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Voyage autour de ma cave par Thierry Desseauve – Jour 29


Voyage autour de ma cave, ou la chronique quotidienne d’un amateur pas désespéré par temps de confinement. Thierry Desseauve déniche, ouvre et raconte une bouteille mémorable de sa cave.
Jour 29 : La Croix de Saint Jean, lo mainatge, vin de pays d’oc 2005

Voyage autour de ma cave par Michel Bettane #21

Dans une cave très humide, les étiquettes disparaissent avec le temps et un des vrais plaisirs de l’amateur du troisième âge est de dénicher des bouteilles mystères dont évidemment lui seul possède la réponse. Dans ce cas, il faut évoquer une époque révolue, qui éveille la nostalgie, celle de la vieille France et des politesses d’autrefois. Les hasards de la vie m’avaient fait rencontrer une octogénaire charmante, Madame Veuve Chiron, je ne saurai jamais son prénom, à Saint-Aubin-de-Luigné. Je ne pourrai jamais oublier son visage si fin et sa coiffure à l’ancienne d’un blanc immaculé qui virait au bleu, ses manières si polies, dans un français d’une pureté ligérienne que nos meilleurs diseurs ne connaissent plus. Elle possédait quelques petites vignes dont un quart d’hectare dans la meilleure partie du Quart-de-Chaume, à Bellerive. Son fils, qui dirigeait le syndicat d’initiative de la commune vinifiait avec soin et honnêteté absolue ce qui en fait était une production demi-privée, qu’il acceptait de vendre à quelques particuliers. Madame Chiron excellait en calligraphie et le gros carton de 18 bouteilles portait mon adresse écrite de sa main avec une perfection qui faisait mes délices. Je lui ai acheté jusqu’à la fin une dizaine de millésimes dont ce 1981, qui porte encore beau.

Une aussi petite production de vieilles vignes de chenin, avec une bonne proportion de manquants, était vendangée en une fois après un début de passerillage, vers 15/16° d’alcool potentiel, un peu enrichie par sucrage et la fermentation se finissait toute seule. L’expression du terroir schisteux de ce vin de quarante ans ou presque reste admirable, comme le montre la robe jaune éclatante du vin, sans la moindre nuance ambrée. Les vins actuels, à demi oxydés de naissance, qui passent pour « naturels » et sont admirés comme tels, pourraient prendre une leçon de style. Une merveilleuse amertume citronnée est la marque même du chenin de grand terroir, aucune lourdeur dans la liqueur ne vient perturber notre bonheur et une acidité encore très tendue ravive la fin de bouche. Les concentrations extrêmes de maturité ne favorisent pas, en fait, la tenue au vieillissement et la buvabilité qui fait le charme spécial des grands vins du Layon. Madame Chiron parlait la langue de ses ancêtres, ce quarts permet de comprendre la légende qui m’avait attiré dans cette région et que je ne retrouve guère dans les vins d’aujourd’hui, comme d’ailleurs dans beaucoup de médiocrités de l’époque, qu’on croit à tort révolues.

Domaine Veuve Chiron, quarts-de-chaume 1981

Voyage autour de ma cave par Thierry Desseauve – Jour 28

Voyage autour de ma cave, ou la chronique quotidienne d’un amateur pas désespéré par temps de confinement. Aujourd’hui, Thierry Desseauve reçoit Gérard Bertrand qui déniche, ouvre et raconte une bouteille mémorable de sa cave.
Jour 28 : Château de la Soujeole, malepère, grand vin 2017

Vin : une vente aux enchères au profit des personnels soignants

Du lundi 27 avril au jeudi 7 mai, la plateforme Idealwine accueillera une vente aux enchères de beaux flacons dont le produit sera reversé dans son intégralité au collectif #ProtegeTonSoignant, équipe multidisciplinaire qui identifie depuis un mois les besoins urgents émanant des hôpitaux

Le collectif #ProtegeTonSoignant est né le 24 mars dernier à l’initiative de quelques citoyens. Il est aujourd’hui constitué de 110 bénévoles, mobilisés 24 h sur 24 et 7 jours sur 7, dont les compétences et réseaux professionnels dans les sphères privées et politiques accélèrent sa capacité d’exécution. Répartie en trois pôles (liens avec les hôpitaux et conseils départementaux, sourcing et commandes, transport et logistique), la mission de ces experts, médecins et entrepreneurs, consiste à aider les soignants à surmonter la crise sanitaire que nous traversons en achetant et acheminant le plus rapidement possible le matériel médical dont ils ont besoin. Le collectif répond de façon modulaire et adaptée aux demandes des hôpitaux, qui sont colossales et changent quotidiennement.

