault qui dirige ce cru avec tact et finesse, les derniers millésimes brillent par leur dimension racée et par une maîtrise de l’élevage de plus en plus harmonieuse. 2019, 2020 et 2022 sont des millésimes à avoir dans sa cave.
29,90 euros

 

TOUT BORDEAUX

Bordeaux
Dourthe N°1 2022
Dourthe est l’un des rares grands acteurs bordelais qui assume, avec talent et constance, le rôle essentiel de proposer des bons vins dans toutes les gammes de prix. Vins d’appellation, les cuvées Dourthe N°1 mettent à l’honneur la pureté du fruit, l’équilibre et le naturel d’expression tout en souhaitant être représentatives des goûts propres à chaque terroir pour donner des repères aux consommateurs. Belle réussite en 2022, avec encore plus de buvabilité dans ce millésime grâce à une rondeur et des tannins enveloppants. Un vin généreux et à l’aise dans toutes les occasions.
11 euros

Château Le Grand Verdus, Vertige (blanc)
Cette propriété qui appartient à la famille Le Grix de la Salle depuis plus de 200 ans est située aux portes de Bordeaux. Thomas et Édouard, la nouvelle génération, avec intelligence, accessibilité, maîtrise et audace, y proposent une gamme rafraîchissante, à rebours des codes bordelais, mais sans jamais s’éloigner de leurs terroirs qu’ils continuent d’explorer à travers de nombreux essais. Nous avons été impressionnés par cette superbe cuvée non millésimée de sémillon, issue de l’assemblage de plusieurs millésimes vieillis en cuves bétons dans un système de solera pendant trois ans. La propriété incarne le « mouvement perpétuel » propre à Bordeaux que ce numéro d’En Magnum a souhaité mettre en avant.
19 euros

Maison Hugues Laborde, L’Instant H 2022
Brillant et déterminé, Hugues Laborde a transformé la production des vignobles Invidia, dépoussiérant au passage l’image de Bordeaux et imposant, au-delà de son énergie contagieuse, sa maîtrise technique sur les vins, qu’il souhaite gourmands, équilibrés et fidèles aux terroirs. Superbe de fraîcheur et de finesse, cette cuvée est un modèle à suivre par tous et un vin que tous les bistrots et bars à vins de France devraient proposer. Y brillent des cabernets francs plantés sur un sol de calcaires à astéries (comme celui du plateau de Saint-Émilion).
16 euros

Château Lafont-Fourcat 2022
Paul-Marie Morillon est l’un des vignerons les plus talentueux du Bordelais. Conseillant de nombreuses propriétés prestigieuses, il élabore dans sa propriété de douze hectares, située dans la région de Pujols, des bordeaux raffinés et uniques par leur gourmandise et leur souplesse qui séduiront aussi bien l’initié que le profane. Ce 2022 réussi et très original, issu de l’assemblage entre 70 % merlot et 30 % de malbec, plaît par son grand fruit et sa sensualité, qualité qui manque cruellement à de nombreux vins de cette grande appellation régionale. Fait pour donner du plaisir aujourd’hui ou après quelques années de garde.
12 euros

Château Suduiraut,
Lions de Suduiraut 2024 (blanc)
Si, en sauternes, ce cru classé en 1855 produit l’un des plus grands vins liquoreux du monde, il est depuis longtemps pionnier en matière de vins blancs secs. Il en propose d’ailleurs plusieurs étiquettes dont cet assemblage sémillon, sauvignon blanc et gris, franche réussite par sa tension, sa sapidité et le caractère citronné et salin de sa finale tranchante. Un peu de macération pelliculaire avant fermentation lui donne ce supplément de matière qui en fait un blanc à part dans le paysage bordelais.
14 euros

Pessac-léognan
Château Les Carmes Haut-Brion, C des Carmes 2021
Ce cru de poche situé dans l’agglomération bordelaise produit aujourd’hui l’un des vins les plus désirés du Bordelais du fait de son goût identitaire et résolument singulier. Plus accessible, son autre proposition est un classique de l’appellation pessac-léognan. Son fruité éclatant en fait une bouteille de consommation plus rapide, capable de réconcilier nombre d’amateurs avec les vins de Bordeaux. La finale salivante et sapide appelle facilement un deuxième verre et c’est bien tout ce qu’on recherche.
36 euros

Château de Rouillac 2020
Depuis 2010, Laurent Cisneros, épaulé désormais par sa fille Mélanie, porte au plus haut ce magnifique domaine haussmannien situé au cœur de l’appellation pessac-léognan. Accessibles et raisonnables en prix, les vins sont de franches réussites dans les deux couleurs et nous recommandons l’excellent millésime 2020, rouge profond, subtil et marqué par quelques notes fumées et minérales qui lui donnent un équilibre certain et de la personnalité. À ce prix, c’est une priorité.
38 euros

Château de Carles, les nuances du grand charme


Retrouvez cet article dans En Magnum #39. Vous pouvez l’acheter en kiosque, sur notre site ici, ou sur cafeyn.co.


Établis à Saillans, le château de Carles et son vignoble de 19 hectares surplombent l’un des tertres de Fronsac, qui domine le plateau calcaire. Ses coteaux argilo-siliceux et argilo-calcaire exposent leurs flancs au sud et à l’est, regardant vers la vallée de l’Isle, avec pour ligne d’horizon les villages de Pomerol et de Saint-Émilion.
En appellation fronsac, ce cru appartient aujourd’hui aux descendants de Guillaume Chastenet de Castaing, acquéreur du domaine en 1900. La cinquième génération à la tête de l’exploitation depuis 2021 se compose d’un duo de femmes : Eléonore de Lencquesaing et Oriane Sallé de Chou. Cette dernière, brillante avocate, a quitté la direction juridique de l’entreprise Kenzo pour revenir en Fronsadais, terre de ses ancêtres. Vigneronne dans l’âme, elle a enclenché avec Yannick Reyrel, le directeur de la propriété, un nouveau cycle dynamique qui confirme ces dernières années l’excellent potentiel de Carles. À l’écoute de ce grand jardin de vignes, l’équipe est soucieuse d’y maintenir une biodiversité forte. Travail des sols, enherbement, bannissement des insecticides, mise en place de semis pour favoriser le décompactage et l’enrichissement microbiologique des sols, implantation de ruches pour garantir la pollinisation des végétaux, etc., ont permis une certification HVE3 et le cru s’est engagé dans la voie du développement durable. L’âge moyen des vignes varie entre 35 et 40 ans. Le merlot domine les assemblages, mais le cabernet franc y joue un rôle de plus en plus important. Des replantations ont lieu à partir de sélection massale et le cépage devrait bientôt représenter 20 à 25 % de l’encépagement. En cave, la démarche se précise également, comme l’explique Yannick Reyrel : « À mon arrivée, en 2018, nous avons abandonné la vinification intégrale en barriques au profit d’une vinification en cuves. Il convenait également de redécouper nos parcellaires sur les 17,5 hectares plantés ». Aujourd’hui, la moitié de la récolte (en moyenne) donne la cuvée Haut-Carles, grand vin de la propriété essentiellement issu de vignes plantées sur le plateau argilo-calcaire. Le nouveau cuvier, inauguré avec le millésime 2020, a permis le recours à des contenants tronconiques inversés, mieux adaptés aux extractions douces. L’élevage du vin se fait pour 40 à 50 % en fûts neufs, complétés par un peu d’amphores de terre cuite pour conserver un caractère fruité. Depuis 2023, les foudres Stockinger sont devenus majoritaires et ont permis de gagner en pureté et de donner une lecture des terroirs plus aboutie. Le vin ne cesse de progresser ces derniers millésimes, affichant encore plus de chair, de saveurs et de raffinement aromatique, gagnant en nuances comme en charme.

Dominant la vallée de l’Isle, le terroir du château de Carles est l’un des plus estimés de l’appellation fronsac. Le cru produit deux vins avec la même rigueur dans le soin apporté à la vigne, notamment au moment des vendanges. Si Haut-Carles est le grand vin de la propriété, l’étiquette Château de Carles brille pour son rapport prix-plaisir.

La dégustation
Haut-Carles 2007
Charme velouté, fruit encore bien présent et beaucoup d’énergie en finale. Un bel accord est possible avec un lapin rôti.
90/100

Haut-Carles 2008
Tannin un peu serré au départ qui se détend au bout de deux heures d’ouverture. La bouche prend de l’ampleur et la finale se montre énergique. Idéal avec un confit de canard.
91/100

Haut-Carles 2010
Grand millésime avec de la profondeur, une dimension séveuse, une bouche caressante et fraîche et de belles notes de menthe poivrée en finale. À l’aise à table avec un thon rouge juste grillé.
94/100

Haut-Carles 2015
Nez aérien sur les notes légères de truffe noire, bouche sphérique et expressive portée par un tannin caressant. Parfait avec une côte de veau.
91/100

Haut-Carles 2016
Il s’agit du premier millésime où le vin est collé au blanc d’œuf. Robe encore très jeune et brillante, bouche intense et énergique. Il jouera bientôt dans le même registre que l’excellent 2010.
94/100

Haut-Carles 2018
Changement important puisque ce 2018 a été vinifié en cuve. Aucune lourdeur, tannin enrobant, fruit éclatant et savoureux, de la pureté et cette fraîcheur évidente qui manque à une majorité de crus bien plus prestigieux dans ce millésime.
93/100

Haut-Carles 2019
Premier haut-carles vraiment signé Yannick Reyrel, qui se souvient avoir voulu « adapter la viticulture aux conditions du millésime ». Texture délicate, veloutée et soyeuse, tannin délicat qui donne de l’ampleur à la longueur de la finale, superbe par ses notes salines. Au-dessus des millésimes précédents.
95/100

Haut-Carles 2020
Un peu plus fermé aujourd’hui, mais on sent cependant beaucoup de potentiel dans sa structure importante, avec ce qu’il faut de sensualité pour ce millésime solaire.
93/100

Haut-Carles 2022
Grande intensité dès le milieu de bouche, texture soyeuse, il présente encore plus de potentiel et de fraîcheur que le 2020. Belle touche crayeuse de la finale. Taillé pour la grande garde.
94/100

Haut-Carles 2023
(en cours d’élevage)
Le vin le plus abouti de cette verticale d’un point de vue aromatique. Inédite, l’intégration dans l’assemblage des cabernets francs issus de sélection massale fait la différence, donnant à l’ensemble des notes de pivoine et de rose poivrée. Subtile, la bouche a des accents aériens et bourguignons. Grande fraîcheur et trame crayeuse. Les foudres Stockinger sont désormais majoritaires au cours de l’élevage, particulièrement réussi.
95-96/100

Le printemps des champagnes


Retrouvez cet article dans En Magnum #39. Vous pouvez l’acheter en kiosque, sur notre site ici, ou sur cafeyn.co.


