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Les réserves de Ruinart




Par Frédéric Panaïotis, chef de caves de la Maison Ruinart

« On a peut-être chanté un peu vite les louanges du millésime 2012. Pourtant, au terme des vendanges, on voyait déjà certains danser le jerk sur les coteaux. Moi-même j’étais à un doigt de faire un petit pas de deux. Je l’ai même twitté. J’ai sans doute twitté un peu vite. Désormais, j’ai goûté tout ce que je devais goûter, à savoir un peu plus de 200 cuves, 75 % pour la vendange 2012, le reste dédié aux vins de réserve. Et je reviens en partie sur ce que j’ai dit. Je reprends mon droit de réserve sur la qualité du millésime.

Petit flashback sur l’année 2012. On avait constaté pendant le cycle végétatif une très forte hétérogénéité des raisins, et pourtant, la vendange nous avait offert des raisins très homogènes, donnant des jus agréablement surprenants à tous les niveaux, pour les degrés comme les autres paramètres. Depuis peu, j’ai noté que les jus étaient de nouveau hétérogènes, avec notamment des vins étrangement mûrs à ce stade du processus. C’est
le retour de bâton. Ok, on savait que la maturité était là cette année, mais je suis quand même un peu inquiet
de cette évolution rapide des jus. Pour le moment, je n’en connais pas la raison, mais je sens que quelque chose
ne tourne pas tout à fait rond.

Cela dit, ça peut encore changer. Là où c’est embêtant, c’est pour Dom Ruinart et Dom Ruinart Rosé. D’ailleurs,
je vous le dis sans détour, je n’ai pas encore décidé si nous en ferons, contrairement à nos confrères de Château d’Yquem pour qui les choses sont claires. Pas de millésime en 2012. Pour les cuvées Dom Ruinart, il nous faut des jus aptes au long vieillissement, et ça n’en prend pas le chemin. Mais nous avons encore le temps. Je prendrai ma décision de manière raisonnée, en toute sérénité. Le bon côté des choses, c’est que je suis nettement moins inquiet pour les non-millésimés, R de Ruinart, le Blanc de Blancs et le Rosé. L’année 2011 n’ayant pas été d’une grande richesse, la maturité des jus de 2012 la compensera aisément et nous devrions avoir de jolis vins. Après tout,
il ne faut pas perdre les pédales, ces cuvées représentent 95 % de notre production. Pour la Maison Ruinart, le nerf de la guerre est là.

Comme je suis curieux, je me suis rencardé autour de moi. Les échanges que j’ai eus pour l’instant, en et hors Champagne, font état d’un millésime compliqué. Nous ne sommes donc pas les seuls à être perplexes. Il y a quelques jours, j’ai eu l’occasion de parler avec la charmante Emilie Gervoson (domaine Larrivet Haut-Brion)
qui se fait aussi un peu de souci. Sur les blancs, elle est contente, tout roule, mais sur les rouges, elle attend encore de voir l’évolution pour se prononcer. Bien entendu, je vous tiendrai au jus de ce qui se passe chez nous, et ailleurs. En attendant, on s’y remet et on essaie de comprendre. »

Les dix champagnesqui feront de vousun hôte inoubliable

Aujourd’hui, notre Top 10 des champagnes faits pour les moments de fêtes. Ce ne sont pas des champagnes de boîtes de nuit, mais des grands vins de gastronomie ou de conversation. Des champagnes pour se souvenir pourquoi on aime tant le champagne.


Taittinger
Comtes de Champagne Blanc de blancs 2002

Sûrement l’un des plus brillants des grands Comtes de Champagne : ample, épanoui, généreux et se développant en bouche avec beaucoup de finesse et de subtilité.
Apogée : 2012 à 2020

110 €


Moët et Chandon
Grand Vintage 2004

Sans aucune lourdeur, finement bouqueté avec ses notes de zeste, c’est un champagne racé et élancé qui possède une délicatesse aérienne et apéritive. Une grande réussite.
Apogée : 2012 à 2018

46 €


Dom Pérignon
2003

1976 avait produit un Dom Pérignon légendaire. Cet autre grand millésime de canicule possède aussi une personnalité hors norme. Alliant un fruit remarquablement épanoui à une ampleur délicate, ronde et subtile, c’est un grand champagne, tendre, d’une longueur savoureuse.
Apogée : 2012 à 2020

