Mas Del Périé, c’est d’abord une histoire de famille. Lorsque cette petite ferme était tenue par les grands-parents de Fabien Jouves, l’endroit vivait de la polyculture. Des vignes, des céréales, du tabac, un peu d’élevage. Les temps sont durs quand les parents de Fabien prennent la relève. La douzaine d’hectares de vignes produit alors des vins vendus en vrac à la cave coopérative locale. Le domaine frôle le dépôt de bilan en 2006. « Pour ne pas que ça crève », Fabien Jouves, diplôme d’œnologue en poche, décide de relever le défi, même si ce n’était pas sa vocation. Fini le vrac. Le jeune homme veut faire des vins de qualité, le plus naturellement possible. Il crée alors Mas Del Périé. En 2009, le domaine est certifié en agriculture biologique avant d’obtenir, deux ans plus tard, le label Demeter pour la biodynamie. Ses 25 hectares sont situés sur les plus hauts coteaux de Cahors, à 350 mètres d’altitude, sur des sols de marnes et de calcaires ferrugineux, à la jonction des appellations cahors et coteaux-du-quercy. L’encépagement, que le malbec domine presque exclusivement, est complété par quelques hectares de chenin. Le vigneron est admiratif du malbec et de ses expressions selon les terroirs, ce qui l’a convaincu de suivre une approche parcellaire pour ses vins, Les Acacias, Les Escures, B763 (le numéro cadastral de la parcelle, ndlr). Même passion pour le chenin. Le cépage ligérien est adapté au calcaire. Il le ramasse sans chercher une maturité trop poussée pour garder de la fraîcheur, avec pour ambition de faire un grand vin blanc. Fabien Jouves a aussi réintroduit de vieux cépages régionaux dans ses parcelles, comme le jurançon noir, le gibert, le valdiguié ou encore le noual, avec lesquels il produit la cuvée Autochtones, en vin de France, réglementation oblige. Les jeunes vignes produisent des vins légers et de grands vins de terroir quand elles vieillissent — « les cahors d’avant », dit Fabien. Devenu plus paysan grâce à la biodynamie, il explique essayer seulement de ramasser des beaux raisins, sans chercher la concentration et la puissance. Depuis 2019, un nouveau chai de vinification gravitaire lui permet d’être plus précis pour vinifier de manière « naturelle » et sans intrants. L’élevage, très long chez lui, se déroule en cuves béton, en amphores, en fûts ou en foudres selon les cuvées. Reconnaissables entre mille, les vins sont ceux d’un esthète et faits pour être bus. Ils sont purs, expressifs, délicats, frais et avec des degrés d’alcool très bas, ce qui les rend digestes sans diminuer leur aptitude à la garde. En parallèle, Fabien Jouves a monté une activité de négoce de vins bio pour proposer des vins de soif, en dénomination vin de France, aux noms dans l’air du temps. Histoire de boucler la boucle, il a aussi planté des arbres truffiers et fruitiers, installé des ruches et il élève des cochons noirs, bien gascons. Certes, il s’inquiète de la crise économique qui sévit à Bordeaux et va se propager aux vins de Cahors. Mais son enthousiasme, son attachement à la région, sa créativité et la complicité qu’il entretient avec son épouse devraient lui permettre, pendant de longues années encore, de continuer à produire les grands vins qu’il sait faire comme nul autre.
Les batailles des Lorgeril
Dans le petit monde du vin languedocien, où l’on n’aime rien tant que les délices du small is beautiful, les Lorgeril partaient avec de fichus inconvénients. Un lointain ancêtre fut intendant des États du Languedoc. Il se fit bâtir le superbe château de Pennautier, à quelques lieues de Carcassonne, que les générations suivantes se chargèrent d’embellir pour en faire un « Versailles du Languedoc ». Douze générations plus tard, Nicolas et son épouse Miren s’enthousiasmèrent pour ce lieu et son vignoble et affinèrent la production d’un vin à mi-chemin entre climats océanique (merlot) et méditerranéen (syrah et grenache). Le couple est entreprenant, développe une gamme de négoce et surtout acquiert deux autres crus, le domaine de la Borie Blanche en Minervois et le très intéressant château de Ciffre, présent tant sur les schistes de Saint-Chinian que sur les calcaires de Faugères. Miren et Nicolas ont ainsi construit une vie d’entrepreneurs vignerons et auraient pu s’en contenter, mais la volonté de progresser ne les a jamais lâchés et s’est même sacrément accélérée au cours de ces dernières années.
Prisonniers du caractère aimable mais convenu du merlot en Cabardès et de la personnalité généreuse, mais également prévisible, de la syrah en Minervois, les Lorgeril ne parvenaient pas à démontrer le génie de terroirs pourtant très diversifiés et aux atouts géologiques et d’exposition remarquables. C’est désormais le cas avec l’appui du précis et talentueux Simon Blanchard, l’un des piliers de la société de consulting créée par Stéphane Derenoncourt. Parcourant l’ensemble des vignobles, explorant sols et sous-sols de chaque parcelle, Simon Blanchard a commencé à définir une nouvelle cartographie des crus et des parcelles qu’il propose d’isoler. Ce travail exigeant et nécessaire commence à donner des résultats passionnants à partir du millésime 2022, tant à Ciffre qu’à Pennautier. Spécialistes de terroirs méditerranéens installés sur les flancs sud du vieux Massif Central, les Lorgeril sont en train de donner un nouveau souffle, plus précis et pertinent, au concept de Terroirs d’altitude qu’ils affichent sur les étiquettes de leur cru.
