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Une nouvelle grande famille du vin

Un chef d’entreprise normand qui aime le vin s’associe avec des sommeliers en vue pour créer Famiwine, une application aux multiples promesses. Savoir où trouver le vin qu’on aime et réunir producteurs, diffuseurs et consommateurs dans une communauté

À l’origine était Sylvain François. 51 ans, aîné de son frère Thomas, issu d’une famille d’éleveurs-propriétaires de chevaux de course. D’ailleurs, la passion ne l’a pas lâché. Le dernier crack de l’écurie du Closet c’est Horsy Dream, étalon de 14 ans, réceptacle de tous leurs rêves.
L’homme est entreprenant. Il a aussi réussi en important des vêtements de sécurité en Europe. Normand, bon vivant, son grand-père l’a initié aux plaisirs de la table et du bon vin. Devenu copain avec Samuel Ingelaere, ancien sommelier de Marc Veyrat, ils ont commencé par lancer une maison de négoce et un club pour amateurs de bonnes bouteilles. Leur dernier bébé, c’est Famiwine, une application pour smartphones dont la promesse est d’aider les amateurs à trouver les bons vins. Comprendre : « savoir lesquels sont bons ». Et concrètement, quels restaurants ou cavistes les distribuent. Une info qui manque souvent. Pour rendre ça ludique, ils ont conçu l’appli comme une sorte de réseau social. Chacun se crée un profil, partage ses bons plans et coups de cœur, se met en relation avec d’autres utilisateurs avec lequel il crée une communauté d’affinités.

800 domaines viticoles sélectionnés
Pas question de répertorier tous les vins et tous les établissements de France. Pour sélectionner les domaines dignes de faire partie de la grande Famiwine, François et Ingelaere se sont associés avec deux pointures de la sommellerie, Olivier Poussier et Benjamin Roffet. Il y a pour le moment 800 domaines viticoles sélectionnés. Au-delà de la promesse initiale, l’idée est de créer une sorte de triangle relationnel entre les producteurs de vin, les restaurants et professionnels qui les vendent et les grands amateurs qui les boivent. Tout le monde ayant a priori intérêt à être connecté aux uns et aux autres. Si une partie de l’appli est gratuite, il faut payer pour profiter de la totalité des fonctionnalités. Cinq euros pour l’amateur, 20 euros HT pour le professionnel. La collecte de données permettra ensuite à Famiwine de cibler finement qui boit quoi, qui vend quoi et où. Reste, dans l’immédiat, à fédérer une communauté suffisamment nombreuse d’amateurs de vins qui, à défaut de fréquenter un club privé de dégustation, veulent avoir accès aux bons vins et à ceux qui les aiment. Juste en sortant leur smartphone.

Taittinger sacre Thibaud IV, son comte de Champagne

Dans la magie de ses crayères de la colline Saint Nicaise, Taittinger a l’habitude de recevoir ses visiteurs. Fermées pour travaux (jusqu’en septembre 2024), c’est aujourd’hui la demeure des comtes de Champagne qui ouvre ses portes. Derrière, mini-pièce de théâtre et dégustation d’un nouveau genre autour de Thibaud IV, son personnage emblématique

L’homme est à l’origine de l’histoire de la maison. Thibaud IV (1201-1253) est roi de Navarre. Il est aussi conquérant et troubadour, d’où son surnom de « Chansonnier ». Secrètement épris de sa tante Blanche de Castille, mère du futur Saint-Louis, il invente l’idée de l’amour courtois. Parti en croisade en 1239, il aurait ramené d’Orient deux trésors encore inconnus du monde chrétien : la rose de Damas et le plant d’un nouveau cépage, un ancêtre du chardonnay.

Pour faire découvrir ce personnage de légende, Taittinger a construit sa nouvelle offre œnotouristique. Le cadre : une bâtisse du XIIIe siècle où les comtes de Champagne donnaient des fêtes. L’expérience est accompagnée par des guides professionnels. Elle propose une immersion dans l’atmosphère des banquets médiévaux à travers quatre épisodes de la vie de Thibaud IV. Le tout sans images, avec la seule force du récit sonore et de la musique signés par des talents rémois (Armelle Lesniak, la narratrice, Yuksek, compositeur de musique, l’historien Patrick Demouy, etc.). « Nous avons volontairement souhaité ne pas faire appel à la projection, ni imposer de décor » souligne Armelle Lesniak. « Pour que chacun se laisse guider par son imaginaire, à partir de la vibration des voix des personnages et des ambiances sonores proposées par cette mini pièce de théâtre intérieure ».

De grands champagnes à nos oreilles
Autour de la table, pendant 45 minutes, on se laisse emporter par les discussions cocasses ou profondes des convives du Comte et de la Comtesse. Avec eux l’Archevêque, Dame Isabeau, Dame Pétronille, Marguerite de Bourbon, Enguerrand, le jeune chevalier, Blanche de Castille et le Sénéchal de Joinville, incarnés par les voix des différents comédiens.

Le vin de Champagne est aussi au cœur de l’expérience. Deux cuvées phares : le brut-réserve, aérien, élégant et équilibré, parfaite incarnation du style de la maison. Et comtes-de-champagne 2012, blanc de blancs de légende comme le personnage dont il porte le nom, composé de chardonnays des cinq villages de la Côte des blancs (Avize, Chouilly, Cramant, Mesnil-sur-Oger et Oger). Grande expérience.