Abelé 1757, Brut rosé
Forte de 260 ans d’histoire, cette maison a été reprise par le groupe Nicolas Feuillatte. Les approvisionnements en raisins sur lesquels elle s’appuie incluent notamment le secteur des Riceys, réputé pour ses vins rouges et rosés. Revisitée par Étienne Éteneau, chef de cave depuis 2019, cette cuvée repose sur un assemblage de chardonnay et de pinot noir. Robe lumineuse, arômes de fruits rouges bien mûrs et bouche en finesse dont on apprécie la finale végétale et sapide.
55 euros

Alfred Gratien, Cuvée Paradis rosé 2008
La petite maison d’Épernay vient de célébrer ses 160 ans et, depuis quatre générations, la même lignée de chefs de cave est à l’œuvre. Aujourd’hui, c’est Nicolas Jaeger qui perpétue les fondamentaux instaurés par ses prédécesseurs : élevage sous bois en fûts de chêne de 228 litres et absence de fermentation malolactique. Grande cuvée de la maison, Paradis exprime avec ce millésime 2008 une complexité aromatique rare, en plus d’afficher une texture crémeuse et une subtile touche saline en finale.
120 euros

Ayala, N°14 Rosé 2014
On retrouve dans ce rosé de prestige les fondamentaux de la maison, avec un profil fondé sur la pureté et la droiture et cette volonté de conserver une dimension élégante et raffinée immédiate. Robe rose pâle, nez frais, délicat et expressif sur les notes de fleurs de cerisier, ce champagne séduit par son attaque acidulée, sa bouche onctueuse et ses saveurs intenses d’orange sanguine. Assemblage chardonnay (60 %) et pinot noir, le troisième opus de cette collection de millésimés s’appuie sur les cinq grands crus emblématiques de la maison (Aÿ, Chouilly, Cramant, Le Mesnil-sur-Oger et Verzy).
76,80 euros

Barons de Rothschild, Brut rosé
La maison aux cinq flèches, qui évoquent les cinq branches historiques de la famille Rothschild, continue de progresser vers le plus haut niveau avec des champagnes allant vers plus de pureté et d’élégance. Déjà visible, ce changement stylistique orchestré par Guillaume Lété, le chef de cave, se retrouve dans ce joli champagne rosé, agréable par son fruité généreux, précis et délicat, équilibré par une finale acidulée et aux notes fraîches de petits fruits rouges.
57,60 euros

Besserat de Bellefon, Rosé brut
Caractère fruité, avec des notes de zeste d’orange et de petits fruits rouges juteux, ce rosé tendre et gourmand, illustre le virage pris par cette maison conduite dans le bon sens par sa présidente, Nathalie Doucet, et son excellent chef de cave, Cédric Thiébault. Onctueux et peu effervescent, fidèle en cela au style de la marque qui cultive cette particularité historique, il brillera à l’apéritif, mais se mariera aussi très bien avec un tartare de thon.
51 euros

Billecart-Salmon, Elisabeth Salmon 2012
Brillamment construite, cette grande cuvée brille par sa chair délicate et son immense palette aromatique, jouant la carte du rosé gastronomique tout en gardant une dimension immédiatement accessible et harmonieuse, conférée par un lent vieillissement. Sa complexité de saveurs et d’arômes (rosé, pivoine, groseille) illustre une fois de plus la maîtrise de la maison en matière de champagne rosé, catégorie dans laquelle elle excelle.
190 euros

Canard-Duchêne, Rosé Iconic
Appartenant au groupe Thiénot, Canard-Duchêne propose des champagnes apéritifs, tous bien constitués, dans un registre d’approche facile, à l’image de ce rosé fruité et gourmand. Belle réussite, il exprime une large palette de fruits rouges, complexe et précise, qui se poursuit de manière savoureuse en bouche. Equilibre, fraîcheur, allonge veloutée et fraîche, c’est un excellent rapport qualité-prix.
49 euros

Deutz, Amour de Deutz rosé 2013
Complexité des parfums de fruits, de fleurs et de lard fumé, bouche vineuse et élancée, avec une profondeur épicée et poivrée qui se déploie dans le verre, ce rosé généreux affiche beaucoup de persistance et de raffinement. Dans l’excellente gamme proposée par la maison, la cuvée Amour dans sa version rosée, et quel que soit le millésime, est toujours l’une des plus belles réussites.
180 euros

Drappier, Rosé de saignée
La petite maison d’Urville a échappé au gigantisme qui a touché certaines de ses consœurs de la Marne en faisant le choix de rester familiale. En plus d‘expérimentations intéressantes, elle propose des cuvées traditionnelles comme ce rosé de saignée à la robe framboisée. Intense et gourmand, il déploie des parfums de fruits rouges sauvages (fruits des bois, groseille) et de petits tannins très légers lui donnent une structure qui le destine à un usage gastronomique.
42 euros

Esterlin, Rosé Éclat
Cette cave située à Épernay produit des cuvées d’excellent rapport qualité-prix. Elle compte un peu plus de cent hectares d’approvisionnements et l’ensemble des vins est vinifié sans fermentation malolactique, ce qui confère à la gamme un supplément de fraîcheur. C’est le cas pour ce rosé équilibré, mais surprenant de vinosité. Puissant et gourmand, il est fait pour la table ou un apéritif dînatoire.
33 euros

Gosset, Celebris rosé 2008
Gosset ne change pas ses fondamentaux : fraîcheur, vivacité et minéralité. Malgré les évolutions récentes du climat et une plus haute maturité du raisin, la maison impressionne par l’homogénéité de ses champagnes et leur style affirmé. Encore jeune, sans note d’évolution alors qu’il approche la vingtaine d’années, ce grand rosé enchante par sa tension subtile et son fruité aérien.
220 euros

Joseph Perrier, Cuvée Royale rosé
Implantée à Châlons-en-Champagne, où ses caves sont creusées à flanc de colline, apportant des conditions d’hygrométrie et d’humidité optimales aux flacons en cours de vieillissement, cette maison familiale est brillamment dirigée par Benjamin Fourmon, qui a pris le relais de son père Jean-Claude. La gamme Royale propose des champagnes toujours harmonieux comme ce rosé rond, séducteur, fruité et savoureux.
57,90 euros

Lanson, Le Rosé – Création 67
Hervé Dantan continue d’ajuster sa gamme par petites touches. Désormais, le rosé non millésimé devient Rosé Création. Avec ce soixante-septième assemblage de la couleur depuis le premier essai, en 1952, nous aimons toujours autant la délicatesse des notes de fruits rouges mûrs (fraise Gariguette) ainsi que la gourmandise d’une bouche sans accroche tannique. Superbe finale à laquelle des amers fins donnent encore plus de longueur.
54 euros

Laurent-Perrier, Cuvée Rosé
La maison de Tours-sur-Marne a fait du chardonnay son cépage de prédilection et de l’apéritif, son moment de dégustation privilégié. Pourtant, en 1968, elle fut la première à créer un champagne rosé de macération à partir de pinots noirs issus exclusivement des plus belles parcelles de la montagne de Reims. Disponible dans une nouvelle édition limitée, intitulée Rubans, c’est un rosé qui se distingue par ses arômes de framboise, sa gourmandise, sa générosité et son intensité.
59 euros

Lenoble, Rosé Mag 16
Cédée au printemps 2023 à la famille Frère-Gallienne, la maison et ses 18 hectares de vignoble devraient connaître une année riche en projets. Rien ne changera sans doute pour la collection de vins conservés sous forme de réserve perpétuelle, dont une partie est tirée en magnums sous liège depuis 2010. Robe saumonée, nez intense de petit fruits rouges, trame acidulée en bouche, longue finale avec une réelle complexité de saveurs, c’est un vin complet.
51 euros

Mailly Grand Cru, L’Intemporelle rosé 2018
Union de producteurs d’excellence, Mailly Grand Cru fait figure de modèle humain, viticole et vinique, revendiquant un fonctionnement domaine et une démarche environnementale éminemment engagée (HVE puis VDC, travail des sols, traitements par infusions, implantations de ruches et agroforesterie). Ce rosé exemplaire assemble chardonnays et pinots noirs pour donner un vin élégant, expressif et déjà très ouvert.
82 euros

Moët & Chandon, Grand Vintage Rosé 2016
Entre faculté au vieillissement et style qui veut capter à tout prix l’essence du millésime en Champagne, les cuvées Grand Vintage sont toujours très réussies, ce que confirment les 2016. Finesse aromatique, caractère aérien, trame florale, la cuvée bascule avec ce millésime dans le registre de l’élégance. Il faut aussi redécouvrir les plus vieux millésimes, disponibles sous le nom de Grand Vintage Collection.
71 euros

Pannier, Rosé Velours
S’appuyant principalement sur des vignobles de la vallée de la Marne, la maison Pannier dispose d’un excellent approvisionnement qui lui permet de proposer une gamme riche et variée, notamment avec la collection Velours, créée en 2009 pour le rosé. Issu de raisins sélectionnés à parfaite maturité et dosé sec, ce rosé de macération séduit par ses arômes de fraise, de framboise et cassis. La finale, sur des notes de crème de cassis, est équilibrée. Original, il en surprendra plus d’un.
87,70 euros

Perrier-Jouët, Belle Époque Florescence 2015
La maison incarne l’art de vivre à la française, notamment avec sa cuvée Belle Époque et les fameuses anémones du Japon qui décorent la bouteille. Toujours aussi subtile dans ses parfums, elle affiche un profil frais dans ce millésime pourtant solaire. La bouche élancée et raffinée, de bonne profondeur, gagnera encore en intensité et en définition aromatique après quelques années de patience.
350 euros

Pierre Mignon, Grand Vintage rosé 2013
Cette maison, établie au cœur de la vallée de la Marne depuis 1892, incarne un savoir-faire champenois transmis depuis cinq générations. Aujourd’hui dirigée par Céline et Jean-Charles, les enfants de Pierre, elle propose cet assemblage de chardonnay (55 %), meunier (30 %) et pinot noir (15 %) plaisant par ses arômes de fruits frais et d’épices, son amplitude et sa finale persistante. L’ensemble de la gamme est à découvrir.
50 euros

Pol Roger, Rosé Vintage 2018
Confidentiel mais délicieux, ce rosé résume bien la philosophie de la maison qui cherche l’excellence dans toutes ses cuvées, entre pureté et précision, sans jamais oublier de leur conférer cette personnalité hédoniste et séduisante qui les rend accessibles à tous. L’assemblage traditionnel de la maison, dominé par le pinot noir (60 %) et complété par du chardonnay, se mêle ici à 15 % de vin rouge issu des vignobles de la montagne de Reims. Beaucoup de suavité en bouche et intensité finale impressionnante.
115 euros

Ruinart, Dom Ruinart rosé 2009
Impossible de rester insensible aux charmes de cette cuvée de prestige, toujours sublime par sa finesse et son élégance supérieure. Elle doit ces qualités à la large proportion de chardonnay (85 %) de son assemblage, à laquelle s’ajoutent 15 % de pinot noir d’Aÿ lui donnant ce relief si particulier. Magistral d’équilibre et de salinité, l’ensemble est porté par une effervescence ultra fine propice à faire vivre une grande émotion. Difficile d’en connaître d’aussi fortes dans cette catégorie.
265 euros

Taittinger, Comtes de Champagne rosé 2011
Fidèle à ses convictions et à ses assemblages qui intègrent d’importantes proportions de chardonnay, la maison a spectaculairement réaffirmé la personnalité de ses cuvées, avec au sommet, merveilleuse en blanc comme en rosé, Comtes de Champagne. Dans ce millésime 2011, tous les éléments sont délicatement fondus, exprimant avec éclat un bouquet sublime (pivoine, groseille) et une finale aussi pure que délicieuse. Grande classe.
310 euros

