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Le nouveau Clarke

Viticulture de précision et infrastructures adaptées, la propriété de Listrac active les leviers du grand vin. Photo : erwan balanca.

Trois ans de réflexion, trois ans de travaux et 18 millions d’euros d’investissement. Pour cette propriété du Médoc, c’est une révolution Par Anne Korrigan

Là où il y a une volonté, il y a un chemin. Pour Clarke, cinquante ans d’efforts auront été nécessaires pour se trouver une route sûre. Avec ses 55 hectares d’un seul tenant, la propriété médocaine acquise en 1973 par le baron Edmond de Rothschild est le cœur et le cru fondateur d’Edmond de Rothschild Heritage Wines. Pourquoi le plus riche de tous les Rothschild achète-t-il alors ce château oublié, ce vignoble en piteux état, dans la plus petite des appellations médocaines (qui ne compte aucun cru classé) quand ses cousins possèdent Mouton et Lafite, deux crus de légendes à Pauillac ? « Pour ne pas renforcer l’hégémonie de la famille dans l’élite des vins », disait-il. S’il a hérité d’une immense fortune, l’homme a créé seul ses entreprises (banque, finance, etc.). Œnophile passionné, il voit Clarke comme son œuvre et le rêve comme le meilleur des crus bourgeois, l’icône de son appellation. Sur ces terres argilo-calcaires atypiques en Médoc, il reprend tout à zéro. Tâche ardue et immense qui lui coûte des millions. Il réunit des spécialistes des sols, de la vigne et de l’œnologie comme le professeur Emile Peynaud ou le consultant Jacques Boissenot et dote la propriété des dernières technologies. Les premiers millésimes, présentés trop jeunes, sont mal goûtés par la place de Bordeaux. Clarke ne s’impose pas malgré des progrès continus. L’année 2016 est celle des nouveaux défis et de la mise en place d’une nouvelle équipe sous la houlette d’Ariane de Rothschild, avec Fabrice Darmaillacq à la tête de l’exploitation et le conseil d’Eric Boissenot, l’œnologue spécialiste du Médoc.
Six ans de réflexion et de travaux de 2017 à 2023, le projet Impulse redéfinit et redynamise Clarke. « Nous avions besoin d’optimiser le vignoble, de moderniser nos outils techniques, de rationaliser tous nos process pour être à la hauteur de nos ambitions », explique Fabrice Darmaillacq. Et se placer pour de bon dans le viseur des consommateurs. Le renouvellement accéléré du vignoble (30 ans d’âge moyen) planté à 7 000 pieds par hectare s’achèvera en 2032. Les vecteurs d’amélioration identifiés tiennent compte des effets du changement climatique déjà constatés et anticipent ses conséquences prévisibles. Les sols argilo-calcaires permettent de résister aux aléas climatiques, favorisent la maturation lente du fruit et la préservation de son acidité naturelle. Ils accueillent les merlots, soit 70 % de l’encépagement. Les cabernet-sauvignon (30 %) sont plantés sur les sols gravelo-sablonneux. Les cabernets francs font leur réapparition sur 4,5 hectares. Labellisé HVE et SME, Clarke pratique une viticulture durable et de précision à l’échelle intraparcellaire. Zéro herbicide, des engrais verts issu du couvert végétal, cuivre et soufre prophylactiques en début et en fin de campagne, intrants de synthèse limités. Depuis 2022, le nouveau cuvier gravitaire et parcellaire de cinquante cuves béton (10 à 160 hectolitres) accueille les baies récoltées manuellement au pic de la maturité. Fermentation par co-inoculation, extractions douces, élevage de seize mois dans un chai réhabilité (les précieux vins de presse ont, eux, leur chai enterré), pour l’assemblage, Boissenot dispose désormais d’une palette inégalée.
Mal compris et mal jugé à ses débuts, Clarke est devenu un vin élégant, puissant, frais, aux tannins soyeux, taillé pour être dégusté jeune ou mature. À ses 150 000 bouteilles s’ajoutent les 15 000 de la cuvée Le Merle blanc, issue de sauvignon blanc, sauvignon gris, muscadelle et sémillon, élevée en cuve inox et en barrique. Et comme l’art de vivre fait partie intégrante de la propriété, les jardins ont été encore embellis et les chais et la nouvelle salle de dégustation magnifiés par l’intervention d’artistes et d’artisans. De quoi être vu autrement

Iran : de l’exil aux vendanges

En Dordogne, tête découverte, deux iraniennes vendangent les parcelles du vignoble Dubard. Toutes deux rescapées du régime de Téhéran, elles participent à la résurrection du vin perse. « Nous n’arrêtons pas, nous continuons de nous battre. La lutte contre les mollahs, la république islamique, continue ici d’une autre manière » expliquent Marjan Jangjoo et Soodeh Lashkarizadeh. « On se bat avec nos mains pour garder notre vin en vie » disent-elles. Le vin et sa production sont interdits en Iran depuis la révolution islamique de 1979, en dépit d’une tradition viticole millénaire et des éloges des plus grands poètes iraniens comme Hâfez et Saadi. Les deux jeunes femmes se sont ralliées au projet de Masrour Makaremi : celui de faire renaître le vin persan.

Masrour Makaremi remplissant une amphore du VIIème siècle avant notre ère, achetée aux enchères.

Et le vin perse revit
Né en Iran, Masrour Makaremi arrive en France avec sa famille après le décès de sa mère (opposante politique, torturée et exécutée lors du massacre des prisons en 1988). Il devient spécialiste en orthopédie dento faciale-orthodontie et développe, en parallèle de son cabinet, une start-up dédiée aux technologies d’intelligence artificielle au service de la médecine. Voulant associer les deux cultures (française et iranienne) qui lui sont chères, il se souvient des promenades avec sa grand-mère dans les vignes clandestines et revoit son oncle produire en cachette son vin de table, en Iran.

Masrour s’associe avec le vignoble Dubard à Saint-Méard-de-Gurçon où il fait planter deux hectares de syrah, shiraz en persan (cépage rapporté de Perse par les Croisés, selon la légende) en 2016. Masrour s’inspire ensuite des méthodes de vinification d’il y a 5 000 ans pour se rapprocher au maximum du vin de l’époque. Il élève son vin dans des amphores en terre cuite (dont la température de cuisson est modérée pour les rendre poreuses) rendues étanches par un enduit en résine de pistachier. Contrairement aux barriques en bois où l’on cherche à rendre le vin plus ou moins tannique, les amphores n’apportent pas d’arômes particuliers. Mais l’échange d’oxygène avec leur porosité rendra le vin plus ou moins fruité et oxydatif. Le nom de la cuvée ? Cyrhus, en hommage à Cyrus le Grand, le fondateur de l’Empire perse, et un H supplémentaire en clin d’œil au shiraz.

Versailles, Charles III et les petits millésimes

L’affaire avait de l’allure, c’est d’accord. Faisons vite.

Voilà la liste des vins servis au roi d’Angleterre :
Pol-roger, cuvée Winston Churchill, champagne 2013, en magnum.
Olivier Leflaive, bâtard-montrachet 2018, en magnum.
Mouton-rothschild, pauillac, premier GCC 2004, en double magnum.

Voyons cela.

Le champagne 2013 est un joli millésime, mais pourquoi n’avoir pas choisi 2012 ? Prenons le classement des millésimes du Figaro. Il nous apprend que 2013 est classé 3 sur 5 et 2012, 5 sur 5. Pourquoi pas le meilleur pour King Charles III ?