« A la table de Thibaud IV, Comte de Champagne »
Billetterie en ligne : https://book-a-visit.taittinger.fr/

Devenez juré au Concours Prix-Plaisir 2023

Organisé depuis douze ans par Bettane+Desseauve, le Concours Prix-Plaisir récompense les meilleurs vins à moins de 18 euros et les meilleurs champagnes à moins de 30 euros.

Son but
Aider le consommateur à faire son choix dans une offre de plus en plus grande et apporter une garantie : les vins primés sont bons et au bon prix. De la prescription adaptée et intelligente.

Un label par et pour les consommateurs
Les vins sont dégustés à l’aveugle et notés par un jury de consommateurs, encadré par les experts Bettane+Desseauve. Les jurés, des amateurs passionnés de vins, disposent uniquement de deux informations : la gamme de prix et la région.
1 650 vins ont été goûtés par les jurés en 2022 et près de 550 vins ont obtenu une médaille (or, argent ou bronze).

Le juré, c’est vous
Vous avez envie de vivre une expérience unique de dégustateur dans des conditions professionnelles ? Alors inscrivez-vous vite, avant le 24 février à minuit. Le principe est « Premier inscrit, premier servi ».

Vous ne repartez pas les mains vide
Pour vous remercier du temps que vous consacrez à ce concours, Bettane+Desseauve vous offre un exemplaire du Nouveau Bettane+Desseauve 2023 accompagné de deux bouteilles de vin médaillées en 2022.

Quoi ? Concours Prix Plaisir Bettane+Desseauve
Quand ? Vendredi 24 mars et samedi 25 mars 2023.
Où ? Le Solaris. 25, rue Boyer, 75020 Paris.
Contact ? Camille Vindolet : [email protected] ou 01 48 01 90 10.

« Si Michel te fait confiance, on te fait confiance »

Qui succède à Michel Rolland ? C’est lui, c’est Julien Viaud le nouveau président des laboratoires Rolland & Associés. Il s’inscrit dans le sillage formé depuis si longtemps par Dany et Michel Rolland. Ceci après seize années de vie commune, si l’on peut dire. Comment est-ce possible ? C’est ce que nous lui avons demandé. Les réponses sont passionnantes. Il a 43 ans, il est fin prêt.

Il y a un début à cette histoire. Dites-nous.
Je travaille avec Michel Rolland depuis le 4 septembre 2006. Après des études à l’école de SupAgro à Montpellier, j’ai commencé ma carrière dans le sud, auprès d’un vigneron catalan dans une propriété près de Perpignan. La viticulture dans le Roussillon était alors compliquée, il y avait peu d’argent et un climat difficile à maîtriser. Je suis donc devenu régisseur de cette propriété de cinquante hectares. Lourde tâche, il n’y avait aucune main d’œuvre à disposition. Du tracteur à la commercialisation en passant par la vinification, j’ai donc rapidement mis la main à la pâte. Bonne école et mission difficile que j’ai tenue pendant cinq ans, avant de retourner à Bordeaux, la capitale mondiale du vin.

Là je rencontre Michel et Dany Rolland et ils m’engagent. J’hérite alors du Médoc. Je commence par déguster avec Michel, une expérience très formatrice qu’il faut pousser loin pour faire sa place et arriver à lui conseiller les meilleurs vins qui lui permettent les plus beaux assemblages. J’y apprends une méthode, je m’inspire de son travail et, peu à peu, je fais les choses à sa place en essayant de faire mieux. Aujourd’hui, les réglages se font à deux, nous sommes vraiment dans un échange bienveillant. Rejoints ensuite par Mikael Laizet et Jean-Philippe Fort, nous partageons ces séances avec un goût propre à chacun et une rigueur de travail que nous avons hérité de Michel.

Que comptez-vous faire du style Michel Rolland, le conserver, lui donner un nouveau visage ?
Si je fais du Michel Rolland, je vais…

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Le furmint fait son show à Paris

Mardi 7 février de 13h à 20h, le célèbre cépage hongrois sera la star de l’Institut Liszt. Une première

Il est blanc, hongrois, occupe 4 000 hectares dans le monde (97 % en Hongrie) et représente 70 % de l’encépagement de Tokaj à côté du hárslevelű et du muscat jaune. Le cépage furmint se présentera à Paris sous toutes ses formes, à l’institut culturel situé en face de l’église Saint-Sulpice, dans le VIe arrondissement de la capitale. « Tout le monde en a probablement bu dans sa vie sans le savoir. Les Tokaji Aszú sont essentiellement élaborés à partir de ce cépage », explique Dániel Kézdy qui lança le premier Furmint Február à Budapest en 2010.

Un cépage fascinant
Il est capable, plus que tout autre, d’atteindre des concentrations extrêmes. Jusqu’à 55 degrés d’alcool potentiel avec des extraits secs qui explosent tous les records. Les raisins sont si rabougris qu’on les ramasse à la main, grain par grain, on les place ensuite dans des fûts ou des conquêts en attendant la vinification. Impossible de les presser tels quels. On les fait alors macérer dans du vin fini ou du moût en fermentation.

Mais le furmint, aussi emblématique qu’il soit pour les grands liquoreux, est aussi polyvalent. Il se décline en sec et en bulles. À Paris, on le connaît moins sous cette forme. Depuis plus de vingt ans, les producteurs de Tokaj comme ailleurs nous font découvrir ses capacités aromatiques et son potentiel de garde parfois surprenant.