135 €


Charles Heidsieck
Brut Réserve

Très florale et finement fruitée, la cuvée non millésimée de Charles Heidsieck est remarquablement affinée, pure et persistante.
Apogée : 2012 à 2014

32.70 €


Veuve Clicquot-Ponsardin
La Grande Dame 2004

Dans un style plus consensuel que le Vintage, mais d’une classe époustouflante, ce millésime fera date : grand volume aérien, superbe élégance, allonge inoubliable. Du grand art.
Apogée : 2012 à 2022

138 €


Thiénot
Alain Thiénot 1999

Champagne mature, aux notes de céréales grillées, assez souple pour s’accorder autant à la table qu’à l’apéritif.
Apogée : 2012 à 2016

80 €


Henriot
Cuvée des Enchanteleurs 1998

Brioché, avec des arômes de fruits confits, c’est un champagne ultra savoureux et de grande finesse. Délicieux aujourd’hui.
Apogée : 2012 à 2018

120 €


Pommery
Louise 1999

Fruit délicat et brillant, allonge distinguée, grande délicatesse en bouche. Alliant la tendresse, l’élégance et la profondeur, il décrit à lui seul une certaine idée du champagne.
Apogée : 2012 à 2018

135 €


Piper Heidsieck
Brut 2004

Style ample, avec un fruité généreux et une allonge crémeuse et fraîche, incontestablement raffinée.
Apogée : 2012 à 2016

38 €


Bollinger
Rosé

Bouquet très fin de fruits rouges, droiture impressionnante en bouche, délicatesse et fraîcheur, finale pure et longue.
Apogée : 2012 à 2015

52 €

Les dix rougesqui feront verdirde jalousie vos rivaux

De 14 à 400 euros, notre Top 10 des grands vins rouges de fêtes. L’occasion ou jamais de prouver à tout le monde comme vous êtes à la fois exigent, esthete et, éventuellement, généreux. Certains d’entre eux feront merveille sur votre table, mais dans vingt ans.


Marquis de Terme
Margaux 2009

Grand vin vigoureux et racé, parfaitement harmonieux dans son tanin, un des meilleurs rapports qualité-prix de ce millésime très recherché.
Apogée : 2019 à 2029

38 €


Château Pavie
Saint-émilion 2010

Grand volume parfait, remarquable d’intensité et de volupté, longueur profonde. Grand raffinement de texture, une puissance domptée, un soyeux de tanin remarquable, c’est très grand.
Apogée : 2018 à 2032

320 €


Château Angélus
Saint-émilion 2009

Grand nez exhalant un boisé toasté, un fruit mûr et complexe, beau volume généreusement bouqueté, allonge suave, profondeur épicée avec de la mûre. Grand avenir.
Apogée : 2016 à 2026

400 €


Château Fombrauge
Saint-émilion 2009

On a une profondeur enveloppante, avec un tanin qui conjugue puissance et élégance, ce vin évolue parfaitement.
Apogée : 2014 à 2022

32 €


Château Grand-Puy-Ducasse
Pauillac 2009

Petites notes de suie et de créosote au nez, qui semblent propres au terroir du cru, puissant, charnu, mais encore un peu raide dans son tanin.
Apogée : 2017 à 2027

cav 40 €


Château Villa Bel-Air
Graves 2009

Reste fidèle à son style. Tout en délicatesse et élégance, avec un nez fondu et mûr, une très jolie minéralité, une bouche ample, aux tanins ronds et harmonieux, et une bonne fraîcheur.
Apogée : 2012 à 2015

env 14 €


Château de Pibarnon
Bandol 2010

Grande construction de bouche portée par des saveurs racées, puissantes, extrêmement goûteuses. C’est un grand bandol en devenir, les qualités du tanin ont encore progressé.
Apogée : 2013 à 2020

28 €


Domaine Philippe Alliet
L’Huisserie, chinon 2010

Grande huisserie, la bouche est superlative, excessive, charmeuse et endiablée.
Apogée : 2012 à 2025

