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Et le producteur de l’année est une coopérative

Mercredi dernier à Londres, le traditionnel dîner d’annonce des résultats de l’International Wine & Spirit Competition créée en 1969 a vu le jury décerner le prix du producteur de l’année 2016 à La Chablisienne (French Wine Producer of the Year). Née en 1923, cette coopérative emblématique de l’appellation chablis et productrice d’une trentaine de cuvées réalise ici un beau doublé dans la reconnaissance du « travail minutieux des équipes et vignerons qui font l’excellence et la qualité des vins de La Chablisienne », son œnologue Vincent Bartement ayant été nommé White Winemaker of the Year 2016 en juillet dernier lors d’une autre compétition d’envergure, l’International Wine Challenge.

Le Taittinger, 50 ans de haute gastronomie

C’est dans le magnifique cadre du palais Garnier que s’est déroulée la cinquantième édition du prix culinaire Le Taittinger, une session dédiée au premier de ses récipiendaires, le chef Michel Comby, alors en poste chez Lucas Carton. En 1967, c’est avec son Turbotin soufflé, mousseline de homard que la maison inaugurait le prix culinaire international qu’elle venait de lancer. Cette année, c’est autour de cette recette qu’elle a décidé de fêter les cinquante années d’existence de ce concours saluant l’excellence et un très haut niveau de savoir-faire qui fera bientôt l’objet d’un livre.
 
Placée sous la présidence d’honneur du vainqueur de 1970, Joël Robuchon, cette édition anniversaire avait donc pour thème : « Pour huit personnes, hommage à Michel Comby, premier lauréat du prix culinaire, sur l’esprit d’un Turbot à la Nantua. » Les candidats ont également travaillé sur une recette imposée (Tarte à l’orange). Présidé par Emmanuel Renault, le jury composé de quatorze chefs de renommée internationale* a jugé les prestations de chacun et Amandine Chaignot, chef du Rosewood à Londres et l’une des rares femmes avoir tenté “Le Taittinger”, a remis leurs prix aux lauréats.

Le chef français Julien Richard, premier sous-chef des cuisines de l’Île des Embiez, a été récompensé pour avoir réalisé un plat « à la beauté époustouflante, au goût parfait » qui a suscité les exclamations du jury

Le chef Julien Richard, vainqueur du prix Taittinger 2016. Photo Jean-Baptiste Delerue
Le chef Julien Richard, vainqueur du prix Taittinger 2016. Photo Jean-Baptiste Delerue

Devant un parterre d’invités qui réunissait entre autres trente-cinq des lauréats de ce prix, la médaille du Taittinger a été remise à Julien Richard par Paul Belmondo, petit-fils du sculpteur qui l’a signée il y a cinquante ans de cela. A ses côtés sur le podium, Nicolas Hensinger (Taverne du Mont d’Arbois, Megève) et Kenji Yoshimoto (Hôtel Intercontinental Tokyo Bay). Cet hommage rendu à la gastronomie a été accompagné par des voix d’artistes « choisis avec cœur » qui ont interprété des mélodies d’amour issues des répertoires lyriques et populaires et par des cuvées de Comtes de Champagne blanc de blancs et rosé millésimées 2006, année du rachat de la maison Taittinger par Pierre-Emmanuel Taittinger.

* Jean-Paul Bostoen, Auberge de l’Ill (Alsace) ; Gérard Boyer, ancien chef du restaurant Les Crayères (Reims) ; Michel Comby, premier lauréat du prix culinaire international Taittinger ; Stéphane Décotterd, Le Pont de Brent (Suisse) ; Guillaume Gomez, chef de l’Elysée ; Hiroshi Hojita, Mange Tout (Tokyo) ; Arnaud Lallement, L’Assiette Champenoise (Reims) ; Stéphanie Le Quellec, Prince de Galles (Paris) ; Christian Le Squer, Georges V (Paris) ; Régis Marcon, restaurant Régis & Jacques Marcon (Saint-Bonnet-le-Froid) ; Pierre Résimont, L’Eau Vive (Belgique) ; Michel Roth, Président Wilson (Genève) ; Michel Roux, Gavroche (Londres) ; Ulf Wagner, Sjömagasinet (Suède).

Hospices de Beaune, les 47 cuvées


Les pièces de vin issues de la récolte 2016 du domaine des Hospices de Beaune seront traditionnellement mises aux enchères ce dimanche et, comme chaque année depuis 1945, le fruit de la vente de la “pièce du président” sera reversée à des œuvres caritatives.



