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Napoléon x Napoléon

Avec la photo ci-dessous, prise vendredi dernier lors des répétitions des commémorations de la bataille de Waterloo, la maison de Champagne Napoléon souhaitait faire « un clin d’oeil à l’histoire », son destin et celui de l’empereur étant scellés depuis que la marque a été déposée, en 1906 (voir la publicité ci-dessus, toute l’histoire est racontée ici). Si l’année 2015 marque le bicentenaire du retour en France de Napoléon et de la période des Cent-Jours, c’est aussi celui de son exil sur l’île de Sainte-Hélène.

De nombreuses manifestations dans toute l’Europe doivent marquer ces différents anniversaires et la maison, installée à Vertus au début du XIXe siècle et devenue en 1950 la propriété de huit familles de vignerons, s’est associée à ces festivités. Sur la base de 120 hectares cette marque champenoise produit 50 000 bouteilles par an (Brut Tradition, 29,90 euros, Brut Blanc de Blancs, 34 euros et Brut Rosé, 34,95 euros) et exporte 60 % de cette production, notamment en Belgique et au Japon.


Les grognards buvaient-ils du champagne ?
Les grognards buvaient-ils du champagne ?

Le Prosecco Superiore, épisode 2 : 2009, l’année charnière


Prosecco Superiore, la terre originelle

Prosecco, des bulles légères et pas chères au bord de la rupture ? Peut-être, mais connaissez-vous le « Conelgliano Valdobbiadene Prosecco Superiore », érigé en 2009 en DOCG (une appellation plus stricte que la DOC, l’AOC italienne) ? A la vue de ce coquet vignoble aux pentes vertigineuses qui se nichent dans le contrefort des Dolomites, à quatre-vingts kilomètres de Venise, on comprend qu’il se passe quelque chose sous le bouchon. Découverte en cinq épisodes, toutes antennes dehors.


Giuliano Bertolomiol revendique le premier effervescent à base du cépage prosecco, en 1960*. Les années 80 lancèrent la mode, les années 90 la confirmèrent. Les ventes s’envolèrent. La région pourtant bien pauvre à une époque – guerres, épidémies et exode de la population vers des lieux plus lucratifs se chargeant de l’appauvrir – s’enrichit soudain, et s’industrialisa à outrance. Le vignoble glissa dans les plaines, entre agriculture intensive et zones industrielles. Entre plages et piémont, il faut aujourd’hui une heure trente pour parcourir soixante kilomètres tant les ronds-points se succèdent et les camions encombrent les routes.

De la DOC à la DOCG, du prosecco au glera…

Pour freiner l’hérésie et crier leur avidité de reconnaissance, les producteurs érigèrent leur DOC (Denominazioni di Origine Controllata, l’AOC italienne) en DOCG (Denominazioni di Origine Controllata e Garantita) aux conditions plus strictes et aux délimitations serrées, garantissant théoriquement une meilleure qualité. Elle fut entérinée le 1er avril 2010 : 6 100 hectares autour de Conegliano et Valdobbiadene, incluant une quinzaine de communes (6 586 ha depuis). Réputée pour son école d’œnologie Cerletti (la plus ancienne d’Italie créée en 1876), Conegliano est aussi la ville de Carpenè Malvolti, initiateur du prosecco. Valdobbiadene, village niché dans les collines, héberge les trois quarts des producteurs de Prosecco Superiore DOCG. Une appellation à taille humaine, avec des règles définies, des contrôles jusqu’à la numérotation de la bouteille, un Consorzio pour la promotion et un Sistema Prosecco, bureau de défense qui se charge de défendre le nom prosecco et de chasser les contrefaçons (un travail commun à la DOC et à la DOCG).

Rebaptiser le cépage fut l’urgence absolue : le prosecco s’appelle désormais glera, de son nom d’origine, pour éviter aux sans scrupules de produire du prosecco et de l’inscrire sur l’étiquette, comme chardonnay ou cabernet.