17 €


Egly-Ouriet
Cuvée des Grands Côtés, coteaux-champenois ambonnay 2009

On touche au sublime, si on sert le vin à 19/20°C, température à laquelle son onctuosité incomparable, le fondu de son tanin et de son boisé (Tronçais tri-centenaire garanti) en font une des plus hautes expressions mondiales du pinot noir. Le chef d’oeuvre à ce jour de ce grand vigneron.
Apogée : 2017 à 2024

52 €


Louis Latour, Château Corton Grancey
Corton grand cru 2010

Pas très coloré, mais racé au nez, avec une touche minérale habituelle dans le secteur des Perrières et Chaumes, base importante de cet assemblage, tanin fin.
Apogée : 2018 à 2025

70.20 €

Accords de fêtes

« Un peu d’impertinence ne nuit pas – forcément – à la pertinence. C’est avec cette idée en tête que je réinterprète quelques accords mets vins pour les repas de fête. Mon travail, c’est de faire du vin et le champagne Ruinart.
Mon hobby, c’est d’être aux fourneaux pour essayer de faire matcher mets et vins. Je cherche sans cesse le clash gagnant entre les deux, celui qui engendrera un petit flash de bonheur. Avec les « nourritures obligées », on pourrait penser que les fêtes ne sont pas le meilleur moment pour ça. Je vous soumets pourtant, en toute modestie, le petit exercice en deux temps auquel je me suis livré. Le premier défi consistait à essayer de trouver un accord vin original sur un mets tout ce qu’il y a de plus classique. Dans le second, il s’agissait de partir d’un type de vin bien connu et de tenter de le marier à un mets un peu plus funky. Avant que je n’oublie, toutes les recettes sont empruntées aux différents livres de Charlie Trotter, le célèbre chef chicagoan, aujourd’hui en congé sabbatique indéterminé. Allez hop, c’est parti.

On commence avec le saumon fumé. J’en entends déjà certains râler. Pourtant le saumon fumé, ça peut être très bon, pourvu qu’il ne soit pas trop fumé. Si c’est le cas, sortez direct un whisky écossais un peu tourbé (Mackinlay’s Rare Old Highland Malt Shackelton Discovery « 1907 » ou un Ardbeg Blasda peuvent convenir) ou l’aquavit. Mais si votre saumon est fin, délicatement fumé, avec une chair fondante à souhait, comme celui qu’un ami suédois me rapporte périodiquement (celui de la Maison Lisa Enqvist à Stockholm, pour les curieux), alors il faut fouiner pour trouver un grand vin blanc à la fois riche mais aussi bien sec en finale. J’ai craqué sur l’accord produit avec un Tokay Furmint Dry « Szent Tamas vineyard » de chez Istvan Szepsy. Un joli contraste entre le gras du saumon et la finale fraîche et cristalline du Furmint, le goût fumé étant challengé par des notes de pierre mouillée – la vraie minéralité pour moi. Le foie gras poêlé est aussi un grand classique même si je l’apprécie plus au goûter qu’au dîner, parce qu’après ça, le palais est quasiment saturé et ça devient difficile d’enchaîner. Essayez donc un petit en-cas par une froide journée d’hiver, et offrez-lui un beau liquoreux (un grand sauternes, un layon voire un jurançon doux pour la note exotique). En regardant les rugbymen français menacer sévèrement le pack anglais en mêlée, ainsi que je l’ai fait, ce n’en est que meilleur. Plus sérieusement, s’il faut lui trouver autre chose, je pars sur le chardonnay, et bien sûr en Bourgogne (tant qu’à faire, choisissons, s’il vous plaît, un Corton-Charlemagne d’au moins 10 ans). Je pratique ces accords depuis longtemps, et ça marche très bien. J’ai aussi une botte secrète, c’est un Dom Ruinart, si possible dans un vieux millésime (au choix : 1993, 1990 et même 1988). Ce n’est pas pour faire la promo, mais ça fonctionne hyper bien, notamment si vous déglacez votre foie avec un vinaigre de fruits ou un chutney de la même veine. Les arômes toastés du Dom Ruinart viennent littéralement s’accoupler aux notes caramélisées du foie poêlé, tandis que la fraîcheur et l’effervescence font un peu de rentre-dedans à son onctuosité. Franchement, c’est un accord diabolique. Je ne vous épargne pas les huîtres car elles ne vous seront sans doute pas épargnées. Mais comme j’ai décidé de ne pas vous laisser tomber, je ne vous propose pas moins de deux accords gourmands pour sauver la face, et même la ramener un peu. Si vos huîtres sont crues, servez-les avec une petite julienne de fenouil mariné, une purée de fenouil aux trois poivres, et quelques gouttes d’huile d’olive à l’estragon. Vous obtiendrez un bel équilibre entre le végétal et l’iodé, et là, tout de suite, un sancerre de belle provenance s’imposera. Si vous avez à la cave du François Cotat en « Monts Damnés » ou « Culs de Beaujeu » avec quelques années, c’est bingo. Sinon, panez-les dans une poudre de riz arborio et accompagnez de pousses d’épinard et de bok choy à peine revenues au beurre, avec du gingembre confit et une sauce tartare légère relevée au jus d’agrumes. Si vous activez cette option (qui, soit dit entre nous, plaira à tout le monde, parce que l’huître cuisinée, c’est plus facile à avaler), c’est un riesling alsacien qui conviendra, et mieux encore, un riesling allemand de la région du Rhin, comme le Kiedricher Trocken 2010 du domaine Robert Weil.