C’est sous le marteau de la maison Christie’s et sous la présidence de Madame Virginie Ledoyen, Madame Khatia Buniatishvili, Madame Valérie Bonneton et Monsieur Claude Lelouch que seront dispersées les cuvées listées ci-dessous, issues d’un millésime compliqué dont la conséquence est un très faible volume de récolte. Pour la seconde année consécutive, un seul chablis sera proposé (le premier cru “Côte de Léchet” – Cuvée Jean-Marc Brocard) et ce en très petite quantité : 342 litres, soit l’équivalent de 450 bouteilles. Julien Brocard explique que « ce très faible volume, qui constitue un record historique, est le reflet de la dure réalité du millésime 2016 sur Chablis. Dans le passé, d’autres millésimes sur d’autres appellations bourguignonnes ont marqué l’histoire de la vente des Hospices de Beaune. Mais on retiendra sans doute que cette année, Chablis a été cruellement meurtri dans sa chair. La nature est ainsi, mais nous nous en serions bien passé. »

Le consultant du département vin de Christie’s et Master of Wine Jasper Morris, précise que la cuvée de pouilly-fuissé des Hospices a été épargnée. « La grêle s’est abattue dans le Mâconnais, ainsi qu’à Chablis, la Côte d’Or a cependant largement été épargnée par ce fléau. Pourtant, la matinée du 27 avril a changé la donne. Une nuit sans nuages a fait chuter la température en dessous de zéro, pas de beaucoup, mais assez pour avoir l’effet d’un vrai gel hivernal plutôt qu’une petite gelée de printemps. Une grande partie du vignoble a été affectée, dont beaucoup de vignes dans la prestigieuse côte de Nuits. Mais c’est la côte de Beaune qui a subi le pire , principalement Savigny-lès-Beaune et une partie de Pommard, Beaune et Meursault. » Nous avons reproduit ici dans son intégralité l’histoire de ce millésime 2016 racontée par Ludivine Griveau, régisseuse du domaine des Hospices depuis janvier 2015.

Les 32 cuvées de vin rouge :

Auxey-duresses 1er cru “Les Duresses” – Cuvée Boillot

Beaune 1er cru – Cuvée Brunet
Beaune 1er cru – Clos des Avaux
Beaune 1er cru – Cuvée Cyrot Chaudron

Beaune 1er cru – Cuvée Dames Hospitalières
Beaune 1er cru – Cuvée Guigone de Salins
Beaune 1er cru – Cuvée Hugues et Louis Bétault
Beaune 1er cru – Cuvée Maurice Drouhin 

Beaune 1er cru – Cuvée Nicolas Rolin

Beaune 1er cru – Cuvée Rousseau Deslandes
Beaune 1er cru “Les Grèves” – Cuvée Pierre FLoquet
Clos-de-la-roche grand cru – Cuvée Cyrot Chaudron

Clos-de-la-roche grand cru – Cuvée Georges Kritter
Corton grand cru – Cuvée Charlotte Dumay
Corton grand cru “Clos du Roi”- Cuvée Baronne du Bay
Corton grand cru – Cuvée Cuvée Docteur Peste
Echezeaux grand cru – Cuvée Jean-Luc Bissey

Mazis-chambertin grand cru – Cuvée Madeleine Collignon

Monthélie 1er cru “Les Duresses” – Cuvée Lebelin
Pernand-vergelesses 1er cru “Les Vergelesses” – Cuvée Rameau Lamarosse
Pommard – Cuvée Billardet
Pommard 1er cru – Cuvée Dames de la Charité
Pommard – Cuvée Raymond Cyrot

Pommard – Cuvée Suzanne Chaudron
Pommard 1er cru “Les Epenots” – Cuvée Dom Gobelet
Santenay – Cuvée Christine Friedberg
Savigny-lès-beaune 1er cru “Les Vergelesses” – Cuvée Forneret
Savigny-lès-beaune 1er cru – Cuvée Fouquerand
Volnay 1er cru – Cuvée Blondeau
Volnay 1er cru- Cuvée Général Muteau
Volnay 1er cru “Les Santenots” – Cuvée Gauvain
Volnay 1er cru “Les Santenots” – Cuvée Jehan de Massol

Les 15 cuvées de vin blanc :
Bâtard-montrachet grand cru – Cuvée Dames de Flandres

Beaune 1er cru “Les Montrevenots” – Cuvée Suzanne et Raymond
Chablis 1er cru “Côte de Léchet”- Cuvée Jean-Marc Brocard
Corton grand cru – Cuvée Docteur Peste
Corton-charlemagne grand cru – Cuvée François de Salins
Corton-charlemagne grand cru – Cuvée du Roi Soleil
Corton grand cru “Les Vergennes” – Cuvée Paul Chanson
Meursault 1er cru “ Les Charmes”- Cuvée Albert Griveau
Meursault 1er cru “Les Charmes” – Cuvée De Bahèzre de Lanlay
Meursault 1er cru “Les Genevrières” – Cuvée Baudot
Meursault 1er cru “Les Genevrières” – Cuvée Philippe Le Bon
Meursault 1er cru “Les Porusots” – Cuvée Jehan Humblot
Meursault – Cuvée Loppin
Pouilly-fuissé – Cuvée Françoise Poisard
Saint-romain – Cuvée Joseph Menault

Enfin, la pièce du président de cette 156e vente des Hospices de Beaune (à laquelle on pourra assister en direct sur France 3 Bourgogne via ce lien) est un assemblage unique des parcelles de l’appellation corton grand cru “Les Bressandes” de la Cuvée Charlotte Dumay, dont les « magnifiques raisins » ont été vinifiés à part. Il sera vendu au profit des deux associations retenues cette année : la Fondation Cœur & Recherche, soutien de la recherche cardiovasculaire et la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer.