Béa Suszter, qui a créé Le Boristic pour faire connaître les vins hongrois en France, propose de vous les faire découvrir en relayant à Paris le Furmint Február de Dániel Kézdy (qui existe aussi en Angleterre) et en le rebaptisant Furmint Février.

Onze domaines seront présents (Breitenbach, Demetervin, Hétszőlő, Homoky Dorka, Juliet Viktor, Pajzos, Samuel Tinon, Szűcs, Tokaj Nobilis, TR Wines et Zsirai). Deux classes de maître sont prévues (14h et 18h30).

Inscriptions obligatoires sur eventbrite.com/e/497919058307
Adresse : Institut Liszt, 92, rue Bonaparte, Paris VIe.

Le mondovino de la semaine #186 tourne à fond

Chai des Hauts-de-France • Melifera, encore plus haut • Sainte-Roseline et les Demoiselles en bio • Le blanc du Mont Chauve • Sur une île • Chaque jour du nouveau, en voici cinq

Dans le vignoble


Chai des Hauts-de-France

La région des Hauts-de-France accueillent depuis le 18 janvier son premier chai viticole. C’est à Dompierre-Becquincourt, petit village situé dans la Somme, qu’un bâtiment agricole a été transformé pour se consacrer désormais à la production de vin. Cette nouvelle étape matérialise le développement de la filière vin sur ce territoire. À cette occasion, la nouvelle marque, « Les 130 », rassemblera en 2023 les premières cuvées issues des vignes plantées dans la région. Le début d’une longue histoire qui doit se poursuivre dans les années à venir avec comme objectif 200 hectares de vignes en 2027 et 1,5 million de bouteilles en 2033. « Pendant les dix prochaines années, nous allons continuellement nous agrandir. Nous allons recevoir plus de raisins et augmenter notre production. Nous devons d’ici là développer notre nom et notre renommée et mettre toutes les chances de notre côté pour y arriver. Il y a encore du chemin, c’est très enthousiasmant » explique Christophe Dubreucq, directeur développement et commercialisation de la jeune structure.

Melifera, encore plus haut

La deuxième levée de fonds est un franc succès pour Christophe Amigorena, le créateur de Melifera, le gin français à la fleur d’immortelle. Il est désormais accompagné dans cette aventure par de nouveaux associés passionnés, dont Philippe Fatien, propriétaire de plusieurs boîtes de nuit parisiennes. « La présence de Philippe Fatien dans ce pool d’actionnaires privés de plus de 1,6 million d’euros en dit long sur les ambitions de Melifera. Ce propriétaire de nombreux établissements à Paris et dans les Alpes devrait aider la marque à renforcer sa distribution sur le marché français, notamment dans le CHR et la développer à l’international » précise Christophe Amigorena.

Informations sur www.melifera.fr

Sainte-Roseline et les Demoiselles en bio

En peu de temps, Aurélie Bertin a remis en valeur le domaine et le vignoble de Sainte-Roseline et ceux du château des Demoiselles dont elle est également propriétaire avec sa famille. Situé aux Arcs-sur-Argens, le vignoble de Sainte-Roseline se compose de 300 hectares, dont 110 de vignes désormais labellisés par Ecovert agriculture biologique depuis août 2022. « Le passage en bio vient pérenniser l’entreprise familiale après un engagement depuis de nombreuses années dans une viticulture durable et raisonnée. Notre ambition : produire des vins emblématiques, toujours d’une grande qualité, certifiés agriculture biologique. Cette labélisation s’ajoute au label Vignerons Engagés obtenu en 2021, le premier label RSE de la filière vin », déclare Aurélie Bertin.

Informations sur sainte-roseline.com

Dans le verre


Le blanc du Mont Chauve

On ne se trompera pas en ouvrant ce joli saint-aubin, issu d’un climat situé en bordure du village de Chassagne-Montrachet. Délicat, précis, floral, son bel équilibre sur la fraîcheur donne du plaisir, grâce à un élevage judicieux en pièces bourguignonnes et en foudres qui a permis de préserver la tension et la précision de ce chardonnay de classe.

Au Pied du Mont Chauve, saint-aubin premier cru Le Charmois 2019, 40 euros environ

Sur une île

Très vieux rhum agricole, ce single cask est le résultat d’une seule barrique identifiée comme exceptionnelle par le maître de chai de Trois Rivières. Ampleur, rondeur et délicatesse caractérisent ce rhum élevé dans un ex-fût de cognac.

Rhum Trois Rivières, Single Cask, 2007, 150 euros

Alain Brumont, chroniques de la terre et du rêve

L’homme de Madiran appartient au groupe très fermé des vignerons d’élite de notre planète. En quarante ans, il a hissé ses propriétés au sommet et mis le Sud-Ouest sur la carte des grands vins. L’histoire est un roman, on la raconte

Cet article est paru dans Le Nouveau Bettane+Desseauve 2023. Vous pouvez l’acheter sur notre site ici. Ou en librairie