…au raz-de-marée mondial

Des changements nécessaires. Mais six ans après sa création, la Prosecco Superiore DOGC tousse. En érigeant la DOC d’origine (la Prosecco DOC fut créée en 1969) en DOCG, l’IGT Prosecco (Indicazione Geografica Tipica, notre Indication Géographique Protégée) fut tirée vers le haut et transformée à son tour en DOC. C’est elle qui créa la marée mondiale et s’étira sur toute la plaine du nord de l’Italie.
Depuis 2009, la DOC comprend donc 20 000 hectares répartis dans neuf provinces de la Vénétie et du Frioul, et produit 300 millions de bouteilles en faisant cracher la vigne, le glera grossissant à une vitesse record et produisant jusqu’à 20 tonnes à l’hectare. « Il fallait rayer la DOC », fulminent certains. En rebaptisant le cépage glera, les gros faiseurs seraient sortis du jeu du prosecco, ne pouvant plus l’indiquer sur une étiquette d’IGT. Eliminer les gros faiseurs, les Martini et autres ? Inimaginable ! Martini qui, soit dit en passant, continue d’embouteiller dans le Piémont comme Santa Margherita et Canella…

*Giuliano Bartolomiol, Dreaming of Prosecco, d’Ettore Gobbato, Veronelli Editore, 2009.

 

À LIRE > Épisode 1 : Retour sur les origines du « monstre »> Épisode 3 : Le vrai visage du Prosecco Superiore> Épisode 4 : Les quatre forces économiques du prosecco

 

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C'est la fête des pères


Oui, c’est aussi la fête de la musique. Et l’été. Quel dimanche.
Cépages oubliés, parcelles de vignes, cognacs, whiskies, champagnes,
voici de quoi faire plaisir à l’amateur en le prenant au sérieux.


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Prosecco Superiore, épisode 1 : retour sur les origines du « monstre »


Prosecco Superiore, la terre originelle

Prosecco, des bulles légères et pas chères au bord de la rupture ? Peut-être, mais connaissez-vous le « Conelgliano Valdobbiadene Prosecco Superiore », érigé en 2009 en DOCG (une appellation plus stricte que la DOC, l’AOC italienne) ? A la vue de ce coquet vignoble aux pentes vertigineuses qui se nichent dans le contrefort des Dolomites, à quatre-vingts kilomètres de Venise, on comprend qu’il se passe quelque chose sous le bouchon. Découverte en cinq épisodes, toutes antennes dehors.


prosecco-map« Le prosecco est un phénomène », constate avec tristesse Giancarlo Vettorello. Cet italien pure souche me quitte en cette matinée de mai avec ce cri du cœur. Il espère que je vais les aider, comme tous les journalistes qui grouillent dans la région, à changer l’image de ce monstre qui a trop grossi ces dernières années. Il en est malade, le monstre. Il crache des bulles, envahit les gondoles allemandes, australiennes, brésiliennes, américaines, des faux, des vrais, des secco, des progecco, des piusecco, des trisecco… Le nord de l’Italie s’est mis à genoux pour servir ce marché lucratif : plantation de vignes à gogo, ventes de propriétés aux Américains pour un sourcing (approvisionnement) assuré. En cinq ans, ce mousseux italien a doublé de volume pour atteindre 306 millions de bouteilles vendues, plus qu’en Champagne.

« C’est ancré, c’est notre terre. »

Mais les excès ont des limites. Le millésime 2014 riquiqui (demi-récolte) doublé d’une demande en hausse de 20 % entraîne une rupture de stock et une probable pénurie pour cet été, extrêmement dangereuse pour l’édifice italien. Et oui, facile de rafler les consommateurs avides de bulles à bas prix, entre 2 et 5 euros la bouteille en magasin ! Autre secret de ce succès populaire : le Spritz, un cocktail mariant Campari ou Apérol et prosecco, siroté par les jeunes et moins jeunes autour de Venise et dans toute l’Italie, et maintenant en France. Sans oublier le Bellini, autre cocktail créé en 1948 au Harry’s Bar, à Venise, le péché mignon d’Ernest Hemingway à base… de pêche et vendu aujourd’hui à l’aéroport.
Pendant ce temps, « el cuore » du prosecco, lui, saigne. Les producteurs de la région d’origine, six mille hectares flanqués sur les collines escarpées du contrefort des Dolomites, n’avaient pas prévu ça.

« Notre vin a une origine. Il est issu d’un beau vignoble, vous avez vu ! Nous ne sommes pas qu’un phénomène », continue Giancarlo. Il tape sur son cœur avec son poing. « C’est ancré, c’est notre terre. » Lui, c’est le directeur du « Consorzio Tutela del Vino Conegliano Valdobbiadene Prosecco Superiore DOCG », l’interprofession basée à Solighetto, dans la Villa Brandolini.