Parallèlement, le couple a développé un rosé très apéritif, Ô de rosé, dont la version Prestige apporte une véritable singularité dans le large paysage des rosés languedociens. Une ambition multiple pour une maison qui a fait aussi de l’œnotourisme son cheval de bataille avec le restaurant de son superbe château de Pennautier, l’un des sites les plus visité de la région.
Pierre Mignon, le champagne en famille
En 1970, la maison est reprise par Pierre Mignon et son épouse, Yveline, et devient alors le champagne Pierre Mignon. Aujourd’hui, la maison est dirigée avec brio par les deux enfants de Pierre. Céline est responsable de l’export et des relations commerciales, tandis que Jean-Charles est en charge du vignoble et des vins. Cette synergie familiale assure la pérennité du savoir-faire transmis de génération en génération.
Ensemble, ils veillent sur un vignoble de 20 hectares, répartis sur des terroirs prestigieux tels que la vallée de la Marne, la côte des Blancs et la région d’Épernay. L’encépagement est dominé par le pinot meunier (50 %), complété par le chardonnay (40 %) et le pinot noir (10 %). Le vignoble de la maison est enrichi par un approvisionnement qualitatif de plus de 90 hectares, que la famille a su constituer en fidélisant ses viticulteurs partenaires au fil du temps et des générations. Cette diversité permet d’élaborer des champagnes aux caractères variés et équilibrés. La Maison Pierre Mignon attache une importance particulière à la viticulture durable. Le vignoble a obtenu la certification Haute valeur environnementale (HVE) de niveau 3, attestant de son engagement en faveur de la biodiversité et de la protection de l’environnement.
« Le style des champagnes reflète la typicité de ses cépages et de ses terroirs », explique Jean-Yves. Le pinot meunier confère aux vins des arômes fruités, tandis que le chardonnay apporte finesse et élégance. Le pinot noir, bien que minoritaire, ajoute structure et profondeur. Cette harmonie se traduit par des cuvées équilibrées, alliant fraîcheur et complexité, à l’image du brut prestige, de la cuvée Pure (non dosée), du rosé de saignée ou encore du grand vintage (blanc et rosé), sans oublier les éditions spéciales comme la cuvée année de madame rosé ou l’incontournable ésprit de Noël.
Tout en haut de la gamme, la cuvée clos des Graviers a tout d’un grand champagne. « Elle est issue d’une parcelle unique que mon grand-père Alex a plantée. En retournant le sol chargé en pierres crayeuses, il a bâti, avec celles-ci, le muret de ce clos. Il a ainsi créé, en 1950, le clos des Graviers », précise Céline. Exposé plein sud et surplombant le village du Breuil, ce clos abrite aujourd’hui les plus anciennes vignes de la maison, plantées sur un sol crayeux avec 40 % de chardonnay, 40 % de pinot meunier et 20 % de pinot noir. Cette cuvée parcellaire, tirée à moins de 2 000 flacons, est assurément un champagne de gastronomie. Sa bulle vive et généreuse, son nez délicat aux notes de cacao et d’épices, sa bouche intense et gourmande et sa finale délicate en font un vin d’exception. Il est conseillé de le carafer pour profiter pleinement de son expression.
Depuis 2019, la maison propose également des expériences œnologiques uniques, avec des dégustations orchestrées par leur chef sommelier dans un espace aussi chic que moderne, au cœur d’Épernay. Créé sur deux niveaux, l’établissement comprend une boutique et un espace de restauration au rez-de-chaussée, tandis que le premier étage accueille un magnifique espace de dégustation.
Laurent Macle touché par la grâce
Le glissement de terrain qui a endommagé la D51 en juillet 2021 continue de tromper notre GPS qui nous égare. Il faut slalomer pour monter jusqu’au village perché de Château-Chalon, extrêmement tranquille en cette fin d’hiver. Dans une ruelle, le domaine Macle est discret, fidèle à lui-même. Le Wine Advocate de Robert Parker se vantait d’avoir assisté à la toute première dégustation en dehors du domaine, à Santander, en 2013. Laurent et Christelle, représentants de la cinquième génération des Macle, sont bien chez eux. La famille, d’origine italienne, est établie là depuis le milieu du XIXe siècle. Auguste, le grand-père, a commencé à faire de la bouteille. Jean, le père, a arrêté l’activité d’élevage pour se consacrer à la vigne en 1966, année de naissance du domaine tel qu’on le connaît. Laurent en a repris les rênes en 2003, après une dizaine d’années passées avec Jean. Il a réduit à dix hectares la taille du vignoble parce qu’il voulait passer en bio et se consacrer à l’essentiel. On sent ici le poids de l’histoire et de la tradition. Datées du XVIIe siècle, les caves du domaine sont un sympathique dédale sombre et humide où sont entreposés quantité de vieux fûts et de foudres. Les Macle possèdent trois hectares de savagnin, tous en appellation château-chalon. Si le vin jaune est le prestige du Jura et le château-chalon, le prestige du vin jaune, Macle est le prestige du château-chalon. Pourtant, pas un mot plus haut que l’autre, pas de voitures de luxe garées dans la cour. Ce n’est pas la Côte-d’Or.