Maintenant que nous avons réglé leur compte aux incontournables de l’assiette, intéressons-nous aux beaux flacons classiques, en essayant de les faire danser sur des plats un peu recherchés. Je commence avec du chenin, comme ce beau savennières du Domaine des Baumards, cuvée « Trie spéciale », et avec 4 ou 5 ans d’âge. On est sur les fruits mûrs, avec cette typique pointe d’amertume quasi saline, et le gras sur le palais. Il y a quelques temps, j’ai fait l’accord quasi parfait, de manière totalement inattendue, sur une lasagne de lapin et de navet, sauce aux petits pois (avec les cosses). Navets braisés dans un bouillon, râbles juste sautés puis émincés, le tout monté en millefeuille avec du chou chinois aux shiitake et beurre de foie gras. Un accord franchement irréel qui m’a laissé sans voix. Etant bourguignon de coeur, il fallait que je sorte un pinot. J’ai choisi la finesse d’un chambolle-musigny de chez Dujac, plutôt jeune (notez que si j’ai déjà atteint le plafond de votre encours bancaire avec mes précédentes propositions, un Givry 1er cru du Clos du Cellier aux Moines fera tout aussi bien l’affaire. Dans l’assiette, une marmite de petits homards, suprêmes de pigeon, trompettes de la mort, jus de pigeon et cerfeuil, rien que ça. L’idée, c’est l’accord à mi-chemin entre terre et mer. La finesse du Côte de Nuits s’accommode fort bien du homard au goût légèrement sucré, de la suavité du pigeon et, il va sans dire, du caractère automnal conféré par les trompettes. J’adore. Enfin, la troisième quille est un grand vin du Rhône, mettons un hermitage rouge de Jean-Louis Chave, dans la maturité si possible, c’est-à-dire d’au moins 15 ans. Là-dessus, je colle des flans d’os à moelle de boeuf, avec une croûte de cèpes et une purée de cèpes à la sauge. Attention, puissance aromatique garantie. C’est aussi hyper fondant, et c’est ce qui est magique avec les syrahs septentrionales. On pense que c’est seulement de la richesse et de la puissance, à cause des notes sanguines, de la réglisse, du poivre ou des arômes de viande séchée, mais c’est également ce côté longiligne, très droit en bouche, qui crée un équilibre presque miraculeux.

Voilà, je me suis bien amusé avec ce petit jeu des accords mets vins à l’endroit et à l’envers et j’espère que vous n’hésiterez pas, sur vos sites, blogs et comptes Twitter, à réagir, enrichir, contre-proposer, car je suis toujours à l’affût d’idées à mettre en pratique. Je n’en ai jamais assez. Bonnes fêtes à vous. »

Par Frédéric Panaïotis, chef de caves de la maison Ruinart.

Les princes des caves (4/5)

Ce sont des travailleurs de l’ombre mais leur rôle n’en demeure pas moins essentiel. Responsable de l’élaboration et de l’élevage du champagne pour Charles et Piper Heidsieck, portrait de Régis Camus.