Le bâtard-montrachet, pareil. Le Figaro : 2018, 4 sur 5. Le 2017, 5 sur 5. Et pourquoi un bâtard ? Pourquoi pas le montrachet…

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Banyuls, de schiste et de sel

À la frontière franco-espagnole, façonnée par le traité des Pyrénées de 1659, une excroissance de la chaîne des Pyrénées part du Canigou pour plonger dans la mer Méditerranée. C’est le massif des Albères. Sa façade littorale s’appelle la côte Vermeille. Sur un territoire qui s’étend sur quatre communes (Collioure, Port-Vendres, Banyuls-sur-Mer et Cerbère) ainsi que deux hameaux (Cosprons et Rimbau), une même aire géographique délimite de façon assez singulière quatre vins différents : l’appellation collioure, l’IGP côte-vermeille (vins secs blancs, rosés et rouges) et les AOC banyuls et banyuls grand cru pour leurs vins doux naturels (blancs, rosés et rouges pour la première, rouge uniquement pour la seconde).

Entre les murs
Sur les 1 260 hectares actuellement en production, l’appellation banyuls occupe 530 hectares et banyuls grand cru, 60 hectares. Le sol, c’est du schiste : son acidité va donner de la tenue aux vins. Ce schiste a permis de façonner des dizaines de kilomètres de murettes un peu partout, sans lesquelles la viticulture en coteau serait impossible. Ici, les vignobles sont façonnés et maçonnés avant d’être plantés. Héritage et patrimoine culturel, ces murettes rendent toute mécanisation du vignoble impossible dans la plupart des parcelles.

Viticulture héroïque
Le climat, méditerranéen évidemment, a pour particularité d’être sec, surtout ces dernières années. Cela affecte les rendements (moyenne de 17 hl/ha en 2022, 18 hl/ha en 2021) et menace à terme l’existence même de toute viticulture. D’autant que sur ces fortes pentes, toute idée d’irrigation est incongrue. Pire, lorsqu’il pleut, il pleut trop, de façon soudaine et brutale. Ces fameux épisodes méditerranéens que l’on qualifie de cévenols du côté de Montpellier, entraînent tout sur leur passage. Ces conditions de pluviométrie particulières sont à l’origine d’une véritable architecture paysagère, unique au monde, avec le système des agulles (prononcer « agouille »), sorte de canaux d’évacuation. Toujours constituée d’une agulle centrale et d’agulles secondaires qui partent en travers, l’agulle finit par se jeter dans un ruisseau après avoir collecté les pluies de tout le coteau. Un aménagement aussi spectaculaire qu’efficace, qui n’existe que de ce côté-ci des Pyrénées.

Roi grenache
Les cépages autorisés sont nombreux, mais la variété dominante est le grenache, surtout rouge, mais aussi blanc ou gris. Les vignes sont toujours montées en gobelet, à l’exception de quelques fonds de vallée en cordon. Elles sont d’un âge moyen très élevé, au moins 70 ans mais souvent beaucoup plus, l’informatisation du vignoble mise en place en 1950 ne permettant pas d’entrer des données antérieures. Ici, on travaille dans le sens des lignes de pente afin d’éviter le ravinement. Les vendanges sont manuelles, aucune machine ne pouvant circuler.

Face à la mer
Pour chaque parcelle, plus que la pente, l’altitude et l’exposition sont fondamentales pour définir le profil des vins que l’on va produire, les banyuls étant plutôt issus des faces sud, avec des altitudes qui partent du niveau de la mer pour s’élever à plus de 400 mètres, des hauteurs de plus en plus recherchées ces dernières années. La proximité de la mer permet l’apport d’embruns salins qui se déposent sur le sol et sur les raisins, conférant aux vins une identité certaine que n’ont pas les parcelles situées à l’intérieur des terres.

Deux appellations, tout un monde
Avec la création de l’AOC banyuls dès 1936 et celle de banyuls grand cru en 1962, le style des vins est varié. Banyuls blanc pour des vins élevés en mode réducteur ; banyuls ambré pour des blancs élevés en mode oxydatif ; banyuls rimage pour des rouges en mode réducteur ; banyuls traditionnel élevé minimum 24 mois en mode oxydatif ; banyuls grand cru, enfin, pour des vins avec 75 % de grenache noir minimum, élevés sous bois, généralement en mode oxydatif.

Pour l’éternité
Ces vins de garde quasi éternelle sont mutés, avec des sucres résiduels qui varient suivant les styles des producteurs, généralement entre 80 et 120 grammes par litre. Ils sont moins recherchés par les consommateurs qu’il y a un siècle, d’où la nécessité pour la région d’avoir développé l’appellation collioure. La vente est aujourd’hui très locale, bénéficiant du fort afflux touristique l’été. Entre vente directe, cavistes et restaurants, c’est 70 % de la production qui s’écoule ainsi.

Rémy Martin montre la voie

La maison au centaure a fait de son engagement pour la planète une raison d’être de ses cognacs. Une chance pour le monde, un modèle pour la région


Cet article est paru dans le supplément Grand Art spécial vins et spiritueux du Journal du Dimanche en juin 2023 réalisé par Bettane+Desseauve.


Engagée dans des démarches environnementales certifiées depuis le début des années 2010, la maison Rémy Martin a décidé d’accélérer le mouvement en suivant la voie de l’agroécologie. Ces dernières années, la notion est apparue dans les vignobles français. Ses principes peuvent sembler complexes. Difficile de la résumer, comme certains peuvent le faire, à quelques arbres plantés dans les vignes. Sur son site, le ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire la définit comme « une façon de concevoir des systèmes de production qui s’appuient sur les fonctionnalités offertes par les écosystèmes ». La pratique « vise à diminuer les pressions sur l’environnement et à préserver les ressources naturelles » en utilisant « au maximum la nature comme facteur de production » et « en maintenant ses capacités de renouvellement », grâce à un « ensemble de techniques qui considèrent l’exploitation agricole dans son ensemble. » Réintroduire de la diversité paysagère et favoriser le maintien durable d’une biodiversité forte étaient les premières mesures à prendre. « Pour Rémy Martin, l’approche est simple : par agroécologie, on entend des pratiques agricoles à impact positif sur les sols et la biodiversité, associées à une obligation de résultat, que l’on mesure. » Cela passait aussi par le fait d’inventorier la faune en comptabilisant, par exemple, les espèces d’oiseaux présentes dans ses vignobles et ceux de ses viticulteurs partenaires. En plus de planter des haies paysagères, de créer des zones enherbées et des espaces naturels, la maison souhaitait aussi protéger l’existant, en partenariat avec l’Office national des forêts, en rappelant au public la nécessité de préserver la diversité actuelle des paysages, ses bosquets ou encore ses arbres isolés.

Jean-Philippe Hecquet, directeur général.

Avec pour ambition de déployer ces pratiques sur les 270 hectares de ses domaines et sur 100 % des surfaces de ses partenaires, la maison mène aussi une réflexion durable quant au matériel végétal. Sensible aux maladies cryptogamiques, les cépages du vignoble cognaçais sont l’objet de toutes les attentions. Depuis juin 2022, la maison a lancé un vaste programme d’étude autour des variétés de vignes résistantes et leurs qualités d’adaptation face au changement climatique. Elle teste aussi les aptitudes gustatives du monbadon, un cépage ancien qu’elle aimerait réhabiliter. La démarche est simple : réduire l’utilisation de produits phytosanitaires tout en s’assurant de produire un raisin de qualité dans des volumes réguliers d’une année sur l’autre. Là-aussi, l’empirisme de la viticulture de terrain est complété par le recours à des technologies innovantes en matière de recherche et de développement. Outils d’aide à la décision pour évaluer le niveau de pression des maladies, utilisation d’une cartographie intraparcellaire élaborée avec l’aide du Centre national d’études spatiales pour mesurer la vigueur des pieds de vignes, etc.

