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Avec Normale Sup, les grandes écoles dégustent

photo : Florian Léger

Quatrième édition, quatrième succès pour la Coupe Ès-SENS, qui a eu lieu le 6 mai dans le somptueux décor du Château de Ferrières (77). Par Julia Wang, dégustatrice Bettane+Desseauve

Cette compétition étudiante, organisée par le club œnophile de l’École Normale Supérieure, reste à ce jour unique en son genre, puisqu’aux traditionnelles dégustations à l’aveugle et questions théoriques, elle ajoute une dimension gastronomique, couplant systématiquement les mets et les vins dans une fête des sens placée sous le signe de l’art de vivre et de l’hédonisme.

Michel Bettane, président du jury et Manuel Peyrondet, meilleur sommelier de France et fondateur du club Chais d’œuvre. © Florian Léger

Sous l’œil attentif et bienveillant de Michel Bettane, président du jury, et du meilleur sommelier de France Manuel Peyrondet, parrain du concours, douze équipes d’étudiants français, britanniques et américains se sont affrontées autour d’épreuves exigeantes d’analyse gustative, d’accords mets-vins et de culture générale.

Dans l’assiette ont défilé les fromages de la maison Androuet, les charcuteries d’Hugo Desnoyer et un filet de bar cuisiné au beurre d’abricot par Patrick Juhel, Meilleur Ouvrier de France et chef au restaurant du Château de Ferrières.

Les vins n’ont pas déparé, en variété comme en qualité : riesling d’Agathe Bursin, chenin de Jacky Blot, vin jaune de Stéphane Tissot, morgon de Marcel Lapierre, puligny-montrachet premier cru de Faiveley, bandol blanc de Pibarnon, avec en prime quelques whiskies de la distillerie Dalmore.

Bravo à l’EM Lyon et à l’ESSEC

L’EM Lyon s’est une fois de plus illustrée en finale en proposant un joli accord méditerranéen rosé-poisson, tandis que l’ESSEC s’est imposé avec l’épreuve théorique. En plus de nombreux lots, les candidats ont profité d’un cocktail au champagne, d’un concert de musique de chambre, d’un déjeuner gastronomique et de conférences-dégustations.

Lalique, l’art et le vin sont à La Cité du vin

Silvio Denz, président-directeur général de Lalique Group et propriétaire d’Art et Terroir, sera demain à La Cité du vin (Bordeaux)

Dans le cadre de l’exposition Renversant ! Quand art et design s’emparent du verre visible jusqu’au 30 juin à La Cité du vin (nous vous en avions parlé dans le détail ici), les amateurs pourront rencontrer demain soir un très grand amateur, qui fut collectionneur des œuvres de Lalique avant d’acquérir la cristallerie en 2008. Président-directeur général d’une maison désormais nommée Lalique Group qui déploie ses talents et sa vision dans l’univers des bijoux, des parfums, des objets décoratifs et de la décoration d’intérieur et au sein des deux hôtels étoilés ouverts en 2015 et 2018 en Alsace et à Sauternes, Silvio Denz est également propriétaire de différents domaines dans le Bordelais (Château Lafaurie-Peyraguey, Château Faugères, Château Péby Faugères, Château Rocheyron, Château Cap de Faugères) et en Italie, regroupés au sein de la société Art & Terroir. Le grand entretien qui se tiendra ce mercredi à 19 h à l’auditorium Thomas Jefferson sera animé par le journaliste Jérôme Baudouin (La Revue du vin de France). L’événement est gratuit, ce qui n’empêche pas de réserver son billet ici.



Recherche et enseignement autour de la consommation responsable

« Quelles sont les conditions propices à la consommation responsable de vin au sein d’une société ? Comment encourager les bons comportements pour éviter les mauvais usages du produit et les risques associés ? » Ces questions seront au cœur de la mission de la chaire de recherche et d’enseignement qui vient d’être créée par Vin & Société et la Kedge Business School.