« On rêve de conquérir le monde et il arrive qu’on y réussisse. Alain Brumont a d’abord voulu montrer à son père qu’on pouvait, au fin fond du pays, dans une région qui ne l’avait jamais tenté, à partir de cépages qui passaient pour rustiques, produire des vins égalant les meilleurs de la planète. Une ambition démesurée, activée par une force de travail hors du commun, un sens de la communication et du commerce ravageurs, une adresse tactique qui l’a fait rebondir plusieurs fois d’un désastre annoncé aux sommets planétaires. »
Avec concision, Michel Bettane avait écrit un jour ces quelques justes mots sur celui qui est devenu l’un des plus grands vignerons de notre époque. Partout en France comme dans le monde, il est reconnu comme tel. Montus Prestige, Montus XL, La Tyre, Bouscassé, Bouscassé Vieilles Vignes, autant de vins devenus cultes. À la tête du seul domaine cinq étoiles du Sud-Ouest dans notre guide, l’homme est une référence absolue comme il y en a peu. Ou plutôt comme il n’y en a pas, dans son pays, à Madiran. C’est là, sur des terres vouées à la culture des céréales qu’il continue de forger, depuis quarante ans, sa légende et celle de son appellation.
Pendant près d’un demi-siècle, ce fils de paysan – de son vrai nom Marc Brumont – a construit à la sueur de son front la réputation mondiale d’un vin, emmenant dans ce sillage victorieux des terroirs fabuleux, un cépage singulier (le tannat) et tout un monde qui ne voulait pas de lui et de sa vision disruptive. Jalousies des voisins, railleries des instituts, moqueries, mises à l’écart et autres stigmatisations ont été nombreuses. La route du grand vin – son rêve absolu – a été longue, éprouvante, douloureuse. Pourtant, cette destinée digne d’un mythe a ses racines, profondément installées dans la personnalité de l’homme derrière Montus et Bouscassé, ses deux propriétés.
Dès son plus jeune âge, Brumont est passionné par la culture de la terre. Avec son père, il assiste du haut de ses 10 ans à toutes les réunions professionnelles où se décident l’agriculture et la viticulture de la région. L’école n’est pas son terrain de jeu. Il fait son lycée, mais la ferme familiale lui manque avec ses champs de céréales et de vignes. À 15 ans, son père lui annonce que l’ouvrier qui s’occupe du domaine est décédé. Il n’a pas les moyens de le remplacer. Alain doit rentrer à la maison, sans préavis, avec pour seule explication que « le lycée, ça ne sert pas à grand-chose pour faire un paysan ». L’occasion pour l’adolescent de faire ce qu’il aime. Rapidement, la volonté brûlante qui sommeille en lui vacille, éprouvée par le travail de titan qu’il faut abattre. Il découvre le quotidien de forçat des hommes de la terre, accomplissant par nécessité et par obligation le travail de trois hommes, sans rien obtenir en échange pour construire la vie à laquelle il aspire, celle des vignes. Jusqu’à ses 30 ans, c’est le bagne du maïs.

On le surnomme « Monsieur de la Romanée-Conti » parce qu’il parle tout le temps du grand cru bourguignon. Ou bien « Monsieur de la Tarière » parce qu’on le croise au début du printemps quand la terre est détrempée, outil de forage à la main, prêt à sonder les sols de l’appellation.

Tout ce temps-là, il nourrit à force d’observation, sa propre réflexion sur la viticulture, développe sa vision du bon vin, capable de refléter avec authenticité les terroirs de Madiran. Ambition rarissime pour l’époque dans ce secteur de la France viticole où l’on a pris l’habitude de faire « pisser la vigne » pour qu’elle donne du volume. Partout, on produit des hectolitres de vrac et l’on vend des litres de mauvais vin à des coopératives bien moins regardantes sur la qualité qu’elles ne le deviendront par la suite. On gagne sa vie comme ça. « Faire de la vigne » est une activité moins lucrative que d’« être dans le céréales ».
Sans économies, le jeune Brumont décide pourtant de passer à l’action. Pour financer ses projets, il vend à la fin des années 1970 un moulin qu’il restaure sur son rare temps libre. Le bâtiment a reçu le prix de la meilleure restauration de gîtes ruraux dans le grand Sud-Ouest. L’argent de la transaction lui permet d’emprunter le double à la banque, avec lequel il achète en 1980 le château Montus, situé dans la commune de Castelnau-Rivière-Basse, en plein pays gascon. À peu près à la même époque, il hérite de son père les 17 hectares de vignes du château Bouscassé, à Maumusson-Laguian. Ces deux terroirs deviennent le terrain de jeu de ses expériences et ses envies. À Bouscassé, il trouve des sols où la variété des types d’argile (blanche, brune, rouge, bigarrée) achève de le convaincre du potentiel des terroirs madiranais. À Montus, les sols de calcaire et de galets présents en nombre à la surface l’interpellent et ébranlent ses convictions en matière de profil de vin. Tout est désormais possible, il ne s’est pas trompé.