Domaine des Hospices de Beaune, le millésime 2016


Pour se faire une idée juste de ce qui sera proposé aux enchères à Beaune ce dimanche (et aussi de ce qu’est la vie d’un vigneron), voici l’histoire de cette année 2016 racontée par Ludivine Griveau, en charge depuis janvier 2015 des 60 hectares du domaine des Hospices, dont 50 hectares sont consacrés au pinot et 10 au chardonnay et dont 85 % des vignes sont en premier ou en grand cru. Le titre de ce texte est Un millésime “bien dans ses peaux”.

La météo

L’hiver 2015-2016 en Bourgogne a été plutôt doux avec des températures majoritairement au-dessus des moyennes de saison. Les températures sont douces, à tel point qu’on a, ici ou là, des amandiers en fleurs fin février. Le printemps est long à s’installer, malgré un début du mois de mars assez clément. Le manque de froid n’est pas en lien avec les pluies qui sont souvent intenses, fréquentes et de courte durée. La suite du printemps ne remontera pas la moyenne. Avril est plus froid et moins ensoleillé, jusqu’au 27 : épisode de gelée sans précédent qui touche quasiment toute la Bourgogne. A cette date, le paysage commençait tout juste à changer et certaines feuilles étaient déjà bien étalées. Les “saints de glace” sont alors attendus et redoutés. Finalement, les températures remontent significativement courant mai et la pluviométrie avec. Entre avril et fin juin, les excédents de pluie frôlent les 90 % et les ensoleillements sont déficitaires sur tout le paysage bourguignon.

Le Mâconnais subit la grêle à deux reprises. Chablis n’est pas épargné plus tard en saison. A ce stade de l’année, le niveau d’avancée de 2016 se situe dans la moyenne plutôt « tardive » de ces 10 dernières années. La végétation a connu un développement totalement irrégulier durant les premières semaines de mai et juin : la pousse était très variable d’une vigne à l’autre selon l’intensité avec laquelle le gel avait frappé. Les quantités de fruits sont incertaines et la météo sur la fleur sera décisive. Il faut attendre juillet pour que l’été arrive et s’installe, sous un soleil radieux. Les températures estivales seront supérieures à la moyenne de saison. Et la vigne témoigne encore d’une résistance incroyable… Comme en 2015, durant les mois d’été, la pluie n’est pas tombée très souvent, et parfois même seulement quelques millimètres. La Bourgogne se réjouit ainsi de revivre un été chaud et ensoleillé car il faut admettre que le printemps assez « chaotique » a marqué les esprits.

Août a été dans la moyenne avec peu de précipitations et qui sont arrivées au bon moment pour les besoins de la vigne. Septembre est dans la lignée de cet été chaud et voit lui aussi sa moyenne à 2°C au-delà des normales de saison. Chaque millésime portant sa propre histoire, les décisions de dates de récolte s’annoncent difficiles et décisives. C’est hétérogène d’une vigne à l’autre, les habitudes sont bousculées quant aux ordres de récolte connus jusqu’alors, le pinot noir galope alors que le chardonnay se dore lentement… Plus que jamais, les contrôles de maturité et la dégustation des baies sont indispensables. Nous avons fait le choix de les mener sur l’intégralité du domaine, 117 parcelles. Tout début septembre, nous débutons nos contrôles de maturité, la récolte est saine, les chardonnays semblent un peu en retard sur le pinot noir, ce qui mérite d’être souligné.

L’état sanitaire est vraiment superbe, la météo annoncée plus que clémente, nous avons le temps de récolter des raisins à parfaite maturité. C’est le 19 septembre pour notre pouilly-fuissé et le 20 septembre en Côte de Beaune, que nous avons récolté nos premiers raisins de pinot noir. Dans le même temps, les contrôles de maturité sur les chardonnays continuent. Les tous premiers arriveront en cuverie le 26 septembre. Tous les raisins, ont bien entendu été passés sur table de tri. Nous avons pu constater que la récolte était un peu plus abondante que prévu (sauf secteurs gelés). Autre fait marquant, ce que la dégustation des baies de pinot noir et des pellicules nous laissaient entrevoir s’est confirmé : les raisins sont extrêmement savoureux, les tanins des pellicules sont souples et agréables, la couleur semble bien s’extraire. C’est donc avec un millésime bien « dans ses peaux » que nos vinifications ont débuté tambour battant !

Le cycle végétatif

Les premières pointes vertes s’observent dans la première décade d’avril. Le gel du 27 avril ralentit, voire bloque, la pousse pendant parfois de nombreuses semaines. La vigne doit se remettre tout doucement. Le temps fait son oeuvre… Mi-mai, la végétation reprend irrégulièrement son cycle végétatif. Ainsi, vers le 15 de belles feuilles étalées (ré) apparaissent. La grande irrégularité des températures de mai et juin va engendrer une floraison irrégulière d’un secteur à l’autre, mais les plages de beau temps sont au bon moment pour que la fleur se passe en 8 à 10 jours. Sur les secteurs gelés, nous sommes prudents sur les ébourgeonnages/dédoublages car déjà, la sortie de fruit en elle-même semble peu abondante. Les vignes non gelées en revanche révèlent une belle sortie de fruits donc elles sont conduites comme à notre habitude : avec dédoublage et ébourgeonnage préalables. Il faut attendre mi-juillet pour la fermeture de la grappe. Comme l’an passé, les journées sont chaudes et sèches, il y a du vent, les décisions d’effeuillage sont donc prises avec parcimonie.