Avec pour objectif d’analyser le rôle de l’éducation et de l’information sur la consommation responsable de vin, cette nouvelle chaire dirigée par le professeur d’économie Olivier Gergaud associera des chercheurs internationaux de premier plan et travaillera en toute indépendance sur la base des axes de recherche et d’enseignement définis par son comité de pilotage : « La Chaire de recherche et d’enseignement dédiée à la consommation responsable a pour vocation de nourrir la réflexion et les choix de la filière vitivinicole en matière d’action de prévention. »

Ecole dispensant des formations en management pour étudiants et professionnels sur quatre campus en France (Paris, Bordeaux, Marseille, Toulon), deux en Chine (Shanghai, Suzhou) et un à Dakar, au Sénégal, Kedge propose également plusieurs formations spécifiques dans le domaine du management des vins et des spiritueux (niveau master). Par le biais de cette chaire et de sa mission d’éducation qui s’étalera sur trois ans avec une dotation annuelle de 86 000 euros, elle souhaite « s’engager auprès de la filière pour sensibiliser les futurs managers des entreprises françaises à la consommation responsable. »

L’organisme Vin & Société, au nom des 500 000 acteurs de la vigne et du vin *, travaille quant à lui à une « révolution de la prévention » à travers deux grands axes (responsabilité dans la consommation de vin et protection des populations à risque) pour lesquels 2 millions d’euros vont être engagés d’ici à 2022.


* Vin & Société représente la filière viti-vinicole française (production et négoce) à travers ses membres : 21 organisations interprofessionnelles régionales et 7 organisations professionnelles nationales. La filière vitivinicole emploie plus de 558 000 personnes réparties sur les deux tiers du territoire français. C’est le deuxième secteur d’exportation français avec 8,7 milliards d’euros, derrière l’aéronautique et devant les cosmétiques. Il compte 87 000 exploitations viticoles, 1 500 coopératives, négociants, vinificateurs et maisons de négoce qui contribuent activement à l’activité économique de 66 départements et qui attirent 10 millions d’oenotouristes par an dont 42 % d’étrangers. La France, avec 750 000 hectares de vignes, produit près de 16 % du vin de la planète.

La Fête de la Fleur et ses belles étiquettes

Jeudi dernier, en clôture de la vingtième édition du salon bordelais Vinexpo, la commanderie du Bontemps – Médoc, Graves, Sauternes et Barsac organisait comme chaque année depuis 1959 sa traditionnelle fête de la fleur (de vigne). Au château Lynch-Moussas, grand cru classé de Pauillac qui célèbre ces jours-ci le centenaire de la famille Castéja sur sa terre, 1 650 invités venus du monde entier ont assisté au « rendez-vous solennel des vignerons, négociants, courtiers, professionnels et amateurs du vin. » Animée par le grand maître de la Commanderie, Emmanuel Cruse, illuminée par un feu d’artifice et « marquée par la présence et l’intervention facétieuse de Jack Ma, patron d’Alibaba », cette soirée de gala s’est ouverte comme le veut l’usage sur une cérémonie d’intronisations.

Durant le cocktail qui a suivi, trois vins étaient proposés aux invités : Château Gloria 2011 (saint-julien), Clos Floridène blanc 2016 (graves) et Château Doisy-Védrines (sauternes). Orchestré cette année par le chef alsacien Marc Haeberlin (Auberge de l’Ill, à Illhaeusern), le beau dîner a ensuite fait rimer gastronomie étoilée et grands crus bordelais : Homard et petits pois, Château Smith Haut-Lafitte blanc 2010 (pessac-léognan) ; Volaille fermière des Landes et girolles, pommes de terre truffées en habit vert, Château Batailley 2009 (pauillac) et Château Lynch-Moussas 2003 (pauillac) ; Double Coulommiers à la crème de truffe, Château Haut Brion 2000 (pessac-léognan) en magnum ; Pêche M. Haeberlin en sabayon de sauternes, glace pistache, Château d’Yquem 2010 (sauternes).