Pas question pour Rémy Martin d’improviser et de faire cette course à la précision en oubliant de la jouer collectif. D’ici 2030, son objectif est d’engager les viticulteurs de la coopérative de l’Alliance Fine Champagne, son partenaire historique et essentiel, vers une viticulture vertueuse et régénératrice. Pionnière et en recherche constante d’amélioration de ses pratiques, la maison ne perd pas de vue qu’on jugera aussi du bien-fondé de ces démarches en fonction de la qualité de ses cognacs. Sur ce point, le créateur de Louis XIII a pris les devants en expliquant leur nécessité au public avec un discours de célébration à rebours des messages de sensibilisation anxiogène. Pour un cognac de qualité, le temps est un prérequis indispensable. Pour la maison tricentenaire, le combat durera plusieurs siècles. L’agroécologie mise en place n’est qu’un chapitre dans une histoire qui continue de s’écrire. Elle donnera aux idées neuves de la maison au centaure un terreau fertile et une situation saine pour continuer à briller.

Le peuple du midi

Sans ces êtres lumineux, la région ne serait sans doute par sortie de la nuit. Pionniers, acteurs historiques, réenchanteurs, ils ont fait du Languedoc ce qu’il est aujourd’hui


Cet article est paru dans En Magnum #33. Vous pouvez l’acheter sur notre site ici, ou sur cafeyn.co.


Devant le succès rencontré par les pionniers qui ont démontré que l’on pouvait faire de grands vins en Languedoc, de nombreux vignerons intelligents installés de plus longue date décident dès les années 1990 de rompre avec les traditions et d’améliorer l’encépagement, les chais et les élevages. Certains créent à partir d’un domaine familial des négoces de pointe qui permettent de repenser le modèle dans la région. Bien d’autres domaines historiques sont sortis de la coopération et ont créé et commercialisé des vins de grande qualité. Ils sont trop nombreux pour les citer tous, mais leurs cuvées figurent dans nos sélections et dans notre guide des vins.
Quelques pionniers reconnus, des domaines historiques qui se réinventent, il n’en faut pas plus à la presse française et internationale pour décréter, au milieu des années 1990, que le Languedoc est une Californie française, véritable eldorado viticole qui permet beaucoup. Beaucoup de viticulteurs âgés, désabusés ou ruinés, offrent des vignes à céder quand elles ne sont pas à l’abandon, faute de repreneur. Le Languedoc dispose pour ceux qui veulent tenter l’aventure du potentiel pour faire de grands vins et d’une image qui ne demande qu’à être améliorée. Surtout, le prix de l’hectare de vignes est alors au plus bas, de l’ordre de 10 000 euros par hectare planté quand il vaut dix fois plus cher ailleurs et parfois bien plus.

 

LES PIONNIERS


Demandez à cent vignerons talentueux qui a fait bouger les lignes en Languedoc, la plupart citeront Olivier Jullien.

Olivier Jullien (Mas Jullien)
Demandez à cent vignerons talentueux qui a fait bouger les lignes en Languedoc, la plupart citeront Olivier Jullien. Ce fils d’apporteur en coopérative a pris conscience de la qualité des terroirs languedociens, créé sa propre exploitation et attiré dans son sillage nombre de vignerons qui ont suivi ses traces et démontré le potentiel des terrasses du Larzac. Tout a commencé au début des années 1980. Son BTS viti-oeno en poche, Olivier Jullien n’avait pas de vignes. Il a commencé à en louer pour faire son vin et a réussi à le vendre en installant des panneaux publicitaires pour capter les touristes de passage et en posant des flyers photocopiés sur les pare-brise. Il se souvient d’un salon de vins où il proposait ses bouteilles à 30 francs (environ 15 euros de 2023). Il retrouve à la fin du salon Marlène Soria (Peyre-Rose) et Christophe Bousquet (Pech-Redon). « Tu as vendu une quille ? Non, aucune. » Pas facile de faire admettre un prix pourtant raisonnable aux consommateurs qui ne voyaient à l’époque en Languedoc que des pinards. Les premiers professionnels à acheter son vin ont été des Belges, sans préjugés sur les vins de la région. Les prix des grands bordeaux avaient considérablement augmenté, ils cherchaient d’autres sources d’approvisionnement pour leur clientèle. Puis, quelques restaurateurs comme les patrons du Mimosa à Saint-Guiraud ont envoyé beaucoup de leurs clients chez Olivier. Il a ensuite repris ses études pour obtenir un diplôme d’œnologue afin de mieux comprendre ce qui se passait vraiment dans un raisin et dans un chai. Curieusement, la tradition est allée ici de fils en père. Dix ans après le démarrage de Mas Jullien, le père d’Olivier, viticulteur coopérateur de son état, a lui aussi créé son domaine, Mas Cal Demoura, une aventure aujourd’hui brillamment poursuivie par les Goumard.

Un gantier de Millau, Aimé Guibert (ici avec sa femme Véronique Guibert de la Vaissière), se promène dans les années 1970 et tombe sous le charme d’un mas avec quelques hectares de vignes. La seconde génération composée de Samuel, Gaël, Amélien, Roman et Basile assure la gestion du domaine et les vinifications depuis le décès de leur père en 2016.

 

Aimé Guibert (Mas Daumas-Gassac)
Un gantier de Millau, Aimé Guibert, se promène vers Aniane quand il tombe sous le charme d’un mas accroché à quelques hectares de vignes. Conseillé par Enjalbert, professeur à l’université de Bordeaux et spécialiste de la géologie viticole, il y fait planter en 1972 des cabernet-sauvignon non clonées. Ces vignes, issues d’une collection d’un pépiniériste, proviennent de grandes propriétés bordelaises des années 1930 et 1940. En 1978, Emile Peynaud, alors œnologue star du bordelais, suit à distance et conseille par téléphone la première vinification. L’exposition au nord des pentes du vignoble accentue l’effet d’un microclimat froid et réduit les heures d’ensoleillement, surtout durant l’été. La floraison de la vigne a lieu ici environ trois semaines plus tard que la moyenne du Languedoc, ce qui convient parfaitement au cabernet-sauvignon. Qualité et curiosité ont fait de Daumas-Gassac, annoncé comme le vin de pays le plus cher du monde, un succès.

La famille Roux (Prieuré Saint-Jean-de-Bébian)
Dans les années 1970, le domaine Prieuré Saint-Jean-de-Bébian se transforme sous la houlette du propriétaire qui l’avait acheté en 1952. La famille Roux plante des cépages nobles venant des différentes régions viticoles françaises (syrah de chez Jean-Louis Chave, grenache du château Rayas, mourvèdre du domaine Tempier à Bandol) et conserve les cépages locaux (cinsault, carignan). En blanc, l’orientation est clairement donnée aux cépages de Châteauneuf-du-Pape (roussanne, marsanne et clairette). Passé entre les mains d’anciens propriétaires de La Revue du vin de France reconvertis en vignerons, puis revendu à des russes qui l’ont cédé récemment à un régisseur français, le domaine est une référence depuis la fin des années 1970.

Michel Louison (Château des Estanilles)
En 1976, Michel Louison, un autodidacte, fut l’un des pionniers de l’appellation faugères en y introduisant la syrah – cépage qui fit la renommée du château des Estanilles au début des années 1980 – et les méthodes rigoureuses des grands châteaux bordelais. Il fut également l’un des premiers à embouteiller sa production dans le Languedoc.
En quelques années, sa propriété est devenue la référence qui a fait connaître l’appellation. Le domaine a été repris depuis avec passion par Julien Seydoux.

Petit-fils de vignerons, Jean Orliac a débuté comme chercheur à l’université de Montpellier après des études à l’école d’agronomie de Montpellier et une maîtrise de sciences économiques.

Jean Orliac (Domaine de l’Hortus)
Petit-fils de vignerons, Jean Orliac a débuté comme chercheur à l’université de Montpellier après des études à l’école d’agronomie de Montpellier et une maîtrise de sciences économiques. En 1978, tout en poursuivant sa carrière de chercheur, il retourne à la terre en trouvant cinq hectares de vignes en piteux état à Pic Saint-Loup. Après des replantations massives, son premier vin sort en 1990 et obtient de Robert Parker une note de 95 sur 100. Tout est relativement facile ensuite et les clients affluent. L’homme a su fédérer les vignerons autour de lui et sa vision qu’il résume ainsi : « Il faut sortir du cycle infernal manifestation-subventions-distillation. Jetons les bases de l’appellation pic-saint-loup ». Il y a trente ans, le nom de cette zone viticole n’était même pas connu à Montpellier, pourtant tout proche. Le domaine de l’Hortus en est aujourd’hui un représentant incontournable.

