« Nous sommes ravis d’accueillir Christian et Alexis aux côtés de la famille Ragnaud-Sabourin. Cette alliance marque le début d’un nouveau chapitre de développement pour la maison, avec l’objectif d’élargir sa distribution à l’international et de renforcer sa présence dans les lieux de prestige », déclare Marine Deschamps, directrice générale associée de Ragnaud-Sabourin.
L’artisanat est au cœur de l’élaboration des eaux-de-vie de la maison, patiemment vieillies dans les chais familiaux. Grâce à des stocks importants, Ragnaud-Sabourin peut répondre à l’évolution de la demande tout en perpétuant l’esprit maison, transmis depuis 1850.
« Cet investissement, réalisé à titre personnel, témoigne de mon engagement en faveur de l’artisanat français et de la préservation des savoir-faire d’exception », confie Christian Louboutin, déjà impliqué dans des projets patrimoniaux tels que Les Jardins de Kerdalo en Bretagne ou la Maison Gatti, manufacture française de mobilier en rotin.
Christian Louboutin s’est imposé dans le monde de la mode grâce à sa créativité et son exigence de perfection. « Son attachement au travail d’atelier fait écho à notre approche : élever nos eaux-de-vie et assembler nos cognacs comme des pièces uniques », ajoute Marine Deschamps.
La maison Ragnaud-Sabourin, propriétaire récoltant, cultive 35 hectares en Grande Champagne, classée en premier cru. Toutes ses eaux-de-vie proviennent exclusivement du vignoble familial, le Domaine de la Voûte, et servent à produire l’ensemble de ses cognacs depuis près de quatre générations.
Christian Louboutin investit dans la maison de cognac Ragnaud-Sabourin
Le temps des bâtisseurs

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Situé à Odenas, en plein cœur de l’appellation brouilly, le splendide château de la Chaize a changé de mains, après avoir été dans la même famille depuis près de 350 ans. Aux lointains descendants de Jean-François de la Chaize d’Aix, le frère du confesseur du Roi Soleil, qui a donné son nom au fameux cimetière parisien, ont succédé depuis 2017 les Gruy, qui l’ont racheté à la marquise de Roussy de Sales. Ces entrepreneurs lyonnais se sont fait une réputation avec leur groupe familial Maïa, spécialisé dans le BTP, la transition énergétique, les ouvrages d’art et la restauration du patrimoine. À la tête du domaine depuis l’an dernier, Boris Gruy entend bien mettre la propriété sur le devant de la scène beaujolaise. Le jeune homme a un profil atypique pour la région. Pas encore 40 ans (né en 1987), mais déjà une capacité à écouter et à transmettre qui impressionne. S’il avoue avoir toujours eu une sensibilité pour le monde végétal, la découverte des animaux est venue en travaillant. À 20 ans, il part une année dans les Pyrénées travailler dans une ferme, traire des vaches et faire du fromage, avec les horaires exigeants que l’on sait. Puis une autre ferme dans le Tarn-et-Garonne, en maraîchage et arboriculture, avec un peu de vigne et une production de raisin de table. S’ensuit ensuite un voyage initiatique de trois mois pour rallier Istanbul depuis la France, à pied, qui lui permet de réfléchir à ses projets et d’affermir ses convictions. Une expérience au domaine Baud, dans le Jura, et puis un dernier stage chez Pierre-Jean Villa, à Chavanay (dont la fameuse vigne de Fongeant, à l’époque, appartenait à Christophe Gruy, l’oncle de Boris).