La « viticultura eroica »

Sa terre, c’est la terre d’origine du prosecco, là où la vigne a toujours été cultivée, depuis les Romains. Celle où tout démarra en 1868 avec Carpenè Malvolti, initiateur du prosecco dans l’histoire avec la première mention « Prosecco di Conegliano » inscrite sur l’étiquette en 1924.
Sa terre, c’est un ravissant vignoble aux pentes incroyables, aux paysages de rêve qui tranchent avec l’image trop souvent insipide du mousseux, aux routes en lacets, aux clochers de charme. Ce sont aussi des maisons cossues à l’architecture plus européenne qu’italienne, transpirant la richesse récente, aux caves trop petites pour assimiler cette mode mondiale.
Sa terre est située au nord du large Piave, des monts autour de 500 mètres d’altitude, des pentes jusqu’à 70 % permettant de qualifier le vignoble de « viticultura eroica » (viticulture héroïque), des sols variés, moraines, conglomérats, argiles, marnes… Et un climat idoine qui ondule en fonction de l’exposition et de l’inclinaison du versant.

À LIRE > Épisode 2 : 2009, l’année charnière du Prosecco Superiore> Épisode 3 : Le vrai visage du Prosecco Superiore> Épisode 4 : Les quatre forces économiques du prosecco

 

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One night in Vosne-Romanée

À l’heure où chacun rejoignait Bordeaux, j’ai pris le train pour Dijon. J’allais en Bourgogne assister au dîner qui célèbre les deux siècles d’existence du domaine du comte Liger-Belair au château de Vosne-Romanée.
De vieux amis, des nouveaux, une réunion cosmopolite sous le joug des plaisirs bourguignons, mais en anglais. D’entrée, croiser Louis-Michel et Constance Liger-Belair, bien sûr et François Mauss et Jacques Perrin (clic), rencontrer Georges dos Santos, le caviste lyonnais de renommée inter-sidérale, Laurent Gotti, journaliste et fin connaisseur des climats. Faites un tour sur son blog, il a assisté à une dégustation verticale de la-romanée le matin même et nous raconte ça très bien…lire la suite sur le blog bonvivant

Bouchard Père & Fils certifié HVE


Troisième et dernier niveau de la certification environnementale encadrée par le ministère de l’Agriculture qui permet d’identifier et de valoriser les exploitations agricoles respectueuses de l’environnement, la mention « Haute Valeur Environnementale » vient de distinguer, après Bollinger en Champagne, Château La Dominique à Saint-Emilion ou encore, tout récemment, William Fèvre à Chablis, la conduite des vignes de Bouchard Père & Fils.

Capture d’écran 2015-06-17 à 19.36.10Parmi les deux options fondant cette certification basée sur des indicateurs de performance (on en apprendra plus dans cette vidéo-), cette maison bourguignonne engagée depuis près de quinze ans dans l’agriculture raisonnée a privilégié celle reposant sur l’évaluation de la « biodiversité », de la « stratégie phytosanitaire » et de la « gestion de la fumure du sol» (option A).

Au-delà d’une viticulture respectant les seuils de performance exigés en terme de respect de l’environnement, Thierry de Bueil, chef de culture de la maison, estime que « cette démarche, globale et volontaire (…) permet de garantir que les vins ont été élaborés en tenant compte de la santé des équipes travaillant dans les vignes et la cuverie, et également de la sécurité alimentaire, mais sans que cela ne porte préjudice à la qualité du produit final. Cela demande de nombreux efforts d’adaptation et de réactivité, mais les enjeux sont tels que c’est aujourd’hui une nécessité. »

Saint-Emilion, quatre AOC en compétition

Organisée par le Conseil des vins de Saint-Emilion en partenariat avec le magazine Terre de Vins et la cristallerie Riedel, la compétition biennale portant sur les saint-émilion, saint-émilion grand cru, lussac-saint-émilion et puisseguin-saint-émilion qui s’est déroulée dimanche sur le salon Vinexpo a distingué quatre lauréats parmi les 112 crus participant à cette édition 2015. Match éliminatoire après match, ces vins issus des millésimes 2010, 2011 et 2012 ont été dégustés par appellations, deux par deux, par un jury international de 250 professionnels, cavistes et sommeliers, mais aussi journalistes, négociants et importateurs. Par quatre fois, « c’est le cru le plus régulier en qualité sur l’ensemble des millésimes dans son appellation » qui a remporté la coupe, ainsi que l’une des carafes Riedel en photo ci-dessus. Honneur sera fait aux seize vins ci-dessous en octobre prochain au cours d’une réception parisienne à l’hôtel Bristol.