On note en effet des zones de grillure sans même avoir ôté une feuille. Nous en connaitrons tout de même un peu mais bien moins que ce que nous aurions pu craindre. La vigne résiste de façon incroyable. Au niveau de la pression des maladies cryptogamiques, c’est le mildiou qui a donné le plus de fil à retordre cette année, la pression est dite « historique ». La météo et les observations parcellaires nous guident dans les décisions des cadences de traitement. Les fortes pluies ne nous facilitent pas la tâche car il est parfois difficile de rentrer dans les parcelles. Les choses s’arrangent dès juillet, pari gagné, nous n’avons pas eu de mildiou sur grappes. Le feuillage, bien sain, aura alors permis une photosynthèse intense et régulière aussi bien sur le pinot noir que sur le chardonnay, permettant aux duex cépages de gagner en maturité et en concentration de façon importante. Ainsi, le stade 100 % véraison est atteint début septembre. L’état du feuillage est excellent. Aucune parcelle n’a « décroché », et la fin de la maturation peut s’envisager sereinement.

Les vins


Les blancs : 
A ce stade, nous avons des vins savoureux, aux arômes de fruits blancs. Ils fermentent encore aux gré des levures naturelles. Ils sont toniques et les acidités sont restées naturelles. Les terroirs semblent bien respectés.

Les rouges : 
Les robes sont plutôt profondes, et aux belles nuances pourpres. Le niveau d’acidité est satisfaisant et celui des tannins très soyeux avec beaucoup de rondeur. Ainsi, la macération a été conduite de façon à extraire en douceur les tannins tout en respectant la richesse du fruité. En ce début d’élevage, on retrouve beaucoup d’arômes intenses de fruits rouges frais (fraise, mûre, framboise) et des tannins présents que l’élevage en fût contribuera à rehausser.

Ce sont ces vins, 47 cuvées au total, qui seront proposées aux enchères ce 20 novembre par la maison Christie’s lors de la traditionnelle vente des vins des Hospices de Beaune, la 156e du genre. La récolte 2016 permet aux Hospices de proposer 596 pièces (tonneau de 228 litres), dont 126 pièces de vin blanc et 470 pièces de vin rouge. Toutes les cuvées sont le résultat de l’assemblage de différents climats, « ce qui contribue à créer l’originalité des vins du domaine viticole des Hospices » et chaque cuvée porte le nom d’un bienfaiteur des Hospices ou du donateur historique de la vigne. Plus de renseignements ici.

Louis XIII, roi des enchères

Célèbre assemblage de la maison Rémy Martin, qui contient jusqu’à 1 200 eaux-de vie (la plus jeune d’entre elles ayant au minimum 40 ans d’âge) et témoigne du travail sur 100 ans de quatre générations de maîtres de chai, le cognac Louis XIII a fait l’objet d’éditions exclusives créées par les maisons Hermès, Puiforcat et Saint-Louis. Chacune de ces carafes de collection a été successivement mise aux enchères par la maison Sotheby’s, à New York, à Hong Kong et à Londres, dans le but de récolter des fonds pour la fondation dédiée à la restauration et à la préservation du patrimoine cinématographique mondial créée par Martin Scorsese. Un choix que Ludovic du Plessis, le directeur de Louis XIII à l’international, définit comme un soutien à « l’expertise nécessaire à la création d’un chef d’œuvre et à la préservation du savoir-faire à travers les siècles. »

En septembre, l’édition américaine a généré un record d’adjudication pour une carafe Louis XIII, record surpassé dès le mois suivant lors de la vente qui s’est tenue à Hong Kong. Ultime étape de cette odyssée, la vacation londonienne qui a eu lieu hier s’est conclue sur un résultat de 235 000 dollars pour la dernière de ces créations (photo). Au total, ces trois carafes d’exception ont permis de récolter 558 000 dollars. Un succès que Martin Scorsese a ainsi salué : « Louis XIII et The Film Foundation œuvrent pour la préservation d’un héritage culturel qui rend hommage au passé tout en assurant la survie de leur art dans le futur. Le travail de la fondation a permis de restaurer plus de 700 films, certains remontant aux années 1880, soit plus de 100 ans de cinéma. Nous remercions Louis XIII pour ce partenariat, sa générosité et son soutien sans faille. »

Photo ci-dessus, Daniel Serrette.

Le nouveau beaujolais nouveau

Depuis l’invention sidérante du beaujolais nouveau, tout et son contraire a été produit et distribué. D’un vin de soif gouleyant, sympa, voire indispensable dans une vie d’amateur, on est passé à de drôles de boissons qui ne plaisaient à personne, mais se vendaient très bien à travers le monde entier, Japon et USA en tête. Mais le beaujolais, fût-il nouveau, n’échappe pas au cercle vertueux d’amélioration de la qualité de tous les vins en France. Le nouveau beaujolais nouveau est bon, cette année. Comme l’année dernière, d’ailleurs, mais mieux.