Un immense besoin d’aide

Après un mois d’activité, le collectif #ProtegeTonSoignant a gagné la totale confiance du personnel soignant, des institutions et des pouvoirs publics et son activité sera prolongée au-delà du confinement et du pic de la pandémie. Pour prendre la mesure de son caractère indispensable, précisons qu’à ce jour plus de 4,5 millions d’euros ont été collectés auprès de plus de 5 000 donateurs, plus d’1,6 million d’euros de matériels ont été achetés et livrés à 50 hôpitaux dans toute la France et plus de 4 300 repas sont livrés tous les jours aux soignants. Une cagnotte a été créée sur le site Leetchi. Si elle augmente tous les jours, les dons cumulés sont encore insuffisants au regard des besoins : plus de 20 millions d’euros de demandes de matériel médical et non médical sont encore en attente.

Plus de 100 domaines ont répondu présent

Outre son support logistique et la mise à disposition de sa plateforme d’enchères sécurisées, Idealwine a isolé dans ses stocks une vingtaine de bouteilles qui seront offertes dans le cadre de cette vente. En parallèle, des domaines viticoles ont été sollicités partout en France. Grâce à la générosité des acteurs du vignoble, qui ont répondu en masse en quelques jours seulement, plus de 800 flacons allant de la bouteille au salmanazar (9 litres) seront proposés. La vente se déroulera du 27 avril au 7 mai et sera administrée par International Wine Auction, opérateur de ventes volontaires agréé, filiale d’Idealwine. Pour y participer, il est nécessaire de s’inscrire préalablement sur le site. Les frais acheteurs prélevés lors de la vente (19 % HT en sus des enchères) seront intégralement reversés au collectif.

Voyage autour de ma cave par Thierry Desseauve – Jour 27

Voyage autour de ma cave, ou la chronique quotidienne d’un amateur pas désespéré par temps de confinement. Thierry Desseauve déniche, ouvre et raconte une bouteille mémorable de sa cave.
Jour 27
Le vin : Domaine Gérard Julien & fils, nuits-saint-georges, les bousselots 2016
Le livre : Climats et lieux-dits des grands vignobles de Bourgogne – Atlas et Histoire des Noms de Lieux, Sylvain Pitiot, Marie-Hélène Landrieu-Lussigny, Éditions de Monza & Éditions du Meurger

Les grands de Bourgogne à moins de 30 euros

Les temps sont durs. Entre les beaux jours et les apéros live, l’amateur de bons vins compte les jours de ses derniers bourgognes prêts à boire. Pour faire le plein, voici une sélection de pinots noirs signés par des grands noms du vignoble. À quel prix ? Tout à moins de 30 euros

Grasses têtes et grand cœur
En Bourgogne, en Alsace, en blanc, en rouge, Andrée et Jean-Louis Trapet font tout avec un talent rare et une gentillesse addictive. La biodynamie rigoureuse permet à leurs pinots noirs de s’épanouir tout en prenant l’intensité et la minéralité des grands terroirs bourguignons. Avec un hectare dans le climat des Grasses Têtes, ils signent ce marsannay de dentelle.
Domaine Jean-Louis Trapet, marsannay 2017
27,90 euros

En haut de la côte
Marsannay ne manque pas de vignerons talentueux. Sylvain Pataille, parce qu’il est régulier, s’est hissé en haut de l’appellation et la représente fièrement. Il maîtrise les compromis imposés par le cépage lors de sa vinification pour jouer le double-registre de l’intensité et du fruit, sans perdre le soutien d’un tannin fin et structurant. Un passage en carafe le révèle complètement.
Domaine Sylvain Pataille, marsannay 2018
25 euros

L’homme de Chevannes
Le style Duband, c’est la fraîcheur de fruit, un tannin fin et des finales étirées et complexes permises par peu d’interventions, une vinification délicate et de fortes proportions de grappes entières. Avec ce bourgogne, c’est la voie d’apprentissage pour découvrir la finesse du pinot noir bourguignon sans qu’un terroir spécifique ne vienne trop complexifier l’affaire.
Domaine David Duband, bourgogne 2017
16,90 euros