Thiénot, Brut rosé
Garance et Stanislas Thiénot, nouvelle génération à sa tête, continuent de donner à la maison les moyens et la vision qui lui permettent de produire des champagnes de bonne facture, classiques et apéritifs, à l’image de ce rosé très frais. Agréable et équilibré, il séduira par son effervescence agréable et ses notes gourmandes de fruits rouges.
54,50 euros

Veuve Clicquot, La Grande Dame rosé 2015
Deux monuments absolus, voilà comment qualifier les deux versions (blanche et rosée) de la cuvée La Grande Dame dans le millésime 2015. Brillant, racé et profond, magnifique par son bouquet complexe (framboise fraîche, rose fanée), ce rosé impressionne par sa subtilité et sa droiture. Encore sur la réserve, il faudra attendre que le temps révèle complètement son prodigieux potentiel. Impossible d’en entrevoir pour le moment les limites.
226 euros

Veuve Fourny et fils, Rosé Vinothèque 2016
Charles-Henry et Emmanuel Fourny ont transformé cette petite maison familiale, installée à Vertus depuis 1856, en une adresse sûre et excitante pour les amateurs de champagnes précis, vineux et authentiques. Champagne de grande race, ce rosé brille par sa tonicité, sa profondeur et sa finesse aromatique entre notes florales et framboisées.
70,40 euros

La coopération au pied du mur

Photo Mathieu Garçon

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20 % de caves coopératives sont au bord de la faillite (37 % en Occitanie, 40 % dans le Bordelais et 50 % dans le Rhône selon les estimations des vignerons coopérateurs). Les procédures judiciaires, redressements et sauvegardes ne cessent de faire les titres des quotidiens régionaux. Pourtant, quatre caves coopératives sur cinq s’en sortent (encore). Certaines ont même le vent en poupe. C’est le cas de celle de Cairanne, qui était dans le rouge foncé il y a tout juste dix ans. Le 20 février 2014, une suite d’errances dans la gestion la mène au redressement judiciaire. De 4 millions, elle tombe à 800 000 cols vendus. Ses 52 coopérateurs sont déterminés à sauver la barque avec leur président. Le trou est énorme : 7,8 millions d’euros. À l’époque, les langues se délient sur le net pour tenter d’expliquer ce marasme. Parmi elles, des adhérents mécontents. Les mots sont durs : « Cave mal gérée depuis la période des années 2000. Paiement des coopérateurs tronqué. Pertes de volumes. Surprotection des employés par les directions successives. Non-paiement de récoltes. Fuite des coopérateurs. Prochaine étape : liquidation ? Ça risque de faire mal, et pas qu’à ceux qui restent » (Vitisphère, 26 février 2014). On règle ses comptes. « La coopérative a entamé un long naufrage qui ne surprend que les naïfs et les pleutres qui ont laissé faire ! », voit-on écrit ailleurs.

Construire par le travail
Combien de caves sont-elles confrontées à ce genre de bévues ? Cairanne, au bord du gouffre, va pourtant s’en sortir. En décembre 2015, un plan de remboursement sur quatorze ans est proposé. Dès 2016, son volume de production double par rapport à 2015 et la confiance revient. Assainissement de la structure, reconnaissance de l’appellation cairanne, nouveaux adhérents et une direction toute fraîche et efficace sous la baguette de Denis Crespo. L’homme providentiel vient de Bordeaux, mais il a fait ses débuts à Rouge Garance, la propriété de Jean-Louis Trintignant dans le Languedoc. Un jour, deux vignerons d’une cave coopérative sont passés le voir. « Votre monde ne m’intéresse pas », leur a-t-il dit d’abord. « Je le voyais comme une industrie sans intérêt. Ils sont revenus. J’ai compris qu’il y avait un côté humain. De solitaire à meneur d’hommes, ça vous transforme. De 1 200 hectolitres (soit 180 000 bouteilles), j’ai bondi à 22 000 hectolitres. La première semaine, j’avais l’impression d’être un Playmobil au milieu de mes 144 cuves, un truc de malade. » Tandis qu’il réveille le terroir et relève la cave de Fournès, ce « vilain petit canard qui ne fait que du vrac », il fait de l’urticaire. Le médecin lui dit que « c’est le stress ». Quinze ans plus tard, il est appelé au chevet de Cairanne. Cette fois, il est rôdé. « Il faut reconstruire par le travail. Pas le droit au découvert, pas de ligne de crédit. » Si la cave se maintient, c’est qu’elle vend des produits de qualité à des prix cohérents pour l’amateur, rémunérateurs pour les adhérents. En 2019, la coopérative fusionne avec ses deux voisines. Là encore, ça jase : « Deux malades ne font pas un bien-portant ». Et pourtant, la nouvelle entité poursuit son chemin. Elle passe de 13 000 à 45 000 hectolitres, de 52 à 122 vignerons, de 330 à 1 088 hectares, prouvant que « même avec une entreprise en difficulté, on peut faire de la croissance avec des produits valorisants et valorisés ». Vins sans soufre, vrac de qualité, export boosté à 20 %. La clé de la réussite tient dans une direction ferme et déterminée et un conseil d’administration impliqué. « Nous étions les premiers à tomber dedans et nous sommes les premiers à nous en sortir », conclut Denis Crespo. « On finit notre purge. On est des précurseurs. » Étape suivante, étaler la dette, en accord avec les banques.

« Démocratie absolue »
La cave de Tutiac, à Bordeaux, relève aussi un sacré défi. Être la plus grande coopérative d’une région qui va mal et qui arrache à tour de bras, est-ce une force ou une faiblesse ? Quand d’autres entités ferment ou revoient leur modèle, par exemple en se délestant de bâtiments, ce groupement situé à Marcillac, en Haute-Gironde, maintient sa route avec ses 500 vignerons couvrant 5 600 hectares de vignes et ses 160 salariés, le tout faisant vivre 1 300 familles. Créée en 1974, la cave des vignerons de Tutiac est issue de plusieurs fusions et n’a eu que deux présidents en tout. Quand l’actuel, Stéphane Héraud, est arrivé il y a vingt ans, il a changé le système de vote. Avant on levait la main, maintenant c’est à bulletin secret. Et quelle que soit la taille de son exploitation, l’adhérent n’a qu’une seule voix. « La démocratie absolue », estime-t-il. À cela s’ajoutent des décisions à long terme, bien réfléchies, des produits plus en phase avec le goût du jour (vins rouges légers type clairet), des clients gardés au chaud et au jus, un développement à l’export sur de nouveaux marchés, des décisions stratégiques essentielles. « Nous fonctionnons avec des contrats pour chaque vigneron. Pour chaque parcelle et chaque type de vin. Cela permet d’être plus ciblé et plus précis. » Résultat ? « Nos trois produits clés progressent quand le rayon Bordeaux baisse. » En 2019, les vignerons de Tutiac ont même rallié des vignerons de Sauternes à leur démarche et vendent 2 000 hectolitres de liquoreux. « La tendance est peut-être compliquée, mais grâce à l’organisation de Tutiac, les portes des revendeurs s’ouvrent et facilitent les ventes là où il y a un besoin. » La coopérative sauve des marchés et des vignerons. Elle joue un rôle de facilitateur. Depuis son arrivée, Stéphane Héraud n’a pas vu un seul adhérent quitter la cave. Un signe. Aujourd’hui, ils sont nombreux à frapper à la porte pour rejoindre le groupement.
Si les caves sont un point de ralliement en période de crise (comme elles le furent toutes à l’origine), elles se montrent efficaces également dans les appellations qui marchent. Leur positionnement offre alors un rapport qualité-prix bienvenu au consommateur, comme La Chablisienne à Chablis ou la cave de Tain-l’Hermitage dans le Rhône nord. Elles sont une mise en commun des outils de vinification et des forces de vente. Chez Clairmont, à Beaumont-Monteux, ils ne sont que quatorze adhérents pour 135 hectares (AOC crozes-hermitage et IGP collines-rhodaniennes). Cette « petite » cave coopérative est née à l’initiative de trois familles, en 1972. Tout est basé sur l’échange et le communautaire. De quoi faire rêver n’importe quel vigneron qui se sent contraint de tout posséder au prix d’investissements pharaoniques, terres, cave, matériel, jusqu’à la chaîne d’embouteillage dernier cri. Ici, on partage tout. Une Cuma (coopérative d’utilisation des matériels agricoles) permet l’accès aux tracteurs et aux machines trop onéreuses. Cela forme comme un grand domaine commun. « On n’apporte pas nos raisins à la coop’, mais « chez nous », ça fait toute la différence. C’est une famille de familles », atteste Frédéric Borja, le président. Pendant les vendanges, pour soulager les salariés le week-end, ce dernier assure lui-même les vinifications avec une ronde de vignerons. Quand il y a un coup dur, grêle ou autre, tout le monde est présent autour d’un verre, se remonte le moral. Jamais seuls. Au sein du conseil d’administration, chaque vigneron est un associé, qu’il ait deux ou quarante hectares. « On est tous concernés par les décisions, on peut mieux s’exprimer, avec des limites : on est vite mis à notre place si ce n’est pas rationnel. » L’appellation est favorable, c’est plus facile pour le commerce. Revers de la médaille, on n’est pas à l’abri d’une fuite d’adhérent, d’un départ de terres pour d’autres destinations, le négoce par exemple, lors des successions. « Il faut pouvoir garder les associés, en accueillir de nouveaux en restant actifs avec des prix de rémunération attractifs. » Des leviers, il y en a. Comme aider financièrement les potentiels candidats en supportant les premières années de plantation, des cours de taille ou d’entretien des vignes pour devenir de parfaits vignerons. La coopérative se transforme, aide à l’installation, accompagne et forme.

Les caves qui réussissent sont celles qui s’appuient sur le savoir-faire d’un technicien hors pair, respectueux des terroirs, à la pointe techniquement et expert en dégustation. Guillaume Roffiaen (à gauche) le chef de cave de Nicolas Feuillatte en Champagne et Xavier Frouin, l’œnologue de la cave de Tain, comptent parmi les plus doués.