Coupe Saint-Emilion : Château Moulin de Lagnet
Finaliste : Château Jacques Noir

Demi-finalistes : Le Tertre de Sarpe et Clos Le Brégnet

Coupe Saint-Emilion Grand Cru : Clos Dubreuil
Finaliste : Château Clos des Prince
Demi-finalistes : Délice du Prieuré et Château Magnan La Gaffelière

Coupe Lussac Saint-Emilion : Château de Barbe Blanche

Finaliste : Château Des Landes, Cuvée Prestige
Demi-finalistes : Prémya et Château de la Grenière, Cuvée de la Chartreuse

Coupe Puisseguin Saint-Emilion : Château Soleil
Finaliste : Château Haut-Fayan
Demi-finalistes : Château Clarisse « Vieilles Vignes » et Château de Puisseguin Curat

Le roi des bourgeois


Parmi les douze lauréats issus de différentes appellations du Médoc listés ci-après, c’est Château Lilian Ladouys, propriété de l’AOC saint-estèphe, qui a remporté la compétition organisée par l’Alliance des crus bourgeois du Médoc en partenariat avec le magazine Le Point. Sorti vainqueur d’une dégustation à l’aveugle portant sur 174 vins du millésime 2012 qui s’est tenue ce week-end au château du Taillan, Château Lilian Ladouys a été récompensé lors du salon Vinexpo. Emmanuel Cruse a reçu la Coupe des crus bourgeois du Médoc des mains du parrain de cette édition 2015, Marc Chapleau, auteur et chroniqueur du site canadien Chacun son Vin (à gauche sur la photo ci-dessous). Vignoble de 48 hectares situé à la lisière de Pauillac, le château Lilian-Ladouys a été acquis en 2008 par Jacky et Françoise Lorenzetti. La supervision de la propriété a été confiée Emmanuel Cruse, la direction technique à Vincent Bache-Gabrielsen et Eric Boissenot en est l’œnologue-conseil.

Coupe des crus bourgeois du Médoc 2015 :
Château d’Aurilhac (AOC haut-médoc) – Château Bibian (AOC haut-médoc)
 – Château le Crock (AOC saint-estèphe) – 
Château Labadie (AOC médoc) – 
Château Ladignac (AOC médoc)
 – Château Landat (AOC haut-médoc) – Château Lestage Simon (AOC médoc) – Château Lilian Ladouys (AOC saint-estèphe) – Château Liouner (AOC listrac-médoc) – Château Les Ormes Sorbet (AOC médoc) – 
Château Rollan de By (AOC médoc) – Château Tour des Termes (AOC saint-estèphe)

Marc Chapleau, Emmanuel Cruse et Jacques Dupont, journaliste au magazine Le Point et co-organisateur de la coupe.
Marc Chapleau, Emmanuel Cruse et Jacques Dupont, journaliste au magazine Le Point et co-organisateur de la coupe.


Le Prosecco Superiore en chiffres


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[SAGA] Prosecco Superiore, la terre originelle

À LIRE > Épisode 1 : Retour sur les origines du « monstre »> Épisode 2 : 2009, l’année charnière du Prosecco Superiore

 

À SUIVRE > Épisode 3 : Le vrai visage du Prosecco Superiore…> Épisode 4 : Les quatre forces économiques du prosecco…

Les « Coteaux, caves, maisons de Champagne » et les « Climats de Bourgogne » bientôt au patrimoine mondial ?

Entre le 28 juin et le 8 juillet, l’Unesco rendra son verdict quant à l’inscription des « Coteaux, maisons et caves de Champagne » et des « Climats de Bourgogne » au patrimoine de l’humanité. Si les premiers sont bien partis, les seconds le semblent un peu moins. Qui va rejoindre les vignobles déjà distingués par la prestigieuse organisation ?

« Il n’y a pas de grands vignobles prédestinés, il n’y a que des entêtements de civilisations », écrivait le journaliste Pierre Veilletet. En Champagne, on tire le meilleur de la vigne à la limite septentrionale de sa survie et on le sublime en un symbole universel depuis plus de 300 ans. En Bourgogne, on dessine depuis plus d’un millénaire une mosaïque pointilliste unique au monde. De cet entêtement naissent des savoir-faire, des paysages, des vins incomparables, irremplaçables. Pour être inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, les « Coteaux, maisons et caves de Champagne » et les « Climats de Bourgogne » devront justifier de leur valeur universelle exceptionnelle, c’est-à-dire d’une importance culturelle telle qu’elle dépasse les frontières, traverse les générations et mérite d’être reconnue à l’échelle mondiale. Si évident que cela paraisse, cela n’en a pas moins nécessité 800 pages de démonstration et 17 000 pages d’annexes pour la Bourgogne, 800 pages et 4 000 pages d’annexes pour la Champagne, et près de neuf ans de mobilisation. Dans le vignoble, dans le cuvier, au chai, tout est affaire de patience. Mais l’épilogue est proche. L’avant-dernière étape a été franchie le 15 mai avec le rendu d’avis de l’Icomos (Conseil international des monuments et des sites), l’organe consultatif de l’Unesco, sur les deux candidatures, basé sur le rapport d’enquête in situ de leurs experts et l’étude des dossiers.