L’alchimiste de Beaune
Un côte-de-nuits-villages qui puise sa matière légèrement fumée dans quelques parcelles situées à Brochon (proche de Gevrey-Chambertin) et à Corgoloin (proche de Nuits-Saint-Georges). Nez fruité, bonne acidité, tension en bouche et finale précise, voilà la formule du rouge digeste par une maison d’expérience.
Maison Albert Bichot, côte-de-nuits-villages 2017
19 euros

La grande classe
Un pinot noir issu d’un peu plus de trois hectares, cultivés en biodynamie entre Volnay et Puligny-Montrachet. Qui cherche le sens de la précision aromatique et court après la subtilité des tannins doit choisir ce bourgogne. Et dire que ce n’est que l’entrée de gamme du domaine.
Domaine de Montille, bourgogne 2017
29 euros

L’icône de Rully
La première rencontre avec les chardonnays du domaine est une émotion précieuse. Pour compléter le bonheur de tous, Céline et Vincent signent avec le même talent d’excellents pinots noirs comme ce rully issu de deux hectares et trois climats principalement argilo-calcaires et exposés plein est. Les élevages répartis entre l’inox et le chêne donnent des vins fins aux finales salivantes.
Domaine Dureuil-Janthial, rully 2017
26 euros

Lumière dans la Nuits
Lui aussi fait partie des domaines sur lesquels l’appellation peut compter pour continuer à jouer les outsiders de la côte. On trouve chez Bernard Bouvier des pinots d’infusion, floraux, délicats en bouche et digestes, à boire jeunes et capables de vieillir avec classe.
Domaine René Bouvier, Champ Salomon, marsannay 2016
28 euros

On les veut aussi
Domaine Paul et Marie Jacqueson, Les Vaux, mercurey 2018, 18 euros
Marie et Pierre Jacqueson, le frère et la sœur, incarne l’esprit d’une côte chalonnaise bien dans ses vignes qui sait exprimer ses terroirs grâce à une maîtrise parfaite de la vinification. On tient-là un mercurey floral et plein d’énergie.

Louis Latour, bourgogne pinot noir 2017, 19 euros
Premier niveau d’une vaste gamme, c’est fin, léger, sur les fruits rouges et bon compagnon d’un poulet rôti ou de grillades. Pas de mauvaises surprises, l’expérience de la maison beaunoise est au rendez-vous.

Domaine Chantal Lescure, Le Clos des Topes-Bizot, côte-de-beaune 2017, 23,90 euros
Fruits noirs mûrs et finale mentholée. Le niveau de ce côte-de-beaune est une vraie surprise dans l’appellation. Quelques vingt euros pour approcher le travail du Domaine Chantal Lescure, ça vaut le coup.

Marc Colin & Fils, Vieilles Vignes, chassagne-montrachet 2018, 29 euros
C’est un domaine recherché des amateurs. Le sol argileux des plaines de Chassagne donne beaucoup de matière à ce pinot élégant et de garde.

Où les trouver ?
Rien de plus facile, on peut acheter tous ces vins en ligne sur les sites marchands d’Idealwine et de Vinatis.

Vinatis // https://www.vinatis.com/achat-vin-bourgogne#p1&n15&t7&f[]2[]230[]s
Idealwine //  https://www.idealwine.com/fr/acheter-du-vin/vente-VENTE-FLASH-region-BOURGOGNE-couleur-ROUGE-page-2.jsp?orderBy=mixPrice&orderHow=ASC

Photo : Les vignes de la Maison Albert Bichot

Voyage autour de ma cave par Thierry Desseauve – Jour 26

Voyage autour de ma cave, ou la chronique quotidienne d’un amateur pas désespéré par temps de confinement. Thierry Desseauve reçoit Michel Bettane qui déniche, ouvre et raconte une bouteille mémorable de sa cave.
Jour 26 : Domaine Zind-Humbrecht, gewurztraminer, grand cru hengst 1999

Un vieux beau du Jura

Domaine Rolet Père et Fils,
trousseau, arbois 1988

Pourquoi lui
Le Jura est à la mode. Très. Tomber sur un gisement de magnums de vieux juras, cépage trousseau, est une chance inouïe. Le domaine Rolet, repris depuis peu par les Devillard, fameux Bourguignons des côtes de Nuits et châlonnaise, dispose de stocks parfaitement conservés et assez conséquents à des prix plutôt abordables. C’est donc une obligation que nous nous faisons de présenter ce vin ici.