Pourquoi les grands garçons inspirent-ils forcément confiance ? Faut-il accorder du crédit au regard bienveillant de ce type-là ? Une pluie de médailles fait-elle le printemps ? Un faisceau de preuves suffit-il ? Régis Camus est l’heureux récipiendaire de toutes sortes de qualités et de mérites. Au point qu’on peut s’interroger, puisque le mieux est toujours l’ennemi du bien. Il est taillé comme un joueur de rugby, il a l’oeil doux et vif en même temps, ses champagnes – Charles Heidsieck et Piper-Heidsieck – sont mondialement réputés, voilà un chef de caves heureux. Nous, nous l’aimons pour le caractère écartelé du métier qu’il fait dans cette maison. Il y a d’un côté Charles Heidsieck, des champagnes de haute couture, raffinés, brochés, peu connus, réservés aux vrais amateurs. Une marque qui, à toutes les étapes de sa gamme, du brut réserve au blanc-des-millénaires, en passant par le millésimé et le rosé, enchante les critiques de tous les pays. Un côté champagnes-de-ceux-qui-savent, comme disait finalement la pub. Et il y a Piper-Heidsieck, un champagne plus facile, de beaucoup plus grande diffusion et notoriété, superbement snobé par les aficionados et plébiscité par le grand public, comme les films du Festival de Cannes, dont d‘ailleurs, Piper est le champagne officiel depuis des lustres. Ce vin, dont il s’occupe aujourd’hui à 98% (Thierry Roset est chef de cave “à plein temps” pour Charles Heidsieck), passa quelques années dans une approximation indigne d’une grande maison. Régis Camus l’a redressé, lui a rendu une qualité à la hauteur de son histoire. Comment peut-on faire deux champagnes si différents ? La Champagne, dans son infinie capacité à répondre à tout, a inventé le truc qui lui évite de répondre à l’impossible : quel est le meilleur champagne ? Ce truc magique, c’est ce qu’on appelle le style-maison, et qui explique qu’il n’y a pas deux champagnes vraiment semblables et que chaque cuvée trouve son public, content de retrouver le style qu’il aime, année après année. Et donc, Régis Camus applique ce saint précepte à chacune de ses marques avec le succès qu’on connaît. Mais comme on ne se refait pas, il n’a pas pu s’empêcher de doter Piper-Heidsieck d’une grande cuvée, elle s’appelle Rare et, on s’en doutait, est produite à très peu d’exemplaires et ne ressemble pas du tout aux plus belles cuvées de Charles Heidsieck. Une manière comme une autre d’occuper tous les terrains. Et de décrocher encore quelques médailles d’or dans les concours anglais. Ce Régis n’a pas fini d’imprimer sa marque sur la Champagne.

Nicolas de Rouyn. Photo, Mathieu Garçon

Les dix liquoreuxqui feront votre gloire

Voici notre Top 10 des vins de Sauternes et de Barsac. Ils sont les compagnons indispensables des dîners de fêtes. Ouvrez-les et savourez leurs arômes enveloppants. Vous serez tout près du plus grand des bonheurs.


Château de Fargues
Sauternes 2008

Puissant et long, opulent, beaucoup de richesse, beau rôti, botrytis noble avec bonne acidité qui lui donne de la tenue, nous déplorons cependant un boisé encore un peu trop insistant.
Apogée : 2017 à 2024

98 €


Château Guiraud
Sauternes 2009

Notes d’acacia et de pin au nez, riche, équilibré mais donnant le sentiment d’arriver assez vite à son sommet, moins complexe en finale que 2008 et moins complet à la naissance que les vins qui suivront, en cours d’élevage, les merveilleux 2010 et 2011.
Apogée : 2017 à 2024

50 €


Château d’Yquem
Sauternes 2009

Un vin absolument parfait à sa naissance, si cela peut exister : corps admirable, fruit prestigieux et pur, allonge considérable, impossible d’imaginer comment aller plus haut.
Apogée : 2019 à 2039

825 €


Château Climens
Barsac 2009

Corps et liqueur impressionnants, même pour Climens, vin de grand format et de grand avenir. Et aucun manque d’acidité pour équilibrer l’ensemble.
Apogée : 2019 à 2039

110 €


Château Coutet
Barsac 2009

Nez développé d’agrumes, moins opulent que d’autres mais très plein, très équilibré, parfaitement barsac dans sa finale où un léger sel équilibre le sucre. Beaucoup de rôti dans la liqueur.
Apogée : 2019 à 2029