De fins stratèges se voyaient bien tuer le beaujolais nouveau pour garantir la survie des dix crus (morgon, fleurie, moulin-à-vent, etc.). Quelle erreur. La marque « Beaujolais » ne peut pas imaginer se passer d’un tel atout : un rendez-vous mondial à date fixe avec sa clientèle et, par extension, un mois de novembre tout entier consacré au beaujolais dans presque tous les pays du monde. La renaissance des vins des monts du Beaujolais concerne aussi le « nouveau », comme on dit là-bas.

Ce soir, réservons lui l’accueil qu’il mérite.

Le nouveau chez Legrand Filles et Fils

Deux traditions se rencontrent aujourd’hui chez l’historique caviste parisien de la rue de la Banque (Paris 2e). Celle de la découverte, en ce troisième jeudi de novembre, des vins primeurs issus du vignoble du Beaujolais (plus précisément des AOC beaujolais et beaujolais-villages, tout est expliqué ) et celle de la musique, régulièrement conviée en ces lieux le jeudi (le mardi étant réservé aux soirées dégustations et le lundi, à la pédagogie autour du vin).

Comme l’année dernière, c’est le chanteur et guitariste Balthaze qui accompagnera la présentation du beaujolais primeur 2016 proposé par la maison, un vin issu du domaine du Vissoux mené par Martine et Pierre-Marie Chermette (l’histoire de cette longue collaboration est racontée ). On pourra le découvrir dès le déjeuner avec un bœuf bourguignon (21 euros le plat + un verre de vin), le déguster à la cave jusqu’à 19 h 30 et, évidemment, l’acheter (9,50 euros la bouteille, 54 euros les six).

Au-delà de cette festive journée consacrée à son vin nouveau, l’amateur pourra en apprendre plus sur le vignoble du Beaujolais et sur les dix « crus de caractère » qui le caractérisent par ailleurs en assistant lundi prochain à la session de l’école du vin Legrand qui lui sera consacrée (60 euros par personne, plus de renseignements et inscription ici).

Œuvres contemporaines

L’artiste Philippe Pasqua et le vigneron Alexandre de Malet Roquefort signent à quatre mains à l’intention des grands amateurs une série d’éditions numérotées baptisée L’éternelle création qui mêle des œuvres d’art inédites et des vins des châteaux La Gaffelière (premier grand cru classé de Saint-Emilion) et La Connivence (Pomerol). Parce que « l’oeuvre de Philippe Pasqua est puissante et naturelle, si proche des vins fins et racés que nous aimons », Alexandre de Malet Roquefort est allé à la rencontre de l’artiste en 2015, en quête de « quelque chose d’extraordinaire. » Si une œuvre in situ est prévue pour l’automne 2017, les premiers fruits de cette collaboration qui incarne l’entrée dans le XXIe siècle des domaines Malet Roquefort sont visibles ci-dessus et dessous. « Sans rien dévoiler encore, nous avons voulu partager les débuts de cette aventure avec les amateurs de grands crus et les collectionneurs d’art contemporain en associant une photographie, un dessin ou une sculpture de Philippe Pasqua à plusieurs de nos grands millésimes. »

L’éternelle création, édition or.
Caisse en bois numérotée (20 exemplaires) contenant une sculpture en bronze signée Philippe Pasqua, Vanité, quatre impériales dans leurs caisses d’origine (Château La Gaffelière 2010 et 2014, Château La Connivence 2014 et La Belle Connivence 2014) et quatre caisses de six bouteilles (Château La Gaffelière 2000 et 2009 et Château La Connivence 2010 et 2011). 48 000 euros

L’éternelle création, édition argent.
Caisse-écrin en bois numérotée (50 exemplaires) contenant un dessin original signé Philippe Pasqua, deux double-magnums dans leurs caisses d’origine (Château La Gaffelière 2014, La Belle Connivence 2014), trois magnums (Château La Connivence 2009, 2010 et 2011) et quatre caisses de six bouteilles (Château La Gaffelière 1996, 1999 et 2009 et 2010). 16 000 euros

L’éternelle création, édition bronze.
Caisse-écrin en bois numérotée (200 exemplaires) contenant une photographie inédite signée Philippe Pasqua, un jéoroboam dans sa caisse d’origine (La Belle Connivence 2014), trois magnums (Château La Gaffelière 2010) et deux caisses de six bouteilles (Château La Gaffelière 2009 et 2010 et Château La Connivence 2009, 2010 et 2011). 8 000 euros

L’Eternelle création, édition argent.
L’Eternelle création, édition argent.
L’Eternelle création, édition bronze.
L’Eternelle création, édition bronze.

