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Adieu Christine

Christine Pariente-Valette vient de nous quitter après une longue lutte contre une maladie injuste et sans merci. Elle avait porté sa propriété, le château Troplong-Mondot à Saint- Émilion, au plus haut sommet de qualité et ses efforts avaient été récompensés par la promotion de son vin au rang de premier grand cru classé. A son mari Xavier, à ses proches qui l’ont tant aidé dans la direction de son cru et qui l’ont entourée de leur affection pendant toutes ces dernières années nous transmettons nos plus vives condoléances.

Michel Bettane pour toute l’équipe de bettane+desseauve.

Photo : Christine Valette, radieuse au milieu de son équipe, pendant les difficiles vendanges de 1992.
© Fabrice Leseigneur

Michel Bettane en direct de la Semaine des primeurs à Bordeaux

Première journée à Sauternes

« La dégustation a été très difficile à Sauternes avec une évolution des vins très différente selon les propriétés et des échantillons parfois mal préparés. Le millésime a été très dur à goûter en primeurs, bravo à ceux qui auront réussi à attribuer facilement des notes. Moi, j’ai eu beaucoup de mal.

Yquem se démarque très nettement. Très subtil et racé, c’est sans nul doute le meilleur vin du millésime à Sauternes.

D’une façon plus générale, 2013 fera oublier les mauvais souvenirs de 2012 et ce qui est certain, c’est qu’en 2013 il y aura du sauternes.

2013 a été une année tardive, sauvée par de beaux jours en octobre. Les vins ont une personnalité aromatique étrange et originale, des notes amères de pamplemousse plus marquée que d’habitude et une belle acidité sans aucune lourdeur. C’est un millésime plus moderne d’esprit. »

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Deuxième journée à Saint-Emilion et Pomerol

« Cheval Blanc offre un vin délicat et raffiné, d’une grande finesse et élégance.

La dégustation des saint-émilion et pomerols s’est poursuivie à La Couspaude avec des échantillons maladroitement préparés, très marqués par le bois pour masquer les faiblesses du millésime. On est ici dans la « tradition bordelaise » avec des vins peu corsés, légers en volume de bouche avec  peu d’excès d’alcool et de sur-maturité. 2013 est un millésime élégant et frais mais qui manque parfois de matière. Ce seront des vins à boire, pas à déguster.

Les grands terroirs s’en sortent beaucoup mieux. La Conseillante et Clos-Fourtet tirent leur épingle du jeu tandis qu’ Ausone transcende le millésime, le vin est diaboliquement bien fait.

La seconde série de dégustations à Saint-Émilion confirme le sentiment d’un millésime difficile, mais je souhaite souligner le travail fourni par les vignerons. Malheureusement, ce travail n’a pas été fait avec la même adresse partout. 

La recherche de la maturité idéale a été l’enjeu majeur, contrairement aux années précédentes, ou certains tombaient dans la sur-maturité. Cette année, le défi a été de récolter des raisins suffisamment mûrs. La vinification a joué un rôle important, mais on trouve encore des extractions trop fortes et des vinifications trop boisées qui viennent assécher les vins.

Un tiers des vins présentaient de jolis fruits, avec de la fraîcheur et parfois un peu de salinité en finale. Une fois de plus les grands terroirs font la différence.

Mention spéciale : le Clos Saint-Julien et le Château Petit-Gravet Aîné sont des modèles de vinification. »

Troisième journée à Pessac-Léognan

« Les pessac-léognan se sont très bien goûtés et le résultat était beaucoup plus homogène qu’en Rive droite. Les blancs sont délicieux et équilibrés et les rouges classiques et élégants ont bien résisté aux extractions excessives.

La meilleure note a été attribuée au Château Pape-Clément, mais je note toutefois une très belle progression pour le rouge et le blanc du Château Rahoul, ainsi que le blanc du Château Ferrande. Les premiers vins de Haut-Brion et la Mission Haut-Brion sont également très réussis.