On l’aime parce que
C’est bon. Son grand âge, 32 ans, lui a apporté toute la patine qu’on aime sans trop obérer cette fraîcheur indispensable. Le résultat est là, un grand vin pour la table et les amateurs.

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Jean-Valmy Nicolas, la culture du doute

Jean-Valmy Nicolas et ses cousins Henri et Bertrand sont aux commandes du château La Conseillante, une icône du plateau de Pomerol, une propriété familiale depuis un siècle et demi. pas de recette pour transmettre, mais des convictions personnelles. voilà ce qu’il nous dit

La Conseillante, vignoble familial depuis 1871, Valmy Nicolas et ses deux cousins représentent la cinquième génération
« On le doit à l’attachement et aux efforts parfois irrationnels de cinq générations qui se sont succédé pour conserver La Conseillante. La famille a cette règle : personne ne doit vivre de la propriété. Chacun doit avoir un travail à lui, y compris les gérants. Évidemment, pendant très longtemps, le vin ne permettait pas d’en vivre. À certains moments, cette règle a certainement évité de devoir céder la propriété. Aujourd’hui, elle oblige les gérants à avoir une ouverture d’esprit acquise grâce à leurs autres expériences, un certain recul, et à faire preuve de discernement. Deux attitudes nous ont beaucoup aidés à garder nos affaires dans la famille. D’abord, c’est d’avoir fait preuve de bonne foi entre nous, ce qui facilite les choses. La deuxième attitude, c’est de douter. Il y a une certaine forme d’insatisfaction permanente dans la manière dont nous voyons les choses. Je pense que cette culture du doute est importante dans la gestion des entreprises. Ce qui ne signifie pas que nous soyons incapables de décider. Simplement, on essaye de se demander ce qu’on aurait fait à la place. Les mondes de la viticulture et de la distribution des vins se sont métamorphosés. L’intelligence dans le vin, c’est inouï. Il y a de la recherche, des remises en question, des décisions, des changements. En quinze ans, beaucoup de courants ont traversé le monde du vin, souvent radicaux les uns par rapport aux autres, faisant naître des écoles de pensées elles-mêmes enseignées dans les écoles de formation des dirigeants. C’est la même chose dans le négoce. »

Une remise en cause liée à l’époque
« D’abord, le choix des hommes. Une entreprise repose sur le choix des ressources humaines et sur les moyens mis à leur disposition pour réussir. C’est ce qui fait son succès. Exercer d’autres fonctions professionnelles permet de faire des choix et de déléguer davantage. Il faut accepter que quelqu’un fasse différemment et, souvent, mieux que soi. C’est un atout indispensable. Il faut être capable de prendre les décisions que les générations précédentes n’ont pas prises et d’avoir un angle de vue différent. Même si ces décisions étaient sûrement très logiques il y a vingt-cinq ans. Aujourd’hui, il faut faire preuve de discernement dans la commercialisation et dans les relations que nous entretenons avec le négoce bordelais. C’est moi qui m’en charge et je cherche à pérenniser nos relations avec les négociants. »

Dix négociants pour 60 % du volume
« J’ai cherché à rééquilibrer cette relation pour qu’on se concentre sur moins d’une dizaine de négociants, parmi les plus importants, à qui l’on confie plus de 60 % de notre commercialisation. Des gens avec qui nous entretenons d’excellentes relations et que nous connaissons très bien. Mon père et mon grand-père travaillaient déjà avec chacune de ces maisons ou presque. Eux comme nous cherchons à nous inscrire dans la durée. Nous ne voulons pas griller les étapes. Dans dix ans, j’aurais probablement les mêmes interlocuteurs. Si je leur raconte des histoires aujourd’hui, dans dix ans, c’est terminé. C’est ça, le nécessaire discernement. Nous ne sommes pas des mercenaires, on veut s’inscrire dans le temps tout en ayant, pour l’immédiat, des comptes à rendre à nos amateurs, à nos clients, aux négociants et à nos actionnaires, notre famille. »