50 €


Château Suduiraut
Sauternes 2009

Une merveille d’harmonie dans la puissance, et toute la beauté aromatique liée à ce château, dont le fruit peut rappeler celui des grands barsacs, mais avec le rôti du voisinage d’Yquem.
Apogée : 2019 à 2039

80 €


Château Nairac
Barsac 2009

Riche, puissant, très rôti, pas encore pleinement rétabli de sa prise de bois, excellence acidité, du vrai et sincère grand liquoreux.
Apogée : 2017 à 2029

54 €


Château Haut-Bergeron
Sauternes 2009

Un sauternes de garde, riche avec du collant et du rôti, pas des plus fins mais fait dans les règles de l’art. Jolie finale de bonbon à la mirabelle et à la prune.
Apogée : 2015 à 2023

24 €


Château Doisy-Daëne
Barsac 2009

Admirables arômes nobles de raisins parfaitement cueillis et triés, entre l’abricot, la fleur d’acacia, la mangue et le cédrat. Pureté d’école, grande longueur, grande classe et grand rapport qualité-prix (aucune spéculation n’est à envisager).
Apogée : 2019 à 2029

42 €


Clos Haut-Peyraguey
Sauternes 2009

Grand volume de bouche, impressionnant de puissance et de complexité en devenir, il mérite le plus large succès.
Apogée : 2019 à 2039

43 €

Cher Père Noël






Tu ne m’offriras sans doute pas l’une des créations issues de l’association de la maison de négoce Cordier Mestrezat Grands Crus avec trois artisans bordelais en vue de décliner des versions très limitées de sa mallette 4Box. Eh bien ce n’est pas grave, cher Père Noël, je ne t’en voudrais pas. Ce qui compte, après tout, c’est la beauté du geste, et on la trouve dans une série de films qui emmènent l’amateur de grands bordeaux en voyage, pour trois minutes, entre luxe et artisanat. Pour le moment, seule la vidéo consacrée au travail de la Maison Alexandre Mareuil est disponible. L’artiste y travaille une fine sélection de peausseries pour donner naissance à la mallette Cordier Mareuil4Box en photo ci-dessus. On patientera jusqu’à début 2013 pour découvrir la naissance d’une pièce unique travaillée à la feuille d’or 24 carats selon les méthodes utilisées du temps de Louis XIV. Trois semaines de travail
ont été nécessaires à Véronique Debord, doreur-ornemaniste bordelaise, pour concevoir ce bijou qui a été vendu 50 000 euros à un homme d’affaires chinois au Salon Vinexpo Hong Kong 2012. Idem pour la vidéo montrant le travail de l’ébéniste-marqueteur Loïc Chassagne qui a conçu la mallette en photo ci-dessous (Cordier Royal4Box, 100 000 euros prix public TTC avec 4 bouteilles de Pape Clément, 1961, 1986, 1988, 1996). Sa fabrication a nécessité plus de 60 heures de travail et seuls 15 exemplaires seront disponibles, la rareté de la bille de chêne utilisée, issue de l’arbre de Marie-Antoinette, ne permettant pas d’en produire plus.




Vin & santé

A l’heure où vins et champagnes vont prendre leur place à table pour les fêtes de fin d’année, on continue avec
les études publiées par Vin & Société (voir ici celle d’hier). Depuis 2 ans, cette association mène avec l’appui du cabinet Alcimed une étude bibliographique* sur les effets du vin sur différentes pathologies chroniques telles que les maladies cardio-vasculaires, les maladies métaboliques (diabète, obésité…), les maladies neuro-dégénératives (Alzheimer, Parkinson…), les cancers, les maladies osseuses, etc. Constance Hervieu, qui mène cette étude pour le cabinet Alcimed considère qu’elle permet d’affirmer que « dans le cadre d’une consommation régulière et mesurée, le vin a des effets bénéfiques dans la prévention des maladies cardio-vasculaires, du diabète de type 2 et de certains cancer, résultats bénéfiques qui riment avec consommation mesurée et responsable. »

Quatre niveaux de preuve ont été définis. Le consensus signifie qu’au moins 8 études montrent toutes le même effet ou qu’au moins 4 études portant sur des populations de plus 100 000 personnes montrent des effets similaires. La piste sérieuse est établie lorsqu’au moins 4 études montrent une tendance claire ou qu’au moins deux études portant sur plus de 10 000 sujets permettent de dégager une tendance claire. La piste émergente est conséquence d’une tendance montrée par 2 à 4 études. Enfin, la controverse naît lorsque plusieurs études montrent des résultats contradictoires.
 De manière consensuelle, l’étude montre que la consommation modérée de vin a des effets bénéfiques sur la mortalité générale et dans la prévention des maladies cardio-vasculaires, du cancer colorectal
et du cancer de l’oesophage.