D’une manière générale, le niveau qualitatif des pessac-léognan et graves est très impressionnant.

La journée s’est ensuite poursuivie au Château La Lagune où j’ai pu re-déguster les crus classés de Sauternes goûtés lundi. J’y ai eu une très heureuse surprise. Les vins se sont beaucoup mieux goûtés qu’en début de semaine et je peux désormais affirmer que 2013 sera un très bon millésime à Sauternes. »

Quatrième journée à Margaux

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« La dégustation s’est déroulée au Château Monbrison et les margaux se sont très bien goûtés. Cette année, je suis beaucoup plus à l’aise avec les vins de la Rive gauche que ceux de la Rive droite. La météo peu clémente a contraint les vignerons à vendanger très rapidement, ce qu’ils ont pu faire grâce aux progrès des installations modernes. Si un tel scénario s’était produit il y a dix ou quinze ans, Margaux n’aurait jamais pu atteindre un tel niveau qualitatif sur ce millésime.

Les vins sont élégants et frais. On sent que le raisin n’est pas toujours arrivé au bout de sa maturité, mais cela procure aux vins une pointe de fraîcheur qui n’est pas déplaisante. En revanche, je suis très méfiant avec les seconds vins dont les prix risquent de grimper fortement étant donné la pénurie de vin. Je recommande aux amateurs d’être attentifs, la qualité des seconds n’est pas toujours au rendez-vous.

Mes coups de cœur à Margaux sont pour les châteaux Palmer, Brane-Cantenac et Rauzan-Ségla. Durfort-Vivens offre un rapport qualité-prix absolument remarquable, cela confirme les énormes progrès réalisés par cette propriété ces dernières années. »

Cinquième journée à Pauillac, Saint-Julien et Saint-Estèphe

« Cette Semaine des primeurs s’est achevée dans le Médoc, plus précisément à Pauillac, Saint-Julien et Saint-Estèphe. Je n’y ai eu aucune mauvaise surprise malgré quelques variabilités dans les échantillons. Le Médoc s’en tire très bien.

Les vins sont plutôt sérieux. Cette année, les vendanges ont eu lieu plus tôt que prévu, mais l’été très chaud (un des plus chauds depuis trente ans) a éliminé toute note de pyrazine (poivron). Il n’y a aucune verdeur dans ces vins, qui manquent peut-être un peu d’étoffe.  Les châteaux ont utilisé davantage de cabernet-sauvignon dans leurs assemblages, les merlots n’ayant pas été de très bonne qualité cette année. Ainsi, on retrouve 99% de cabernet-sauvignon dans le lafite-rothschild, 98% dans château-margaux et 89% dans mouton-rothschild.   

À Saint-Julien, ducru-beaucaillou et léoville-las-cases sont absolument remarquables. L’échantillon de las-cases était d’ailleurs un des plus parfaits dégustés jusqu’à présent. Léoville-barton et lagrange sont également de brillantes réussites, mais les autres saint-julien se sont aussi très bien défendus.

À Pauillac, pichon-baron, grand-puy-lacoste et lynch-bages se démarquent. Lafite et mouton sont deux très beaux pauillacs et l’évangile, dégusté dans la foulée, est certainement un des meilleurs pomerols de l’année. 

Enfin, à Saint-Estèphe, calon-ségur est le plus inoubliable. C’est selon moi un des meilleurs 2013 du Médoc. Montrose propose un vin tendre et harmonieux et cos-d’estournel, un vin tout aussi excellent, avec un peu plus de cabernet-sauvignon que d’habitude. »

Un soir d'avant-primeurs à Siaurac

Dîner au château Siaurac, en appellation lalande-de-pomerol. C’est l’une des trois propriétés de la Baronne Guichard dont la moitié du capital vient d’être vendue à François Pinault (Latour, Grillet, Venise, etc.). Les autres sont Le Prieuré (un saint-émilion) et Vrai-Croix de Gay à Pomerol.