L’enjeu économique est récent dans les propriétés
« Les propriétés bordelaises ne présentent un intérêt financier que depuis très récemment. J’insiste là-dessus. De 1871 à la fin des années 1980, les propriétés perdaient de l’argent. Bordeaux a connu de graves crises après la Deuxième Guerre mondiale, dans les années 1950 et dans les années 1970. De très nombreuses propriétés ont changé de main à ce moment-là pour des sommes dérisoires. Aujourd’hui, on comprend mal que de telles transactions aient pu avoir lieu. La prise en compte de l’enjeu économique dans la gestion de propriété est récente. Même si c’est exponentiel, il faut remettre les choses en perspective. Avant la fin des années 1990, les propriétés ne rapportaient rien et coûtaient beaucoup tous les ans à leurs propriétaires. C’était la même chose à La Conseillante. Ce qui ne nous a jamais empêché d’être impliqué, de vouloir faire un très bon vin et d’investir significativement quand on le pouvait. »

Transmettre des obligations, plus que des droits
« Notre travail est de faire le meilleur vin possible. Pour ça, il faut s’entourer des meilleures compétences et des talents tout en se remettant en question en permanence. C’est le fondement de notre stratégie. Une fois qu’on fait des grands vins, qu’on fait plaisir à nos clients et qu’on réinvestit dans la propriété, il faut animer la vie familiale et actionnariale de l’entreprise. Je dois démontrer que cette partie importante de leur patrimoine est gérée de la manière la plus professionnelle possible. Ils sont actionnaires parce qu’ils sont attachés à La Conseillante, ils le sont aussi parce que c’est géré avec sérieux par des gens compétents et que cette gestion est bénéfique. En voyant que l’on fait des bons vins bien notés, qu’on a une belle distribution et que tout fonctionne commercialement, la famille est convaincue par notre travail. Nous rendons des comptes sur ce qui se passe à la propriété. Nous expliquons notre stratégie, nous parlons de nos marchés, etc. C’est une information permanente. Je ne veux pas que certains se sentent à l’écart. Revendre La Conseillante dans trente ans à un super prix, ça ne m’intéresse absolument pas. Ce que je veux, c’est la transmettre à la génération d’après et que ce soit prestigieux, que ce soit un vin reconnu et apprécié. Je veux aussi transmettre de la façon la plus efficace possible nos valeurs et notre définition de ce qu’est une entreprise familiale. Je veux transmettre tout ce quoi en nous croyons. »

Le métier de Valmy Nicolas
« J’achète des entreprises que nous gérons et que nous revendons ensuite. Nous sommes un fond d’investissement. »

Une direction basée sur les hommes
« Une entreprise ne tient que sur les hommes. Un mauvais recrutement, un mauvais choix, on le paie toujours. Bien choisir les hommes c’est le rôle ultime d’un administrateur ou d’un propriétaire d’entreprises. Il faut qu’il sache déléguer, instaurer des cadres et des procédures tout en laissant de l’espace pour que les gens puissent s’exprimer et aller de l’avant. Ce n’est pas un discours qu’on entend souvent à Bordeaux. Ce sont les bons choix humains qui subliment ce terroir, qu’on retrouve dans le verre. Chez les négociants, nous choisissons des histoires humaines, des compétences, des attitudes, une éthique. »

Valmy Nicolas est aussi co-gérant de Château Figeac
« Les Manoncourt (famille propriétaire de Figeac, ndlr) ont fait appel à moi après avoir vu le parcours de La Conseillante. C’est une histoire humaine, j’ai découvert cette famille que je ne connaissais pas et avec laquelle je me suis très bien entendu. Venant de mondes très différents, nous partageons cette passion des propriétés viticoles familiales et une réflexion commune pour en assurer la pérennité et la transmission. Nous avons promu Frédéric Faye qui a fait un travail remarquable. Certes, il y a le prestige de Figeac, le classement, etc. Mais il y aussi cette décision difficile des Manoncourt de faire appel à quelqu’un de l’extérieur pour épauler la famille. Ce n’est pas si fréquent à Bordeaux et assez courant en Champagne. »