Tous contre un
Est-il devenu vigneron pour autant ? Il en doute. Dans ce pays de fermiers, la fonction n’existe pas. Certes, on coupe du raisin, mais seules deux ou trois exploitations vivent de la vigne. Surtout, on ramasse du grain. Le pays s’est spécialisé dans les semences hybrides, notamment celles de maïs, dont le taux de germination frôle la perfection. Un fleuron local, vanté dans les années 1970 par Edgar Pisani, ministre de l’Agriculture sous de Gaulle et architecte du remembrement des campagnes françaises, auprès, par exemple, de l’ancien chef de l’URSS, Nikita Khrouchtchev, lors d’une visite officielle en 1960. Au cours du déplacement, on sert à la délégation soviétique les vins de la région. Séduit par ce qu’il boit, le politique français décide d’octroyer au territoire environ mille hectares de droits de plantation de vignes. Un cas unique à l’époque et une aubaine pour les paysans qui plantent massivement avec l’argent du maïs. Trop vite, le vignoble nouvellement agrandi se retrouve dans une situation de surproduction. Les vins ne se vendent pas ou à bas prix. Les stocks s’accumulent.
Autre problème, lié à la question du goût. La plupart des vins sont durs, astringents, sans charme, voire imbuvables. Les viticulteurs de l’époque contournent le rendement décidé par le cahier des charges de l’appellation, limité à 60 hectolitres par hectare. Comme le vignoble est jeune, les plants sont productifs. On dépasse souvent les 120 hectolitres, le double de ce qui est autorisé. Pas question de se débarrasser du surplus. On l’utilise, on le vend. Les vins sont médiocres, indignes héritiers de ceux qui ont longtemps servi de vins médecins pour le vignoble de Bordeaux. Les guerres mondiales du XXe siècle ont meurtri la viticulture. Mille alambics armagnacais ont été réquisitionnés afin de produire de l’alcool pour les Alliés. Au lendemain de la Libération, la tendance était aux hybrides, miracle génétique productif et résistant aux maladies, dopé par l’utilisation conjointe de produits de synthèse (pesticides et engrais) redoutablement efficaces. Vingt après, échec total, obligation d’arracher. À Madiran, hormis quelques irréductibles, on enfouit profondément ses ambitions d’atteindre une viticulture qualitative et rentable. De toute manière, on gagne plus avec le maïs.

Mouton et Montus
Au début des années 1980 et dans ce contexte inamical, Brumont veut faire son grand vin. Il a rencontré Philippe de Rothschild au château Mouton-Rothschild, l’une des rares propriétés qui l’accueillent. Le baron le fascine, l’inspire. Rothschild le reçoit en poncho sous la pluie, confond madiran et minervois mais connaît bien l’Armagnac. Brumont repart avec quatre ou cinq barriques vides du grand cru pauillacais, pour ses élevages. Un déclic pour l’homme de Maumusson affublé de sobriquets moqueurs dans son propre village où la situation se tend. On le surnomme « Monsieur de la Romanée-Conti » parce qu’il parle tout le temps du grand cru bourguignon. Ou bien « Monsieur de la Tarière » parce qu’on le croise au début du printemps quand la terre est détrempée, outil de forage à la main, prêt à sonder les sols de l’appellation. Il agace. Les paysans deviennent hostiles à son égard. « Il les emmerde avec ses histoires de grand vin ». La situation leur va bien. Le vin se vend, même pas cher. On se débrouille, merci. Lui bouscule tout sur son passage, sans obliger personne à faire ce qu’il fait, mais tout de même en pointant du doigt ce qui ne va pas chez les autres. Pour ses vignobles, il adopte une densité de plantation inhabituelle, 8 000 pieds à l’hectare contre 3 000, pratique dominante dans l’aire d’appellation. ICI ? Autant d’agitation réveille l’Inao qui lui interdit de faire tomber des grappes pour permettre aux raisins de se concentrer naturellement. « Vous allez faire crever la vigne ! », tranchent les techniciens agricoles. « Et puis, il faut mettre une bonne quantité d’engrais quand vous plantez. »
Brumont ne veut pas toucher à la composition de la terre, se contente de mettre un peu de compost qu’il fabrique lui-même. Les on-dit s’amplifient quant à ses pratiques jugées loufoques. Ces rumeurs ne le quitteront plus.

Tout au long de sa carrière, c’est-à-dire toute sa vie, Alain Brumont a cherché à faire partir du cercle fermé des grands créateurs de vin. De ceux qui ne font pas de compromis avec la vérité du raisin et du terroir. De ceux qui risquent, innovent et suivent leur intuitions.