Château du Moulin-à-Vent, le millésime 2016

A la veille de la festive journée consacrée à la sortie du “nouveau”, vin primeur issu des AOC beaujolais et beaujolais-villages à propos duquel on pourra se faire une idée juste en cliquant , voici le compte-rendu du millésime dans une propriété phare de ce vignoble également caractérisé par dix autres appellations, saint-amour, juliénas, chénas, fleurie, régnié, chiroubles, morgon, brouilly, côte-de-brouilly et enfin moulin-à-vent, cru au cœur duquel se situe le château du même nom.

La météo : un printemps compliqué sauvé par une arrière-saison idéale
« Avec un printemps humide et frais, la surface foliaire est dense, avec beaucoup de végétation qui amène la vigne plus haut que la moyenne. Le palissage prend cette année tout son sens, afin de mieux exposer les feuilles au soleil, qui se fait rare, et au vent pour sécher. La fleur est tardive, longue, et subit la grêle. Jusqu’à fin juillet, les rosées matinales maintiennent le niveau d’humidité du vignoble. A partir d’août, le sec et la chaleur sont au rendez-vous : le vent reprend ses droits et assèche les grappes. A date de vendanges au 20 septembre, les raisins sont dans un état sanitaire optimal, avec une belle maturité acquise grâce au soleil et aux quelques pluies opportunes de septembre. »

La récolte : vendanges traditionnelles et rendement assez faible
Les trente hectares du domaine ont été vendangés sur six jours par quatre-vingt saisonniers, manuellement, afin de préserver la peau fragile du gamay. Le rendement moyen de la récolte des raisins des terroirs La Rochelle (les 20 et 22 septembre), Champ de Cour (les 20 et 21) , Les Thorins (le 21), Aux Caves (les 22 et 23), Les Maisonneuves (les 23 et 24), Clos de Londres (le 24) et Les Vérillats (le 26) est de 30 hectolitres par hectare, un chiffre faible en regard des 52 hectolitres autorisés dans l’appellation, mais cependant supérieur à celui obtenu lors des vendanges de 2009, 2010, 2012, 2013, 2014 et 2015. 


Les vins : grappes entières et identité marquée des terroirs
Particularité de ce millésime 2016, année humide très bénéfique à la partie végétale de la vigne et dont la chaleur de fin d’été a permis la surmaturation des rafles qui apportent tannins et équilibre aux vins, plus de 30 % de la vendange a été vinifiée en grappes entières (contre 15 % l’année dernière). L’extraction s’est faite à basse température, sur des périodes de cuvaison longues d’au minimum 20 jours. Les vins devraient être élevés à 70 % en cuve et 30 % en fûts. « Au moment des pressurages, les vins sont fins, équilibrés, et très aromatiques. On ressent d’ores et déjà l’expression d’une identité marquée des terroirs, due aux conditions climatiques extrêmes du début du printemps pour la vigne. »

moulinavent2016

Images : ©Château du Moulin-à-Vent

Cabernet-sauvignon : dix chefs d’œuvre éternels

1928 dans le médoc, 2007 en californie, Michel bettane a joué la fourchette large pour nous donner son top 10 des grands cabernet-sauvignon. Il admet avoir oublié quelques vins.

Château Latour, pauillac 1961

Ce millésime est une légende à Latour ou ailleurs en Médoc, car une toute petite récolte due à un terrible gel tardif a concentré les raisins comme jamais depuis. Mais, pour l’avoir goûté plus souvent que je ne l’aurais voulu (pour conserver une mémoire de l’exceptionnel), je peux affirmer qu’il varie hélas trop de bouteille à bouteille et que ce n’est pas au château qu’il s’est montré le plus mémorable. Sans doute mis en bouteilles par petits lots de barrique, il m’est vraiment apparu incomparable en Médoc, dans un lot ayant appartenu à un ancien directeur du château, avec une intensité de constitution, une noblesse et une pureté aromatique qui défient tout commentaire. Il y a, en plus des arômes truffés, cassissés et épicés classiques des très grands vieux cabernets, une sorte de minéralité ferreuse (je n’ai pas d’autres mots pour la qualifier) qui lui donne une tension comme aucune autre dans ma mémoire de dégustateur. Il semble bâti pour l’éternité.

Château Léoville Las Cases, saint-julien 1982

Le millésime, très abondant et moins sélectionné qu’il ne le serait aujourd’hui, n’est pas du type imposant par son corps ou son charnu de texture. C’est sa souplesse, son harmonie, son incroyable finesse pure qui lui donnent un côté irremplaçable. Elles rappellent que le cépage n’a pas besoin d’une forte extraction quand il est parfaitement mûr pour donner son maximum. Emile Peynaud, qui conseillait la propriété, m’a rappelé qu’il fallait décuver assez vite les premières cuves pour pouvoir vinifier le reste de l’importante vendange, le volume du cuvier étant moins important qu’aujourd’hui. Et Michel Delon, qui voyait son véritable premier grand millésime, a su très habilement autoriser un assemblage mariant admirablement vin de presse et vin de goutte. Nous avons ici des flaveurs de cèdre, d’épices douces, de tabac blond, mais aussi de cuir fin et de réglisse qui incarnent une certaine perfection du saint-julien. Dans d’autres millésimes, le cru flirtera avec le type pauillac avant de revenir plus régulièrement à la finesse native des raisins du Grand Enclos.