Laurent respecte le savoir-faire des aïeux. « Tout est égrappé. On fait les fermentations alcooliques et malolactiques en cuves. J’entonne en juillet ou en août, quand les caves sont chaudes, pour que les levures travaillent bien. C’est la mode des vins jaunes de grenier parce que ça va plus vite (les vins jaunes sont élevés soit en caves, soit dans des greniers ; ces derniers, plus chauds, donnent souvent des vins plus puissants, ndlr). Mais il y a moins de complexité. Ici, il n’y a jamais eu de fûts neufs. Et pendant longtemps, pas de pipette, pour ne pas trouer le voile. » Mais il est aussi plus aventureux. Il fait un côtes-du-jura dit Tradition, où seulement 20 % de savagnin a connu un élevage oxydatif. Il fait même un côtes-du-jura ouillé, parfaitement sec. Son père n’aimait pas ça, sa sœur toujours pas non plus d’ailleurs. Du coup, le domaine le met peu en avant et le vend surtout à l’export. Il est pourtant très bon, comme tout le reste. Mais l’orgueil de la famille, qui va s’étendre avec l’arrivée de Carmen, la deuxième fille de Laurent, reste le château-chalon. Une dégustation chez les Macle n’en est pas une si l’on ne goûte pas quelques vieux millésimes, parfois même très vieux. L’avantage du château-chalon est qu’il est quasiment immortel, récompensant ceux qui parviennent à domestiquer ses déconcertants arômes qui évoquent le champignon, la noix, le curry. Le jeu en vaut la chandelle. Qui y prend goût ne peut plus s’en passer. Chez les Macle, loyaux envers leurs clients fidèles, il n’est pas si cher que ça. Même si, comme chacun sait, le vin jaune perd 6 % de son volume chaque année lors de l’élevage, ce qui explique sa bouteille unique, le clavelin, qui ne contient que 62 centilitres. Après tout, quand on aime, on ne compte pas.
Le chef-d’œuvre de Telmo Rodriguez
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Driving winemaker, c’est le surnom dont a hérité Telmo Rodriguez à force de parcourir en voiture les vignobles d’Espagne depuis trente ans et veiller sur les 355 parcelles et 43 cépages autochtones dont il s’occupe, répartis sur 80 hectares. Coup du sort, c’est pourtant à seulement quinze minutes de marche de chez lui qu’il a trouvé l’endroit idéal pour son grand vin de lieu, Yjar. Sa génération de winemakers est celle qui a voyagé et appris à comprendre sur le terrain ce qui faisait les meilleurs vins du monde, les dégustant avec les personnes souvent extraordinaires qui les élaboraient. Au début des années 1980, Telmo et son père sont persuadés que le vignoble espagnol de l’époque n’est pas encore prêt à accueillir le concept de grand vin. L’heure est plutôt à la production en grande quantité de vins bon marché. « Je n’étais ni au bon endroit, ni au bon moment », explique-t-il. « J’ai pris ma voiture et je suis allé visiter des vignobles en France, pour étudier les vins rouges de Bordeaux, du Rhône et de Bourgogne. » À son retour en Espagne, la Rioja s’est fait une place dans l’univers des grands vins fins. En se promenant dans le nord de la péninsule ibérique, il découvre alors de grands vignobles abandonnés. « Le potentiel de ces terroirs était sans doute meilleur que celui de certains en Rioja. J’ai acheté mon premier petit vignoble en 1994 et j’ai commencé à faire du vin. À l’époque, la mode était d’arracher les vieilles vignes pour planter du cabernet-sauvignon et du merlot. J’étais contre et je voulais produire des vins espagnols de qualité. » Telmo Rodriguez se rend compte de la complexité du vignoble ibérique et de son formidable potentiel, encore largement méconnu. Lui veut faire des grands vins avec les meilleurs raisins donnés par de vieilles vignes. Et s’occuper de petites propriétés à taille humaine, dix à quinze hectares, jamais plus de vingt. « J’ai continué à rouler et j’ai acheté en 1999 des vieilles vignes de garnacha plantées à mille mètres d’altitude dans la Sierra de Gredos. Ensuite, vingt autres hectares à Valdeorras que nous avons commencé à travailler en 2011. »
Villages de Rioja
La famille de Telmo, originaire du Pays basque francophile, avait acheté Remelluri, la plus ancienne propriété de la Rioja issue du monastère de Toloño, après être tombée amoureuse de l’endroit. « Mes parents ont été bien inspirés et ont commencé à y faire du vin. » À partir de 2010, Telmo commence à étudier et à comprendre les grandes caractéristiques de son terroir. « Des historiens sont venus faire des recherches. Les moines avaient quitté la propriété en 1420. Ce territoire important était dirigé par le duc de Hijar. À l’époque, c’était déjà le premier vin moderne d’Espagne et les 94 hectares de l’époque avaient été divisés en 220 parcelles. » Dans ce vaste ensemble, Telmo a distingué 3,8 hectares spectaculaires, situés au centre de la montagne Toloño dans un amphithéâtre naturel au sol de craie. Le joyau de Remelluri. « Yjar est plus qu’une cuvée ou un nom. C’est un vin espagnol avec un lieu, une histoire. Ce n’est même pas un vin de la Rioja, c’est plus ancien. Il a le goût pur qui exprime l’un des terroirs les plus étonnants de ce secteur. » C’est sans doute cette différence qui a séduit la place de Bordeaux et l’a poussée à distribuer ce grand vin parmi ses pairs internationaux, toujours plus nombreux. « La Place travaille avec des vins de classe mondiale. C’est difficile pour un cru espagnol de s’y faire une place avec une bouteille disponible à 300 euros. Il n’y a pas beaucoup d’histoires comme ça, à part Vega Sicilia ou Pingus. »