La sélection intraitable : Champagne Pierre Gimonnet & Fils

Retrouvez le champagne Pierre Gimonnet & Fils, chouchou de notre dégustatrice Véronique Raisin, au Grand Tasting de Printemps, les 24 et 25 mai, au Carreau du Temple, Paris III.
La billetterie, c’est ici : https://printemps.grandtasting.com/billetterie/

Créateurs d’époque

André Lurton

Au lecteur : le 3 septembre 2004, notre collaboratrice Mathilde Hulot a réuni André Lurton et ses fils Jacques et François pour une interview croisée d’anthologie. Nous la reproduisons à l’identique

André Lurton, 80 ans, s’est battu toute sa vie pour défendre ses terroirs bordelais. Ses deux fils, Jacques et François, ont créé une entreprise de vins mondiaux. Pièce de théâtre révélatrice d’un monde du vin qui a bien évolué.

Les personnages
André, le père, 80 ans, a eu 7 enfants dont 5 filles.
François, l’aîné des deux garçons, l’homme du commerce mondial
Jacques, le technicien, le vinificateur

Préambule
Septembre 2004. André Lurton, propriétaire de 600 ha à Pessac-Léognan et dans l’Entre-deux-Mers, nous reçoit au château La Louvière, en compagnie de ses deux fils, Jacques et François. Le père vient d’avoir 80 ans. Maire de son village, Grézillac, pendant soixante ans, il a passé sa vie à se battre pour donner ses lettres de noblesse à l’appellation pessac-léognan, à défendre le vignoble contre l’invasion du béton, à retrousser ses manches pour développer ses exploitations et sauvegarder le patrimoine architectural et viticole de la région. Jacques et François ont fait leurs classes à l’international, puis ont créé, en 1988, leur société commune, Jacques et François Lurton. Jacques vinifie des vins à travers le monde, de l’Argentine au Languedoc en passant par l’Espagne, François les commercialise. Rencontre de deux générations qui se chevauchent, reflet d’un monde viticole qui, en l’espace d’un demi-siècle, a terriblement changé.

Au moment de se mettre à table, un téléphone portable sonne. Ce n’est pas celui de François.

François
Les gens ne m’appellent plus sur mon portable, je suis trop désagréable. Je déteste cet engin. Tu te souviens Papa, tu passais ta vie au téléphone quand on était petit ? A 9 h ou 10 h du soir, tu recevais encore des coups de fil. On te disait de ne pas décrocher, tu répondais : « C’est peut-être un client. »

Dans nos verres, La Louvière et Couhins-Lurton 1995.

François (s’adressant à son père)
Tu ne les as pas reconnus ?

André
Je goûte très mal aujourd’hui.

La conversation est lancée sur ce qu’ils se sont mutuellement apporté.

Jacques
On reçoit toujours de son père ou de sa mère. Notre métier, c’est sûr qu’on l’a appris de Papa. Cela va de soi. Puis, nous avons à notre tour apporté nos expériences à l’entreprise familiale. François et moi, nous sommes un assemblage de cet héritage reçu.

François
On s’est fait la main. J’ai fait le tour de la Méditerranée, traversé le Sahara, avec une Landrover. Hein Papa, tu pensais t’être débarrassé de moi ? Je suis revenu, avec la bagnole, je l’ai même bricolée pour la revendre ! Avec Papa, on a appris trois choses essentielles : être économe, savoir bricoler avec le moindre tuyau, gérer les coûts. Nous, on a appris à Papa à dépenser des sous et à se lâcher.

André
Oui, à se lâcher. J’ai toujours travaillé à crédit, avec les banques. L’argent n’était pas trop cher à l’époque, ce qui facilitait les investissements et la création de milliers de choses. Je dis la formule aux jeunots qui n’ont pas connu la période de guerre.

(Le principe des Lurton apparaît au grand jour : faire de l’argent avec du vin et non faire du vin avec de l’argent. Sur ce point, ils sont tous d’accord.)

François
Le nombre de business non rentables… Ces gens qui arrivent avec du fric, c’est pire que les subventions. Ils créent une compétition dure à vivre pour ceux qui se décarcassent à faire du vin.

André
Ils nous prennent pour des péquenots. Ils sont venus pour se donner une image, pour devenir des aristocrates

François
Celui qui fait de l’argent avec du vin finit par avoir un retour sur investissement. Le petit viticulteur prend un risque considérable, mais le grand industriel, quel risque prend-il ?