De la vertu agricole
« En quinze ans, nous avons divisé par dix tous les intrants chimiques à la vigne et au chai. Nous ne sommes ni en agriculture bio ni dans une procédure pour le devenir. Nous sommes évidemment concernés par cette prise de conscience. Marielle Cazaux (directrice technique de La Conseillante, ndlr) fait partie de cette génération de vignerons qui a grandi et qui a été formée avec cet impératif environnemental. Les vignerons plus anciens sont aussi sensibilisés à ces questions. Pour Marielle, s’inscrire dans cette approche n’était pas négociable lorsqu’elle nous a rejoint. Parallèlement, notre approche est aussi pragmatique. Avoir une très haute approche environnementale ne doit pas nous faire oublier que nous avons une production à assurer et des comptes à rendre. Comme je le disais, mon premier objectif est de transmettre cette affaire familiale et il n’est pas question de prendre des risques. Je suis prudent. »

Marielle Cazaux a remplacé Jean-Michel Laporte
« C’est une femme intelligente, obsédée par le détail et engagée dans ce qu’elle fait. La Conseillante a beaucoup de chance de l’avoir trouvée. Elle nous a apporté un degré d’excellence et de précision que nous n’avions pas avant son arrivée. On lui doit notre volonté d’avoir franchi une étape qualitative qui méritait beaucoup d’efforts. Je lui en suis très reconnaissant. »

Recherche et tentatives
« On a fait un certain nombre d’essais comme la vinification intégrale ou l’utilisation d’amphores pour nos élevages. Compte tenu des volumes que nous produisons, c’est difficile d’isoler un lot et, malheureusement, c’est la limite de nos exercices. Avec nos onze hectares, nous produisons 35 000 bouteilles de premier vin et 5 000 de second. Un la-conseillante tiré à 20 000 bouteilles n’aurait plus rien à voir et ne serait pas nécessairement meilleur. C’est le secret des assemblages. Dans la marque d’un vin, il y a différentes parcelles, différents lots et différentes caractéristiques qui deviennent ses points forts. Si demain, la production diminue, on perdra certains de ces paramètres. C’est aussi le travail que nous menons avec Michel Rolland. C’est un homme d’une immense intelligence et une capacité d’écoute hors du commun. On cherche à maintenir cet ensemble de paramètres qui font notre style et notre marque. »

Un avenir pour La Conseillante
« On a d’excellentes relations avec nos voisins. Il y a vingt ans, personne ne se parlait. Aujourd’hui, nous essayons de travailler ensemble, au moins en ce qui concerne la partie technique. Personne ne réussit au détriment des autres, c’est une réussite collective. Au moment des mises en marché des primeurs, nous avons tous intérêt à ce que les appellations de la Rive droite fassent des grands vins et que les grandes locomotives soient au rendez-vous. La Rive gauche donne son empreinte sur un millésime pour le monde. Ce n’est pas anecdotique. Il nous faut des premiers de cordées performants et travailleurs. À Pomerol, il y a une émulation entre les grands vins au profit de toute l’appellation. Faire déguster nos vins pendant la Semaine des primeurs, chaque année, c’est une opportunité unique. Le grand amateur de vin n’a pas une cave composée à 100 % d’un seul cru, ce serait grave. Les choses évoluent vite. Le marché des grands vins est en croissance. De plus en plus de gens dans le monde, par un phénomène d’enrichissement, achètent et s’intéressent aux vins de Bordeaux. Je suis ravi quand mes voisins font des grands vins. Ça nous pousse, ça nous entraîne. Faire le plus grand nombre possible de grands vins, c’est la meilleure réponse au bordeaux bashing. Ce ne sont pas des concurrents. Il faut profiter de cette émulation et s’inspirer des grandes réussites bordelaises. Je trouve sage d’en admirer certaines et d’avoir un fort pouvoir d’émerveillement. Nous ne sommes plus du tout dans une vision autocentrée. »

Le prix de La Conseillante
« On est à 120 euros HT en primeurs. Je ne mesure pas notre réussite par l’augmentation de notre prix de vente. C’est parfois un élément de mesure trompeur. Le marqueur d’une réussite – sur vingt ou trente ans, pas seulement sur deux ou trois millésimes – est le dynamisme commercial. Quand nous faisons une mise en marché, les vins de La Conseillante sont vendus en une heure. La place de Bordeaux revend dans la journée entre 80 et 90 % de ce qu’elle nous achète. Le marqueur est là, estimer que le vin ira au bout de son potentiel commercial. »