Vacqueyras entre finesses et Dentelles
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Avec les appellations voisines gigondas et beaumes-de-venise, vacqueyras fait partie d’un vignoble produisant ce que l’on pourrait réunir sous la dénomination poétique de « vins des Dentelles ». Le massif topographique unique en son genre des Dentelles de Montmirail protège en effet le petit village de Vacqueyras qui se love dans les contreforts de son versant sud-ouest. Intégré à l’aire des côtes-du-rhône au moment de sa reconnaissance en appellation (1937), le vignoble de Vacqueyras devient un cru à part entière en 1990, vingt ans après l’accession à ce rang de celui de Gigondas, voisin situé un peu plus au nord et différemment exposé. Cela explique le manque de notoriété de cette appellation modeste (1 400 hectares) et de sa production, dans les trois couleurs. Elle propose pourtant des rouges très réussis qui s’appuient sur un terroir que l’on peut diviser en deux grands ensembles. D’un côté, les sols de safres et de marnes qui entourent la commune de Vacqueyras, à l’est de l’appellation. De l’autre, les « garrigues », terrasse de galets et de graviers calcaires posés sur des sables argileux qui s’étend vers le village de Sarrians, au sud. La tradition viticole rhodanienne dans la vallée méridionale privilégie l’assemblage de parcelles et impose celui des cépages. La cahier des charges de l’appellation autorise intelligemment les vignerons à piocher dans un large choix de variétés, leur permettant de s’adapter aux effets du changement climatique, fortement ressentis dans le secteur des « garrigues », éprouvé par le manque d’eau lors des années de sécheresse.
Chacun cherche son style
Très prisés des consommateurs belges, les rouges sont généreux, toujours plus solaires que ceux de Gigondas et, de manière générale, assez traditionnels. Assez peu de producteurs anticipent pour l’instant une évolution du goût des consommateurs, mais certains proposent des vins moins puissants et moins extraits, davantage sur la finesse et l’équilibre. Portée dans cette voie par quelques chefs de file internationalement appréciés par la critique et les sommeliers de restaurants prestigieux (Domaine de Montvac, Domaine Montirius, entre autres), l’appellation est capable de proposer des vins rouges d’une grande élégance, précis et droits, au prix d’une maîtrise technique aboutie et de quelques investissements, surtout en matière de vinification et d’élevage, afin d’éviter de renforcer la puissance naturelle de ces vins charnus ou d’en extraire lourdement les tannins. Pour conquérir de nouveaux consommateurs, l’AOC vacqueyras pourra aussi s’appuyer sur la belle qualité de ses vins blancs, dont les volumes produits ne cessent d’augmenter. D’un niveau homogène dans l’appellation, ce sont de jolis vins de plaisir, francs, équilibrés et savoureux, parfois très fins pour ceux intégrant de fortes proportions de clairettes. Il lui faudra aussi redéfinir, avec plus d’exactitude, le style des vins qu’elle produit, sans être complexée par la réussite de certains crus mitoyens. Avant d’affirmer de manière encore plus évidente son appartenance aux terroirs grandioses et encore sous-estimés des Dentelles de Montmirail.
Les Gimmonet, équilibristes du champagne
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Grand, la petite soixantaine, Didier Gimonnet est le cadet de sa génération. Il descend de la mezzanine où se trouve son bureau pour nous recevoir. C’était sa chambre d’enfant. Il a grandi là. Le champagne Pierre Gimonnet est une affaire de famille. C’est le grand-père qui a donné son prénom au domaine quand il a décidé, en 1925, de quitter la ferme familiale à proximité pour s’installer sur huit hectares de terres à vignes. À l’époque, le champagne n’est pas exactement l’Eldorado. Sur le tarif de 1935, Pierre vend du vin blanc pour les bistrots, du jus de raisin pasteurisé et du champagne, qui n’est pas le plus cher. En 1955, son fils Michel Gimonnet, le père de Didier, revient au domaine après avoir fait Supélec. Ce n’est toujours pas la fête pour la région. Il a fallu attendre la fin des Trente Glorieuses. Le retour de Michel n’était pas prévu, mais son frère est parti travailler ailleurs. Cela lui a souri puisqu’il est devenu directeur du vignoble chez Moët & Chandon, pour qui il a glané quelques centaines d’hectares. Didier et son frère Olivier sont arrivés quant à eux dans les années 1980. « Mon retour non plus n’était pas prévu, mais Olivier ne s’est pas entendu avec notre frère aîné, pour des questions de caractère. Une entreprise familiale, c’est particulier. Un mélange de rationnel et d’affectif. Mais Olivier et moi, on était d’accord. » Une habile répartition des tâches leur permet de ne pas se marcher sur les pieds. À Olivier le vignoble, à Didier, plus extraverti, la vinification et le commerce. « Nous restons polyvalents. Olivier, qui vient officiellement de partir en retraite, passait 40 % de son temps en cave. » Didier est précis. Il donne toujours des chiffres.