Jacques
On juge le risque ou le résultat ?

La discussion s’emballe trop, on revient à nos moutons.

André (à ses fils)
Vous m’avez apporté des choses intéressantes.

De l’autre côté de la table, deux raclements de gorge.

André
Vos gueules les mouettes ! Au risque de leur faire faire le groin, je suis un autodidacte, j’ai appris sur le tas. Eux sont arrivés avec un bagage différent du mien.

L’esprit frondeur des Lurton se transmet au galop.

François
Mes trois enfants (15, 14 et 9 ans) ont décidé ensemble de viser une moyenne de 16/20 en classe pour qu’on leur offre un petit chien.

André
J’ai poussé Jacques et François dehors, à coups de bâton, à un âge où d’autres sont dorlotés par leur mère (j’ai perdu ma mère quand j’avais 9 ans). Ils se sont bien débrouillés et sont venus travailler chez moi. Mais j’étais impossible comme patron, ils voulaient s’émanciper et monter leur affaire. J’ai eu peur à l’époque de devoir combler leurs déficits. Aujourd’hui, je ne suis plus inquiet, je suis fier.

Jacques
Maintenant, c’est nous qui sommes inquiets pour toi Papa.

André (débonnaire)
Oh, on a 100 000 hl de stock, oui… Avant, nos vins partaient trop vite. La mévente nous rend service, on va retrouver quelques marchés qui nous restaient à conquérir.

Dans la région, le bruit court qu’André Lurton va tout racheter. Les vignobles Lurton, c’est cinq chais de vinifications, 600 hectares, etc. Le père Lurton tient à son patrimoine : la région. On goûte un château-bonnet 1998 : fraîcheur, longueur, finesse et équilibre. Puis le château-des-erles 2002, le petit dernier des deux frères, un fitou né dans le Languedoc.

André (imperturbable)
Pas mal…

Puis un malbec 2002 du domaine de Chacayes, dans la Vallée de Uco en Argentine.

François
Un chacayes, c’est un épineux qui ressemble à l’acacia. Ce domaine fait 200 hectares de vignes plantées.

André
Quand ils ont trouvé la terre, ils m’ont demandé de venir voir. J’ai été bluffé. Il y avait des cailloux gros comme la table, d’autres petits comme des miettes de pain. Je leur ai dit : si vous enterrez les pierres, ce sera formidable. Ils ont cassé les pierres, ils les ont ramassées à la pelleteuse et à la main, et fait des murets. Puis ils ont construit une bodega fonctionnelle, sans chiqué.

Il revient sur les fortunes qui déboulent dans la vigne.

François
Oh Papa, tu ne vas pas recommencer.

André
Je suis né dans les vignes, j’ai souffert.

Il insiste et critique à nouveau ses voisins.

François
Nous aussi on a souffert. Mais on respecte nos voisins.

Jacques
On ne peut pas dire qu’ils ne drainent pas du monde dans la région.

André veut se lever pour faire le service.

François
On t’économise, Papa, c’est ça la retraite.

André (revient sur son sujet préféré)
Nous, les paysans, on se moque d’eux. La création de l’AOC leur font bénéficier d’une auréole extraordinaire. Pendant que d’autres ne pensent qu’aux Graves, mais les Graves, c’est un tombeau…

François (lui coupe la parole)
Ça y est, c’est reparti… (s’adresse à moi) Vous avez déterré la hache de guerre.

Jacques
Papa, il a fait des bêtises pour nous.

André
Ça vous aurait fait du bien d’en faire.

Jacques
Papa a exploré la région qui était déconsidérée. C’était un pari difficile, c’était un avant-gardiste, il s’est endetté, il a pris son risque local. Nous, on a fait pareil à l’échelle mondiale.

André
Si je ne m’étais pas battu pour les vignobles comme je l’ai fait, il y aurait des maisons partout aujourd’hui. Oui, je suis fier.