Le format
Un dîner du Grand Jury européen. Trois tables de dix, que des dégustateurs de grand standing, la crème du genre réunie par François Mauss, le grand initiateur. Une ambiance amicale et légère, les magnums dingues volent…lire la suite

Les primeurs de la Vallée du Rhône

C’est parti pour la semaine des primeurs à Bordeaux. Pour acheter le millésime 2013 en primeur, nous vous avions conseillé de passer par ici. Nous vous avons aussi parlé de la possibilité d’acheter en primeur des vins du Sud-Ouest, voir . Aujourd’hui, voici le lien nécessaire pour acheter en primeur les vins issus des sélections parcellaires de la maison M. Chapoutier. Ces vins sont produits en quantité limitée à partir de vieilles vignes cultivées selon les règles de la biodynamie dans les plus belles appellations de la Vallée du Rhône, hermitage, crozes-hermitage, châteauneuf-du-pape, cornas, côte-Rôtie, gigondas ou encore saint-joseph (en lire plus sur le blog de Millésima).


La photo ci-dessus provient du blog de Millésima

L’amour franco-chinois


A part la ministre du Commerce extérieur, dont le vilain commentaire a enflé en grosse polémique, tout le monde aime la cuisine de Guillaume Gomez, le chef de l’Elysée. Le précédent président de la République lui avait d’ailleurs remis la médaille de l’Ordre national du mérite avec ces mots : « Si vous saviez ce que les chefs d’Etat étrangers me disaient de la cuisine de l’Elysée. (…) Vous n’imaginez pas combien vous comptez pour l’image de la France.»

Mercredi dernier, pour la soirée de gala célébrant 50 ans d’amitié franco-chinoise, Guillaume Gomez signait en l’honneur du président chinois Xi Jinping son premier dîner d’Etat. On ne vous redonnera pas le menu, largement commenté grâce à Nicole Bricq. En revanche, côté carte des vins, c’est un champagne de la Maison Deutz qui a été choisi pour figurer aux côtés de Lafite Rothschild (1997) et d’Yquem (1997). Une cuvée nommée Amour de Deutz, dans son millésime 2005.

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La fête du saint-mont


Fin janvier, au cœur de l’appellation saint-mont, Plaimont Producteurs organisait la 17e édition de l’assemblage d’un vin emblématique de l’AOC, Le Faîte. Deux grands noms de la sommellerie, Yoichi Sato, meilleur sommelier du Japon 2005 et Enrico Bernardo, meilleur sommelier du monde 2004 (en photo ci-dessus) ont élu les deux cuvées qui deviendront Le Faîte blanc 2013 et Le Faîte rouge 2012.

Ce week-end, c’est l’AOC tout entière qui est à la fête et deux cents vignerons présenteront différents visages du saint-mont, associés lors des dégustations à des produits de la région. Dix villages s’animeront pour ce parcours familial et convivial dans le vignoble qui fera la part belle à la gastronomie (cours de cuisine à quatre mains, rencontres gourmandes animées par des chefs étoilés et par le réseau Tables du Gers) et aux accords mets-vins.

Une nouvelle cuvée sera présentée par Plaimont Producteurs et une visite est prévue d’une parcelle historique de l’appellation, pré-philloxera. A Marciac, il y aura du jazz samedi soir (concert Jazz In Marciac, avec Jon Faddis & the Barcelona Jazz Orchestra, « The 1956 Dizzy Gillespie Big Band Book », sur réservation au 0892 690 277) et une brocante de printemps sous les arcades, dimanche.
Plus de renseignements sur ce programme, ici.


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Les rouges de Loire

Domaine de la Cotelleraie
L’Envolée, Saint-Nicolas-de-Bourgueil, 2010
Il vole à haute altitude. La finesse du tannin transcende ce qu’on connaît du cabernet franc. Une petite garde lui permettra de finir de digérer son bois.