Parmi les pistes sérieuses, les études démontrent un bénéfice de la consommation modérée de vin dans la prévention du diabète de type 2 et des maladies neuro-dégénératives ainsi que dans l’amélioration des fonctions cognitives. Concernant les cancers, les études de cette année permettent de confirmer que la consommation responsable de vin serait intéressante dans la prévention des cancers du poumon, de la thyroïde ou du rein et sans effet dans le déclenchement des cancers de la prostate et de l’estomac. 


Parmi les pistes émergentes, comme les années précédentes, les études montrent que la survie après le diagnostic d’un cancer est meilleure chez les consommateurs modérés de vin. De même, l’étude montre que le vin aurait des bénéfices dans la prévention des cancers de la vessie et du sein non hormono-dépendant. Cependant, comme évoqué l’an passé, il semble que la consommation régulière de vin, tout comme celle d’alcool en général, augmente les risques de cancer du sein hormono-dépendant. Cette forme de cancer qui est la plus fréquente est également fortement influencée par d’autres facteurs de risque comme une puberté précoce, une ménopause tardive, une maternité tardive, une absence d’allaitement…

Pour finir, deux controverses existent. L’une porte sur les effets du vin sur les cancers des VADS (voies aéro-digestives supérieures), sauf l’oesophage, et l’autre sur le cancer de la peau. Les publications scientifiques concernant ces pathologies seront suivies avec attention par Alcimed et Vin & Société en 2013. En attendant,
on rappellera que ce qu’on appelle une consommation modérée correspond à trois verres par jour maximum pour un homme et deux pour une femme.


* Depuis septembre 2011, 869 publications ont été recensées dans la base Pubmed portant sur le vin, l’alcool et la santé. 99 études ont été sélectionnées à l’issue de ce premier regroupement. Les études in vitro, celles ne portant pas sur les thématiques retenues ou encore celles n’étudiant l’effet du vin que dans le cas d’un régime global ont été exclues. Les résumés de ces 99 études ont été lus attentivement et l’analyse a été complétée par une étude plus détaillée de 18 publications.

L'Alsace, sans attendre

Voilà le Top Ten d’Alsace des bonheurs tout de suite. Des vins fins et prêts à boire, quelle chance. Parfait pour ceux qui savent qu’il est grand temps de découvrir l’Alsace et ceux qui ne veulent pas toucher à leurs grands alsaces.

 


Domaine Marc Tempé
Alsace zellenberg, riesling, blanc sec 2009

Intensément fumé, fruits secs, la bouche exprime la vivacité citronnée classique pour le cépage. Encore un redoutable vin de gastronomie, splendide équilibre.

13.90 €


Domaine André Kientzler
Alsace Grand Cru Kirchberg de Ribeauvillé, muscat 2010

Salin dès l’attaque, cette petite austérité lui donne de l’allonge et de la pureté, beaucoup de finesse et un grand potentiel d’accords gourmands, un parfait vin sec.

15.50 €


Domaine François Schmitt
Alsace Grand Cru Pfingstberg, riesling, Cuvée Paradis 2010

Attaque citronnée, tension et droiture en bouche, ensemble pur et concentré, finale salivante à souhait, excellent.

11.30 €


Domaine Loew
Alsace Bruderbach Clos des Frères, riesling 2010

Attaque citronnée, bouche tendue, bel extrait sec, un riesling dense et droit, taillé pour un poisson à chair ferme comme un saumon.

10 €


Domaine Laurent Barth
Alsace Grand Cru Marckrain, gewurztraminer 2010

Des notes de compote de fruits, de beurre fondu et de sous-bois, une amertume qui procure de la longueur, une texture épaisse pour un ensemble savoureux, assez original par ses parfums, une finale légèrement fumée, joli vin.