Jérôme Joseph et Laurent Calmel (Calmel & Joseph)
Ces deux-là ont parcouru le monde avant de se poser près de Carcassonne en 1985. À l’origine négociants sans chai, Jérôme Joseph et Laurent Calmel décident de créer l’ensemble de leurs vins avec pour ambition d’être au niveau des meilleurs producteurs locaux. Leur gamme s’est élargie depuis avec des vins de cépage impeccablement vinifiés et des cuvées dans la plupart des crus du Languedoc, parfaites représentations de ce que permettent leurs terroirs respectifs.

Sylvain Fadat (domaine d’Aupilhac)
Sylvain Fadat s’est consacré aux vignes familiales à la fin des années 1980, à une époque où il fallait tout réinventer. Il a osé miser sur un carignan que beaucoup délaissaient jusqu’à lui consacrer une cuvée dédiée, défrichant des terres d’altitude sur le terroir des Cocalières pour que ses vignes s’y sentent bien. Initiateur du bio puis de la biodynamie, c’est depuis le leader incontesté de Montpeyroux, un terroir à part au milieu de l’appellation terrasses-du-larzac.

Robert Skalli (Fortant de France)
La famille Skalli, négociante en Algérie puis implantée en France à partir de 1961, a fédéré en 1987 un groupe de professionnels entraîné par Robert Skalli et Jacques Gravegeal pour créer la dénomination « vin de pays d’Oc ». Cette même année, Robert Skalli lança les premiers vins de cépage français sous la marque Fortant de France. Repris par le groupe Boisset en 2011, la marque propose des vins en IGP pays-d’oc qui mettent en avant les cépages. Une success story puisque cette IGP représente aujourd’hui plus de 50 % de toute la production du Languedoc.

Marlène Soria (Domaine Peyre Rose)
Cet emblématique domaine du Languedoc est dirigé par la discrète mais non moins emblématique Marlène Soria, fille de vignerons dont la première vie professionnelle n’était pas la vigne mais l’immobilier, la vente de propriétés de vacances. L’achat personnel d’une propriété a été le point de départ d’un changement radical. Marlène Soria a défriché la garrigue pour planter des vignes. Si rien ne la prédisposait au grand vin, le charme exceptionnel de ce bout du monde installé sur les hauteurs de Saint-Pargoire, à cinquante kilomètres à l’ouest de Montpellier, en a décidé autrement. Tombée amoureuse de ce paysage au milieu des bruyères et des cistes roses, elle a décidé d’y produire son vin. Tout a commencé en 1989, premier millésime apporté à la coopération locale. Le sentiment de ne pas aller au bout de ce que le terroir permettait imposa naturellement la mise en bouteilles au domaine dès le millésime 1990. La notoriété a ensuite progressé au rythme de l’intérêt croissant pour le Languedoc. Depuis, l’engouement pour Peyre Rose ne s’est pas démenti. Il est favorisé par la rareté des vins. Les rendements souvent inférieurs à 20 hectolitres par hectare ne multiplient pas le nombre de bouteilles et Marlène ne les commercialise qu’à leur apogée. En ce moment, vous trouverez le 2012.

Passionné, Christophe Bousquet produit des vins très identitaires, comme le permet ce splendide terroir, qui ne ressemblent à aucun autre dans tout l’arc méditerranéen.

Christophe Bousquet (Château Pech-Redon)
Pech-Redon, situé au sommet du massif de La Clape, a été repris en 1988 par la famille Bousquet. Passionné, Christophe Bousquet produit des vins très identitaires, comme le permet ce splendide terroir, qui ne ressemblent à aucun autre dans tout l’arc méditerranéen. Christophe a repris la présidence de l’interprofession languedocienne (CIVL) pour faire bouger les lignes de la qualité et tenter d’apaiser l’éternel conflit d’intérêts entre le négoce et la production, pourtant totalement interdépendants.

 

LES HISTORIQUES


Famille Jeanjean
L’histoire de Jeanjean raconte à elle seule toute la saga des vins languedociens. Du fondateur si pressé qu’on l’appelait « Père la Minute » au développement brillant du groupe AdVini dont elle est le premier actionnaire, ce groupe familial basé dans les contreforts du Causse, à Saint-Félix-de-Lodez aura su se transformer au gré des multiples révolutions du Languedoc viticole. Elle a conservé ses racines et ses principes : acteurs majeurs du négoce local, les Jeanjean peuvent aussi s’enorgueillir de s’appuyer sur un beau patrimoine de vignobles comme le spectaculaire Devois des Agneaux d’Aumelas, sur le causse calcaire ou le remarquable tertre du Causse d’Arboras en terrasses-du-Larzac.

Jacques Boscary (Château Rouquette-sur-Mer)
Jacques Boscary a presque fait partie des pionniers du Languedoc nouveau avec son château acheté en 1942 en très mauvais état par sa famille. Il n’a eu de cesse de replanter ce vignoble et fait de longue date l’un des meilleurs vins de La Clape. Goûtez ses délicieuse entrées de gamme puis plongez dans ses grandes cuvées.

Les frères Vaillé (Domaine de La Grange des Pères)
En 1992, les frère Vaillé ont transformé le domaine familial en le baptisant La Grange des Pères. Avec une qualité parfois variable, mais souvent de premier plan, il s’est imposé comme une référence incontournable du Languedoc avec des vins devenus mythiques depuis la disparition récente de Laurent Vaillé.

Frédéric Pourtalié (Domaine Montcalmès)
L’exploitation familiale comptait 30 hectares de vignes intégralement vinifiés en cave coopérative. En 1998, Frédéric Pourtalié et son père Jean-Marie ont décidé de créer une cave particulière. La première vinification en rouge a lieu en 1999. Seulement 5 000 bouteilles étaient produites alors. Le succès mérité est venu rapidement, la production actuelle est de 50 000 bouteilles par an, la gamme est essentiellement constituée d’un seul grand vin rouge qui figure parmi les plus fins du Languedoc.

Les sœurs Losfelt (Château de l’Engarran)
C’est le respect d’un patrimoine familial qui a servi de moteur à la reprise par les deux sœurs Losfelt (photo d’ouverture), Diane et Constance, de ce domaine et sa magnifique demeure, une folie montpelliéraine bâtie vers 1730. Elles produisent avec une régularité sans faille des entrées de gamme délicieuses et de grandes cuvées plus ambitieuses sur le terroir injustement méconnu de Saint-Georges-d’Orques aux portes de Montpellier.

La famille Bories (Domaine Les Ollieux-Romanis)
C’est en 1978 que la famille a repris l’exploitation du domaine Les Ollieux-Romanis, une partition du grand domaine Les Ollieux qui avait été scindée en deux plus d’un siècle plus tôt. Malgré les temps difficiles, elle a réussi à lui donner un second souffle puis à reconstituer en 2006 le domaine historique au grand complet. Inspiré par le château La Voulte Gasparets et sa mythique Cuvée Romain Pauc, le dynamique Pierre Borie est l’un des meilleurs représentants actuels des Corbières et nous régale avec une gamme irréprochable.

À partir de leur magnifique château de Pennautier, Miren et Nicolas de Lorgeril ont bâti une belle entreprise viticole.