François
Nous, nous en sommes encore au stade de la construction. On n’avait rien quand on a démarré. On a tout créé, d’abord les chais de vinification, puis les vignobles. On a commencé en Argentine, ce n’était pas cher. On vend près du double de ce que vend papa, soit 12 millions de bouteilles par an. 150 personnes travaillent pour nous, des commerciaux et du personnel sur les propriétés. Il nous reste à rationaliser le tout, à équilibrer les budgets pour arriver au produit fini comme ici, chez Papa. Ce dont on est fier, c’est de l’avoir fait en si peu de temps.

André
Moi, je n’ai pas pu acheter de raisins quand j’en ai eu besoin. J’ai démarré en 1956. À cause du gel, je suis parti de zéro. J’ai dû planter du maïs et de la luzerne, bidouiller une machine à sécher le fourrage. Des nuits sans dormir.

François
Nous vinifions tout ce que nous vendons. De plus en plus, les raisins seront issus de nos vignes.

Jacques
Une des oppositions qui existent entre l’Ancien et le Nouveau monde, c’est bien l’achat de raisin. Ce n’est pas du tout dévalorisant dans le Nouveau monde.

François
Papa a toujours pensé qu’on était des négociants, mais notre but avoué était d’être vignerons. Ce raisin, on le surveille. Ici, à Bordeaux, quand on achète du raisin, on est forcément « négociant ». Nous, on essaie de changer la donne.

André
« À Opus One, quand il gèle, que faites-vous ? » avais-je demandé un jour à Mondavi. On a bien assez de raisins, m’avait-il répondu. C’est là qu’est le problème.

La conversation glisse sur la surproduction mondiale.

André
On ne peut pas gérer une viticulture avec un excédent comme ça.

François
C’est comme dans tous les business, le problème c’est qu’il n’y a pas de rapport entre celui qui fait le vin et celui qui le produit. Le vin, comme les céréales, ne sont pas marketés par les gens qui le produisent. C’est un thème récurrent. On m’a demandé de diriger un groupe de réflexion.

André (l’interrompt)
Oui, ils ont été très contents, d’ailleurs.

François
L’idée était de trouver des solutions pour rendre les viticulteurs responsables. Tout simplement leur apprendre à vendre leurs produits. Nous le faisons d’une certaine manière dans notre entreprise, Jacques et François Lurton : un contrôle entre chaque service permet à nos employés d’être conscients que l’activité ne s’arrête pas à leur tâche. Ceux qui font la mise transmettent le vin à l’entrepôt, etc.

Jacques
Les paysans d’ici me disaient il y a quelques années : « C’est toi qui nous tues, en allant faire du vin ailleurs. » Quand on va à l’étranger, on apprend aux gens à faire du vin, en France non.

François
Les Anglo-Saxons viennent à leur tour chez nous : il y a un assemblage formidable qui sort de toutes ces interactions. Quand les Français disent : « On est en difficulté à cause du Nouveau Monde », ça fait les choux gras de la presse. « On les a baisés » disent les Anglo-Saxons.

Jacques
Le problème, c’est que les grandes découvertes françaises sont mises en pratique beaucoup plus rapidement à l’étranger qu’en France. Dans le Nouveau Monde, si ça ne marche pas, ils font et défont. Nous, on n’a pas cette capacité de réaction.

Que pense le père des vins des fistons ? La question à ne pas poser.

François (réagit vite comme pour ne pas laisser parler son père)
Il ne les boit jamais. De toute façon, il y en a trop. Soixante-dix étiquettes environ.

Jacques
Depuis les années 2000, les vins de papa sont plus modernes.

François
Actuels.

André
Oui, on a fait des progrès.

François explique la démarche de leur entreprise.
Notre chiffre d’affaires augmente, nous faisons de plus en plus de vins chers. Pour être rentable, il a fallu faire des vins bon marché dans un premier temps. Maintenant, nos vignes nous permettent de nous recentrer à nouveau. On investit dans la qualité, cela va amener à une augmentation du prix du vin. Nous adaptons nos vins à la vente, c’est ce qui fait le succès du Nouveau Monde. Ici, chez papa, c’est l’inverse. Lorsqu’on a fait notre premier vin, Belonda de Lurton, en Rueda, on n’avait pas encore d’organisation. Le vin était bon, mais dur à vendre. Aujourd’hui, on a la crédibilité en plus. Mais tout le monde fait du bon vin. Pour en faire un grand qui se distingue, il faut un vrai battage médiatique pour convaincre.