Domaine Charles Joguet
Clos de la Dioterie, Chinon, 2012
La dioterie affiche sa race de grand cru et vient couronner la gamme de sa texture majestueuse. On est parti pour la garde, même en 2012.


Domaine Yannick Amirault
Le Grand Clos, Bourgueil, 2012
Extraordinaire, tanin de folie, subtil et épicé.


Domaine Philippe Alliet
Coteau de Noiré, Chinon, 2012
Le coteau de Noiré s’affiche avec un complément de race par rapport aux autres cuvées du domaine. Un jus superbe même si le millésime 2012 ne boxe pas dans la même catégorie que ses prédécesseurs.


Domaine Grosbois
Clos du Noyer, Chinon, 2011
Le vin a digéré son élevage, c’est désormais une référence en chinon, puissante, suave, profonde.


Domaine Frédéric Mabileau
Éclipse, Saint-Nicolas-de-Bourgueil, 2010
Une paire d’années lui permettra de finir de digérer son élevage. Le vin est puissant, séveux, racé. Du saint-nicolas à son meilleur mais il est urgent de l’attendre.


Domaine du Rocher des Violettes
Côt Vieilles vignes, Touraine, 2012
Vin de grand style, puissant et plein, l’une des grandes expressions du cépage dans le monde.


Clos des capucins
Eminence grise, Chinon, 2011
Certainement l’un des meilleurs 2011 de l’appellation, alliage de puissance contenue et de finesse. Remarquable qualité de tanin.


Domaine Amirault-Grosbois
Les Graipins, Saint-Nicolas-de-Bourgueil, 2012
Quelle délicatesse dans l’extraction. Tout ici n’est que sensualité et charme. Pourtant, derrière les soieries et le velours, il y a du vin.


Pierre et Bertrand Couly
Le V de Pierre et Bertrand Couly, Chinon, 2010
Un grand et joli vin, délicat dans sa texture, charmeur et sensuel. La finale fraîche lui donne un raffinement supplémentaire. Le millésime a tout pour lui, profitez des dernières bouteilles.


Couly-Dutheil
Clos de l’Écho, Chinon, 2011
C’est un grand clos-de-l’écho au futur radieux. Le plaisir à venir est tellement supérieur à celui perçu aujourd’hui que les sages le mettront au fond de leur cave. Ils seront récompensés.


Domaine de Bellivière
Rouge-Gorge, Coteaux du Loir, 2012
Année après année, toujours premier prix de typicité, le pineau d’Aunis est porté à son paroxysme. On le haïra ou on l’adorera. Il faut venir ici en procession, nul vinificateur ne le glorifie à ce point.


Château de la Bonnelière
La Chapelle, Chinon, 2011
Puissant, sans concession, c’est un vin bâti pour la garde, chaleureux, structuré.


Domaine Angélique Léon
Chinon, 2011
Le vin est à la fois souple dans son approche tannique et dense dans sa matière. Beaucoup de finesse.


Domaine de la Noblaie
Pierre de Tuf, Chinon, 2011
La cuvée toujours emplie de notes minérales est puissante et droite. C’est un chinon de garde, bien fait, racé.


Domaine Thierry et Xavier Amirault
Les Quarterons, Saint-Nicolas-de-Bourgueil, 2012
Il incarne à lui seul la délicatesse de saint-nicolas sans frôler la maigreur.


Domaine Bernard Baudry
La Croix Boissée, Chinon, 2012
En construction, imposant et fin (ce qui n’est pas antinomique). La cuvée mérite d’être gardée quelques temps.


Domaines Baudry-Dutour
Château de la Grille, Chinon, 2010
Avec son nez de fumé léger, sa matière qui rappelle les sucs de viande, ce rouge s’inscrit dans la gastronomie. Le tannin est fin, le vin est frais et équilibré.


Château de Coulaine
Clos de Turpenay, Chinon, 2011
Tel que sur les Picasses, ici aussi, le terroir parle. Profond, minéral avec une texture aérienne et beaucoup de subtilités, ce 2011 a gagné à l’élevage.