La relève est là
L’actualité chez Pierre Gimonnet, c’est la montée en puissance de la quatrième génération, Armand, le fils d’Olivier, et Pierre-Guillaume, l’un de ceux de Didier. Les deux trentenaires sont ingénieurs agricoles et ont leur diplôme national d’œnologue. « Ils aiment le style de la maison, qui est bien en place. Mais ils devront faire face à des changements viticoles et environnementaux. Les raisins qu’on récolte ont beaucoup changé en quarante ans. Avant, l’enjeu c’était de ramasser des raisins qu’on n’était pas obligé de chaptaliser. Maintenant c’est d’avoir des raisins qu’on n’est pas obligé de réacidifier. » Didier nous révèle la méthode du domaine qui comporte trente hectares de vignes, quasiment toutes situées dans un périmètre de deux kilomètres et demi autour de la maison. « Pour avoir de bons équilibres, il faut 90 à 95 jours entre la fleur et la vendange. Ce n’est pas tant le degré qui est important, ou le rapport sucre-acidité, mais l’équilibre. Il faut laisser à la plante le temps d’aller chercher des minéraux dans le sol. Aujourd’hui, on a le même équilibre que celui qu’obtenaient nos parents, mais avec dix jours de moins. »
Un style unique
Sinon, ce qui ne change pas au domaine, c’est le style, celui des chardonnays du nord de la côte des Blancs. L’essentiel de ses vignes est situé à Cuis, Cramant et Chouilly. « Il faut distinguer le nord de la Côte du sud. Au nord, la craie plus douce donne des vins crémeux, en dentelles. Le sud est plus pierreux, avec un style plus structuré. » La gamme est classiquement étagée, avec deux bruts sans année, des cuvées d’assemblage et des cuvées de terroir millésimées par village. « Le champagne, à 90 % pour cent, c’est un brut sans année qui donne le style de la maison, son identité. Après, on peut s’amuser avec quelques parcellaires, mais pas l’inverse. Nos cuvées de terroir ne représentent pas plus de 10 % de nos approvisionnements de chaque village, pour ne pas dépouiller les bruts. » On discute hiérarchie en Champagne, cette dénomination grand cru et premier cru donnée aux villages. On lui suggère que c’est très lié à la distance entre les villages et les cuveries des maisons de négoce, à Reims ou Épernay, à une époque où le transport était plus lent. « C’est réducteur. Cuis est très proche d’Épernay, mais a beaucoup de vignes exposées au nord. C’est un premier cru. Il faut raisonner en terroir. Cramant donne de très grand vins huit années sur dix. À Cuis, on a 20 % de très grand vins, quatre ans sur dix. » L’essentiel est de révéler ce terroir. « Pour cela, on utilise des contenants neutres. Pierre avait fait des essais. Il a gardé l’inox. Il a brûlé tous ses fûts. » Chez les Gimonnet, la recette est simple, de la craie, du chardonnay, des cuves inox. Pas de maquillage, mais de l’équilibre et de la pureté.
La fin d’un monde
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Ici, pas une goutte d’eau. Là-bas, des récoltes ravagées par les maladies de la vigne. Les effets du dérèglement climatique se ressentent dans les chais. Mais aussi dans la comptabilité des entreprises viticoles. « Cette année, je ne fais pas de vin. » Sur ses neuf hectares, Anne-Victoire Jocteur Monrozier, vigneronne à Fleurie dans le Beaujolais, ne verra pas le résultat de ses efforts : « Je suis en bio, ce sont des vieilles vignes, le mildiou et le black rot ont tout raflé ». En ce début octobre, plus les semaines passent, plus le ciel s’assombrit sur les vignobles de France. Millerandage, coulure, gel, grêle, sécheresse, pluies discontinues, froid sans soleil en Bourgogne. Certains dans l’Yonne, à Chablis ou dans l’Auxerrois, ont pris la décision de ne pas vendanger. Résultat, la récolte française 2024 dégringole : 37,46 millions d’hectolitres au 8 octobre, soit 15 % de moins par rapport à la moyenne de 2019-2023 selon les prévisions du service de la statistique et de la prospective du ministère de l’Agriculture. La consommation chute, elle aussi. Une tendance qui se poursuit, inexorablement. À la crise qui touche l’ensemble du mondovino, s’ajoute une crise structurelle. « En 50 ans je n’ai jamais vu ça », admet Bernard Magrez, propriétaire de nombreux châteaux viticoles dont quatre grands crus classés, du haut de ses 88 ans. Aucune région n’est épargnée, aucun acteur, pas même les crus classés de Bordeaux, qui ont dû revoir drastiquement leur prix de vente en primeur en 2024, ou la Champagne qui, malgré son organisation exemplaire, accuse un recul sur tous les marchés, effet de l’inflation et de la hausse des taux. « Même les riches souffrent aujourd’hui », concède à son tour Jean-Luc Thunevin, négociant et propriétaire du château Valaudraud, à Saint-Émilion. « Il y a bien sûr la disparition du marché chinois, mais le vrai problème, c’est que notre économie mondiale est en déflation, tous les secteurs d’activité sont en baisse, sauf l’IA. »