Projet de vie
C’est comme cela qu’Aurélien Fournié a pu mettre le pied à l’étrier. Lui qui rêvait d’une vie équilibrée, loin des bureaux et des audits qui avaient occupé sa vie active après ses études. « Je bossais dans un environnement anglo-saxon qui ne collait pas à mes valeurs de terroir franchouillard », sourit-il. Fonder sa famille à la campagne, entre poules et potager, avoir sa vigne et faire du vin, voilà ce qu’il voulait. Mais le ticket est cher là où il veut s’installer, « chez lui », en Provence, à l’est de Brignoles. La concurrence est forte. La terre, inaccessible pour un jeune qui vient de quitter son poste de salarié. Les marques fortes sont très présentes et les propriétés valorisées. Le rosé de Provence tire son monde. Impossible de s’installer. Aurélien, encore dans sa vingtaine, s’adresse alors à Philippe Brel, le directeur de la cave d’Estandon, une union de coopératives qui commercialise entre 150 et 160 000 hectolitres, soit l’équivalent d’une vingtaine de millions de bouteilles en vins de Provence, essentiellement rosés. Aurélien Fournié s’installe sur neuf hectares, soutenu par la structure d’aide le temps que son modèle économique se cale. Il livre ses raisins à la guilde des vignerons du Torronet, petite cave elle-même partenaire d’Estandon. « Dans dix ans, je serai propriétaire de mes vignes. L’histoire sera encore plus belle. Tout cela, c’est grâce à la coopérative et à Estandon, où je trouve du soutien humain, technique et matériel, et de l’entraide. » Un vrai projet pour « ne pas perdre sa vie à la gagner », comme le dit joliment Philippe Brel. Après quinze ans de croissance, de développement et de valorisation en Provence, Estandon bénéficie d’un environnement porteur, explique ce dirigeant solidement formé (ingénieur agro, œnologie et MBA de gestion) : « 60 % des volumes sont vendus sous cette marque. Elle nous donne notre solidité quand les autres offrent au plus offrant. Les viticulteurs sont mieux armés et professionnels, ils ont investi et se sont approprié la valeur dans la durée. On a souvent craint de se faire dépouiller de nos adhérents, d’ailleurs, mais la coop’ est plus sécurisante. » Pour être encore plus efficace, la cave est passée en SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) en 2023 et comprend caves coopératives et particulières dans son giron. « Le statut nous permet de prendre la décision tous ensemble, tout ceux qui vivent du litre vendu. Éviter les stocks, surtout en rosé. La clé, c’est d’être au plus près du marché. »

Le cas champenois
Être au plus près du marché, c’est le propre des Champenois, dont le fonctionnement est unique. La coopérative se fond même en marque, ainsi que l’exige ce vignoble dont la production est commercialisée à 72 % par les maisons de Champagne. Même les groupements de vignerons doivent s’y mettre afin de faire face à la concurrence. Créée en 1972 suite à une vendange excédentaire, la marque Nicolas Feuillatte est devenue au cours du temps la troisième la plus vendue en volume derrière Moët & Chandon et Veuve Clicquot. C’est aussi la marque de champagne préférée des Français. Il fallait passer à l’étape suivante. Après s’être unie à la Coopérative régionale des vins de Champagne (CRVC) en 2021 pour devenir TEVC (Terroirs et vignerons de Champagne), Nicolas Feuillatte se donne les moyens de son ambition. Avec ses 6 000 adhérents couvrant 2 750 hectares (le viticulteur en Champagne ne possède que de toutes petites surfaces), le groupe coopératif est un modèle de fonctionnement avec Vignoble et Qualités, ses « académies » qui réunissent tous les acteurs annuellement, des adhérents aux chefs de cave pour faire face aux défis majeurs de leur vignoble, flavescence dorée en tête. Quant à la stratégie commerciale, Christophe Juarez, le directeur général du comité de direction, explique : « Après avoir franchi le cap des 10 millions de bouteilles commercialisées, nous sommes passés au cran suivant, s’adjoindre d’autres marques pour être plus forts sur le marché. » Castelnau, au parti pris vigneron, la haute couture avec Abelé, et tout fraîchement Henriot, figure emblématique.

Le clos Cristal dans la vallée de la Loire, proche de Saumur. Idée folle d’Antoine Cristal, les vignes traversent et s’adossent à des murs pour que les raisins gagnent en maturité. L’exploitation de ce terroir unique, rarissime dans le monde, a été confié
à la cave Robert & Marcel qui a immédiatement consenti à d’importants investissements pour y produire un grand vin de lieu.

Un potentiel inouï
N’est-ce pas là le propre de la coop’ ? Partager les outils, les forces de vente, prendre des risques, assumer les échecs, être le relais du vigneron, lui donner la possibilité de lever le pied au lieu d’être le nez dans le guidon, week-end compris ? Ainsi, Joël Boueilh, le président des vignerons coopérateurs de France, ne saurait en rien être producteur indépendant. Avec ses 20 hectares de vignes à Saint-Mont, il n’imagine pas la cuve remplie de son seul labeur. Faire une cuvée tous ensemble, c’est tellement plus enrichissant. « On partage la réussite ! » Il faut dire que sa région s’y prête, habituée à la polyculture (kiwis, céréales) et marquée du sceau de la communauté. Dans le Gers, la coopération va d’ailleurs bien au-delà de la solidarité entre adhérents. Elle valorise et sauve des territoires. Olivier Bourdet-Pees rappelle l’état lamentable du vignoble avant la création de la cave de Plaimont, dont il est le directeur : « On faisait la pire qualité de France ». En 1979, le colombard est vendu localement, 150 000 bouteilles. Cinq ans plus tard, c’est un zéro de plus avec seulement 2 % qui part à l’export. Puis, en 1994, dix millions de cols qui inondent pour moitié l’étranger. On ajoute encore trente années de croissance. Avec 4 500 hectares de vignes appartenant à 450 viticulteurs et 29 millions de bouteilles vendues au dernier exercice, Plaimont maintient en vie des producteurs très peu structurés, qui ne pourraient exister sans la coop’. « À plusieurs, on est tellement plus forts pour affronter les tempêtes. » Mais l’union ne limite pas à la production de vin. « Dès lors que nous vivons à 100 % des IGP et AOP, nous nous devons de préserver et mettre en valeur le territoire et son patrimoine. » Dès 1988, les vignerons prennent la décision de faire appel au portage foncier. Ainsi, le château de Sabazan, situé dans le Bas-Armagnac, a pu être rénové et son vignoble restructuré. Les chais réhabilités produisent un tannat léger et valorisé. « Sans nous, ces propriétés auraient été soit abandonnées, soit vendues à des Anglais qui en auraient fermé les portes. » Douze châteaux sont concernés et même le monastère de Saint-Mont, où un hôtel-restaurant bat son plein grâce aux trois millions d’euros d’investissement. « Le plus bel endroit du Gers. Seuls les milliardaires ou les coopératives peuvent faire aboutir une telle démarche. Celles-ci se doivent de jouer ce rôle. » À condition de ne pas perdre récolte après récolte, les producteurs de Plaimont sont la plus belle réponse à la concurrence mondiale, comme toutes les coopératives dynamiques et intelligentes : offrir des vins de lieux uniques, typiques des terroirs français. Imaginez le potentiel inouï qui dort dans nos campagnes !

À Saint-Mont, dans le département du Gers, les vignerons de Plaimont ont décidé de se doter d’un outil de production ultraprécis avec ce cuvier moderne, composé de petites cuves de vinification. Il doit permettre aux excellentes équipes techniques de la cave d’aller encore plus loin dans leurs recherches sur le goût des cépages autochtones.

Peter Gago, le roi du nouveau monde

Photo Mathieu Garçon

Retrouvez cet article dans En Magnum #39. Vous pouvez l’acheter en kiosque, sur notre site ici, ou sur cafeyn.co.


Peter Gago, vous êtes venu au vin un peu par hasard. Racontez-nous.
Je suis né à Jarrow, près de Newcastle, où mes deux familles sont établies depuis longtemps. Du côté de ma mère, les Lawson ont des racines profondes en Angleterre, tandis que du côté de mon père, la famille venait d’Espagne. J’ai enseigné la chimie et les mathématiques pendant huit ans et demi à l’université de Melbourne en Australie. J’ai eu la chance d’avoir des amis qui connaissaient le vin et qui m’ont initié. Je suis rapidement devenu un amateur, puis un collectionneur et finalement un viticulteur. C’est un chemin qui s’est tracé naturellement, au fil du temps.

Comment s’est passée votre première rencontre avec les grands vins ?
Il n’y a pas eu de révélation soudaine. Les premiers vins que j’ai goûtés n’étaient pas particulièrement bons. Je me souviens avoir dégusté de vieux vins oxydés, sans grand intérêt. Avec le temps, j’ai commencé à découvrir des vins plus sérieux, puis des grands crus. Petit à petit, j’ai réalisé que cette passion prenait une place centrale dans ma vie, mais que le défi serait d’en faire un métier. Souvent, nos loisirs restent à l’écart de notre travail quotidien. Pour moi, le vin est rapidement devenu une priorité. Comme on dit, quand on aime ce que l’on fait, on ne travaille jamais vraiment.

Cela fait trente-cinq ans que vous êtes chez Penfolds. Mais dès le début, vous avez envisagé d’être vigneron.
Ma femme et moi avons acquis des terres rapidement, sans pour autant vouloir créer une dynastie. Nous avons acheté un vignoble à Marananga, dans la Barossa Valley. L’idée était de cultiver de la vigne et de produire du raisin. Quand j’ai rejoint Penfolds, mes amis se sont demandé ce que je faisais. Pour beaucoup, il s’agissait d’une immense structure.

Elle était déjà grande à l’époque ?
Et elle l’est devenue encore plus aujourd’hui. On a souvent tendance à penser que plus une structure viticole est grande, moins la qualité est au rendez-vous. Ce n’est pas une fatalité. Beaucoup de mes amis du secteur ont commencé dans de petites caves artisanales ou des vignobles familiaux. Pourtant, presque tous ont fini par rejoindre de plus grandes structures. Après tout ce temps chez Penfolds, j’ai le sentiment d’avoir évolué au sein d’une entreprise en perpétuel changement.

Lorsque vous l’avez rejointe, quelle était votre opinion sur le style des vins de la maison ?
Penfolds a toujours été une société innovante et audacieuse. Récemment, j’expliquais au Premier ministre chinois que la maison exportait du vin en Chine dès 1893. Nous avons des factures datant de la fin du XIXe siècle qui en attestent. J’ai également échangé avec Olivier Krug, qui m’a raconté que Krug vendait du champagne dans l’État de Victoria, en Australie, dès les années 1860 et 1870, à l’époque de la ruée vers l’or. Krug a été fondé en 1843 et Penfolds en 1844, un an plus tard. Mon avis sur les vins n’a pas tellement changé depuis mes débuts. La taille de Penfolds nous permet d’avoir accès au meilleur équipement et d’optimiser nos vignobles. J’ai commencé en vinifiant des effervescents, ce qui est amusant quand on sait qu’aujourd’hui nous collaborons avec la maison Thiénot en Champagne. Ce n’est pas un savoir-faire nouveau pour nous. Dès 1912 et jusqu’en 1978, Penfolds produisait un sparkling issu de sa winery de Minchinbury. Les vins effervescents ont toujours fait partie de notre identité, tout comme les vins tranquilles.

Penfolds a également longtemps produit des vins fortifiés.
Et nous continuons à le faire. Nous avons récemment élaboré un tawny de 50 ans d’âge, intégrant des vins datant des années 1800. C’est une réplique fidèle de ce que nous produisions à l’époque. Ce que j’aime chez Penfolds, c’est notre parcours, jalonné d’expériences et parfois d’erreurs. Nous en faisons probablement plus que la plupart des entreprises, mais nous avons toujours su rebondir rapidement.