Maintenir le lien avec l’histoire
Pour la partie formation, deux BTS (agronomie et viti-œno), puis un DNO à Dijon (diplôme attendu en juin de cette année). Boris s’est entouré des bons conseillers, notamment Pierre-Jean Villa pour la partie technique. Grâce à des moyens peu communs pour le monde viticole, il a mis en œuvre son ambitieux plan de transformation. Cinquante hectares supplémentaires ont été acquis dans les appellations morgon, fleurie et côte-de-brouilly. Les parcelles sont désormais cultivées par les équipes du domaine, première étape indispensable pour harmoniser les bonnes pratiques culturales. La labellisation bio a été initiée dès 2019 et un travail de replantation a été entamé, en tenant compte au mieux des dévers pour dessiner les rangs. L’enherbement a été repensé et systématisé, le travail du sol et la tonte sont désormais effectués par des robots. Comme l’explique Boris, la démarche dépasse le cadre de la vigne : « On a planté des haies, mais aussi des arbres fruitiers. On a installé vingt-cinq ruches sur la propriété. Notre potager d’un demi-hectare fournit les légumes et les herbes aromatiques pour notre table au château, mais nous en donnons aussi beaucoup aux Restos du Cœur. Et on a aussi préservé la roseraie au fond du jardin, avec de nombreuses variétés anciennes. Nicole de Roussy de Sales aimait beaucoup sa roseraie, cela nous permet de préserver un lien avec l’histoire du château ». La gamme a été refondue, des parcellaires et des lieux-dits ont vu le jour, notamment La Chaize, Combiliaty ou Vers les Pins, sans oublier le futur joyau de la famille, Clos de la Chaize, issu de parcelles classées aux Monuments historiques, 92 ares ceints d’un haut mur abrités à l’arrière du château, et dont l’identité ne manquera pas de s’affirmer dans les millésimes à venir. Les soixante-dix poteaux qui sillonnaient la propriété ont été retirés, et tous les câbles électriques enterrés. Dans sa configuration actuelle, le château a été bâti entre 1674 et 1676 et les bonnes fées de l’époque s’étaient penchées sur son berceau, de Jules Hardouin-Mansart pour les plans à André Le Nôtre pour les jardins. Hélas, le manque de moyens, mais aussi de ligne directrice sur le domaine viticole avait au fil des décennies gravement terni ce trésor du patrimoine. La façade jaune s’inspire des châteaux italiens du XVIIe siècle, elle est aujourd’hui lumineuse. Les salons exigeaient bien plus qu’un rafraîchissement et, avec 1 500 mètres carrés au sol sur trois niveaux, les projets ne manquent pas, notamment celui un peu fou consistant à rebâtir une aile entière, détruite à la Révolution. Comme aime à le répéter Christophe Gruy, en grand amoureux de l’histoire de France : « La Chaize est à la France, pas à nous ».
Le vin du futur, avec Olivier Bourdet-Pees
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Production Jéroboam
Prise de son et montage Nicolas Guillaume
Musique originale Arthur Boval
Paroles de Vignes est un podcast présenté par Bettane+Desseauve, à retrouver sur toutes les plateformes d’écoute et sur mybettanedesseauve.fr
En partenariat avec les vignobles Plaimont
Thibault Liger-Belair, un vigneron à part
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C’est à quelques minutes de marche de la petite gare ferroviaire de Nuits-Saint-Georges que se dresse l’impressionnante bâtisse du domaine Liger-Belair, à mille lieues des chais traditionnels qui peuplent les vignobles alentours. Un vaisseau dont la modernité pourrait presque inquiéter l’amateur de vieilles pierres, nourri à la géothermie et à l’énergie solaire, intégralement pensé pour laisser l’empreinte la plus discrète qui soit. Dans les étages, des bureaux baignés de lumière, où règne une douce chaleur diffusée par un poêle central, et au bout du couloir, l’esquisse d’un bureau recouvert de piles de papiers derrière lesquelles le maître des lieux nous attend, calme comme un séraphin. De son visage au timbre de sa voix, il se dégage de lui quelque chose d’étonnamment serein, alors même que l’on sent bouillonner en lui une infinité d’interrogations, de nombreux doutes et quelques certitudes. Suite à la reprise en 2001 du domaine familial, dont les origines remontent à la création des établissements C. Marey en 1720, auxquels le comte Louis Liger-Belair s’associera en 1852, Thibault Liger-Belair s’impose rapidement en visionnaire, quittant le charme des anciens bâtiments pour imaginer « un outil plus moderne, nous permettant de travailler plus facilement et de changer notre logiciel dans notre manière de vinifier ». Chez lui, l’usage systématique du « nous » semble exprimer une véritable philosophie, un mélange de prudence, d’humilité et de refus de tirer la couverture à soi. « Il ne faut jamais être seul pour faire du vin. C’est dans la solitude que l’on se trompe, que l’on risque de s’enfermer dans une sorte de vérité », souligne celui chez qui de nombreux apprentis sont venus aiguiser leurs armes. « Et se tromper à plusieurs a quelque chose de très rassurant », poursuit-il dans un sourire.