Dix tonnes à l’hectare
Aux premières loges de ce marasme, la rentabilité. Sans eau, pas de vin. Mais sans rentabilité, pas d’avenir pour le producteur. Comment la calculer, comment générer une marge suffisante pour que l’entreprise survive dans le temps ? « Les bonnes années, je vais gagner 500 000 euros. D’autres années, s’il gèle par exemple, je les perds », explique Jean-Martin Dutour, co-fondateur de Baudry-Dutour dans la Loire. « En 1990, j’avais fait soixante hectolitres, mais seulement cinq en 1991 à cause du gel, et qui n’étaient pas bons par-dessus le marché. Comment vendre dix fois plus cher une année moins bonne qualitativement ? Je suis obligé de faire une moyenne et de considérer ce flux sur un temps long. D’ailleurs, ça ne se calcule pas, ça se vit. » Seulement, plus les années passent, plus l’imprévisibilité s’impose, amplifiée par le dérèglement climatique. Cela rend le calcul des marges laborieux. « Impossible d’être rentable sans rendements équilibrés », estime Jean-Claude Mas des Domaines Paul Mas, 900 hectares dans le Languedoc et 1 500 hectares d’achats de raisin sous contrat. « Ici, dans la région, une moyenne de dix tonnes à l’hectare, plus en blanc, moins en rouge, est nécessaire. Cela passe par l’implantation des bonnes vignes sur les bonnes terres. » Et par nombre d’actions évoquées dans les trois premiers volets de notre enquête pour faire face aux bouleversements météorologiques : travail des sols, fertilisations naturelles, replantations de cépages résistants, ombrières, jusqu’à l’apport d’eau dans les zones d’extrême sécheresse. Mais tout cela a un coût et exige un temps fou. Et même avec un vignoble « vertueux », le vigneron n’est pas à l’abri d’une grêle ou d’un gel. « Les dégâts de la nature, ce n’est pas un fait nouveau. Quand je me suis lancé, je n’ai pas eu de gel ni d’inondation pendant dix-sept ans. Mon père me disait : “Tu sais que tu as de la chance !”. Depuis, on s’est rattrapé », sourit jaune le président des négociants languedociens. « Il faut avoir des fondamentaux solides. Je ne prétends pas être meilleur que les autres, mais je suis probablement prudent. » Prudent ? Comme un paysan. Une récolte à la banque, une en cave et une sur souche. Arriver à équilibrer, une de perdue, il en reste deux. « On est loin du fast business, du monde de la finance. On est dans le temps long. »
Quand ça craque
« Le climat, c’est peanuts ! », souffle un vigneron du Languedoc au bord de la crise de nerfs. « C’est chaud, très chaud, il faut ajouter les coûts de production et les charges qui grimpent, la pression des fournisseurs, le manque d’hommes compétents pour faire tourner l’activité. » Ce n’est pas un problème de qualité. Ni de vente : 50 000 bouteilles proposées à 9,25 euros hors taxe en moyenne, pour un coût de production estimé à 6,55 euros hors taxe, sans aucune marge d’investissement ni de développement. Mais même avec cette super performance, dans l’une des rares appellations qui a le vent en poupe dans la région, c’est la galère. « La lourdeur administrative… Mon employé passe 70 % du temps à faire de paperasserie qui n’a rien à voir avec le métier. La fiscalité est très lourde et la multiplication des tâches nous empêche de travailler sur l’essentiel. » Quand le vin se vend, c’est à quel prix ? Au prix humain ? Qui est prêt aujourd’hui à bosser jour et nuit, à passer son temps dans son activité professionnelle ? Nécessaire pour décoller, la passion trouve ses limites dans l’épuisement physique comme intellectuel du vigneron. « Je ne sais pas par quoi je suis le plus menacé », lâche à son tour Hervé Bizeul, pourtant connu pour son inusable résistance aux vents contraires. « Par la fin du repas traditionnel français ou par le réchauffement ? Je transporte de l’eau pour sauver mes vignes les plus rentables, ça me coûte dix mille euros. Les coûts de production augmentent de façon vicieuse, les normes anti-pollution ont pris trente mille euros, le gasoil augmente, les normes environnementales sont ridicules. On suffoque sous les contrôles, FranceAgrimer, Urssaf, DGGCRF, ODG, douanes. Pas un jour sans une nouvelle demande ou un nouvel empêchement. La viticulture est en train de mourir de ça ! Je ne sais pas si je vais m’en sortir. J’essaie d’élaborer des scénarios, j’ai des plans A, B, C, D. » Dans cette humeur particulièrement noire, il prévient : « Plus personne ne choisit ce métier. Les sols sont épuisés. Le savoir-faire agronomique a disparu. On n’aura plus les hommes, ni le savoir-faire, ni la technique, ni la pratique. » Et à tout cela, la société semble indifférente, regrette-t-il. Et nous aussi, avec lui.