Seulement six vignobles inscrits à ce jour

L’inscription des « Coteaux, maisons et caves de Champagne » est recommandée et la valeur universelle exceptionnelle des « Climats de Bourgogne » a été reconnue, tout en étant assortie d’une demande de renvoi sur deux points. L’avis favorable de l’Icomos est généralement suivi du classement. Très bientôt, les vingt et un membres du Comité du patrimoine mondial seront réunis à Bonn, en Allemagne, pour leur 39e session. Sur la base des indications de l’Icomos, ils décideront donc si ces deux entités viticoles méritent de figurer sur la Liste aux côtés du Taj Mahal, du mont Saint-Michel ou de l’Acropole d’Athènes. Parmi les biens inscrits à ce jour, six seulement correspondent à des vignobles : le paysage culturel historique de la région viticole de Tokaj en Hongrie, la région du Haut-Douro et le paysage viticole de l’île de Pico aux Açores au Portugal, le vignoble en terrasses de Lavaux en Suisse, les vignobles italiens Langhe-Roero et de Monferrato, dans le Piémont, et la juridiction de Saint-Emilion, seul bien français, inscrit dès 1999. D’autres régions aux vignobles fameux sont inscrites, par exemple le Val de Loire en France, les Cinque Terre en Italie ou Wachau en Autriche, mais elles ne le sont pas uniquement à ce titre.

L’œuvre conjugée de l’homme et de la nature

Les Coteaux, maisons et caves de Champagne concourent au titre de « paysage culturel évolutif vivant », les Climats de Bourgogne au titre de « site culturel ». Les deux sont bien sûr l’œuvre conjuguée de l’homme et de la nature. L’inscription de la Champagne porte sur trois critères de sélection (voir encadré) : « apporter un témoignage unique ou du moins exceptionnel sur une tradition culturelle ou une civilisation vivante », « offrir un exemple éminent d’un type de construction ou d’ensemble architectural ou technologique ou de paysages illustrant une ou des période(s) significative(s) de l’histoire humaine », « être directement ou matériellement associé à des événements ou des traditions vivantes, des idées, des croyances ou des œuvres artistiques et littéraires ayant une signification universelle exceptionnelle ». La Bourgogne concourt également sur le premier de ces trois critères ainsi que sur celui-ci : « exemple éminent d’établissement humain traditionnel, de l’utilisation traditionnelle du territoire qui soit représentatif d’une culture ou de l’interaction humaine avec l’environnement ».

« Le champagne, pour moi, c’est la folie et la ténacité réunies, un peu comme Venise »

Trois sites témoignent sur 1 100 hectares de l’œuvre des vignerons et des négociants champenois : les coteaux historiques, face à la vallée de la Marne, les plus anciens et emblématiques du vignoble champenois, entre Hautvillers (où Dom Pérignon expérimenta l’assemblage des cépages) et Mareuil-sur-Aÿ ; la colline Saint-Nicaise à Reims avec les bâtiments élevés par les maisons de champagne et les cathédrales souterraines que sont les crayères (Claude Ruinart, au XVIIIe siècle, fut le premier à y installer sa Maison et à exploiter les crayères abandonnées pour conserver le vin) ; et enfin, l’avenue de Champagne, à Epernay, qui aligne les maisons de négociants (Jean-Rémy Moët fut pionnier), les sites de production et des kilomètres de réseaux de caves. « Le champagne, pour moi, c’est la folie et la ténacité réunies, un peu comme Venise », s’enflamme Pierre Cheval, le président de l’association Paysages du champagne qui porte cette candidature. Un paradoxe, des conditions contraires que l’on domine, un acharnement sublimé en grâce.