Famille Lorgeril
À partir de leur magnifique château de Pennautier, dans le secteur si intéressant aujourd’hui de Cabardès (parfait point de rencontre entre influences océaniques et méditerranéennes), Miren et Nicolas de Lorgeril ont bâti une belle entreprise viticole, s’appuyant sur des domaines situés dans des secteurs d’altitude (outre Pennautier, le minervois Borie blanche et les faugères et saint-chinian de Ciffre) mais aussi des innovations séduisantes comme le tonique ô-de-rosé. Début 2021, les Lorgeril ont en entamé sur l’ensemble de leurs vignobles une collaboration avec les consultants Simon Blanchard et Stéphane Derenoncourt : le résultat, en particulier à Pennautier, est aussi novateur que réussi.

LES RÉENCHANTEURS


Basile Saint-Germain (Domaine Les Aurelles)
Basile Saint-Germain, architecte-paysagiste à Vence, est venu s’implanter en 1995 dans la zone de Pézenas. C’est un vigneron pointilleux, peu ont poussé l’exigence à ce niveau de détails. Il produit aujourd’hui l’un des rouges les plus qualitatifs et régulièrement le meilleur blanc de la région. La transmission est en cours et Basile tient à ce que
Les Aurelles continuent à briller au firmament de la région.

Vincent Goumard a été le président qui a participé à doter cette zone d’une appellation spécifique détachée des coteaux du Languedoc, l’AOC terrasses-du-larzac.

Isabelle et Vincent Goumard (Mas Cal Demoura)
Fondé au début des années 1990, le Mas Cal Demoura fait partie des domaines précurseurs ayant contribué à la révolution qualitative des vins du Languedoc. Depuis 2004, après avoir abandonné une carrière prometteuse de consultants parisiens, Isabelle et Vincent Goumard concentrent leur énergie à interpréter les grands terroirs autour de Jonquières. Vincent a également été le président qui a participé à doter cette zone d’une appellation spécifique détachée des coteaux du Languedoc, l’AOC terrasses-du-larzac.

Grégory Hecht et François Bannier (Hecht & Bannier)
La maison de négoce et d’élevage créée en 2002 par Grégory Hecht et François Bannier se consacre aux vins du pourtour de la Méditerranée, de Collioure à la Provence. La connaissance approfondie des vignobles et des caves est la base de leur métier : ils visitent chaque année plusieurs centaines de domaines pour ne sélectionner que les plus beaux raisins et les meilleurs jus, pour les assembler ensuite et proposer de parfaits représentants des meilleurs terroirs.

Julien Zernotte (Domaine Le Pas de l’Escalette)
Julien a fait ses armes à Menetou-Salon après ses études d’œnologie, Delphine était attachée de presse chez Skalli. Ils voulaient créer un domaine qui leur appartienne. Après l’achat de vignes dont un restaurateur parisien ne savait que faire et la location d’une ancienne bergerie, pour y habiter et y faire le vin, l’aventure a démarré en 2001. À 350 mètres d’altitude, au sommet de ce qui est devenu depuis l’AOC terrasses-du-larzac, le domaine propose aujourd’hui les vins les plus frais de l’appellation, délicieux de l’entrée au sommet de la gamme. Au bout de vingt-deux ans, toutes les dettes viennent d’être remboursées, une nouvelle vie commence.

Patrimonio, les possibilités d’une île

Ce terroir était un monde de promesses. Porté par une génération ambitieuse, il commence à toutes les tenir, surtout pour ses blancs prodigieux


Retrouvez cet article en intégralité dans Le Nouveau Bettane+Desseauve 2024. Vous pouvez l’acheter sur notre site ici.


Disons-le franchement, l’appellation contrôlée la plus connue de Corse nous a trop souvent globalement déçus dans les quinze dernières années. Certes, les producteurs vedettes se montraient à la hauteur de leur réputation, même en boudant systématiquement les dégustations comparatives – encore plus celles faites à l’aveugle. Sur l’île, les susceptibilités individuelles sont encore plus exacerbées que sur le continent. Trop de vins médiocres ou mal vinifiés s’opposaient aux progrès constants et spectaculaires des autres secteurs de l’île. Il faut dire que l’appellation est née fort ambiguë. Géographiquement, le somptueux amphithéâtre regardant la mer et nommé à juste titre la « Conque d’Or » est né de sédiments complexes sur un socle schisteux très anciens. Le calcaire ou le granit peuvent y recouvrir la roche-mère, tout comme l’inverse. On y a ajouté en 1968, lors de la parution du décret d’appellation, pour faire plaisir aux vignerons influents de l’après-guerre, les terres plus plates (et d’ailleurs remarquables) purement schisteuses qui vont en direction du désert des Agriates. Les vins ont naturellement des caractères différents selon la nature des sols. L’ensemble dépasse un peu 400 hectares avec un potentiel de 14 à 15 000 hectolitres en production. On a également inventé une fausse tradition d’encépagement pour les vins rouges et rosés (presque 80 % de la production), en tirant fierté de la couleur plus intense et de la vinosité du cépage nielluccio, qui s’oppose à la tradition sudiste du sciaccarello et à ses vins plus délicats et parfumés, mais moins intenses. Le climat et les sols du secteur s’adaptent mieux à la vigueur de ce cépage frère du sangiovese toscan, qui assure un rendement plus régulier au viticulteur. Le décret d’appellation le rend majoritaire par obligation, jusqu’à 75 % pour les rosés et plus encore pour les rouges. Cet encépagement était infiniment plus complexe au XIXe siècle. Si l’on a conservé et recommence à planter de nombreux cépages rouges ou blancs, impossible de les vendre autrement qu’en IGP ou en vin de France – un comble pour un vrai Corse – puisque les appellations d’origine continuent à les bouder. Le sciaccarello affine considérablement le nielluccio, spécialement sur les terroirs schisteux. On pourrait en dire de même des cinsaults pour les rosés. Les bons vignerons locaux commencent à faire fi de cette ségrégation et on les encourage volontiers à continuer. En blanc, en revanche, rien à dire, le vermentino semble toujours idéal, même si le bianco gentile, dans quelques micro secteurs, apporte un caractère différent, moins original mais très savoureux, si l’on sait le récolter à point et le vinifier sans altération.

Savoir attendre
Depuis trois ans, le niveau global des vins est en grand progrès et nous avons été impressionnés par notre dégustation de mai 2023. On doit certainement ce progrès à un changement de génération de producteurs et plus encore à une révolution agronomique liée au classement de tout le secteur comme « Grand site de France ». Une consécration évidemment bien méritée et qui a interdit automatiquement l’usage de tout désherbant de synthèse, et donc du glyphosate en viticulture. On retravaille les sols et on essaie de recréer un environnement vert et plus écologique, ce qui a immédiatement donné de meilleurs raisins. Quelques grands vignobles historiques ont révolutionné leurs pratiques et de nombreux jeunes viticulteurs, plus idéalistes, suivent le même courant, quand ils ne l’ont pas devancé. Voici en résumé notre sentiment global : les rouges préservent mieux les notes fruitées de leurs cépages et sont moins marqués par des notes animales, encore hélas trop appréciées par le consommateur local. Leur tannin est plus élégant et c’est mieux ainsi. Les rosés, bus trop tôt dans leur première année alors qu’ils seraient meilleurs l’année suivante, ont une vinosité remarquable qui les rend souvent plus mémorables que leurs cousins provençaux du Var. Mais pour nous, les blancs restent les grandes expressions du secteur, avec leurs notes magnifiques d’agrumes, leur fraîcheur, leur corps et leur capacité (hélas si rarement vérifiée) de vieillir dix ans ou plus en bouteille pour prendre de somptueux arômes terpéniques capables de rivaliser avec ceux des plus grands rieslings. Aux amateurs intelligents donc d’en tenir compte et de les attendre cinq ans ou plus. Espérons pour terminer que l’appellation ouvrira ses portes au riche patrimoine historique de cépages italiens ou méditerranéens qui faisaient la gloire des vins de l’île depuis l’Antiquité.

Charlotte Bouygues et Pierre Graffeuille : « Faire les plus grands vins, c’est le mot d’ordre »


Cet article est paru dans En Magnum #32. Vous pouvez l’acheter sur notre site ici, ou sur cafeyn.co.