Château Margaux, margaux 1953

Il arrive que certaines bouteilles n’aient plus la pureté aromatique qui caractérise ce millésime de légende du château. J’ai eu la chance de le déguster à son meilleur et de ne pouvoir que confirmer tout ce qu’on a dit sur le légendaire parfum de rose ancienne du cru (qui, d’une certaine façon, le rattache aux plus grands pinots noirs de côte de Nuits) et surtout l’incroyable fraîcheur aromatique qui, succédant au bouquet noblement complexe, fait revenir en bouche des nuances mentholées venus du tréfonds du tannin. Autre sujet d’admiration et d’éducation, la faible teneur en alcool (non indiquée mais sans doute égale ou inférieure à 12°) qui ne donne aucun sentiment de légèreté mais équilibre à merveille une acidité sans doute un peu supérieure à celle que nous connaissons aujourd’hui. Enfin, rappelons que ce vin s’est vite ouvert et qu’il faisait bien avant d’atteindre ses dix ans l’admiration de tous les courtiers de Bordeaux. Et aucun ne liait à l’époque ouverture précoce et vieillissement précoce.

Château Mouton-Rothschild, pauillac 1949

Il est de notoriété publique que la période 1945-1959 a été particulièrement faste à Mouton, avec des productions de volumes mesurés de vins d’une exceptionnelle volupté de texture dans le contexte des vinifications de l’époque. 1945 et 1947 sont devenus des légendes et ont fait un peu d’ombre au 1949. Pourtant ce 1949 était le millésime préféré de Philippe de Rothschild et des frères Blondin. J’ai eu la chance de le vérifier deux fois au cours de dégustations comparatives où figuraient, outre les 1945 et 1947, les 1928, 1929, 1934, 1937 et le sublime 1953. à chaque fois, le 1949 incarnait à son maximum d’intensité, de beauté aromatique et de charme de texture ce que ce cru a de plus original et qu’on pourrait qualifier de vin ayant le génie aromatique du cabernet-sauvignon et le velouté dans les sensations tactiles du plus grand merlot. Et je ne crois à aucun secret de vinification, comme de bonnes âmes me l’ont susurré, car dans les derniers millésimes ce cru retrouve la même combinaison magique que ce 1949.

Château Palmer, margaux 1928

Vous allez me dire :  « cabernet-sauvignon, le palmer 1928 ? Et ses fameux merlots et petits verdots ? » Et bien, il semble qu’en 1928 il y en avait moins. On sait que c’est la famille Miailhe qui aimait les merlots et les a replantés en masse, sans doute progressivement après 1945. En 1928, on devait être plus proche de l’encépagement classique de Margaux avec au moins 70 % de cabernet. Mais ce qu’il y a de sûr, c’est que, même face au mythique 1961, le 1928 nous fait monter deux crans. D’abord en conservant une énergie et une tension que le 1961, plus crémeux, n’a plus. Mais aussi par une noblesse aromatique dans le registre cèdre et tabac qui pourrait le faire prendre pour un saint-julien. Il y a dans ce vin (dans les mises de la maison Nicolas) et, particulièrement, dans la bouteille ouverte au château par Thomas Duroux, provenant d’un achat d’une cave du nord de l’Angleterre, une majesté vraiment inouïe qu’on aimerait que d’autres amateurs aient pu éprouver avant de pontifier, parfois, sur le manque de “terroir” des vins de Bordeaux.

Diamond Creek Vineyards, Napa Valley, Volcanic Hill 1978

Peu de grands vinificateurs californiens ont été aussi victimes du manque de culture et de vision de la critique américaine qu’Al Brounstein, l’un des rares êtres humains à pouvoir se vanter d’avoir découvert et mis en valeur un terroir de cabernet-sauvignon digne des plus grands crus médocains. Sur un des flancs les plus accidentés des Diamond Mountains, au nord de Calistoga, il a accompli un rare sans-faute en plantant le meilleur matériel végétal possible (des plants médocains importés rocambolesquement, en toute illégalité, au risque de subir la prison), sur le meilleur porte greffe (Saint-Georges, insensible aux morsures du phylloxera). Il a su rapidement comprendre et faire s’exprimer quatre terroirs très proches et pourtant si différents par le sol et le micro climat, Volcanic Hill, le plus pentu, Gravelly  Meadow, le plus lisse, Red Rock Terrace, le plus chaud, et Lake, minuscule, tardif, mais génial quand le raisin mûrit. Leur caractère, leur race, leur étonnante longévité ont fait, outre mon affection pour l’homme, mon admiration pendant vingt ans. Depuis sa disparition, sa veuve Boots a maintenu intact le flambeau et je pense aux merveilleux moments passés en leur compagnie en me souvenant de cet extraordinaire 1978, au somptueux bouquet de cèdre et de tabac, digne du plus grand pauillac avec la rudesse civilisée qui a marqué les latours d’avant 1945 et que ne connaissent plus nos vins trop policés.