Maîtriser sa distribution
« Nous mettons en marché 90 % de notre production, qui est acheté à 100 %. Le reste constitue l’œnothèque de la famille et nous sert à comparer et à évaluer notre travail, millésime après millésime. On veut être capable d’autocritique et de réflexion pour nous améliorer. Les volumes de La Conseillante et le système de distribution font que nous sommes assez peu éligibles aux ventes aux enchères. Ces dernières années, les nouveaux systèmes de communication nous permettent de suivre notre production. Je sais où nous sommes distribués à Hong Kong ou à Londres, dans quel magasin, dans quel restaurant, à quel prix et pour quel millésime. J’ai une vision assez complète de nos vins, et de nos acheteurs. Aucun d’entre eux ne représente 25 % de la récolte. On est sur un modèle d’extrême prudence paysanne. On ne dépend de personne. Nous essayons de faire en sorte que les gens qui débouchent un la-conseillante se souviennent autant du vin que de ceux qui l’ont fait, de ceux qu’ils ont rencontré et de notre vision. »

Sur la situation économique mondiale
« Je crois qu’il ne faut pas crier avant d’avoir mal. La situation est préoccupante, c’est vrai. La Grande-Bretagne, les États-Unis et la Chine sont nos trois principaux marchés. Je crois que c’est aujourd’hui très difficile d’anticiper les logiques commerciales de demain. Hong Kong est un autre problème. Il y a un lien spécial avec Bordeaux, un peu comme Londres à une époque. C’est peut-être à nous d’aller les aider et leur montrer qu’on est présent. Beaucoup de Bordelais ont à cœur d’aller à la rencontre des amateurs et des distributeurs. La place de Bordeaux nous offre une partie de l’image de la distribution des vins. Il faut la compléter nous-même. Mon objectif est de connaître les gens. Je n’ai rien à vendre, je veux que la marque soit connue dans le monde et que chaque personne en devienne un ambassadeur. On veut en faire une relation personnelle. On veut faire du sur-mesure et créer des liens. C’est un vin de grandes occasions. Il laisse des souvenirs marquants et ces souvenirs reviendront un jour. »

Voyage autour de ma cave par Michel Bettane #20

Le meilleur terroir de chardonnay le plus proche de mon confinement de Rochegrès est sans conteste la toute petite appellation Pouilly-Vinzelles, un peu plus de 50 hectares, à dix kilomètres à vol d’oiseau. Le terroir et l’exposition sont homogènes, argilo-calcaire, bien plus d’ailleurs que Pouilly-Fuissé qui n’avait pas voulu d’eux à l’origine, la vigne est bien entretenue et productive, capable de produire 3 000 hl en bonne année. J’ai déjà dit tout le bien que je pensais de la trop méconnue cave coopérative des grands crus qui est de loin le plus important producteur de l’appellation. Cette bouteille le confirme largement.

Sur chaque millésime, la cave produit au moins trois pouilly-vinzelles. Un assemblage de base issu de vieilles vignes, déjà remarquable ; une sélection parcellaire située au cœur du coteau sur le lieu- dit Les Quarts et cette cuvée élevée en fût de chêne qui en remontre à la plupart des vins élaborés de la même façon, mais d’un style plus vulgaire. Ce 2014 est désormais arrivé à son meilleur équilibre de vieillissement. La robe est toujours claire avec le souvenir des reflets jonquille de sa naissance, le nez très pur sans la moindre dérive de bois rappelle d’abord le citron, ce qui est classique des sols calcaires. Il faut un petit réchauffement de température dans le verre et dix minutes de développement pour qu’une nuance de vanille rappelle, sans outrance, la barrique. Rien de spectaculaire ou de flamboyant, ou de caricature clonale, façon « Nouveau monde », comme souvent hélas en Mâconnais, en raison de clones trop typés, mais la tension d’un raisin mûr sans excès, comme on le souhaiterait dans bien des pulignys ou des meursault-village. En bouche, c’est nuancé, raffiné même, fluide, mais sans dilution, avec un départ de notes de beurre fin, d’amande et un retour floral type fleur de vigne, de noble style. Que du bonheur sur une truite pochée aux restes d’ancienne bouteilles du même vin. Quant au prix départ propriété, il ferait honte à celui de bien des vins médiocres de la Côte-d’Or, cinq à dix fois plus chers. 12euros 40 TTC.

Cave des Grands Crus à Loché, pouilly-vinzelles, fût de chêne 2014