L’offre de vins proposée est d’ailleurs très large. Comment est-elle structurée ?
Le portefeuille est vaste, même si de nombreuses références ont été abandonnées. Au fil des ans, notre gamme s’est redéfinie. Nous avions par exemple un sémillon de la vallée de Barossa qui n’a pas marché et qui n’existe plus. Le shiraz St. Henri remonte à 1888, le Bin 28 remonte sans interruption à 1959. Notre portefeuille évolue, mais il ne doit pas être trop florissant. De temps en temps, un recalibrage s’impose.

Vous parlez souvent des valeurs de Penfolds. Quelles sont-elles ?
Quand je suis arrivé en 1989, Max Schubert était encore en vie. Il nous a quittés en 1994. John Duval était alors responsable des vins et j’étais également proche de son prédécesseur, Don Dieter. Dès mon arrivée, j’ai été frappé par l’éthique de l’entreprise et la richesse de sa culture vinicole. Ce sont des valeurs qui perdurent. Lorsque l’on parle de Penfolds, il ne s’agit pas seulement d’une marque, mais aussi d’un héritage culturel. Ce n’est pas uniquement une question de production de vins rouges, de blancs, de mousseux, de vins fortifiés ou même de producteurs partenaires. C’est un esprit qui transcende ces dimensions.

Cet esprit justement, de quoi s’agit-il concrètement ?
Dès ses débuts, en 1951, Max Schubert a pu créer Grange grâce à l’expertise de Ray Beckwith, un chimiste du vin avec qui il collaborait. L’esprit de collaboration était déjà bien ancré à cette époque. Le secteur viticole traversait une période difficile. Le contrôle de la fermentation malolactique n’était pas encore maîtrisé. En visionnaire, le Dr Beckwith a mis en place chez Penfolds des méthodes de contrôle et de surveillance de l’humidité dans les années 1940. Ces avancées ont été menées en interne, chez nous, et ce n’est que bien plus tard que leur importance a été reconnue.

Perçue comme une maison traditionnelle, Penfolds n’a pourtant jamais cessé d’innover et de repousser ses limites.
Nous avons déjà écrit le premier chapitre de notre histoire. L’enjeu est désormais d’anticiper les 180 prochaines années et de préserver ce qui fait notre excellence aujourd’hui. Nous devons renforcer nos références australiennes incontournables, Grange, St. Henri, Yattarna, mais nous devons aussi être attentifs aux opportunités. C’est notre ADN depuis toujours. Les fondateurs de Penfolds possédaient un petit domaine viticole, Michael Estate. À l’époque, le concept de « terroir » leur était inconnu, mais ils en ont tout de suite incarné l’esprit. En raison de la demande croissante, ils ont commencé dès 1911 à s’agrandir et à explorer la région de Barossa, puis celles de Coonawarra, de la Nouvelle-Galles du Sud et enfin de la Hunter Valley.

Comment qualifieriez-vous le style des vins de Penfolds ?
Nous produisons des vins issus de vignobles uniques, d’une seule région, mais nous sommes aussi connus pour nos assemblages multirégionaux. Pour chacun de ces assemblages, nous recherchons un style précis qui s’adapte à la diversité des matières premières. Les raisins et les sols de Coonawarra sont différents de ceux de la vallée de Barossa, et nous jouons avec ces spécificités pour créer des vins équilibrés et complexes.

Vin le plus renommé d’Australie, élaboré à partir de raisins de shiraz, Grange est issu de vignobles répartis entre trois régions (McLaren Vale, Barossa Valley, Clare Valley Fort). Il est produit de manière ininterrompue depuis 1951.

Au début du siècle, les médias qualifiaient le vin australien de vin du Nouveau Monde, en opposition à ceux produits par la viticulture européenne classique. Les choses ont beaucoup changé.
Peu de gens voyageaient alors et la viticulture en Australie n’était pas aussi développée. Depuis, beaucoup de winemakers sont partis en Europe après leurs études. Aujourd’hui, l’influence française y est très présente. Les gens apprécient le progrès technologique, mais ils reviennent aussi aux méthodes traditionnelles. Ce n’est pas une question de classicisme, mais de valorisation de l’expérience. Par exemple, sur notre domaine Magill, nous utilisons des fermenteurs ouverts, une technique que l’on utilisait déjà au milieu des années 1800. La technologie permet d’en faire plus, pas de faire nécessairement un vin meilleur. C’est là sa véritable utilité. En Barossa Valley, on utilise beaucoup la robotique. Dès 1989, nous l’utilisions déjà pour des tâches comme la manipulation des caisses de vin. Parfois, dans l’industrie du vin, certains pensent qu’ils sont plus avancés qu’ils ne le sont vraiment. Ce que j’ai remarqué ces vingt dernières années, c’est qu’il y a plus d’ouverture d’esprit dans le monde du vin. Autrefois, on était très « tribaux » à défendre nos régions et nos vins. Aujourd’hui, on peut avoir des discussions ouvertes, notamment avec les sommeliers. Il y a vingt ans, c’était impossible.

On parle plutôt de « vins du monde » désormais et le terme semble adapté pour Penfolds, qui cultive cette spécificité.
Nous sommes des assembleurs et nous aimons mélanger des vins de régions différentes. Par exemple, Bin 149, l’un de nos « vins du monde » historiques, issu principalement de cabernet-sauvignon de la Napa Valley, est né d’une expérimentation. Après une dégustation, j’ai fait le pari d’ajouter 15 % de vin australien, ce qui a créé quelque chose d’unique. À l’époque, nous ne savions même pas si c’était légal. D’une certaine manière, le terme vin du monde est né d’une erreur.

Penfolds travaille avec certains de ses partenaires producteurs depuis très longtemps. Quels sont les enjeux de cette collaboration ?
Nous travaillons avec des centaines de producteurs répartis entre la Tasmanie, le Victoria, la Nouvelle-Galles du Sud et l’Australie-Méridionale. Nous entretenons des relations de longue date avec eux, au point que certains n’ont même pas de contrat formel. D’autres, en revanche, sont liés par des accords très solides. Certains producteurs travaillent avec nous depuis des décennies. Par exemple, en avril 2024, une famille nous a livré sa centième récolte consécutive. Nous avons également acheté des vignobles lorsque leurs propriétaires sont partis à la retraite. Nos bureaux de liaison jouent un rôle clé auprès des producteurs en les aidant à améliorer la qualité de leur production. Nous avons aussi mis en place des initiatives comme le « Grange and Yattarna Growers Club » qui récompense les viticulteurs pour leur engagement.

Pour une structure comme la vôtre, on imagine que le réchauffement climatique s’accompagne de nombreux défis.
L’Australie est un pays où l’eau est une ressource précieuse. Nous avons appris à gérer des conditions extrêmes en diversifiant nos sources d’approvisionnement. Nos assemblages multirégionaux nous permettent de compenser les variations climatiques. Nous avons aussi investi dans des vignobles en altitude, notamment en Tasmanie, pour chercher des zones plus fraîches. Récemment, nous avons protégé des vignobles entiers du soleil. Nous explorons toutes les options pour anticiper les défis climatiques.

Les cépages dits internationaux sont-ils toujours adaptés ?
Nous avons repensé notre approche. Si le shiraz et le cabernet-sauvignon restent les piliers de notre production, nous avons introduit des variétés mieux adaptées à la sécheresse comme le grenache, le mataro, le tempranillo et le sangiovese. Ces choix nous permettent d’assurer la pérennité de nos vins dans un contexte climatique incertain. Le changement climatique nous pousse à expérimenter des variétés adaptées à la chaleur intense comme certaines variétés grecques. Le marché joue un rôle clé dans ces évolutions. Nous avons eu des débats concernant notre choix de produire un chardonnay haut de gamme. Certains pensaient que nous devrions plutôt nous concentrer sur des cépages comme le riesling ou le sémillon, mais nous pensons que le marché n’est pas encore prêt à percevoir le potentiel de ces cépages.

Vous avez mentionné Grange, l’icône du vin australien. Comment faire pour qu’il soit toujours aussi constant dans le temps ?
Grange est un assemblage multirégional, ce qui nous permet de sélectionner les meilleurs raisins chaque année, peu importe les variations climatiques. Il est toujours vieilli en fûts neufs de chêne américain, ce qui fait partie de son identité. Nous avons bien sûr ajusté quelques détails au fil du temps, mais l’esprit du vin est resté le même. Chaque millésime doit incarner l’excellence, c’est notre engagement.

Grange est aussi un témoin des nombreuses tendances de l’histoire récente en matière de vinification.
À une époque, l’utilisation du bois était omniprésente. Aujourd’hui, il y a un retour au cabernet franc. Il y a toujours des tendances. Comment les gère-t-on dans notre processus de vinification et avec nos contraintes en Australie ? Ce qui fonctionne aujourd’hui ne sera sans doute plus pertinent demain. Nous avons toujours voulu offrir une alternative aux consommateurs en proposant d’une part des vins d’une seule région, comme RWT Shiraz, issu de la Barossa et élevé en chêne français, et d’autre part des vins issus de plusieurs régions, comme Bin 707, notre cabernet-sauvignon emblématique qui rencontre un grand succès partout dans le monde. Il s’agit d’un assemblage multirégional, élevé en chêne américain, vendu à des prix proches de ceux du Grange. Nous cherchons à donner du choix.

Avec la volonté de ne pas vouloir plaire à tout le monde ?
Grange est une valeur sûre, tout comme Bin 707. L’enjeu est de les maintenir à ce niveau tout en restant à l’écoute des tendances. Quand j’ai commencé, des vins comme Bin 150, Bin 169 ou encore RWT n’existaient pas. Ces créations ne sont pas de simples distractions, mais des réponses aux évolutions du marché et aux goûts des consommateurs. Aujourd’hui, nous sommes fiers de Grange parce qu’il est fidèle à lui-même. D’autres vins, comme Bin 389, surnommé « Baby Grange », peuvent évoluer légèrement d’une année sur l’autre, notamment au niveau des proportions de cabernet-sauvignon et de chêne neuf pour l’élevage. Grange, lui, est toujours élevé à 100 % en chêne neuf. D’ailleurs, pour nous, c’est un bon indicateur. Si un vin ne peut pas supporter cet élevage, alors ce n’est pas du Grange.

Anticiper les attentes des consommateurs, notamment des jeunes générations, est aujourd’hui essentiel. Que fait Penfolds sur ce sujet ?
Depuis 1998, nous avons une gamme expérimentale de vins et nous avons développé notamment notre premier « vin naturel » à partir de sangiovese, bien que nous ne le présentions pas comme tel. Nous proposons également un pinot noir et un tempranillo destinés à une clientèle et à des sommeliers qui veulent des nouveautés.