Henry et Jean-Sébastien Marionnet
Vinifera gamay Franc de Pieds, Touraine, 2013
La sensualité fonctionne à plein, comme un plaisir éphémère, mais intense, tel ces vignes franches de pied qui ne connaissent pas leur futur et donnent tout, tout de suite.


Domaine Olga Raffault
Les Picasses, Chinon, 2010
Issu des terroirs calcaires, ce rouge a du jus, une réelle fraîcheur avec une belle finale complexe de réglisse et de fruits noirs.


Domaine de la Roche Honneur
Diamant Prestige, Chinon, 2010
Joli jus sanguin, structuré, mais coulant. C’est un beau chinon à découvrir.


Domaine Brocourt
Clos des Gailhards, Chinon, 2011
Cuvée en puissance avec une belle finale jus de viande. Le tanin est fin, il mériterait un peu de garde.


Domaine Bouvet-Ladubay
Saumur-Champigny, 2010
Tanin souple et plein de fruits rouges, on boit ce vin en regardant la Loire et en grignotant quelques rillons.


Domaine des Bessons
François 1er, Touraine Amboise, 2011
Certes on aurait pu aller plus loin en longueur mais la qualité aérienne de ce tanin vaut la note sur 20. Savourons un bonheur immédiat !


Domaine de Noiré
Élégance, Chinon, 2011
Élégance est noble mais sans maigreur, bien au contraire. Le style est puissant. C’est un vin qui tiendra bien. On pourra probablement aller au-delà de l’apogée indiquée, tels ces chinons d’avant-guerre dégustés récemment qui affichaient une forme olympique.

La tragédie du chenin

Le chenin blanc reste le plus méconnu de nos grands cépages blancs et je ne suis pas sûr que la mode des vins « rebelles » (et l’affection de certains amateurs pour les vins de cette catégorie) lui rende vraiment justice et compense l’ignorance de la majorité. Ma récente visite au Salon des Vins de Loire (de plus en plus en plus concurrencé par les salons « off » qui ont lieu les mêmes jours) ne m’a pas vraiment rassuré à ce sujet. Certes, il y a de réels sujets de satisfaction.

Le plus important et de loin est la renaissance des blancs secs de Saumur. Quand j’étais jeune journaliste dans les années 1980, je voyais avec désespoir les vignerons arracher le chenin sur d’admirables coteaux calcaires comme ceux de Montsoreau ou de Turquant, pour les remplacer par des cabernets francs qui y mûrissaient beaucoup moins bien. Les vins blancs se vendaient très mal, souvent en vrac dans des bidons plastiques apportés par les acheteurs eux-mêmes et il faut hélas dire que c’était normal car, sur ces terroirs exceptionnels, ils étaient maladroitement vinifiés, plus ou moins secs, abîmés par des doses de SO2 excessives. Mais les grappes récoltées roses de cabernets trop productifs donnaient des champignys encore plus médiocres. Il demande en effet des sols plus marneux pour donner de beaux rouges, ce qu’il trouve évidemment dans le terroir d’origine de l’appellation, la cuvette de Champigny, Parnay et Varrains.

Le triomphe des rares blancs bien faits comme le clos-rougeard produit sur la côte de Brézé a heureusement donné confiance à la nouvelle génération de vignerons, mais elle n’a pas immédiatement trouvé le juste style. Elle a trop souvent abusé du bois neuf avec l’ambition d’égaler et même de surpasser les bourgognes et vendangé dans cette intention des raisins trop mûrs ou contenant une trop grande proportion de pourriture plus ou moins noble. Quelques conseillers œnologiques naïfs lui ont conseillé de laisser faire la fermentation malolactique, pensant être ainsi plus proches de la « volonté » de la nature, ce qui donne souvent des vins lourds, abâtardis par une vie fermentaire trop longue, parfois même oxydative, et marqués par des notes lactiques contraires à l’esprit de la craie sur laquelle pousse la vigne.