Charlotte, l’aventure du groupe a commencé en 2006 avec l’acquisition du château Montrose par votre père, Martin Bouygues.
Charlotte Bouygues : Il est tombé fou amoureux de ce saint-estèphe au début des années 1990. Un jour, alors qu’il est en Californie chez des amis, il boit un montrose 1990. C’est une révélation. Le vin qu’il goûte le transcende. En 2005, la famille Charmolüe, propriétaire du cru depuis plus d’un siècle, décide de vendre. Jusqu’ici, mon père n’avait jamais pensé acquérir une propriété viticole. Montrose, c’était différent pour lui. L’opportunité d’en devenir propriétaire est arrivée comme ça. Quelques mois plus tard, celle d’acquérir le château Tronquoy-Lalande s’est présentée. Pendant dix ans, la famille s’est concentrée sur la qualité. Notre premier chantier a été de refaire l’outil technique. Mon père a toujours eu une vision avant-gardiste et l’envie de faire des grands vins de manière durable. Mettre en place une réflexion environnementale forte était une priorité.

Surtout en ce qui concerne les bâtiments de production.
C. B. : Nous avons mis en place des systèmes précurseurs, voire visionnaires, pour l’époque, avec de la géothermie, une surisolation des murs et l’utilisation de panneaux photovoltaïques. Tronquoy aussi a profité de cette réflexion, avec la construction d’un nouvel outil technique performant, digne de celui d’un grand cru.

Charlotte Bouygues.

C’est un univers dont vous étiez plutôt éloignée ?
C. B. : Mon père a toujours eu une jolie cave. C’est un épicurien attaché aux bons produits. J’ai reçu une éducation aux vins assez classique, avec beaucoup de bordeaux. Cette sensibilité s’est transmise par la famille, sans éducation théorique. Au début, je venais assez peu à Montrose. Je regardais de loin cette aventure dans laquelle mes parents semblaient s’épanouir. À côté du groupe Bouygues, autre chose grandissait. C’était vraiment un achat de passionné, dans l’idée de nous le transmettre un jour. Mon père n’a jamais eu une mentalité de financier. Il fait toujours les choses pour sa société avec une vision patrimoniale. Il aime le temps long. C’est quelque chose qui le caractérise. Il n’achète jamais pour revendre deux ans après.

Avec ces propriétés, votre père réalise aussi qu’il n’y a pas de business plan.
C. B. : Il a compris qu’il fallait beaucoup investir. Il y avait un travail colossal à faire pour le cuvier, pour avoir le meilleur outil technique, faire les meilleurs vins possibles. Dès le début, l’idée était de donner un maximum et de voir après pour la suite. Il a toujours été convaincu par la qualité et la singularité du terroir de Montrose.

Pierre, la vision de la qualité du groupe trouve ses racines à Montrose ?
Pierre Graffeuille : Au moment du rachat, la propriété était bien entretenue. Elle n’était pas dans un état délabré. Il fallait seulement reprendre quelques éléments au vignoble. Par exemple, le palissage n’avait pas été refait depuis longtemps. Il fallait aussi restructurer quelque peu ces 95 hectares d’un seul tenant. On a la chance d’avoir, en plus des vignes, 35 hectares de zones vertes, entre bois et cours d’eau. Ce sont des zones protégées pour la faune et la flore, au sein desquelles il y a une vraie biodiversité. Le domaine est tout proche du fleuve et de l’estuaire, extrêmement large au niveau de Saint-Estèphe. Seule une route nous en sépare. Cette masse d’eau très importante a d’autant plus d’impact. Au printemps, lors d’épisodes gélifs, mais aussi et surtout l’été, le fleuve tempère les excès climatiques, apporte de la fraîcheur.

L’atout de ce terroir particulier est celui des meilleurs crus du Médoc.
P. G. : Le vignoble est assis majoritairement sur ce qu’on appelle communément la “terrasse quatre” dans la classification des terroirs médocains. C’est la plus qualitative et on ne la retrouve pas partout. Peu de crus ont autant de superficie que Montrose sur cette entité géologique. Cette partie, c’est le cœur du grand vin. Elle est essentiellement plantée en cabernet-sauvignon, sur des graves argileuses qui nous permettent d’avoir une alimentation hydrique restreinte, ce dont la vigne a besoin, et régulière. En 2022, je suis rentré de vacances le 17 août. Le vignoble était vert. Par le passé, lors des millésimes très chauds et secs, Montrose a souvent réussi à produire un grand vin, comme en 2003, 2009 ou encore 2018. Ce terroir assez hors norme fait partie de la singularité de la propriété.

Quel est le projet en matière de conduite du vignoble ?
P. G. : Préserver l’identité et le style propres à Montrose. Il y a une restructuration du vignoble qui est en cours, au profit de plus de cabernet-sauvignon. Sur ce point, on s’aperçoit qu’il ne faut pas avoir d’idées préconçues parce que nous avons été surpris par la qualité des merlots et des cabernets francs en 2022. Bien sûr, nous sommes convaincus du potentiel des cabernet-sauvignon, mais les deux autres cépages apportent beaucoup dans l’assemblage.

Vous adaptez vos pratiques pour répondre aux défis climatiques ?
P. G. : On réfléchit à des densités de plantation qui seront demain peut-être moins élevées qu’elles ne le sont aujourd’hui, avec 9 200 pieds par hectare. La question du choix des porte-greffe est aussi au cœur de notre réflexion pour conserver un maximum de fraîcheur dans les raisins et obtenir des maturités plus lentes. Autrefois, leur but était d’amener le raisin à bonne maturité. Aujourd’hui, ce n’est plus une difficulté. Il faut trouver le moyen de conserver de l’équilibre dans les vins, de la fraîcheur et de l’acidité. On mène aussi un large de travail de sélection massale sur tous nos cépages. Le travail du sol a été modifié afin de préserver plus de biodiversité tout au long du cycle végétatif. Les hauteurs de feuillages ont été diminuées pour obtenir des ratios feuille-fruit adaptés au climat et à ses excès.

Cette viticulture de précision a un coût. Mieux valoriser le vin n’est pas une option ?
P. G. : L’objectif numéro un reste de faire les plus grands vins possibles. C’est le mot d’ordre de la famille. Tout en respectant le terroir, l’histoire du cru et le travail qui a été fait par le passé. On ouvre régulièrement de vieux millésimes pour avoir une idée précise du vin de nos propriétés. Maintenant, l’idée est de travailler en partenariat avec la place de Bordeaux et d’être plus sélectif vis-à-vis des acteurs avec lesquels nous souhaitons travailler. Ce mode de distribution nous permet de proposer nos vins dans plus de cent pays à travers le monde. On souhaite faire preuve de loyauté envers ce système performant.
C. B. : L’objectif est aussi de donner à Montrose une image et un univers qui nous permettent d’être transparent auprès du consommateur, tout en valorisant la filière commerciale entre lui et la propriété. Nous sommes convaincus de l’importance du travail des négociants. C’est une force internationale exceptionnelle et notre objectif est de travailler main dans la main avec eux, en créant des partenariats solides et en étant à l’écoute. On souhaite travailler avec un pool plus restreint de négociants pour en faire des ambassadeurs de nos marques, en leur proposant beaucoup de contenus, en leur proposant des masterclass pour leur faire découvrir les vins. L’idée, c’est de renforcer notre présence auprès d’eux et de mettre en place une relation moins unilatérale qu’elle n’a pu l’être par le passé.

Pierre Graffeuille.

Ce chantier concerne aussi Tronquoy-Lalande, dont vous faites évoluer le nom en le simplifiant.
C. B. : Le marché reconnaît la qualité des vins de la propriété. Ce que l’on souhaite désormais pour Tronquoy, c’est raconter l’histoire du cru, différente de celle de Montrose. Pour un consommateur non francophone, le nom Tronquoy-Lalande n’est pas facile à prononcer ni à retenir. Mon ancienne vie chez L’Oréal et TF1 m’a appris à gérer les problématiques de communication selon une logique de portefeuille de marques.