1982, premier millésime de Montus. On ne lui serre plus la main dans les réunions. On le jalouse parce que le vin est un succès qui intéresse une presse spécialisée friande de qualité, sevrée de nouveautés. Jamais aucun vigneron n’avait réussi l’exploit d’attirer la lumière sur Madiran. On le remercie en lui demandant de s’expliquer sur son attitude devant une assemblée de 300 personnes. Certains visitent ses parcelles, sectionnent les rameaux de ses vignes, vendangent ses raisins. Admettre que Brumont a raison et qu’il veut le meilleur pour Madiran, c’est reconnaître qu’on a tort, qu’on travaille mal aujourd’hui et, surtout, que les aînés faisaient mal hier. Pour un paysan français des années 1980, c’est du bavardage. Celui qui devient véritablement le premier vigneron de l’appellation doit se cacher, s’isoler. Quand le premier millésime du château Montus est présenté, on lui reproche de faire du bordeaux parce qu’il ne sait pas faire du madiran. On comprend mal la comparaison faite par la presse qui encense ce vin qui ne ressemble à aucun autre dans l’appellation. Très éloigné de l’astringence classique et de la forte réduction présente dans les madirans de l’époque, Montus doit sa singularité à son élevage en barriques. Une première. Le marché français réagit, celui de l’export s’emballe. Comme le vin est bon, les propriétaires étonnés des plus grands châteaux de Bordeaux se déplacent. Brumont se fait un nom. L’intéressé explique que les raisons de ce succès sont assez simples. Dans les années 1970, des techniciens viticoles peu qualifiés avaient demandé aux vignerons du Sud-Ouest de planter leur vignoble de manière très espacée, afin qu’ils puissent utiliser entre les ceps le tracteur qui servait à la culture du maïs. Récolter entre vingt-cinq et trente grappes par pieds, c’est beaucoup trop pour produire de la qualité. Lui n’en laisse, au maximum, que sept ou huit.
En 1985, sa seule vision vigneronne fait la différence, assurant à Montus et Bouscassé une place définitive dans l’univers des plus grands vins de la planète. Il réussit là où tout le monde échoue : dompter le tannat, le cépage local alors décrié pour sa rusticité. Lui adopte à la vigne des pratiques qui permettent à ses raisins d’atteindre leur maturité optimale, élève le vin pendant deux années dans 100 % de barriques neuves. Ses cuvées sont acclamées par la critique. Pas vraiment par ses confrères locaux qui ne reconnaissent toujours pas la supériorité du vin de Montus. Pour beaucoup d’entre eux, le tannat est juste bon à améliorer des assemblages où dominent cabernet-sauvignon et cabernet franc. Démenti triomphal, brutal. Brumont leur prouve que le cépage peut faire de grands vins. Attirés par son originalité, les chercheurs et les grands vignerons du pays viennent l’aider dans sa quête. On découvre que la résistance naturelle du tannat permet de limiter l’utilisation d’intrants. On travaille sur le sujet, on fouille dans les archives, on redécouvre que ce cépage a toujours été lié à l’histoire du madiran. La décennie des années 1990 voit Brumont continuer sa recherche inlassable de terroirs. En vendant un hectare de terres à maïs, il s’achète dix hectares de terroirs à l’abandon. C’est ce qui lui permet d’acquérir rapidement les meilleurs secteurs de l’appellation. Certains le lui reprocheront au début des années 2000. Le nouveau millénaire coïncide avec l’arrivée d’une nouvelle génération de vignerons. Certains fils de ses détracteurs rompent avec la vision paternelle et commencent à rechercher le conseil de celui qui fait désormais figure d’autorité, au sein de l’appellation, mais aussi sur la scène médiatique où il la représente et ne cesse de la défendre, quoi qu’il lui en coûte.

Un pour tous
L’homme n’a pas perdu de son esprit pionnier. Récemment, il a trouvé avec Antoine Veiry, son beau-fils qu’il forme à prendre sa succession, quatre nouveaux terroirs de premier ordre. Il continue d’acheter pour éviter la spéculation foncière, permettant ainsi aux jeunes de pouvoir s’installer. En matière de vinification, son équipe technique continue ses essais sur les élevages longs, notamment en foudres. Des investissements importants qu’il a consentis dans sa quête du grand vin de lieu. En faisant grossir sa superficie d’action dans l’appellation (et dans d’autres), Brumont se structure comme une entreprise.
Dans cette lutte quotidienne pour faire de son rêve une PME viable, il a pu compter sur Laurence Brumont. Ils se rencontrent pour la première fois à la fin des années 1980 lorsqu’Alain recherche des financement pour son projet pharaonique de construction de chai à barrique souterrain à Bouscassé, premier de ce type dans le Sud-Ouest. Il lui faut des subventions. Elle travaille au développement économique du territoire au sein de la chambre du commerce et de l’industrie du Gers. Conquise par son projet, Laurence l’accompagne dans ses démarches, porte son projet innovant. Et puis elle fait sa vie. Ils se retrouvent en 2003, finissent par ne plus se quitter. En 2009, elle intègre les vignobles Brumont où elle fait ce qu’elle sait faire en coordonnant le développement de l’entreprise. Elle lui donne un cadre, l’organise, aide chaque jour à la rendre performante. Fin 2017, elle endosse le costume de directrice générale. Brumont serait-il le vigneron qu’il est sans l’arrivée de Laurence dans sa vie ? En vingt ans de doutes, de passion et de succès, celle qui l’a connu à ses début s’est muée en une chef d’entreprise accomplie, infatigable ambassadrice des vins de son mari et de son fils Antoine, renforçant aussi bien la place des vignobles Brumont sur la scène internationale qu’au centre de leur territoire, en multipliant les liens avec le tissu associatif et économique local. Quelle énergie.
Aujourd’hui, cinquante personnes travaillent sur les domaines et mangent à la table des Brumont chaque midi, tous ensemble, dans un esprit de cohésion obligatoire. Depuis longtemps, les vins sont vendus en primeur, comme à Bordeaux, seule réponse possible pour satisfaire à la demande sans frustrer les acheteurs, tout en assurant une trésorerie bienvenue. Les prix n’augmentent pas vraiment, sont toujours bas. Ce qui est rare et difficilement tenable compte tenu de la concurrence impitoyable du marché des vins fins. La logique est d’être à la portée du plus grand nombre.