Nous connaissons aujourd’hui l’importance pour d’autres cépages de Loire d’un potentiel aromatique porté par l’acide malique du raisin. Mais il suffisait d’ être d’abord bon dégustateur pour le comprendre et je suis ravi que Thierry Germain, Jean-Pierre Chevallier, Mathieu Vallée, Arnauld Lambert et bien d’autres l’aient compris. On retrouve le grand vin typé de Saumur, intense, sec, vraiment digne d’être qualifié de minéral, en quelque sorte la réplique d’un chablis grand cru sur la craie saumuroise, mais avec toute l’énergie du chenin liée à son acidité, même avec des raisins très mûrs. Mais en Anjou, lieu de naissance sans doute du cépage, quelle catastrophe. Les vins les plus à la mode sont les plus épouvantables car les plus déviés, les plus déséquilibrés, au point même que leurs producteurs sachant trop bien qu’ils seraient éliminés en dégustation préalable les font sortir de l’appellation contrôlée et se replient en vin de table. Entre la choucroute trop vieille, la croûte de fromage, le beurre rance et le levain éventé, vous avez le droit à toutes les nuances apportées par des levures folles dans leur parcours érotique fermentaire incontrôlé, à qui je donnerai volontiers le nom « d’amour vache ».

Ces vins aberrants ne sont pas cependant une fatalité. L’admirable Jacky Blot à Montlouis apprend depuis de longues années à bien connaître ses levures indigènes et a eu le courage de sélectionner les meilleures pour assurer une fermentation régulière respectant toute la complexité d’un raisin issu d’une viticulture intelligemment respectueuse. Ses merveilleuses cuvées Remus et son sublime vouvray Clos de Venise devraient servir de modèle à tous nos vignerons « rebelles ». Mais quelle tristesse d’entendre les critiques adressées à des maîtres viticulteurs et vinificateurs comme Florent Baumard, dont la dégustation verticale de dix millésimes de savennières Clos Saint-Yves ou Clos du Papillon m’a vraiment laissé sans voix. Quelle admirable expression de ces sols schisteux, si adaptés au chenin, mais si dangereux en raison de l’excès d’amertume qu’ils donnent au vin quand on ne sait pas presser convenablement le raisin ou quand la vendange n’est pas vraiment mûre. J’ai retrouvé dans les étonnants 2006 et 2007, toujours à la vente, la même extraordinaire alliance entre le miel et le salé minéral que celle qu’on admire dans les grands chablis de Raveneau avec peut-être encore plus d’ampleur et de longueur en bouche. Sans parler d’un 2002 d’anthologie qui sublimera les plus beaux saumons de Loire, si vous avez la chance d’être en Anjou à la bonne époque et dans le restaurant qui connait ses fournisseurs. Quant aux liquoreux, c’est encore une autre histoire…

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La Loire est rouge, la Loire est blanche

Voici la plus récente sélection établie par les dégustateurs Bettane+Desseauve pour le Guide à paraître l’été prochain. Dix blancs de Vouvray et 25 rouges des appellations Chinon, Bourgueil, Saint-Nicolas de Bourgueil, Touraine, etc. Un choix établi autour de la grande caractéristique des vins de Loire, la fraîcheur.

Domaine de la Taille aux Loups
Clos de Venise, Vouvray, 2013
Superbe clos-de-venise qui n’a pas encore fini son élevage et qui souffre, une fois n’est pas coutume, face au clos-de-la-bretonnière. Il a la puissance pour lui. Le temps révélera sa race, mais participez au match !


Domaine Huet
Le Mont, Vouvray, 2013
Tendu et frais, long. Encore en élevage, il se construit. Une belle bouteille devrait en ressortir. Nous sommes très confiants.


Domaine du Clos Naudin
Réserve, Vouvray, 2003
Parfaitement équilibré entre le sucre et l’acidité, il lorgne vers les mille et une nuits. Fermez les yeux pour voir apparaître Shéhérazade comme en un songe.