Identifier le consommateur final est donc au centre du projet.
C. B. : Tronquoy est un vin qui peut plaire à un consommateur plus jeune, qui commence à avoir un certain pouvoir d’achat et à s’intéresser aux bons vins, en étant sensible à la qualité. L’idée, c’est de casser les codes. Ce qui est plutôt facile à faire si l’on regarde l’histoire du cru et que l’on se plonge dans ses archives. Tronquoy est l’un des deux plus anciens vignobles plantés à Saint-Estèphe. Son fondateur était un anarchiste révolutionnaire évidemment fâché avec Napoléon III et hostile, de fait, à l’idée de son classement des vins de la Gironde en 1855. Il a toujours été à contre-courant. Par exemple, avec cet encépagement dominé par le merlot, un peu étonnant pour Saint-Estèphe. En nous plongeant dans l’histoire de la propriété, nous voulons prendre le contre-pied de ce qui avait été fait jusqu’ici. Nous avons retrouvé d’anciennes étiquettes où la couleur dominante était le bleu. On l’a remise au goût du jour. On souhaitait aussi avoir plus de transparence en donnant beaucoup d’informations sur la contre-étiquette.

Et puis Tronquoy produit un vin blanc considéré comme l’un des meilleurs du Bordelais.
P. G. : Il participe au rayonnement de la propriété. C’est un axe de travail que nous ne négligeons pas parce que nous sommes convaincus de la qualité et de l’originalité de ce blanc, avec son encépagement entre sémillon et sauvignon gris et son histoire liée à Jean-Bernard Delmas. Si l’on doit planter des vignes pour faire plus de blanc demain, nous ne le ferons que sur les terroirs les mieux adaptés et les plus qualitatifs.

La grande nouveauté, c’est la sortie en primeur du millésime 2022.
P. G. : C’est un changement de stratégie. La propriété était sortie du système de ventes en primeur. Aujourd’hui, nous voulons travailler sur ce projet avec la place de Bordeaux en visant une distribution recentrée sur les marchés français, notamment ceux des bistrots de qualité et des cavistes. Tronquoy sera aussi pour nous un laboratoire d’expériences utiles aux autres domaines, notamment sur des activités de communication digitale ou sur la mise en place de partenariats avec des jeunes chefs. L’idée, c’est d’expérimenter.

En 2017, le groupe a mis un pied loin de Bordeaux avec l’acquisition de l’iconique Clos Rougeard, dans la Loire.
C. B. : En matière d’acquisitions, la stratégie de la famille n’a pas vraiment de feuille de route prédéfinie. L’idée, c’est d’avoir des pépites selon les opportunités qui se présentent, sans attachement géographique. Quand l’opportunité d’acquérir le domaine Clos Rougeard s’est présentée, mon père n’a pas eu forcément conscience d’acheter l’un des domaines les plus désirés de la vallée de la Loire.
P. G. : Là encore, c’est la qualité qui l’a convaincu. En goûtant les vins, il a eu une sorte de révélation et a commencé à s’y intéresser, à mieux comprendre ce qu’était Clos Rougeard. En fait, je crois qu’il ne l’a pas acheté parce que c’était un mythe, mais plutôt parce que c’est un vin qu’il aime.

Rester à Bordeaux n’a donc jamais été un impératif ?
C. B. : On parle de groupe, mais c’est une construction qui s’est faite de manière naturelle et spontanée. La famille ne s’est jamais dit : « Dans cinq ans, je veux qu’on fasse telle taille, qu’on soit dans telle région ». Il n’y a jamais eu de plan. Mon père a toujours été guidé par sa passion. On lui présente des dossiers tous les mois. Pour que la famille s’engage, il nous faut vraiment un coup de cœur pour le lieu, pour la qualité des vins et quelque chose qui va nous relier durablement.

Le fonctionnement est pourtant très différent selon les propriétés.
C. B. : C’est encore plus vrai pour Clos Rougeard. La propriété était très incarnée par les frères Foucault. C’est un challenge pour nous parce qu’en termes de notoriété, la barre est très haute. Aujourd’hui, on veut y travailler dans le respect et la continuité.
P. G. : Tout ce qui a été entrepris depuis le rachat l’a été dans l’esprit de ce que faisaient les Foucault. Au fond, rien n’a changé sur la propriété et les travaux en cours étaient nécessaires. En ce qui concerne la conduite du vignoble, sa tenue, mais aussi sur le sujet des vinifications, notre volonté est de réaffirmer ce qui a été fait par les Foucault. Il n’y avait aucune raison de changer cette vision.

Pour Montrose, développement durable et respect de l’environnement sont au cœur du projet. C’est la même chose à Saumur ?
C. B. : La question ne se pose même pas. Depuis huit générations, la même famille s’est occupée de Clos Rougeard sans jamais utiliser de produits phytosanitaires sur les vignes. Elle y a mené, de père en fils, une agriculture traditionnelle dans ce qu’elle a de meilleur et une viticulture artisanale, presque cousue main.
P. G. : Clos Rougeard était bio bien avant qu’il n’y ait un cahier des charges pour l’agriculture biologique. Aujourd’hui, on veut obtenir une certification pour toutes les propriétés. Tronquoy est déjà intégralement conduit en bio, depuis 2015. Son vignoble sera certifié officiellement en 2024. Montrose et le domaine Henri Rebourseau, à Gevrey-Chambertin, sont en cours de certification. Cette phase est importante, mais ce n’est pas une fin en soi. On veut aller plus loin. Notre cellule R&D, initialement déployée à Montrose, le sera demain pour l’ensemble de nos vignobles. Sur le plan du développement durable, nous essayons de mettre en place un programme complet qui soit le plus vertueux possible.

Au domaine Rebourseau, acquis en 2018, la situation est inédite. La gestion de la propriété se fait avec une famille en place.
C. B. : Ce domaine peut s’appuyer sur des terroirs formidables avec beaucoup de potentiel. C’était important de refaire un outil technique digne de la propriété. L’idée est de continuer à écrire l’histoire de ce domaine bourguignon historique avec la famille. Nous sommes très heureux d’avoir la chance de maintenir en place ce patrimoine. Nous travaillons avec Louis de Surrel qui s’occupe de la partie commerciale du domaine. Personne n’incarne mieux le domaine que lui.

Si on associe Montrose à la famille Bouygues, le lien n’est pas toujours aussi évident, notamment en Bourgogne.
C. B. : Ce n’est pas notre volonté de calquer le modèle de cette grande propriété médocaine sur les autres. Nous avons envie de préserver ce qui fait la singularité de ces domaines. Chacun a des enjeux et des stades de maturité différents. Rebourseau a la chance de pouvoir s’appuyer sur terroirs extraordinaires dans une région très demandée par les marchés. La propriété est portée par le phénomène propre à la Bourgogne, mais le domaine en lui-même, et la marque, n’ont pas encore le rayonnement que l’on souhaite. C’est notre challenge.

Vous avez aussi des activités à Cognac. Elles sont en pleine croissance.
C. B. : Mon père a commencé à s’intéresser au cognac après les acquisitions de Montrose et Tronquoy. Il fait partie du Club des Cent, un club gastronomique. Un jour, l’un de ses bons amis l’a introduit auprès d’un monsieur dans la région qui lui a vendu un vieux stock d’eaux-de-vie. Il a décidé d’avoir ses propres interprétations du cognac, avec Montrose Réserve par exemple, dans des volumes confidentiels et sans ambition commerciale pour le moment. Petit à petit, la famille a acquis des vignobles et des alambics, en rachetant successivement trois propriétés et en menant des travaux de grande ampleur sur les deux sites de distillation.
P. G : Il n’y a pas de marque aujourd’hui. Les eaux-de-vie de qualité sont destinées à vieillir, on les garde pour constituer un paradis. Le reste, on le vend aux différentes grandes maisons locales.