François
Je me souviens, lorsque je prospectais pour mon père, le bordeaux tel qu’il le faisait était un produit novateur. Les portes s’ouvraient facilement. Papa pensait : « Mieux vaut faire deux fûts plutôt qu’un. » Depuis quatre ans, les acheteurs réagissent avec un « Encore ! » quand on leur propose un bordeaux. Papa s’est aperçu qu’il vaut mieux produire ce qu’on peut vendre.

Jacques
Sans marketing aujourd’hui, personne ne vend son vin. Tous les ans, il faut remettre une couche. Impossible de souffler. Le Nouveau Monde a compris qu’il fallait un énorme réseau de distribution, des équipes de vente pérennes. Les Français, pendant ce temps, faisaient leur vin et un agent le vendait. Papa n’a pas un seul permanent aux Etats-Unis.

La conversation se poursuit sur la crise du vin français.

Jacques
La crise est due au simple fait qu’on n’a pas promu nos vins.

François
En Espagne, les gens sont fiers de leurs vins. Là-bas, on crée des parcs nationaux pour les vignobles. Ici, c’est la chasse aux sorcières. On tire sur la poule aux œufs d’or. En Asie, on sème le doute. Je me suis entendu dire : « Eh, pourquoi vous ne les buvez pas, vos vins ? »

André
Le vin doit évoluer sans perdre son âme, si on le vinifiait comme il y a un siècle, personne ne le boirait plus.

François
Le mode de vie a changé aussi, il n’y a plus de cave comme autrefois, les gens étaient plus sédentaires.

Jacques
Le vin suit l’évolution des technologies, comme la photographie, la médecine. Il a pris la route de la technologie, mais en même temps, on s’est rapproché de la vigne… Aujourd’hui, on fait de la viticulture (éclaircissage, effeuillage, stress hydrique). La technologie n’est pas une réponse à la qualité, mais à l’industrie.

Faut-il aller vers une « désalcoolisation » des vins ?

André
Mieux vaut alors boire autre chose.

Jacques
Pourquoi ne pas en enlever ? On met bien du sucre.

François
Pour arriver à un vin à 12 % d’alcool.

André
L’osmose, c’est une connerie de l’interdire.

François
On évolue vers une production naturelle dans la vigne, vers de la pureté. Pourquoi telle technologie plus qu’une autre ? L’osmose, on en reparlera dans dix ans.

On passe au bouchage à vis.

Jacques
Les opinions divergent : 50 % pour, 50 % contre. La vis ne remet pas en question le bouchon, simplement celui-ci n’aura plus le monopole. Le vin oblige à un plus gros stockage. Autrefois, on mettait tout sur le compte du bouchon, avec la vis on ne pourra plus. Notre objectif est d’avoir 100 % des blancs bouchés vis dans les deux ans.

Qui a converti André ?

Jacques
François l’a convaincu, Papa a eu l’intelligence de sauter dessus. La macération pelliculaire, au début, il ne voulait pas en entendre parler. Comme les fermentations en barrique, développée avec Denis Dubourdieu. Papa a toujours géré sa viticulture au plus près de ses coûts. François et moi, on lui a appris à se lâcher.

François
On s’est battu pour faire passer château-bonnet en bouteille lourde, pour 10 centimes de plus par bouteille.

Jacques
Papa est plus un producteur qu’un vendeur.

Le chateau Rochemorin s’étend sur 105 hectares. Un chai flambant neuf sort de terre comme une winery chilienne ou australienne.

François
Ça y est, Papa fait du vin avec de l’argent (ça va le faire bondir).

André Lurton, l’homme de fer

Primeurs Bordeaux mars 2010

André Lurton, propriétaire des châteaux bordelais Couhins-Lurton, La Louvière, Bonnet, Cruzeau, Rochemorin, Barbe-Blanche, Coucheroy, Guibon, Quantin, nous a quittés cette semaine, à l’âge de 94 ans.