« On ne compte pas nos heures »
Comment s’en sortent nos vignerons indépendants, ceux qui nous offrent, sans relâche, des vins de qualité ? Comment tiennent-ils la barre à la vigne, à la cave et au bureau dans ce contexte houleux ? Une viticulture de qualité peut-elle être encore rentable et durable sans être asservissante ? Eléonore, 31 ans, fille unique, est cogérante avec ses parents du château Teynac, à cheval entre les appellations haut-médoc (8 hectares) et saint-julien (4,5 hectares), depuis 2020. Elle reconnaît que tout est plus désormais plus compliqué : « Les négociants n’ont rien vendu de ce qu’ils ont acheté. » Alors elle se bouge, pas le choix. « Il faut se réinventer. » Avec d’autres vignerons et un négociant, elle crée une association pour s’unir pour mieux vendre, s’envole pour Hong-Kong avec le conseil des vins de Bordeaux et ouvre ses portes au grand public au printemps. Pas facile non plus pour Philippe Carrille, propriétaire du château Poupille en côtes-de-castillon, une appellation qui prône le bio. « Les peintures du chai, je les ferai une autre fois. On se met en mode survie, on attend que l’orage passe. Il faut être crédible face à son banquier. Tant qu’on fait du chiffre, au niveau fiscal, ça tient. » Au domaine Borie-la-Vitarèle, 21 hectares en appellation Saint-Chinian, Camille Izarn, qui a repris les vinifications il y a sept ans suite à la disparition de son père, y croit aussi. Malgré des efforts à la vente, le vin est moins sorti de la cave. Hors de question de déstocker pour autant. Même si la trésorerie faiblit, Camille a préféré mettre en bouteille fin août et stocker ses vins pour les vendre plus tard. Elle a aussi replanté de nouveaux cépages (bourboulenc, clairette, vermentino en blanc, riberenc, picoul noir, morrastel en rouge), le réchauffement n’attend pas. « On est impacté par tout à la fois. Pas facile de produire les vins qu’on aime sans visibilité. » Agathe Bursin, vigneronne à Westhalten, en Alsace, compte sur la compréhension de ses clients face à l’augmentation de ses tarifs, car tous ses coûts sont incompressibles. Pour sa vingt-cinquième vendange, elle résiste, offrant des vins toujours plus grands, grâce à deux fondamentaux : des parents très présents, au démarrage comme aujourd’hui, et la variété de ses marchés, en France comme à l’export. Autre paramètre essentiel, ne pas compter ses heures ! Marcel Richaud, 71 ans et cinquante vendanges derrière lui, est aussi de ceux-là, et la qualité de ses vins n’a jamais baissé. « Quand on fait ce métier, on le fait par passion et on est exigent avec les décisions prises. Comme les sportifs, on vise le meilleur et on fait tout pour que les vins soient irréprochables. » À ses côtés, ses enfants Claire et Thomas partagent leurs responsabilités sur ces 65 hectares en production (dont 50 en cairanne). « Ils ne comptent ni leur peine, ni leur temps. Nos employés ont conscience de réussir avec nous, ils touchent des revenus sur le bénéfice, on est basé sur le partage et sur la prise de conscience, on fonctionne comme ça. » Les vendanges se passent à cette image et chez les Richaud, on ne manque jamais de vendangeurs. Ils sont logés dans une maison confortable et nourris, avec des produits bio qui plus est. Côté clients, le caveau reçoit à l’année et génère 50 % du chiffre d’affaires.
Le Rhône entre les mains
Pour cette édition 2025 du salon « DVR », plus de 500 producteurs de la vallée du Rhône donnent rendez-vous à des professionnels venus de plus de 40 pays : les chiffres de « Découvertes en Vallée du Rhône » témoignent de l’envergure prise par l’événement. L’occasion pour les nombreux cavistes, sommeliers, grossistes, agents commerciaux, journalistes, importateurs et restaurateurs-hôteliers de découvrir ou redécouvrir la richesse et la diversité des vins de la vallée du Rhône, ainsi que le savoir-faire des vignerons de la région.
Au programme, masterclass et « tables de dégustation » rythmeront les dégustations ouvertes aux pros. Des moments d’échange qui ont pour ambition de donner une meilleure compréhension des terroirs et des cépages rhodaniens. Comme à son habitude, le salon dure quatre jours et suit le cours du fleuve, en ouvrant ses portes le lundi 31 mars à Avignon pour les refermer à Ampuis le jeudi 3 avril, offrant ainsi aux participants la possibilité de parcourir l’ensemble du vignoble, méridional comme septentrional. Nouveauté marquante de cette édition, les appellations du nord de la vallée (hermitage, cornas, saint-joseph, crozes-hermitage) ainsi que les vins du Diois seront présentées cette année à Mercurol.