Le groupe s’est considérablement agrandi depuis 2017. Que représente votre arrivée dans son histoire ?
C. B. : Pierre et moi arrivons à un moment important de cette aventure. Jusqu’ici, Bordeaux était au centre du projet. Nous entrons dans une phase où il nous faut le développer dans les différentes régions et consolider notre stratégie globale. L’idée est de la structurer de manière plus transversale, de créer des synergies entre les régions, de partager les savoirs entre les domaines.

Pierre, vous êtes habitué à diriger plusieurs propriétés en même temps. Cette fois, la situation est différente ?
P. G : Avant cette expérience bordelaise, j’ai eu la chance de travailler dans différentes régions, dans différents pays. J’ai une formation technique d’ingénieur-œnologue et travailler dans un groupe qui possède plusieurs propriétés en France n’a pas été une totale découverte pour moi. J’avais besoin d’un nouveau défi, de sortir de ma zone de confort. Je pense que notre duo arrive au bon moment. Le challenge est assez fantastique.

Charlotte, ce retour à la terre, finalement assez soudain, était inévitable ?
C. B. : J’ai travaillé dix ans dans deux grands groupes et j’ai vécu sept ans aux États-Unis avant de revenir en France. J’avais envie d’une aventure entrepreneuriale dans laquelle sentir que j’avais un vrai impact sur les choses. C’est un peu galvaudé, mais je crois que je voulais quelque chose de plus authentique. J’ai été élevée à la campagne et j’ai un rapport très fort à la terre. J’apprends beaucoup, je me forme. Bien sûr, je suis sensible aux univers de communication, mais je pense sincèrement que la dégustation d’un verre de vin ne se résume pas juste à une bouteille ou à une étiquette. Autour, il y a un univers, des valeurs et surtout une expérience. Pour Pierre et moi, ce dernier point est essentiel. Bordeaux peut parfois être vu comme un monde distant et inaccessible. Tout en maintenant la belle image de nos domaines, il y a aussi un travail à faire vers plus d’accessibilité.

Photos : Fabrice Leseigneur.

Le mondovino de la semaine #208 tourne à fond

Des vendanges dans les Haut-de-France • Villevert soutien une cause • Fine Spirits Auction soutien Wine To Water • Une porte d’entrée vers les métiers du cognac • Un bordeaux abordable • Un provence généreux

En bref


Vendanges : Les 130 des Haut-de-France

En 2022, nous avions évoqué dans le mondovino 186 le début d’une nouvelle aventure dans les Hauts-de-France, celle du collectif « Les 130 ». Le premier chai viticole installé à Dompierre-Becquincourt dans la Somme. La deuxième vendange, qui a débuté le 25 septembre, est prometteuse tant sur la qualité de la récolte que sur la dynamique du collectif. Malgré une météo difficile avec des périodes fraîches, pluvieuses, très chaudes et sèches, les 51 viticulteurs du collectif ont pu récolter 44 hectares sur les 90 plantés. Les raisins ont atteint leur maturité tardivement. Les 130 cultivent du chardonnay planté sur quatre départements : le Pas-de-Calais, le Nord, l’Aisne et la Somme. L’objectif pour 2024 est d’arriver à vendanger 78 hectares.

Plus d’informations sur https://www.les130.com/

Doc Hendley.

Solidarité : la collecte de Villevert, la vente de Fine Spirits Auction

Une collecte de fonds pour Wine To Water

La maison cognaçaise Villevert organise du 15 septembre au 15 octobre une collecte de fonds dans vingt pays au profit de l’association Wine To Water. Le principe : les acteurs du monde du bar et de la mixologie offriront à l’association les pourboires collectés lors d’une soirée. Fondée en 2004 par Doc Hendley, ancien barman et ami de Gaz Regan, Wine To Water est une organisation à but non-lucratif qui s’engage à soutenir la vie et la dignité pour tous, grâce à l’eau potable. Gary Regan, plus connu sous le nom de Gaz Regan, a été incontournable de la scène du cocktail internationale des années 1970 à 2019 et auteur du livre The Joy Of Mixology. Le grand public peut également faire des dons directs sur www.winetowater.org/gazregan.

Des lots d’exception au profit de Goodplanet

Soutenir le développement de l’agroécologie en France, installer des pompes à eau solaires au Malawi et appuyer l’entrepreneuriat féminin au Sénégal ? Autant de projets qui poussent l’association Goodplanet et la maison aux enchères Fine Spirits Auction à mettre en place cette deuxième vente solidaire. Le succès de l’édition 2022 a déjà permis de collecter 128 000 euros. En 2023, des flacons d’exceptions, des bouteilles signées et des œuvres originales seront proposés lors de la vente qui aura lieu du 21 octobre au 3 novembre, à l’occasion du Whisky Live Paris 2023.

Rendez-vous sur https://www.finespirits.auction/fr/index.jsp

Talents : Cognac au Cœur

L’élaboration du cognac requiert des savoir-faire. Des femmes et des hommes qui maîtrisent parfaitement toutes les étapes de fabrication. Un atout inestimable pour toute une filière. Ambassadeur incontestable de ce savoir-faire français dans le monde, le cognac a besoin d’attirer, de maintenir et de fidéliser les personnes qui font cette eau-de-vie. Avec le lancement en 2022 de sa marque employeur Cognac au Cœur, le Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC) apporte une réponse à cette problématique. Depuis le 10 octobre, le nouveau site cognacaucoeur.fr devient la porte d’entrée vers les métiers du cognac et les différentes possibilités d’emploi offertes. « Il a vocation à valoriser l’attractivité de la filière, de ses métiers et de son territoire. On y retrouve des liens vers les offres d’emploi liées à la filière cognac ainsi que des fiches métiers pour toujours mieux informer sur les opportunités professionnelles de la région », précise le BNIC. Une série de podcasts, disponible sur le site, met la lumière sur différents parcours professionnels proposés.

Découvrez le site Internet ainsi que les podcasts sur www.cognacaucoeur.fr

Les bons plans


Le vin de gastronomie : un bordeaux abordable

Créé en 1930 par le Baron Philippe de Rothschild, Mouton-Cadet est une référence mondiale de l’appellation bordeaux. La gamme Réserve fait la part belle au fruit. Ce blanc 2022 est bien équilibré, sans excès dans la maturité ou l’élevage. Un vin de gastronomie, par exemple avec un bar de ligne.

Réserve Mouton Cadet, Graves Blanc 2022, 14,95 euros

La découverte, sans sulfite

Ce domaine de 100 hectares doit son nom à Jean-Baptiste Coussin, avocat à la cour d’Aix au siècle des Lumières. Aujourd’hui, ce sont les Sumeire qui plaident la cause des cuvées baignées par la luminosité comme ce rouge gourmand, aux arômes de fruits noirs et d’herbes aromatiques. Sa bouche est d’un bel équilibre.

Château Coussin, Côtes de Provence Sainte-Victoire, rouge 2020, 17,70 euros

Champagne Piper-Heidsieck, la philosophie de la collection Essentiel

« La masterclass | Piper-Heidsieck, la philosophie de la collection Essentiel »

Cette notion de complexité accessible sans être compliquée, c’est ce qui définit Essentiel. Dans ce verre-là; il y a plus de cinquante terroirs différents. C’est comme un orchestre symphonique. Notre rôle, c’est de trouver la synergie et la symbiose entre tous ces terroirs par l’art de l’assemblage. » Emilien Boutillat, le chef de caves de la maison Piper-Heidsieck, dévoile avec Thierry Desseauve les secrets de sa nouvelle collection dans un épisode inédit de Classe de maître

Production : Jeroboam
Productrice : Juliette Desseauve
Image : Lucas Chaunay
Montage : Nicolas Guillaume
Motion Design : Maxime Baile
Musique originale : Arthur L. Jacquin