Aujourd’hui et demain
À Madiran, la relève n’a pas encore réussi à s’imposer. Est-ce une question de moyens ? Il en doute. On peut sortir de très grands vins en étant un tout petit domaine, sans compter sur la force d’une structure adossée à des capitaux importants. Le talent, c’est tout ce qui compte. Tout au long de sa carrière, c’est-à-dire toute sa vie, Alain Brumont a cherché à faire partir du cercle fermé des grands créateurs de vin. De ceux qui ne font pas de compromis avec la vérité du raisin et du terroir. De ceux qui risquent, innovent et suivent leur intuitions. Quarante ans après s’être auto-persuadé que madiran pouvait faire partie des plus grands vignobles français, il voit d’un œil un peu dubitatif les évolutions récentes du profil du vin qu’il a inventé pour l’appellation, jugeant superflu tout ce qui viendrait travestir un travail authentique et l’empirisme vigneron. À Madiran, le tannat peut faire des vins très différents, tantôt fruités et souples dans leur jeunesse, tantôt riches et racés. Dans tous les cas, le cépage s’est éloigné de sa réputation de vin capiteux et solide qu’on ne peut boire que l’hiver. Les nouvelles modes du vin l’inquiètent, comme le manque d’ouverture sur le monde des jeunes diplômés d’aujourd’hui. Lui veut transmettre le contraire à la jeune génération. Il la souhaite avant-gardiste et innovante, même s’il a conscience que le combat vers la modernité réclame des sacrifices et une volonté sans cesse renouvelée. Un grand vigneron, c’est avant tout un créateur. Sa création existe par la différence. Elle a inspiré plusieurs générations qui ont souhaité vivre un rêve similaire, tous unis dans une même vérité, celle de la terre et du travail.

Photo : Mathieu Garçon

Le Féret, deux siècles d’histoire, un pied dans le futur

L’incontournable guide Bordeaux et ses vins fait sa révolution. Elle est digitale. Un changement en profondeur à découvrir dès le mois de février

Le Féret à Bordeaux est une institution. Deux siècles de données et de connaissances lui donnent une expertise unique. Sa force a toujours été d’apporter des informations qualifiées, structurées et vérifiées. D’être précurseur aussi. Publié en 1850, cette somme encyclopédique de référence a préfiguré le classement de 1855. La nouvelle solution numérique, après trois ans de conception, poursuit sur cette lancée en allant toujours plus loin dans son offre de contenus et de service, mais aussi dans la fiabilité des informations (validées par le Badge Féret), des notes ou des médailles mentionnées. « En me portant acquéreur de la société Féret, j’avais à cœur de perpétuer la richesse de 200 ans d’histoire. Je voulais également la projeter sur une trajectoire solide et ambitieuse. La gestion de la data, l’optimisation des process et la fiabilité des informations nous permettent de penser que Bordeaux et ses Vins va devenir rapidement un outil numérique de référence pour la filière », assure Stéphane Zittoun, directeur général des Éditions Féret depuis 2019.

Des fiches techniques en huit langues.

L’info pour tous
Taillée sur mesure pour faciliter la communication des vignerons, cette solution complète, ergonomique, efficace et multilingue, est dotée d’un puissant gestionnaire des fiches techniques, ces indispensables cartes d’identité de chaque vin. Leur création est assistée et automatisée de leur conception jusqu’à leur diffusion en huit langues. Un gain de temps. Facilité et rapidité sont aussi de mise lorsqu’il s’agit de présenter la propriété, les équipes, les activités œnotouristiques. Il suffit de ne renseigner ces informations qu’une seule fois pour qu’elles soient centralisées et viennent alimenter des fiches à destination de publics différents de manière personnalisée et sans aucune nouvelle saisie. Cet outil permet en outre de suivre les téléchargements et les consultations des fiches par langue et par destinataire, pour un suivi commercial pertinent. Les abonnements sont modulables en fonction des besoins. De la formule gratuite limitée jusqu’à la formule premium à 2 000 euros par an. De leur côté, négociants, courtiers et cavistes bénéficieront d’une information à jour, validée et certifiée. Les acheteurs internationaux, au-delà de ces garanties, ont la possibilité de choisir la langue de leur choix. Pour l’amateur, le Féret reste cette bible d’informations exhaustives, désormais actualisées en temps réel et disponibles gracieusement en quelques clics.

Automatique, instantanée, la magie du digital
Partager en temps réel l’actualité des domaines, c’est aussi un atout majeur du numérique. Le Féret a établi des accords avec les concours nationaux ou internationaux ainsi que des critiques et des guides réputés, de manière à ce que soient ajoutées automatiquement les nouvelles médailles et notes (sous réserve de disposer des droits d’usage) obtenues. Le tout étant systématiquement traduit en huit langues. A cela, s’ajoute l’envoi hebdomadaire des mises à jour aux contacts (particuliers, cavistes, négociants, importateurs, etc.) via un carnet d’adresses personnel et sécurisé. À la pointe de l’actualité, Bordeaux et ses Vins intègre déjà les nouvelles obligations légales relatives à l’affichage des valeurs nutritionnelles. Bref, c’est tout ça le nouveau Féret.

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www.feret.com
Bordeaux et ses Vins
20e édition, parution prévue en 2024, 130 euros.

Disparition de Gilles Descôtes, ancien chef de caves de Bollinger

Présent depuis vingt ans dans la maison emblématique d’Aÿ, Gilles Descôtes fut jusqu’il y a peu son chef de caves, après avoir été directeur du vignoble. Ce dimanche, la maladie l’a emporté beaucoup trop tôt. L’homme a su moderniser, sans le trahir, le style si caractéristique de la maison et a participé avec conviction et précision, à la création de nouvelles cuvées qui ont marqué les esprits et les palais. Son successeur Denis Bunner nous racontait comment le choix d’un vin de pinot noir issu du vignoble de Verzenay qu’avait imaginé Gilles Descôtes s’était imposé comme le concept de la cuvée PN, créé à partir du millésime 2015, à la manière de Gilles, avec conviction, simplicité et gentillesse. À sa famille et à toute l’équipe de Bollinger, nous adressons nos plus sincères condoléances.