Pour la première fois, à l’échelle mondiale, les ventes de vins rosés et blancs ont surpassé celles des vins rouges. L’Australie, qui produit majoritairement des vins rouges, envisage-t-elle un rééquilibrage ?
La dynamique du marché est complexe. Nous ne devons pas être arrogants et rejeter la production de rosé sous prétexte qu’il ne serait pas assez noble. Nous avons déjà exploré cette catégorie et proposons actuellement un rosé d’entrée de gamme dans le cadre du programme Max’s. Ce n’est pas un segment à ignorer. Les tendances évoluent. Le rosé n’a jamais disparu en Australie, mais il connaît un regain d’intérêt. Nous proposons aussi des rouges qui répondent à ces tendances, des vins plus légers issus de pinot noir ou de syrah. Beaucoup de nos vins sont d’ailleurs moyennement corsés et ne sont pas élevés en barriques de chêne neuves. Bin 138, par exemple, est un vin de la Barossa dont l’assemblage varie d’une année sur l’autre : parfois dominé par le grenache, parfois par le mourvèdre ou la syrah. Il est moyennement corsé. Il y en a donc pour tous les goûts. Mais l’innovation ne doit pas être une fin en soi. Je dis souvent qu’une nouvelle voiture est nouvelle seulement pendant six mois. On doit aussi faire attention à cette obsession du renouveau. Les lancements de nouveaux produits génèrent des revenus, mais le véritable défi est de vendre des vins qui existent depuis dix ou vingt ans. C’est pour cette raison que le développement de nouveaux produits doit reposer sur la qualité.

Arianna Occhipinti, l’indomptable


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Des terres noires de l’Etna aux plaines luxuriantes des abords de Palerme, il se dégage de la Sicile une certaine dureté, une énergie indomptable, si bien décrites dans les nouvelles de Pirandello, que l’on se plaît à retrouver dans ses vins tantôt fumés, souvent amers, rarement légers. Bénie par un climat qui lui permet d’échapper à nombre de ravages, la première région viticole d’Italie en termes de superficie apparaît encore difficile à appréhender, à la fois sauvage et rustique, majoritairement dominée par les cantina social, produisant des vins de table et de pays qui peinent à exister hors de ses frontières. Touchée plus tardivement par la crise du phylloxéra, elle a été utilisée par plusieurs pays européens comme une commode solution de repli, ce qui semble expliquer que l’on y trouve encore aujourd’hui plusieurs cépages internationaux aux côtés de variétés autochtones qu’une nouvelle génération de vignerons s’évertue à remettre au goût du jour, parmi lesquels la désormais célèbre Arianna Occhipinti.
Regard félin, cheveux de jais et charisme de madone, Arianna semble incarner à elle seule le potentiel immense d’un vignoble sicilien qui échappe à l’indolence des paysages de Méditerranée. Installée depuis 2004 au cœur de la DOCG Cerasuolo di Vittoria, sur une terre d’un rouge profond balayée par les vents descendant des monts Hybléens, la vigneronne originaire de Marsala a suivi dès l’adolescence le chemin tracé par son oncle Giusto, fondateur de la cave COS, tout en revendiquant avoir été profondément influencée par la première génération de vignerons « nature » de l’autre côté des Alpes : « Des figures telles que Marcel Lapierre, Vincent Joly ou Stéphane Bernaudeau m’ont beaucoup inspirée. Ils représentaient pour moi le meilleur chemin à suivre, et sans doute le seul ». Avec une production initiale limitée à 2 000 cols de Frappato et 2 000 de Nero d’Avola, personne n’aurait pu imaginer qu’elle se retrouverait un jour à la tête d’une production de 160 000 bouteilles se déployant en une dizaine de cuvées issues de cépages autochtones aux noms délicieusement baroques (Albanello, Grillo, Zibibbo, Catarratto) et distribuées dans plus de soixante pays.

Un projet durable
Ce succès s’explique en partie par la singularité d’un modèle agricole ayant piqué la curiosité de la presse internationale et des bistrots parisiens, basé sur la polyculture, l’expression brute du terroir et l’incarnation : « Nous vivons une époque où le désir de boire a été remplacé par celui de paraître, avec pour conséquence une déconsommation qui touche majoritairement les gros producteurs au bénéfice de ceux qui parviennent à sortir du lot, à mettre en valeur les cépages locaux et à créer un écosystème vertueux sur leur territoire ». Vignes, oliviers, céréales, câpres et arbres fruitiers cultivés sur des sols sains et sans aucun intrant chimique ont contribué à la propulser au rang de véritable modèle de vertu agricole. Un statut dont elle ne nie pas les potentielles zones d’ombre, qui l’ont forcée à faire preuve d’une discipline raide comme la justice. « Le monde du vin est éminemment narcissique. Il faut l’être un peu, y puiser ressource et motivation, mais j’ai choisi de refuser une médiatisation qui devenait trop forte afin de garder les pieds sur terre », souligne-t-elle avec sagesse. « Il ne faut pas oublier que le vin nature est un moyen et non une fin », poursuit celle qui déplore les dérives d’un milieu gangrené par l’opportunisme, où l’on finit par parler exclusivement de vinification et non de viticulture, ce qui contribue à brouiller les pistes et à faire exister des vins bourrés de défauts qui nuisent à l’image du vin nature dans son ensemble. Si elle n’ignore pas les risques auxquels va devoir faire face un vignoble dont le climat tend à rejoindre celui des déserts d’Afrique du Nord, elle se défend de toute tentation d’abandon. « On me demande pourquoi je n’arrête pas pour “vivre ma vie” », s’étonne-t-elle dans un éclat de rire. « Mais je la vis déjà au maximum, je suis très heureuse d’être là où je suis et d’avoir réussi à fédérer une équipe soudée, qui est la condition sine qua non d’une vision à long terme. La Sicile doit se concentrer sur ce qu’elle a de plus précieux : ses cépages, son terroir et sa biodiversité. Quant à moi, je dois encore passer un cap. Mon objectif ultime, c’est de créer un projet qui me survive. »

Un monde sans cuivre


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Le mildiou (mildew) est arrivé en France il y a 150 ans. On le décrit pour la première fois à Coutras, dans le Sud-Ouest, en 1878, suite à l’importation de vignes américaines pour lutter contre le phylloxéra et l’oïdium. La France, durement touchée par le phylloxéra, se lance dans l’innovation variétale en hybridant ses vitis vinifera avec ces vignes sauvages afin de profiter de leur résistance à ce ravageur. Le mildiou qui les accompagne se répand à ce moment-là dans le monde entier. Le vitriol bleu, notre sulfate de cuivre, est déjà bien connu des alchimistes ainsi que des agriculteurs. Il est en effet utilisé pour la conservation des semences et des pommes de terre. Dans le Médoc, au château Dauzac, Ernest David faisait ainsi badigeonner de vitriol bleu les vignes bordant les voies de circulation pour empêcher vols et grappillage. En 1882, l’ampélographe Alexis Millardet, professeur de botanique à la faculté de Bordeaux, travaille sur l’hybridation des vignes. Il remarque que les vignes ainsi traitées ne sont pas atteintes par le mildiou. Avec Ulysse Gayon, il a l’idée de neutraliser le vitriol bleu en diminuant son acidité à l’aide de chaux éteinte pour en faire un outil de protection. La « bouillie bordelaise » naît en 1885, fongicide de synthèse permettant de prévenir le mildiou obtenu par action de l’acide sulfurique sur le cuivre, puis ajout de chaux. En viticulture, parler de cuivre revient ainsi le plus souvent à parler de « bouillie bordelaise ». Seul produit homologué en viticulture biologique, le cuivre détruit les spores de mildiou, sans action curative. Strictement préventif, il impose au viticulteur de ne pas se laisser dépasser par la pression de contamination. Ceci est d’ailleurs vrai pour tous les vignerons puisqu’il est aussi utilisé par ceux qui ne sont pas en bio.

Chacun sa dose
Le cuivre est un « produit de contact », c’est-à-dire qui ne pénètre pas la plante, à la différence des produits dits « systémiques ». Il reste à la surface du feuillage. Son action est dite « multisites » car elle agit à plusieurs niveaux. Sur l’activité respiratoire du mildiou, sur son activité membranaire et, plus généralement, sur ses enzymes. Cette capacité lui permet d’échapper aux phénomènes de résistance que, tôt ou tard, le mildiou développe contre des fongicides à l’action moins diversifiée. De nombreux produits systémiques perdent ainsi de leur efficacité. Le seul moyen de retarder l’émergence de souches résistantes est d’appliquer ces produits en alternance avec du cuivre. Ceci permet aussi de limiter les quantités utilisées pour ce dernier. Puisqu’il agit de manière préventive en s’attaquant aux spores du mildiou avant que celles-ci ne se développent, il faut l’appliquer avant les pluies favorables au champignon et à son développement. Bonne nouvelle : le cuivre étant très stable, il n’y a théoriquement pas besoin d’en remettre souvent. Mauvaise nouvelle : puisqu’il s’agit d’un produit de contact, les jeunes pousses ne sont pas protégées si elles se forment après le moment du traitement. On considère généralement qu’une croissance de vingt centimètres impose une nouvelle application. Lessivée par les pluies (à partir de vingt millimètres d’eau), la vigne n’est plus protégée par le cuivre appliqué, ce qui impose un nouveau traitement pour que la prévention reste efficace. Encore faut-il que l’état des sols permette d’entrer dans la vigne pour le faire. Il existe heureusement des formulations de cuivre permettant une certaine adaptation. Didier Charton, vigneron bio en appellation montagny au domaine Charton-Vachet mixe ainsi les formulations : hydroxyde en début de campagne si la saison est facile ; oxyde cuivreux en cas de fortes pluies annoncées et fin de campagne. « Une année comme 2024, durant laquelle il a plu sans arrêt et de manière intense, j’ai systématiquement eu recours aux deux formulations. L’oxyde cuivreux résiste mieux au lessivage et libère les ions plus lentement. L’hydroxyde est libéré rapidement, mais se lessive vite. » En raison de sa toxicité, le cuivre est soumis à une dose maximum d’utilisation. Celle-ci a récemment été fixée à vingt-huit kilos lissés sur sept années consécutives, soit une moyenne de quatre kilos de cuivre par hectare et par an. Une dose que l’on peut parfois dépasser, à condition de respecter la moyenne septennale. Par exemple, en Touraine, au domaine de la Rochette, Vincent Leclair a dû utiliser six kilos de cuivre par hectare en 2024, répartis en quatorze traitements, tandis qu’en 2022, année plus sèche, il n’avait eu recours qu’à moins d’un kilo par hectare, répartis en cinq traitements. Lors d’une climatologie dégradée, ce lissage peut être problématique. Des années comme 2023, et surtout 2024, caractérisées par des pluies régulières, obligent à traiter sans cesse, au risque de largement dépasser la dose moyenne et au point de ne plus pouvoir parfois respecter le seuil des vingt-huit kilos sur sept ans.