« La nature a horreur des angles »
Un parti pris sur lequel il est impossible de se méprendre tant il a su montrer par le passé un certain goût du risque, avec la création en 2009 d’un second domaine en terres beaujolaises, du côté de Moulin-à-Vent. « Ayant effectué une partie de mes études dans le Beaujolais, notamment à Belleville, j’ai toujours été très attiré par la beauté de cette région, de ses paysages, mais aussi par la qualité et la diversité de ses sols. Je me suis alors posé la question : pourquoi ne pas créer un modèle bourguignon en isolant chaque terroir à l’intérieur d’une même appellation pour essayer de le comprendre, puis d’en tirer le meilleur ? » Si, à l’époque, on le prend « pour un dingue », il reste frappé par les similitudes entre les deux vignobles, bâtis sur une formidable mosaïque de terroirs, et leurs approches en matière d’élevage et de vinification. « Les vins du Beaujolais sont en quelque sorte de lointains cousins des vins bourguignons. » Un lien de parenté qui lui permet de trouver son compte, entre prestige d’une part, esprit d’entraide de l’autre, qu’il ne manque pas de transformer en jeu de vases communicants au travers de différentes expérimentations, notamment du côté des cuves, intégralement dessinées par ses soins. « Tout ce qui est au domaine, je le conçois et je le fais faire », affirme-t-il d’un air malicieux. « Je ne dis pas que les choses ne sont pas bien ailleurs, simplement que nos besoins sont différents. Donc, partant de ce principe, nous allons essayer de nous adapter, non pas par rapport à ce qu’il y a dans le commerce, mais à ce qui nous correspond. » Afin de ne pas interrompre le flux de la conversation entre baies et jus, il conçoit de véritables mastodontes de 40 hectolitres à fond ovale, galbées comme des madones, dont les proportions s’avèrent comme par miracle correspondre au nombre d’or. « La nature a horreur des angles », remarque-t-il en observateur sensible, reconnaissant avoir toujours été un véritable cancre avant de se passionner pour l’œnologie et d’adopter une vision pour le moins profane de la biodynamie. « Je ne fais pas forcément de la biodynamie en tant que telle, l’idée serait plutôt qu’au lieu d’ouvrir un calendrier lunaire, il suffirait de se référer au calendrier chrétien, qui n’est ni plus ni moins… qu’un calendrier lunaire. » Et que l’on ne se risque pas à lui demander ce que l’on doit attendre de ses vins en jour fleur ou racine. Un art de la provocation et du sur-mesure qu’il cultive aussi en cave, avec des fûts dont les bois sont issus de ses propres forêts, afin de ne pas masquer l’identité des vins par un chêne qu’il adore dans une certaine mesure autant qu’il le déteste dans l’excès. À rebours d’une partie de la Bourgogne se reposant sur ses lauriers et se cachant derrière un certain style, il estime que « l’argent a fait beaucoup de mal à la région, qui est tombée dans une forme d’individualisme que l’on voit s’estomper en temps de crise, mais qui reste toujours présent ». À son échelle, il entend mettre l’aura de son domaine au service d’une cause un peu plus grande que lui lorsque nécessaire, cultivant un sens du partage, sans attendre une quelconque réciprocité. « Ce que je déteste dans ce milieu, c’est lorsque les gens disent : “Je ferme la porte, parce que j’ai un secret” ». Il n’y a pas de secret dans notre métier. Nous sommes tous en train de chercher, d’essayer de comprendre comment les choses fonctionnent.
À rebours d’une partie de la Bourgogne se reposant sur ses lauriers et se cachant derrière un certain style, il estime que « l’argent a fait beaucoup de mal à la région, qui est tombée dans une forme d’individualisme que l’on voit s’estomper en temps de crise, mais qui reste toujours présent »
Des convictions et une vision
En matière d’incarnation, il semble vouloir s’effacer derrière une ambition qui le dépasse, insistant sur le fait de pas vouloir faire en sorte que ses vins lui ressemblent, mais qu’ils soient davantage fidèles à leur lieu d’origine. « J’utilise le pinot noir et le gamay comme un outil d’expression et si l’on me dit que telle ou telle cuvée a un air de nuits-saint-georges, de gevrey ou de vosne-romanée, alors cela signifie que j’ai réussi à toucher une forme de vérité dans l’interprétation d’un terroir. » Un discours maintes fois entendu, mais dont la sincérité s’esquisse au fil de la dégustation, bien au-delà des mots. Pourtant, Thibault Liger-Belair n’est pas la moitié d’un homme d’affaires. Aux près de 130 000 bouteilles produites chaque millésime sur ses deux domaines viennent s’ajouter 80 000 cols issus d’une activité de négoce. Un assemblage de pinot noir et de gamay baptisé Les Deux Terres, présenté comme une façon de jeter un pont entre ses deux vignobles de prédilection et de proposer un vin bien plus abordable aux amateurs moins nantis : « Souvent, j’entends des domaines affirmant qu’il faut rester dans le très haut de gamme. Je pense toutefois que lorsque l’on produit un beau vin d’entrée de gamme, même plus accessible, on reste dans le haut de gamme ». Une ambition on ne peut plus noble, qui s’avère également payante, pour un vigneron qui ne semble pas dupe du pouvoir d’influence que lui confère la popularité des appellations sur lesquelles il officie. Une réalité doublée d’une certaine forme de responsabilité. « Je sais pertinemment que si je ne m’appelais pas Thibault Liger-Belair, je ne vendrais peut-être pas autant les vins d’appellations plus confidentielles. Si j’ai l’opportunité de les mettre en avant, il est important de le faire, c’est aussi mon rôle », conclut-il avant de fermer boutique, une bouteille sous le bras. Ce soir-là, il est attendu à Beaune à l’occasion d’une réunion organisée par un groupe de vignerons de la région, où se mêlent quelques icônes, étoiles montantes et domaines ayant fait le choix de la discrétion. « Tout le monde est au même niveau », précise-t-il avec entrain. Sa façon à lui de rendre au collectif ce qui appartient à la Bourgogne.