Domaine des Aubuisières
Marigny, Vouvray, 2010
Une vraie personnalité dans ce 2010 séveux et racé. Grande longueur suave, particulièrement expressive.


Domaine François Chidaine
Clos Baudoin, Vouvray, 2012
Très joli nez, matière un peu courte, à revoir à l’évolution, il surprendra.


Domaine B et J-M Pieau
Brut méthode traditionnelle, Vouvray
Que voici un joli effervescent, propre net et précis, comme on en aimerait trouver plus souvent à Vouvray.


Michel et Damien Pinon
Tuffo, Vouvray, 2012
Belle tension dans ce vin subtil et profond. Un vouvray élégant à la finale longue.


Château de Montfort
L’or de Montfort, Vouvray, 2011
Joli moelleux équilibré et frais qui n’attend qu’une tarte aux pommes fines pour vous charmer.


Château de Valmer
Vouvray, 2012
Vouvray puissant et sèveux, intransigeant dans sa structure au service d’un terroir expressif. A mettre en cave.


Alain Robert et Fils
Extra brut, Vouvray
Produit apéritif, dynamique, classique des bons vouvrays de bulle avec 21 mois de vieillissement. Il sera vendu en fin d’année avec encore plus de rondeur. Profitez-en.


Découvrir la sélection de 25 rouges de Loire

Inoubliable année 2013

Déjà largement commenté (voir ici et ), le millésime 2013 à Bordeaux va faire l’objet de toutes les attentions la semaine prochaine à l’occasion de sa présentation en primeur. En attendant l’avis de ceux qui vont le goûter, revenons à ceux qui l’ont fait et qui, de la vigne au chai, ont du composer avec une année extrêmement difficile. « Le millésime le plus compliqué depuis trente ans » dit même un propriétaire de Léognan, remontant à un « médiocre 1984 ».

Du côté de Château Castera (cru bourgeois, Haut-Médoc), on se dit agréablement surpris par le résultat. Pour Jean-Pierre Darmuzay, directeur commercial du domaine, si ce 2013 n’est pas fait pour la garde, c’est un vin « fruité et souple » avec beaucoup de fraîcheur. Un « millésime de transition », qu’il faudra boire avant ses aînés. Il note aussi une chose amusante dans l’appréciation qui est faite de cette année exceptionnelle en « calamités ». D’après ses discussions avec ses confrères, il estime que les jeunes n’ont pas vu un tel millésime « depuis 2002, voire 1997 ». Les moins jeunes évoquent 1993 et 1992, ceux qui ont un peu plus d’expérience « n’hésitent pas à dire que c’est un mélange de 1987 et 1984 » et les plus anciens se réfèrent à 1977, 1972, voire 1963. Ou l’art de savoir relativiser.

A Margaux, Frédéric de Luze, propriétaire du cru bourgeois Château Paveil de Luze, confirme après une discussion avec son père qu’il faut bien remonter aux années 70 pour retrouver des situations similaires à cette année viticole. Heureusement, la viticulture a beaucoup changé depuis, se dotant« de moyens de plus en plus précis, permettant de mettre en oeuvre des conditions optimales pour produire des vins de qualité. » Même en cas de très grosse pression des maladies. « Au Paveil, la vigne est soignée avec frénésie par le responsable Stéphane Fort et nous avons engagé tout ce qui était possible pour protéger le vignoble. C’est une visite quotidienne des parcelles qui a fait que nous étions prêts pour vendanger une dizaine de jours avant ce qui était prévu et avons pu anticiper la pression du botrytis. »

A propos de la virulence du champignon, Christian Hostein, le chef de culture de Château Talbot (Saint-Julien), grand cru classé en 1855, confie que certains ont parlé de « génération spontanée. » Quant à la « funeste » coulure, elle n’avait pas autant impacté le volume de récolte depuis 1984. « Le vigneron est souvent pessimiste et puis, à la fin des vendanges, quand toute sa récolte est rentrée, un grand sourire illumine sa face et d’un seul coup efface les affres de l’attente. Il est récompensé de ses efforts. Cette année, pas de sourire, nous avons péché par orgueil et nous avons cru jusqu’à fin septembre que la récolte, sans être grasse, serait correcte. »