20 €


Hugel et Fils
Pinot Gris Tradition 2008

Version élégante du cépage, avec une belle finesse en bouche, la vinification en vieux bois amène du gras
mais l’ensemble reste très frais, équilibré, sans sucre. Coing, poire, artichaut aussi.

12.64 €


Trimbach
Riesling réserve 2009

Léger début de minéralisation, après un peu plus d’un an de bouteille. Mélange agrumes, fleurs et notes terpéniques. Bouche d’une intense pureté, avec une finale concentrée, même si en grand millésime on aurait encore plus de tension vive sur la fin de bouche.

14.40 €


Domaine Paul Blanck
Pinot noir F 2009

Fraîcheur mentholée au nez, fruits rouges, texture élégante, un pinot noir puissant et riche.

24 €


Domaine Marcel Deiss
Alsace rouge 2010

Charnu, élancé, tanins fins, finale légèrement épicée, beaucoup de gourmandise dans une structure fine.

18 €


Domaine Albert Mann
Pinot Noir Clos de la Faille 2010

De la sève, de l’élégance, fruits et sous-bois, très digeste.

28 €

Les princes des caves (5/5)

Ce sont des travailleurs de l’ombre mais leur rôle n’en demeure pas moins essentiel. Responsable de l’élaboration et de l’élevage du champagne pour Dom Pérignon. Rencontre avec Richard Geoffroy.

Bosser un portrait de l’auteur de Dom Pérignon n’est pas simple. Comme tous les gens forts, Richard Geoffroy est assez pluriel, changeant, doué d’ubiquité, largement aussi complexe qu’un Dom Pérignon d’un vieux et bon (ce qui va bien ensemble) millésime. Le problème avec Richard Geoffroy s’énonce ainsi : comment fait-il pour produire une telle quantité d’un si grand champagne?
Naturellement, il ne répondra pas à cette question, il se joue de l’obstacle et part dans des digressions suffisamment passionnantes pour faire oublier la ligne de départ, des pays bleus où les considérations économiques n’existent pas, c’est plus pratique. C’est la règle dans le gros groupe (Moët-Hennessy pour ceux qui sont tombés de la dernière pluie), pas de chiffres, le champagne est une fête, un rêve, pas un produit, inutile d’affoler le monde.
Le gaillard a 58 ans. Né en Champagne, il est « the » champagne, son ambassadeur mondial, une marque à lui tout seul, l’icône des cuves.
Morceaux choisis pour lire vite.
Racines. « Quand tu viens de la terre, tu lui appartiens. » « Je suis fils de vigneron et j’ai une relation organique avec la vigne, voilà mes racines. »
Vins. « Je n’ai rien changé, juste cherché à aller plus loin dans le projet Dom Pérignon. Creuser le sillon, tendre vers un absolu, c’est une quête pour toujours. » « La trace d’un esprit, c’est de laisser respirer le millésime, laisser s’installer un dialogue entre le style de la maison et les caractéristiques de l’année. Conjuguer l’un et l’autre de la manière la plus saillante. » «La technique n’est pas dans la tradition Dom Pérignon ; le progrès; oui. »
Equipe. « Mon passé de médecin m’a appris à exprimer ce que je veux d’une façon compréhensible par mon équipe. » «L’excellence est dans le management. Emmener chacun à son meilleur niveau. C’est ce qui m’occupe le plus, ou pas loin. »
Vista. « La continuité n’existe pas. L’esprit est plus important que la reproduction ». « Il faut que la Champagne se détende. Il y a des vignerons qui bougent les lignes. La Champagne est en mouvement, le travail d’excellence avance partout. »
Demain. « Sur les millésimes de la décennie 2000, attendez-vous à des surprises. Il y a moyen d’étonner en étant soi-même, sans se perdre. »
Il faut bien écouter ce que dit Richard Geoffroy et surtout ce qu’il ne dit pas, et que ces mains en mouvement perpétuel ne trahissent pas. On l’aura compris, ce grand homme du champagne est un drôle de zigoto qu’on a vite fait d’aimer. Pas autant que ses Dom Pérignon, mais presque.

Nicolas de Rouyn. Photo, Mathieu Garçon.