Infos sur https://decouvertes-vins-rhone.com/newfront
Inscriptions sur https://decouvertes-vins-rhone.com/registration/dyX49jNQDxX318u5HqSkfwOH
Château La Marzelle, une renaissance attendue
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Face à Figeac, le château La Marzelle s’appuie sur 17 hectares disposés autour du lavoir romain de la propriété autour duquel s’organisent les bâtiments privés. Il devait y avoir à cet emplacement un puits dont la margelle transforma le patronyme du cru. Tout ce vignoble impeccablement tenu est sis sur un substrat de graves, de sables et d’argiles bleues. Cette haute terrasse de Saint-Émilion formée par l’ancien lit de l’Isle intéressait déjà au Moyen-Âge les cisterciens de l’abbaye de Fayze, établis à Artigues-de-Lussac. Une famille, les Largeteau, contribua grandement ensuite à développer la renommée du domaine viticole au XVIIIe siècle. On en trouve trace sur la célèbre carte de Belleyme (1821). Le cru jouit vraisemblablement déjà d’une grande réputation et affiche sur son étiquette une mention « premier cru classé » dès 1925, alors qu’il n’existe pas encore de classification officielle des crus de Saint-Émilion. Lors de la première, en 1955, La Marzelle accède au rang de cru classé, conservé depuis. Tombés sous le charme de la propriété, qui ne compte alors que 14 hectares, Jacqueline et Jean-Jacques Sioen, un couple d’industriels belges, l’acquièrent en 1998. Ils l’agrandissent en 2003 avec trois autres hectares contigus au vignoble existant. Depuis 2020, Jean-Charles Joris, leur petit-fils, prend soin de ce vignoble bien situé où l’encépagement compte 70 % de merlot, 20 % de cabernet franc et 10 % de cabernet-sauvignon. Dès 2008, des pratiques culturales vertueuses sont mises en place avec l’adoption d’une viticulture bio, certifiée à partir du millésime 2020. Le chai de vinification, construit en 2012, permet une maîtrise optimale des températures et de travailler avec des macérations préfermentaires à froid et de la manière la plus fidèle à la sélection parcellaire effectuée au vignoble. Égreneur et système de tri par bain densimétrique à la réception des vendanges ont aussi favorisé une sélection plus rigoureuse permettant de donner plus de pureté aux vins. Les vinifications douces et respectueuses du fruit précèdent l’élevage. Cent pour cent de barriques neuves avec des chauffes de faible intensité pour le merlot et le cabernet-sauvignon, tandis que le cabernet franc est élevé intégralement en amphores de terre cuite depuis 2019. L’arrivée en 2016 de Sébastien Desmoulin à la direction technique correspond à l’ascension qualitative du grand vin de la propriété, de plus en plus remarquable par son toucher de tannin velouté prolongé, sa bouche puissante et raffinée et une grande fraîcheur d’ensemble capable d’évoluer parfaitement dans le temps.
La dégustation :
2007
Le premier millésime qui intègre du cabernet-sauvignon (8 %). Tannin souple et parfaitement fondu, bonne longueur. Il donne aujourd’hui beaucoup de plaisir.
88/100
2008
Beau potentiel avec un profil tout en droiture et une finale poivrée qui relance l’ensemble.
Un millésime sérieux.
90/100
2010
Vin coloré, puissant et charnu au tannin bien étiré avec ce qu’il faut de fraîcheur. À ce stade, il surpasse le 2009, qui manque un peu de nuances.
92/100
2011
Tannin ferme qui se détend au fil de l’ouverture. Tonique et caressant, c’est le millésime qui s’impose à une salade de chanterelles et foie gras. Même type d’assemblage que le 2010.
91/100
2013
Année charnière qui traduit la mise en place d’un outil plus performant pour la réception des vendanges. Belle réussite pour le millésime avec ce vin au nez floral et à la bouche dessinée.
90/100
2014
Velouté et vigoureux, avec une bouche qui rayonne et une finale qui rebondit. Le tannin
est bien arrondi et l’on sent bien la présence des cabernets dans l’assemblage. Ce vin gagne à être carafé trois heures avant le service.
93/100
2015
Premier millésime élaboré selon les préceptes de la biodynamie. Nez de fruits noirs mûrs, densité crémeuse et charnue, longueur généreuse. Un vin plus en texture qu’en arômes.
92/100
2016
Le premier millésime de Sébastien Desmoulin, le directeur technique. Sa plénitude est exprimée avec beaucoup de tact. Élancé et subtil, porté par une chair raffinée et pulpeuse, il tient toutes ses promesses.
94/100
2017
Les tables vibrantes avant et après l’égreneur vertical (Tribaie, puis Calibaie) parachèvent le travail entrepris dans les millésimes précédents en apportant un soin extrême à la vendange. Notes de menthe sauvage, élégance et profondeur en bouche. De la vitalité
et de la longueur.
93/100
2018
Remarquable velouté de texture rappelant celui des grands pomerols. Longueur impressionnante, le tout avec de la tension en bouche donnée par les 20 % de cabernet franc et les 5 % de cabernet-sauvignon.
94/100
2019
Pour la première fois, les cabernets francs sont élevés en amphores de terre cuite. Attaque soyeuse et bouche qui se développe sur un corps charmeur et ferme. Finale étirée, caressante et très expressive, avec des nuances florales et des notes de fruits noirs.
94/100
2020
Nouvelle étiquette avec ce millésime à la trame sobre et moderne. C’est le premier à être certifié bio, même si l’on travaillait en ce sens depuis plus d’une décennie. Texture veloutée, grande fraîcheur, dense, il gagne en nuances au fil de l’ouverture pour rayonner avec de délicieux accents lardés et fumés.
96/100