Le cauchemar du bio
En période de risque de contamination maximum, avec une forte pression du mildiou lors du développement du feuillage de la vigne, on peut appliquer jusqu’à 500 grammes de cuivre en un seul traitement. Il est parfois nécessaire d’effectuer plus de dix, quinze, voire vingt traitements au cours de l’année. La pression de mildiou peut devenir ainsi tellement importante, et de façon si répétée, que certains vignerons en viennent à devoir choisir entre maintenir une culture biologique certifiée et perdre tout ou partie de leur récolte, ou l’abandonner pour sauver ce qui peut l’être. Sur la rive droite de Bordeaux, Nicolas Thienpont, vigneron connu autant que reconnu, précise : « En conversion bio depuis 2021 sur mes presque 90 hectares en appellations francs et castillon, je me suis vu contraint d’arrêter en mai 2024 pour avoir recours à des produits de synthèse face à la trop forte pression du mildiou. Nos équipes de tractoristes ne tenaient plus psychologiquement et physiquement. Au cours d’une même semaine, elles ont parfois appliqué jusqu’à trois traitements, tous systématiquement lessivés par plus de vingt millimètres de pluie. Le merlot, cépage sensible à cette maladie, avait déjà donné des petites récoltes les années précédentes. Nous avons donc préféré abandonner le bio, de peur de tout perdre, alors que notre certification allait être acquise à la fin de l’année. Nous sommes restés en bio pour nos blancs, qui sont moins sensibles. Si nos rouges n’étaient que du cabernet, ou si nous étions dans une autre région moins atlantique, l’issue eut été différente ». Au-delà de ses contraintes réglementaires, le bio a un impact considérable sur le temps de travail et les besoins en personnel. Il implique des passages plus fréquents et donc une majoration de la consommation de carburant et plus d’usure de matériels, qui sont des investissements lourds. Après une carrière dans l’informatique, Vincent Leclair a repris l’exploitation familiale en 2014. Encouragé par une succession d’années sèches, il a commencé la conversion bio en 2019. Conversion graduelle sur cinq ans, quatre, puis dix, puis vingt hectares et enfin tout le domaine. Soit cinquante hectares à basculer en bio et les investissements qui vont avec, aussi bien en termes de matériel qu’en ressources humaines : « Ce doit être une conviction personnelle avant tout. Mais je ne pensais pas que ce serait aussi contraignant. Rien n’est facile. En 2023, on y est arrivés. En 2024, on a été débordés de tous les côtés. Ce n’est vraiment pas agréable à vivre. Tout ça pour récolter un quart de récolte normale. Heureusement que la récolte 2023 avait été bonne, mais ce sera juste de passer l’année. Et s’il y en a une deuxième comme ça… À chaud ? J’arrête tout. En y réfléchissant, je me dis que c’était exceptionnel. Bien sûr, on le revivra. Le plus tard possible ! Je crois que je n’ai pas d’autre solution que le bio pour valoriser mon travail et la qualité de mes vins. J’exporte 75 % de mes vins et certains pays y restent sensibles ».
Un sujet de recherche
Et ce cuivre, que devient-il, une fois lessivé par la pluie ? On va le retrouver dans les eaux et dans les couches superficielles du sol. Il est néfaste à la vie microbienne et peut s’accumuler dans le sol. Plus le sol est acide, moins il est riche en matière organique, plus cette accumulation de cuivre lui est préjudiciable et peut mener jusqu’à l’impossibilité de nouvelles mises en culture de vignes ou de blé. Cela est cependant peu probable aux doses actuelles en vigueur. Et sur les raisins ? Peut-il y avoir des résidus de cuivre sur la vendange ? Aucune inquiétude pour notre santé, il ne reste que très peu de cuivre dans le vin. Les levures le fixent sur et en elles, de façon automatique, passive et naturelle. Celui-ci est ensuite évacué avec elles. La problématique du cuivre en cave est d’abord fermentaire. Comme il s’agit d’un fongicide, il cible les champignons microscopiques responsables de la fermentation. Si certaines levures y sont plus tolérantes que d’autres, le cuivre diminue leur aptitude au transport des sucres, ce qui peut causer des troubles fermentaires. C’est encore pire pour les bactéries responsables de la fermentation malolactique, nettement plus sensibles. On a ici l’explication de troubles fermentaires, en particulier en flore indigène. De plus, il est fréquemment rapporté que la présence de cuivre dans les moûts blancs et rosés déprécie l’aromatique du vin en diminuant sa teneur en composés thiolés comme en esters. De surcroît, des travaux récents semblent indiquer que certaines levures se sont adaptées au cuivre et que cette résistance a un prix, en favorisant notamment la surproduction de sulfure d’hydrogène, la molécule responsable de l’odeur d’œuf pourri. Le cuivre reste l’unique solution pour des pans entiers de la viticulture. Ce n’est pas une panacée mais, malgré ses limites, il semble aujourd’hui impossible de s’en passer. Les professionnels cherchent à diminuer son utilisation à l’aide de moyens différents et convergents : amélioration des modèles prédictifs, outils d’aide à la décision, meilleure utilisation des produits de traitement, développement de méthodes différentes et complémentaires, etc. La recherche avance. Il faut simplement que le climat et les législateurs lui laissent un peu de temps. Car c’est bien d’une course contre la montre dont il s’agit.

Château Dassault, supersonique


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Marcel Dassault, fondateur du groupe du même nom, acquiert le château Couperie, situé dans la partie nord de l’appellation saint-émilion, en 1955. L’homme d’affaires donne alors une seconde vie à cette propriété, rebaptisée Dassault, dont le vignoble est posé sur le substrat sableux et argileux propre aux molasses du Fronsadais. Rapidement, le cru acquiert une certaine notoriété, notamment grâce aux réceptions que l’on y donne en l’honneur des clients étrangers venus visiter les usines de l’entreprise d’aéronautique, situées à Mérignac et Martignas. L’histoire continue de s’écrire aujourd’hui avec la même ambition. Succédant à Romain Depons, Valérie Befve, qui pilotait l’activité commerciale jusque-là, a pris début février la direction générale de la propriété. Femme d’expérience, elle a aussi une fibre vigneronne très forte : « Mon grand-père était propriétaire du château La Tour de Mons à Margaux. J’y ai fait les “quatre saisons” et je suis restée passionnée par ce monde. Après mes études et dix ans au sein du groupe Accor, cette passion a repris le dessus. Je suis revenue dans ce monde fascinant, à Saint-Émilion, en prenant avec mon mari la co-gestion du château Milens, de 2005 à 2018, tout en travaillant au château Dassault, où j’ai participé dès mon arrivée aux assemblages ». En 2022, le vignoble du château Faurie de Souchard, acheté par la famille en 2013, intègre l’assiette foncière du château Dassault, permettant à ce dernier d’atteindre 39 hectares. Qualitatifs, les meilleurs terroirs de Faurie de Souchard sont situés sur le fameux plateau calcaire de l’appellation. Le vin gagne ainsi en profondeur et verticalité. Côté technique, « le nouveau chai procure un confort supplémentaire pour la sélection parcellaire », précise Romain Depons. Toujours à partir de 2022, l’œnologue Thomas Duclos accompagne la propriété en tant que consultant. Pour les équipes, l’enjeu est de donner au vin plus de fraîcheur aromatique tout en traduisant une expression fine et fidèle de son terroir, mieux compris « suite à des carottages et au creusement de fosses pédologiques réalisés en 2014 ». Depuis 2015, les sélections massales sont privilégiées pour les parcelles replantées. « Nous pratiquons une culture bio et sommes certifié HVE 3 et ISO 14001. L’idée est de continuer dans cette pratique vertueuse. » Pour y arriver, le trio à la tête de la propriété peut compter sur la dizaine de vignerons fidèles et motivés. « En 2024, ils n’ont pas hésité à travailler les week-ends et jours fériés quand c’était nécessaire. Au regard de l’année, c’est déterminant. » Le style du vin a gagné en vitalité et en distinction, affichant plus d’élégance grâce à un grain de tannin aussi précis que savoureux. La finale a également beaucoup gagné en nuances, sa dimension minérale habituelle étant renforcée par des touches florales qui lui donnent un caractère aérien du plus bel effet.

La verticale

Château Dassault 1990
Au fruité encore présent se mêlent des accents de sous-bois. L’attaque est caressante
et la bouche à la fois fondue et alerte. Ce vin sensuel a tenu le coup, contrairement à bon nombre de ténors au boisé trop présent. Sa bonne acidité naturelle, donnée par le sol de ce terroir, lui a permis de se bonifier.
91/100

Château Dassault 2005
Large bouche veloutée, sur les saveurs de fruits à l’eau-de-vie, aux tannins légèrement serrés en finale. Comme beaucoup dans ce millésime, il attend encore son heure. Son profil élégant traduit le style recherché par Laurence Brun, alors directrice du cru, qui n’a jamais succombé à la mode de la surextraction des tannins, préférant donner au grand vin du château Dassault des nuances subtiles, ce que confirment les millésimes suivants.
90/100

Château Dassault 2010
Il affiche une jeunesse éclatante et beaucoup d’énergie, déployant toujours une matière fruitée, tendue et suave à la fois. Plein et intense en bouche avec une finale tout en fraîcheur sur les notes de truffes. Très belle réussite.
94/100

Château Dassault 2015
Le charme du millésime est toujours bien présent avec sa bouche soyeuse et un tannin parfaitement bien tenu. Deux heures en carafe lui ont permis d’exprimer sa pleine mesure et il s’exprime à merveille en soutien d’une côte de veau d’Objat.
93/100

Château Dassault 2016
Romain Depons, qui a participé aux côtés de Laurence Brun à l’élaboration de ce millésime, explique : « C’est le style que j’aime, avec cette profondeur portée par de l’énergie, des tannins veloutés et de grands équilibres ». Ce 2016, dans la lignée du 2010, se montre très précis par sa structure tannique.
94/100

Château Dassault 2018
Fruitée, dense, crémeuse et avec une touche d’épices, la matière présente une charpente très sûre et finit sur les saveurs de cassis qui traduisent la maturité du millésime. Un 2018 équilibré et avec de la fraîcheur.
93/100

Château Dassault 2019
Soyeux, parfumé et frais, il impose son style par sa bouche caressante et le beau rebond des saveurs en finale qui confirme la qualité du millésime, une référence de ces dernières années pour la propriété, mais aussi pour l’appellation.
94/100

Château Dassault 2020
Très belle texture de velours côtelé, intensité et générosité. La finale marquée par le poivre noir de Sichuan redonne une belle vitalité à l’ensemble. Millésime prometteur, à attendre encore pour le moment.
94/100

Château Dassault 2021
Bel équilibre en bouche, qui s’appuie sur un tannin rigoureux dans sa construction. Séduisant par sa finesse aromatique, c’est un vin qui se mariera très bien avec un filet
de thon rouge.
92/100

Château Dassault 2022
L’assemblage intègre les parcelles du château Faurie de Souchard et le nouveau chai
permet un gain de précision. Mâche plus importante, large cœur de bouche et finale savoureuse, ce vin témoigne des progrès du cru quant à l’élevage. Une nouvelle ère débute.
95/100

Charlotte Mignon : « La clé, c’est de surprendre »

Photo Camille Tinon.

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Charlotte, vous venez d’être nommée directrice générale du château Larrivet Haut-Brion avec la volonté de continuer à y déployer un projet fort, intitulé « vignoble du futur ». Concrètement, en quoi consiste-t-il ?
Tout a commencé il y a quatre ans, lors d’une discussion avec Bruno Lemoine et François Godichon au sujet d’une parcelle très particulière du château. Située en plein cœur du vignoble, elle ne parvenait pas à produire de grands raisins, malgré une belle veine de graves qui, en théorie, aurait dû garantir de bons résultats. Cette parcelle, achetée à une autre propriété dix ans plus tôt, avait pourtant fait l’objet d’études de sol approfondies. Mais rien n’y faisait et il fallait prendre une décision quant à son avenir. Nous avons d’abord tenté d’adapter notre manière de la cultiver, sans succès. Il ne restait alors que deux options, arracher totalement ou complanter progressivement. La seconde solution demandait trop de temps, nous avons donc choisi la première.