Cet empereur des vignes – il totalisait dans son portefeuille de crus 630 hectares, dont plus du tiers dans la seule appellation pessac-léognan – était depuis les années cinquante celui qui avait fait de son nom de famille, Lurton, une incontournable signature du vin de Bordeaux. C’était son grand-père, Léonce Recapet, qui en s’installant au Château Bonnet, au cœur de l’Entre-deux-mers, lui transmit cette passion dévorante pour la vigne. Il ne fut pas le seul de cette dynastie à devenir vigneron : son frère Lucien a transmis à ses dix enfants un patrimoine non moins conséquent de crus prestigieux. Avec son autre frère Dominique, père de Pierre, aujourd’hui président d’Yquem et de Cheval Blanc, ils menèrent longtemps une propriété commune, Clos-Fourtet, où Pierre, précisément, fit ses premières armes. André, lui, eut sept enfants et parmi eux quatre au moins sont devenus vignerons.

Dès les années cinquante, lorsqu’il reprit la propriété familiale de Bonnet, André Lurton s’engagea tout entier dans les combats d’un monde viticole d’abord à reconstruire, puis à moderniser, enfin à raffiner. Formé par le syndicalisme agricole et l’engagement citoyen (il cumula les fonctions à la Chambre d’Agriculture, dans de nombreux syndicats viticoles dont ceux de l’entre-deux-mers et de pessac-léognan, et fut maire de sa commune natale de Grézillac), il n’avait pourtant rien du notable bourgeois. L’homme était né combattant, il construira l’ensemble de sa longue vie comme un combattant. D’abord pour créer cette immense entreprise, à partir de presque rien, Bonnet, dont il avait hérité en 1953 et qui fut presqu’entièrement détruit par le gel trois ans plus tard. La Louvière et Couhins-Lurton, deux splendides crus, ont couronné cet œuvre de bâtisseur. Ensuite en ne cessant, avec une volonté de fer, de tracer la route des appellations d’origine contrôlée, lui qui savait bien la fragilité du travail des vignerons. Après l’Entre-deux-mers, qu’il contribua à lui permettre d’affronter les bouleversements du marché des vins de Bordeaux dans le dernier tiers du vingtième siècle, sa bataille la plus homérique fut la reconnaissance de l’appellation pessac-léognan, séparée définitivement des graves en 1987. Il présidera le syndicat de l’appellation jusqu’en 2005.

De ses sept enfants, on l’a dit, quatre sont devenus vignerons. Une seule, Christine Bazin de Caix, travaille aujourd’hui dans l’entreprise familiale. Jacques, raffiné winemaker, et François, bouillant vigneron entrepreneur, ont créé et construit à leur tour leur propre aventure viticole. Notre consœur et amie Mathilde Hulot, avait en 2004 réuni autour de la table André et ses fils Jacques et François pour un huis-clos vigneron où se sont échangés, avec beaucoup de saveur et quelques épices, les souvenirs, les passions et les engagements d’un trio hors norme. Nous publions ici cette conversation animée, qui nous fait revenir André dans toute sa force de vie.

À ses enfants et à toute sa famille, aux équipes des vignobles André Lurton, l’équipe de Bettane+Desseauve tout entière présente ses sincères condoléances.

Avec Taillevent, à table ou en caves

De la cinquième édition des ventes privées de rêve proposées par ses caves (cette fois, des millésimes exceptionnels du domaine Vega Sicilia en quantités confidentielles) à une dégustation des vins de Léoville Las Cases en passant par un dîner d’accords consacré aux vins de celui qui a su mettre en lumière « l’inestimable potentiel des terroirs du Sud-Ouest », la maison Taillevent propose ces jours-ci différents rendez-vous auquel, s’il compte en être, l’amateur songera à s’inscrire dès maintenant :

Les Caves de Taillevent, lundi 20 mai
Vente Dreamwine #5 – Vega Sicilia (Ribera del Duero, Espagne)

Inscription ici

Le Taillevent, jeudi 23 mai

Dîner “Secrets de terroirs” – Châteaux Montus et Bouscassé (Madiran)
En présence d’Alain Brumont
250 euros par personne, réservation ici

Les Caves de Taillevent, jeudi 23 mai

Dégustation Château Léoville Las Cases (Saint-Julien)
110 euros par personne, inscription ici

Chambert ouvre ses portes à la recherche (et aux visiteurs)

Propriété située sur le causse de Cahors dont les 65 hectares sont intégralement cultivés en biodynamie (certifications Ecocert, Demeter et Biodyvin), le château de Chambert s’apprête à inaugurer un nouveau bâtiment, pour l’accueil des amateurs comme pour leur édification.