« En Bourgogne, quand on parle d’un climat, on ne lève pas les yeux au ciel, on les baisse sur la terre », selon la formule de Bernard Pivot, président du comité de soutien. Ces terroirs viticoles sont au nombre de 1247. Parmi les plus illustres : Chambertin, Romanée Conti, Clos de Vougeot, Montrachet, Corton, Musigny… Climat (terrain) et climat (conditions météorologiques) ont la même origine : le klima grec qui désigne l’inclinaison d’un lieu sur la terre. C’est aussi une unité romaine utilisée pour mesurer la surface des terrains à cultiver. En Bourgogne, on a conservé ce terme de climat pour désigner, au moins depuis le XVIe siècle, une parcelle de vignes très précisément délimitée et nommée, associée au vin qu’elle produit. Mais les climats, c’est la transmission, depuis près de deux millénaires, de pratiques de vinification élaborées et affinées par des générations de vignerons. C’est aussi mille ans d’histoire liés à la fondation des abbayes de Cluny et de Cîteaux et au pouvoir politique des ducs de Bourgogne. Mille ans pendant lesquels s’est établi la hiérarchisation des lieux et des vins fixée et protégée par l’AOC créée en 1936 (cent appellations régionales, village, premier cru, grand cru).

Une ode au monocépage, pinot noir ou chardonnay

Le terme climat pourrait être la traduction bourguignonne du mot terroir s’il n’était pas aussi spécifique à la région. « Il n’y a de climats qu’en Bourgogne », martèle-ton de la Côte de Nuits à la Côte de Beaune. Sur les 60 kilomètres du mince ruban (un kilomètre de large) de vignes qui court de Dijon à Santenay, les climats forment une mosaïque de crus uniques, une infinité de nuances de sols, d’expositions, de microclimats. Les noms disent tout. Les Cras à Marsannay-la-Côte ou les Crâs à Vougeot évoquent les coteaux pierreux. Les Cailles à Nuits-Saint-Georges, les Caillerets à Meursault, les sols caillouteux. Les Roichottes à Savigny-lès-Beaune, les Ruchottes du Bas, les Ruchottes du Dessus à Gevrey-Chambertin font référence aux petits éboulis à fleur de terre. Les Argillières à Chambolle-Musigny traduisent l’argile. Les climats, c’est une ode au monocépage, pinot noir ou chardonnay cultivés dans des mouchoirs de poche entourés de murets, parsemés de cabottes (abris des vignes) et ponctués de meurgers (tas de pierres). C’est la marque du travail de l’homme sur le sol et le paysage, de la modeste maison de village au palais des Ducs à Dijon et aux Hospices de Beaune, taillés dans la même pierre calcaire. Ce « décor » n’en est pas un, c’est une philosophie.
Pour Aubert de Vilaine, copropriétaire de la Romanée-Conti et président de l’association qui défend le dossier devant l’Unesco, les climats sont le modèle de la viticulture de terroir, son berceau et son archétype que l’urbanisation et la banalisation des pratiques et des goûts pourraient rendre vulnérable, alors que face à l’uniformisation du monde, la protection de la diversité est un enjeu pour l’humanité.

Béatrice Brasseur


Le patrimoine mondial

L’Unesco a été créé en 1945 et la notion de patrimoine mondial établie en 1978. Cette appellation est attribuée à des lieux ou des biens possédant une valeur universelle exceptionnelle, c’est-à-dire dignes d’intéresser l’humanité toute entière et sans équivalent dans le monde. La liste actuelle des sites universels et exceptionnels comporte 1 007 biens dans le monde, dont 39 en France, et 38 propositions d’inscription seront examinées à Bonn début juillet.
Pour figurer sur la liste, les biens proposés ont dû satisfaire à au moins un des dix critères de sélection définis par l’Unesco. Les 21 membres du Comité du patrimoine mondial de l’humanité décideront par vote l’inscription, le renvoi pour complément d’information (le dossier peut être représenté dans un délai de trois ans maximum), le différemment (le dossier repart pour un cycle de préparation et d’examen complet) ou la non inscription. Le comité suit en général les recommandations des experts Icomos (patrimoine culturel) et UINC (patrimoine naturel). Ces derniers se sont déplacés en Champagne et en Bourgogne fin 2014.
L’inscription au patrimoine mondial distingue mais n’entraîne pas de contraintes supplémentaires par rapport à la législation du pays, ni aux cahiers des charges des appellations. Pas question pour les élus cependant de se reposer sur leurs lauriers. Le dossier de candidature doit comporter un plan d’actions de sensibilisation des publics, de sauvegarde, protection et mise en valeur des patrimoines naturels et bâtis. Un bien peut toujours être déclassé. B.B.