Même constat à Château Sénéjac (cru bourgeois, Haut-Médoc) où le directeur technique, Damien Hostein, estime qu’après les travaux en vert, « on se rassurait à tort en contemplant ces grappes de cabernet sauvignon qui paraissaient deux fois plus généreuses que les merlots. Cet excès d’optimisme mal venu fut vite effacé dès les premières parcelles de cabernets vendangées. » Après un temps froid et des dizaines millimètres de pluie lors de la floraison, « les merlots étaient coulés et les cabernets sérieusement atteints » et seule restait sur pied l’équivalent d’une grosse demi-récolte. Tout récemment, quand le travail au vignoble a repris, souhait était fait d’« un 2014 plus généreux. »

Ce vœu est partagé par le propriétaire de Château Rouillac » (Pessac-Léognan), Laurent Cisnerot. Si les sourires sont revenu une fois les assemblages effectués, « considérant que la vie de vigneron est ainsi faite, de hauts et de bas, mais toujours de passion », la rareté de ce millésime est préoccupante. « Nous avons travaillé de façon acharnée toute l’année pour voir seulement quelques précieuses barriques se reposer dans notre chai d’élevage, ce qui nous donne un sentiment d’inachevé qu’il nous faudra toutefois assumer, travaillant sans relâche déjà le futur millésime qui nous redonnera, nous l’espérons, le souffle nécessaire. » 


Epuisant 2013. Un surprenant numéro selon Jean-Francis Pécresse, propriétaire de Château Canon Pécresse à Fronsac. « Il est comme ces élèves qui ne devaient pas décrocher leur baccalauréat et qui l’obtiennent à la surprise générale. Certes pas avec les félicitations du jury mais avec tant de mérite que cela leur vaudrait bien une mention. Oui, il revient de loin ce millésime, mais cela nous rend d’autant plus fiers du résultat obtenu. Et, après tout, pourquoi ne marcherait il pas sur les traces de ces aînés injustement méprisés devant lesquels, dix ans, vingt ans plus tard, les contempteurs les plus sévères ont si souvent fait amende honorable ? »

Au Château Marquis de Terme (Margaux), on s’en souviendra aussi. Ludovic David, le directeur général de ce grand cru classé 1855, la caractéristique du millésime est d’être « inoubliable de complexité » dans son élaboration. « Avec bientôt 25 ans de vinifications en France, à Bordeaux, à Pomerol, à Saint-Emilion, à Margaux, en Afrique du Sud ou en Californie, je n’avais jamais connu une telle difficulté d’appréhension des vendanges. Une quadrature du cercle à résoudre, une équation à multiples inconnues où l’objectif reste cependant irrémédiablement le même, élaborer un grand vin. » La liste des difficultés rencontrées cette année est selon lui « bien longue et parfois pathétique », le très faible rendement, imputant l’équilibre économique, est « d’un autre siècle » et les mots “sélection” et “rigueur” ont «rarement eu autant de sens. »

Si la complexité à vinifier ressentie par tous ne préjuge en rien du résultat, la météo a bien fait des dégâts côté rendement. Pas moins d’un million d’hectolitres manquent à l’appel au total en Gironde. Si l’on y ajoute les sélections sévères pratiquées au chai, on peut imaginer les faibles quantités qui seront proposées par les grands crus. On se consolera en apprenant que les blancs, secs ou liquoreux, tirent superbement leur épingle du jeu. « Le millésime 2013 est, comme tous les millésimes tardifs, propice à l’élaboration de très grands vins blancs », rappellent Eric et Philibert Perrin, propriétaires du grand cru classé de Graves Château Carbonnieux. Que les amateurs ne l’oublient pas.