On imagine que la question s’est posée de savoir s’il fallait replanter à l’identique ou tout repenser ?
C’est là que tout a basculé. À peu près au même moment, par hasard, un naturaliste s’est passionné pour le parc du château, un espace de 12 hectares que nous voyions tous les jours sans en mesurer pleinement la richesse. Il nous a demandé carte blanche pour l’étudier et, pendant un an, il a réalisé un inventaire des espèces présentes. Les résultats ont été une révélation. Nous avons découvert un écosystème exceptionnel, avec des martin-pêcheur, des loutres et bien d’autres espèces. En prenant du recul, nous avons aussi constaté que le château était entouré de 70 hectares de forêts, auxquelles s’ajoutaient celles de nos voisins. Et cette fameuse parcelle se trouvait justement au carrefour de tous ces espaces naturels.

Le projet a donc été de les relier entre eux ?
Et de recréer des corridors écologiques entre ces différentes zones, les forêts, le parc, les étangs et les rivières. Pour cela, nous avons opté pour l’agroforesterie. Un projet ambitieux, puisque nous engageons 12 hectares, soit 17 % du vignoble de la propriété. C’est un pari risqué, à la fois en termes de rendement et d’incertitude sur les résultats, mais c’est un projet de long terme, pensé sur quinze à vingt ans. Les premières vendanges auront lieu en 2030 et, pour obtenir de grands raisins, il faudra attendre encore au moins quinze ans.

Avec quels arbres la vigne va-t-elle cohabiter ?
Nous avons repensé la parcelle en intégrant des haies de différentes hauteurs tout autour et à l’intérieur du vignoble, ainsi que des rangs de paulownias. Ces derniers, considérés comme des « arbres du futur », poussent vite et haut, créant de l’ombre et favorisant l’évapotranspiration. Ils possèdent aussi des racines pivotantes qui aèrent naturellement les sols. Nous avons travaillé avec l’association Arbres et Paysages en Gironde pour sélectionner des végétaux endémiques, parfaitement adaptés à notre terroir. Nous avons alterné les rangs d’arbres et de vignes, car intégrer des arbres au sein même des rangs n’était pas envisageable d’un point de vue viticole. Toute la subtilité du projet réside dans cet équilibre, innover sans compromettre la conduite du vignoble. Nous avons bon espoir que cette approche produise de grands vins, mais il faudra être patient. Sur l’échelle du domaine, c’est le premier projet d’une telle envergure depuis son rachat par la famille Gervoson en 1987. Il reflète l’identité du château, moderne, novateur et tourné vers l’avenir.

Et quels outils vous permettront de mesurer son impact ?
Nous avons installé des boîtiers développés par le Muséum d’Histoire naturelle de Paris. Ils mesurent le passage d’insectes, véritables indicateurs de biodiversité, et captent aussi les ultrasons des chauves-souris. Pour l’instant, la parcelle est encore en transition, mais l’objectif est de suivre son évolution dans le temps. Nous avons également fait appel à l’agence Biosphères, un cabinet de conseil qui ne se spécialise pas dans la vigne. C’était une volonté de notre part de travailler avec des experts extérieurs à la viticulture, capables d’apporter un regard neuf. Ils collaborent notamment sur le verger du futur d’Andros et nous trouvions intéressant de croiser les approches. Ce projet s’accompagne d’un suivi attentif. Bien sûr, nous évaluerons la qualité gustative des raisins, mais aussi l’impact sur la biodiversité. Dans cette dynamique, nous avons rejoint la Convention des entreprises pour le climat (CEC), un collectif national. Nous débutons le programme Nouvelle-Aquitaine, qui réunit entre 60 et 80 entreprises de secteurs variés, afin de repenser nos modèles économiques vers des pratiques plus régénératives. À mes yeux, le « vignoble du futur » n’est qu’un point de départ. L’ambition est d’étendre cette démarche à toute l’entreprise. Il faut toujours questionner nos pratiques, se remettre en cause et avancer.

À ce sujet, comment avez-vous convaincu la famille de s’engager dans un projet aussi ambitieux ?
Ils nous font confiance et sont conscients qu’il faut faire évoluer les choses. Le temps est le seul véritable enjeu, mais au-delà de cette attente, il n’y a pas d’obstacle majeur. La famille, présente depuis quarante ans sur la propriété, soutient pleinement notre démarche et notre quête de qualité. Au départ, c’est une expérimentation. Nous verrons comment elle fonctionne et, si les raisins gagnent en qualité, nous pourrons envisager d’adapter cette approche à d’autres parties du vignoble. Sur le plan parcellaire, je ne m’interdis rien. Durant les dix premières années de récolte, pourquoi ne pas vinifier séparément cette parcelle, voire explorer la voie du monocépage ? Ce serait intéressant d’expérimenter.

Parlez-nous un peu de vous et de votre parcours.
Je suis originaire de la région parisienne et j’ai toujours voulu travailler dans le vin. Ma première expérience dans le secteur s’est déroulée au Brésil, lors d’une année de césure. Cela m’a permis de confirmer mon intérêt pour cet univers. J’ai alors travaillé pour un importateur qui possédait une boutique et qui organisait des dîners avec les clients. Un soir, lors d’un événement consacré à la Champagne, nous avons projeté des images des vignobles sous la neige. L’émerveillement dans le regard des convives a été une révélation pour moi. C’est à ce moment-là que j’ai compris que je voulais en faire mon métier. Après mon école de commerce, j’ai commencé en Champagne. J’ai rejoint la maison Krug, où je travaillais sur la partie commerciale et la formation des équipes de vente. Très vite, j’ai échangé avec Julie Cavil au sujet de son parcours et découvert qu’elle avait effectué une reconversion par passion, quittant le monde de la communication et de la publicité pour devenir œnologue, avant de devenir la cheffe de cave que l’on connaît aujourd’hui. Cela a semé une graine en moi, je me suis dit que c’était possible. Travailler chez Krug a été une chance inouïe. Découvrir une maison prestigieuse, échanger avec des passionnés et m’imprégner du produit a été une expérience fondatrice. J’y ai passé trois ans, entre la Champagne et les États-Unis, où je formais les équipes de vente. Puis, j’ai exploré le secteur des vins du monde au sein de la division Estates & Wines de Moët-Hennesssy, alors dirigée par Jean-Guillaume Prats.

Et ensuite ?
À un moment donné, j’ai ressenti le besoin d’approfondir ma connaissance du vin. J’avais passé plusieurs certifications, notamment le WSET, mais cela ne me suffisait pas. Je voulais apprendre à faire le vin, car jusqu’alors, je me contentais de le vendre. Il me manquait une connexion plus intime avec le processus de vinification. J’ai donc tout quitté et je suis venue à Bordeaux, où j’ai travaillé comme ouvrière de chai pendant trois ans au château Léoville-Poyferré, tout en passant mon diplôme national d’œnologue (DNO).

Pourquoi avoir choisi Bordeaux ?
J’ai choisi Bordeaux avant tout pour des raisons pratiques. Mon DNO était dispensé à Toulouse, l’un des rares établissements acceptant des profils atypiques. Au lieu de le faire en deux ans, j’ai suivi une remise à niveau et l’ai complété en trois ans. De plus, j’ai toujours aimé les vins de Bordeaux et cette opportunité me permettait de me former tout en restant proche d’une région viticole que j’appréciais énormément.

En quoi consiste désormais votre rôle ?
J’ai maintenant un rôle plus stratégique et transversal, en me concentrant sur le développement de la propriété. J’ai d’abord intégré le château en tant que saisonnière, avant de prendre le poste de maître de chai. Très vite, mon naturel curieux m’a poussée à m’intéresser aux différents aspects du domaine, notamment à la manière dont nous communiquions sur nos techniques de vinification. En réalisant que nous ne mettions pas assez en avant notre savoir-faire, j’ai travaillé sur une refonte complète de notre discours technique.

Votre regard extérieur sur Bordeaux vous donne-t-il envie de bousculer certains codes ?
Évidemment ! C’est d’ailleurs ce qui me plaît ici. J’ai travaillé dans des environnements plus traditionnels, et découvrir qu’un grand cru classé pouvait sortir des sentiers battus, c’est passionnant.

Est-ce devenu une nécessité ?
Oui, il faut être créatif. Pour redonner à Bordeaux une place de choix, il faut susciter l’intérêt des prescripteurs, sommeliers, restaurateurs, etc. Ils veulent comprendre le vin, voir de l’innovation, sentir une modernité. Cette modernité, nous l’avons dans notre approche du vin, même si elle n’est pas toujours visible à travers l’étiquette du château, qui a peu évolué en trente ans. Mais derrière, il y a un travail colossal. Nous innovons aussi pour les consommateurs. Nos dégustations sortent du cadre classique. Accords insolites, poissons fumés, viandes maturées, bouchées végétariennes, fromages affinés au lait cru, etc., nous sommes la propriété qui propose le plus d’accords mets-vins à ses visiteurs. La clé, c’est de surprendre.

Comment faire ?
Récemment, à Londres, j’ai pris un petit risque en organisant une dégustation pour un club de vin. J’ai inversé l’ordre habituel. Rouges avant blancs, vieux millésimes avant jeunes. Cela a intrigué, ce n’est pas une approche courante pour des consommateurs. L’idée était de leur faire ressentir l’évolution de notre style. J’ai aussi proposé une dégustation à l’aveugle sur deux blancs, en leur demandant d’identifier une différence. J’ai eu toutes les réponses possibles alors que c’était le même vin. Simplement, l’un avait été élevé en demi-bouteille, l’autre en magnum. Ce genre d’expérience marque les esprits, suscite l’intérêt et casse les clichés sur Bordeaux. C’est ça, l’ADN du château Larrivet Haut-Brion, innover, surprendre et toujours chercher à offrir du plaisir, que ce soit aux consommateurs, aux clients ou aux négociants.

L’un des freins pour certaines propriétés bordelaises, c’est d’être trop associées à une image figée par des consommateurs qui estiment que Bordeaux peine à se réinventer. Est-ce que votre vision pour les dix prochaines années est justement d’aller à contre-courant ?
Le projet du « vignoble du futur », c’est déjà une prise de risque pour Bordeaux. Il va à l’encontre des habitudes du vignoble, et surtout, nous avons choisi d’en parler dès le début. D’ordinaire, on ne communique qu’une fois les résultats obtenus. Nous, nous sommes dans une logique de partage, de nos connaissances, de nos expériences, sans rien cacher. Si ça fonctionne, tant mieux. Sinon, on apprend, on s’adapte et on avance. Nous avons la chance d’avoir le soutien de la famille Gervoson, ce qui nous permet cette liberté. Et puis, au-delà du discours, il y a les vins. L’étiquette Bordeaux n’est plus un argument de vente suffisant aujourd’hui. Mais quand on fait goûter Les Demoiselles de Larrivet Haut-Brion en rouge, un vin sans bois, où le merlot est majoritaire, élevé à 70 % en amphore, les réactions sont unanimes. Les gens sont surpris que ce soit un vin bordelais et ils adorent. Il n’y a pas de secret, il faut ouvrir des bouteilles et faire déguster.