Outre le bistro qui ouvrira plus longuement ses portes cette année, le visiteur qui viendra cet été s’intéresser de près au travail de l’équipe de Chambert, décrite comme une « petite PME de 15 familles qui vivent de l’activité viticole tout au long de l’année », y découvrira le dernier projet qu’elle a mis en place avec l’idée d’en faire « le juste reflet de la philosophie du domaine, de la singularité des vins et de l’art de vivre occitan. » 
En complément des offres existantes, le domaine disposera désormais d’une salle panoramique « suspendue au-dessus des vignes » assortie d’une cuisine professionnelle qui permettra au chef d’accorder les terroirs de Cahors à des « inspirations gastronomiques provenant du monde entier. »

Autre nouveauté, le laboratoire de recherche et développement sera consacré aux expérimentations à la vigne et au déploiement de solutions innovantes appliquées à l’agriculture (robotique, électronique, intelligence artificielle). Comme le nouvel espace de réception, ces 90m2 dotés d’équipements high-tech ont été conçus dans le respect du contexte environnemental, local et humain. Le propriétaire de Chambert, Philippe Lejeune, considère qu’il était impératif de privilégier les circuits courts et les matériaux locaux : « Stéphane Deligny, l’architecte en charge, avait pour mission de créer un espace portant ces valeurs, digne représentant de notre sensibilité avec la biodynamie et la nature. »

Si l’inauguration officielle du bâtiment aura lieu à la mi-juin, une présentation détaillée se tiendra en avant-première le samedi 25 mai lors des portes ouvertes de la propriété. Plus de détails en cliquant ici.

Le off du Grand Tasting de Printemps

La soirée before
Jeudi 23 mai, Bettane+Desseauve accueille toutes les amatrices et tous les amateurs de découvertes chez B.O.U.L.O.M, le dernier restaurant concept de Julien Duboué. 80 rosés (AOC languedoc, IGP de territoire Sud de France et Pays d’Oc IGP), sélectionnés par les experts du Guide des Vins Bettane+Desseauve seront proposés à la dégustation autour d’un buffet réalisé avec soin par les équipes de Julien Duboué.

Les rosés du Languedoc-Roussillon
En Languedoc-Roussillon, on trouve des rosés très clairs, faciles à boire mais on trouve également des rosés de gastronomie qui se définissent par une couleur plus soutenue, des arômes plus intenses et un goût plus prononcé. Ils sont capables d’aller de l’apéritif jusqu’à l’accompagnement de viandes rouges. Sans oublier la cuisine exotique, la cuisine asiatique notamment, sushis et autres sashimis, sur lesquelles les rosés font merveille quand les blancs et les rouges butent sur les épices, la crudité des poissons ou la complexité des saveurs.

Joie de vivre et exubérance
B.O.U.L.O.M, c’est le plus récent bébé du foisonnant chef Julien Duboué.  Il s’agit de l’acronyme « Boulangerie où l’on mange ».  Né dans l’esprit de cuisiner des plats gourmands et généreux dans un four à pain, l’entrée se fait par une boulangerie-pâtisserie. Au fond du couloir, le restaurant revisite le concept de buffet à volonté, dans la pure tradition des buffets villageois. « Gargantuesque et en même temps bon enfant, généreux et tout aussi stylé, ce buffet de bonnes choses et bons produits suscite à chaque table joie de vivre et exubérance », peut-on lire dans le Guide Lebey 2019.

La soirée des rosés, jeudi 23 mai, 19h-23h
La billetterie : https://www.weezevent.com/la-soiree-des-roses
Attention, le nombre de places est limité.
B.O.U.L.O.M, 181 rue Ordener, 75018 Paris.
https://www.boulom.net/galerie