Heitz Cellar, Napa Valley, Martha’s Vineyard 1974

Pendant toute la décennie 1970, ce vin qui porte le nom de la propriétaire de la vigne, Martha May, fut considéré comme le plus remarquable cabernet de Californie. Un terroir de piémont des plus classiques d’Oakville, une viticulture impeccable, mais plus encore le côté visionnaire du vinificateur, Jo Heitz, ont donné naissance pendant plus de dix millésimes à un sublime concentré d’odeurs et de flaveurs californiennes, dont le mythique goût de menthe et d’eucalyptus qui le faisait reconnaître entre tous. Le 1974 associait le corps le plus harmonieux à cette signature gustative, avec une longueur qui laissait loin derrière les maigres vins que le cœur du Médoc produisait dans les mêmes millésimes, victime d’excès de production, de confiance en soi et d’indulgence ignorante du public et des professionnels. On connait d’ailleurs la conséquence, le fameux jugement de Paris de 1976 et nos meilleurs bordeaux écrasés par quelques nouveaux venus d’une contrée de sauvages. J’ai eu la chance de déguster trois fois ce 1974 à la fin des années 1980, dont une en compagnie de Jo, et depuis, quelle que soit l’évolution du climat, des modes et des exigences du marché, je sais grâce à lui qu’il y a de très grands terroirs en Californie.

Leonetti Cellars, Cabernet-Sauvignon 1998 et 2007

Certains des plus grands terroirs du monde en matière de cabernet et des plus méconnus par l’Europe se trouvent au nord de la Californie, dans l’état de Washington et dans les vallées de la Columbia et de Walla Walla. Au cœur de Walla Walla, Gary et Nancy Figgins avaient créé une petite winery modèle dont les vins et, en particulier, le 1998 (où avaient été assemblés des raisins de la Columbia Valley), m’avaient ébloui par leur précision, leur complexité et une authenticité qui commençaient à disparaître de la Californie à cause de goûts sucrailleux et cuits formatés par le Wine Spectator. J’ai retrouvé dans le 2007, cette fois-ci intégralement produit à partir des vignes de Walla Walla par leurs enfants Amy et Chris, la même beauté et pureté de style, avec une densité, un relief, une persistance aromatique que l’on ne peut soupçonner si on ne les a pas dégustés. Il y a ici un sens du génie du cabernet fondé sur sa capacité à prendre sa tension dans le sol, mais son énergie et ses parfums complexes, mais non fruités, dans la lumière du jour et, paradoxalement, dans la fraîcheur du repos nocturne. Du grand vin d’artisan, artiste et sincère, comme chez Diamond Creek.

Château Souverain, Napa Valley, Howell Mountains 1964

Lors de ma première visite en Californie, en 1982, le vin le plus spectaculaire que j’ai eu la chance de déguster, et qu’en aucune façon je n’aurais pu ni su distinguer d’un grand bordeaux, fut le millésime 1964 de Château Souverain, avec un corps et un parfum qui me rappelaient étrangement les plus grands graves et en particulier domaine-de-chevalier 1928. La propriété n’existait déjà plus sous la même forme, mais j’avais appris qu’en 1958 le créateur visionnaire de cette winery, Lee Stewart, avait engagé Mike Grgich, un émigré croate devenu ensuite sorcier de plusieurs vins légendaires californiens, comme Montelena, vainqueur du Jugement de Paris, ou les chardonnays de la winery portant son nom. Mais, si ma mémoire ne me trompe pas, en 1964, c’est une autre légende du vin californien, Warren Winiarsky, émigré polonais cette fois, docteur en philosophie politique, mais lui préférant la nature californienne, qui a cultivé le sol des quatre vignobles de cet assemblage, taillé la vigne et largement contribué à vinifier le raisin. Quand on sait ce qu’il accomplira huit ans plus tard à Stags’Leap, en créant la mythique cuvée Cask 23, on se doute a posteriori qu’il avait déjà le don du vin hautement civilisé et harmonieux, dont la Californie actuelle a un peu perdu la notion.

Tenuta San Guido, Sassicaia Bolgheri 1985

Malgré de forts bons vins, je n’ai jamais trouvé en Afrique du Sud ou en Australie des produits aussi accomplis que les quelques vins californiens déjà cités et la petite dizaine d’autres qui mériteraient de l’être, notamment des Monte Bello légendaires de Paul Draper. Seuls quelques millésimes de Sassicaia (il y a aussi, inexplicablement, des années creuses et sans intérêt particulier) m’ont donné le même type de frisson. On connait le pari fou et visionnaire de Mario Incisa Della Rochetta, cousin des Antinori, de faire appel à un cépage étranger, mais dont il admirait la qualité, pour mettre en valeur un étonnant terroir de Piémont dont il possédait, et de loin, les sols les plus propices à une grande viticulture. L’influence maritime n’y était pas pour rien, qui permet le type de lente maturation finale qui convient mieux au cabernet qu’au san giovese. Depuis sa naissance, le 1985 m’a toujours bluffé avec ses notes délicatement fumées qui évoquent évidemment Haut-Brion, mais avec un corps moins charnu, plus droit, avec plus d’assiette immédiate  pour reprendre un terme que le marquis, grand connaisseur et éleveur de chevaux ne renierait pas. Ce type de vin a créé la légende, pourvu qu’elle dure.