Véronique Dausse : « Le sommelier a le don de nous embarquer dans une histoire »

Pour le château Phélan-Ségur, cru incontournable de Saint-Estèphe, défendre l’excellence de la sommellerie française est une obligation morale. En pratique, cela passe par le concours du meilleur sommelier du monde et bien plus. Explications avec sa directrice

Phélan-Ségur apporte son soutien au concours du meilleur sommelier du monde. Pourquoi ?
Pour beaucoup de raisons. Les sommeliers sont la voix de nos vins, ils les transcendent. Nous avons un métier formidable, nous aimons notre terroir et mettons beaucoup de passion dans la création de nos vins. Un jour, ces vins nous échappent. Même si nous allons sur le terrain, à la rencontre des consommateurs, des restaurateurs et des cavistes, ceux qui en parlent le mieux, ce sont les sommeliers. C’est donc logique pour nous de les mettre en avant et d’apporter notre soutien à cette profession si précieuse. J’adore écouter les sommeliers parler de mes vins, même si je ne suis pas toujours d’accord avec ce qu’ils disent. Le sommelier est libre, c’est sa richesse. Il a le don de nous embarquer dans une histoire qui nous donne l’eau à la bouche. Il nous fait rêver. Quand je suis allé à Anvers lors de la dernière édition du concours, j’ai passé quatre jours avec eux et j’ai assisté à quelques épreuves. Ça a changé ma vie. Les sommeliers ont une vision transversale des boissons. Ils doivent tout connaître, c’est impressionnant.

La propriété a une histoire liée à la gastronomie et à la sommellerie.
Nous avons eu beaucoup de chance. J’ai vécu quelques années auprès de Thierry Gardinier. Son cœur est partagé entre la vigne et la gastronomie. Il nous a beaucoup appris sur cet univers, en nous donnant l’opportunité de côtoyer des élèves ou des sommeliers exceptionnels comme Philippe Jamesse ou Antoine Pétrus. Cette culture incroyable nous a ouvert les yeux et nous a appris plein de choses. Je me souviens de Thierry Gardinier lorsqu’il est arrivé à Phélan. La première chose qu’il a faite, c’est d’aller voir le chef. Depuis les années 1980 et grâce à eux, nous avons un chef à demeure.

Ce qui a changé votre manière de faire le vin ?
Le vin, c’est la mise en valeur de notre terroir, avec nos principes et ce qu’on aime, c’est-à-dire l’équilibre. C’est aussi une histoire de goût. Phélan a ce style classique d’équilibre et de finesse qui en fait un compagnon possible pour la gastronomie et vice-versa. Nous avons cherché l’équilibre, en étant hyper attentifs aux extractions, aux élevages, à ne pas avoir un bois prédominant.

Et avec le changement de propriétaire, cette culture-là est restée forte ?
Le nouveau propriétaire, Philippe Van de Vyver, est aussi un hédoniste qui a une passion incommensurable pour les vins de Bordeaux et un amour pour la gastronomie. Mais ce n’est pas un professionnel, ni de la table, ni du vin. Pour lui aussi, conserver un chef à Phélan était une évidence.

Concrètement, en quoi consiste le soutien que vous apportez au concours ?
Les sommeliers du monde sont présents au concours. C’est une opportunité de pouvoir les rencontrer en un seul lieu. L’organisation de ce genre de concours est très coûteuse. C’est la troisième fois que nous apportons un soutien financier et éducatif aux organisateurs. L’édition parisienne du concours a pris une dimension énorme et a besoin d’un financement en conséquence.
En plus du soutien financier, nous recevons des écoles de sommellerie à Phélan. De façon individuelle, avec l’Union des grands crus ou avec le Conseil des vins du Médoc. Nous avons fait beaucoup de choses sur ce sujet. Quand j’entends les étudiants parler de nos vins, je vois qu’ils sont pris par le voyage qu’ils racontent. Nous contribuons, à notre échelle, à leur formation, en leur faisant découvrir nos vins, y compris dans des millésimes anciens pour les aider à approfondir leurs connaissances. Nous apportons aussi notre soutien de manière locale avec la Commanderie de la Gironde puisque nous organisons trois à quatre fois par an « Les lundis de Phélan ». Ce sont des ateliers avec des thématiques différentes (vendanges, primeurs, etc.). C’est une immersion dans le quotidien des vignerons, ce qui permet d’être dans des situations différentes de celle la dégustation et de comprendre le processus de création du vin à des moments particuliers.

Un soutien particulier à Pascaline Lepeltier, la candidate française ?
Nous l’avons reçue pendant trois jours en novembre avec l’Union des grands crus. Elle a pu visiter une vingtaine de châteaux situés sur la Rive gauche et sur Rive droite et déguster les millésimes 2005 et 2015 de chaque propriété. Comme ça faisait longtemps qu’elle n’était pas venue à Bordeaux, elle a pu redécouvrir ce qui s’y passe, voir une viticulture qui bouge. Elle a été enchantée par ce qu’elle a pu voir et par cette nouvelle approche bordelaise. Ce passage lui a aussi permis d’actualiser ses repères sur les vins de notre région. Pascaline est assez incroyable. Elle a une approche du vin rafraîchissante et étonnante tout en ayant des connaissances académiques fortes. C’était un moment particulier. Je serai du 7 au 12 février à Paris pour assister aux différentes épreuves. J’invite l’ensemble des Français à venir assister à la finale le 12 février à La Défense Arena pour soutenir Pascaline.

Photo : Mathieu Garçon