Dans l’Hérault, à quelques kilomètres au nord-ouest de Pézenas, sur la commune de Caux, le Mas Belles Eaux doit son nom aux nombreuses sources qui affleurent sur ses terres. Ici, les soixante-quinze hectares de vignes plantés de cépages traditionnels du sud de la France, syrah, grenache, mourvèdre, mais aussi quelques rares vieux carignan, donnent naissance à deux familles de vins d’AOC Languedoc : Sainte Hélène et les Coteaux, et une collection Cépages qui inclut des blancs et des rosés. Dès ce soir, et chaque mercredi jusqu’à la mi-septembre, on pourra venir les déguster, accompagnés de quelques tapas, à l’heure où le soleil baisse la garde, sous les chênes centenaires. Réservation ici.
Mesdames, Messieurs, voici les directeurs
Ils ne sont pas propriétaires ou fils de, ils doivent être capables de tout faire et ils le font, leurs vins grimpent à l’assaut des classements. Qui sont ces cadres supérieurs du vignoble et du vin ?
Ce n’est pas à proprement parler une invention contemporaine. Déjà, dans les très grands châteaux du Médoc, les propriétaires confiaient les clés de l’exploitation à des professionnels compétents. On pense à Christophe Salin à Lafite ou à Jean-Bernard Delmas à Haut-Brion. Mais ce n’était pas la règle. Le plus souvent, le propriétaire assumait seul la direction de son domaine familial. Dans le cas où il possédait toutes les compétences requises ou avait eu la sagesse de s’y former, tout allait bien. Mais, dans de nombreux domaines, les choses se passaient comme elles s’étaient toujours passées, sans prendre vraiment garde aux évolutions du commerce, sans autre credo que la tradition familiale. Et ça ne suffisait pas toujours. C’est ainsi qu’on a vu bon nombre de propriétés sortir peu à peu de la shopping-list des amateurs parce que les vins étaient moins bons, que la Place de Bordeaux le savaient et en achetaient moins, puis plus du tout. Il fallait alors vendre le château, au bord du gouffre, à la casse.
Depuis quelques années, se développe une autre approche à grande échelle. Lucides, les propriétaires de beaux domaines se disent qu’ils pourraient peut-être mieux valoriser les marques qu’ils détiennent. Que ce vin à douze euros pourrait peut-être se vendre à quinze ou à vingt. Que ces chais vétustes mériteraient un coup de neuf. Qu’enfin, tout ce domaine est à reprendre de fond en comble. C’est important de ne pas laisser filer le patrimoine. Ils ont compris que le vin, et particulièrement les beaux châteaux bordelais, sont lancés dans une course à l’excellence et que ceux qui ne s’y engagent pas risquent fort de se retrouver échoués dans le sillage de leurs voisins plus réactifs. De très grandes familles bordelaises ont initié le mouvement en allant chercher un « directeur ». D’autres historiquement lointaines, on fait de même comme la famille Sénéclauze et son château Marquis de Terme, un cru classé de Margaux qui végétait gentiment. Mais où trouver ce genre de compétences ? Très évidemment, ils se sont tournés vers les quelques multi-propriétaires qui avaient déjà compris depuis longtemps ce qu’il fallait faire. Et, parmi ceux-ci, ils se sont intéressés aux méthodes et aux cadres qui gèrent les châteaux de Bernard Magrez, modèle du genre. Très vite, la structure de ce grand propriétaire est devenue un vivier dans lequel tous puisent sans vergogne des gens formés à la gestion la plus rigoureuse et la plus sérieuse. Ludovic David était l’un d’eux quand il a pris les commandes de Marquis de Terme. De ses années Magrez, il avoue de bons souvenirs : « En fait, c’était passionnant. Une bonne idée bien argumentée était toujours acceptée par monsieur Magrez et comme nous avions de gros moyens, nous pouvions faire bien et vite. » Comme dans n’importe quelle entreprise moderne. Pourquoi en irait-il autrement sous prétexte qu’il s’agit de vin ?
Regarder travailler des garçons comme Stephen Carrier au Château Fieuzal, Éric Monneret au Château La Pointe, à Pomerol ou Emmanuel Bonneau à Rollan-de-By, c’est un plaisir. Pourtant, ils dépendent de structures radicalement différentes. L’un doit convaincre un propriétaire irlandais, absent et fortuné, Lochlann Quinn. Le second rend des comptes à une grande compagnie d’assurance, Generali. Le troisième doit faire face à un propriétaire français hyper-actif, brillant et très concerné par son vignoble, Jean Guyon, un homme doté d’une vision. Tous les trois ont une solide formation universitaire, ils ont parcouru le vaste monde pour la compléter, ils ont déjà beaucoup d’expérience, ils sont précis, ils raisonnent en projets plus qu’en étiquettes. Ils ne sont pas Bordelais dans l’âme, mais dans l’exercice. Ils ont ce côté « capables de tout » qui emportent l’admiration.
Le cas de Anne Le Naour est un peu différent. Elle n’est « que » directrice technique. Mais c’est un très gros job dans une collection de châteaux, tous propriétés de la filiale CA Grands Crus du Crédit Agricole. Dans ce portefeuille de rêve, elle gère les vignobles et les chais de deux grands crus classés, Grand-Puy-Ducasse à Pauillac et Rayne-Vigneau à Sauternes. Et le célèbre Meyney à Saint-Estèphe, et le moins connu Blaignan, dans le Nord du Médoc, mais c’est une grande superficie (97 hectares) et une production qui se compte en centaines de milliers de bouteilles, auxquels vient de s’ajouter le Château La Tour de Mons à Margaux. Pas mal, mais ce n’est pas tout. Elle s’occupe aussi d’une propriété du groupe en Costières de Nîmes, mais pas du Château de Santenay, récente adjonction du groupe, il ne faut pas exagérer les grands écarts. Elle aussi bénéficie d’une grosse formation, a passé sept ans dans la Bernard Magrez Connection, se lève très tôt et se couche tard. Femme dans un monde d’hommes ? Aucune importance, assure-t-elle. Tout juste si elle concède qu’il faut faire « un peu plus » ses preuves, mais ça n’a pas l’air de la déranger beaucoup. Elle préfère insister sur ce métier qu’elle adore, à la croisée « des sciences et des cultures ».
Tous ont déjà à leur actif des progressions spectaculaires. Ludovic voit la cote de « son » margaux grimper chaque année. Stephen et ses blancs ont rejoint la très petite troupe des meilleurs. Dans un voisinage d’exception, le pomerol d’Éric pointe son museau au milieu des grands. Les médocs d’Emmanuel sont depuis un moment les trouble-fête des dégustations à l’aveugle. Et Grand-Puy-Ducasse s’est réveillé en signant trois millésimes d’affilée, signalés chaque année comme le meilleur jamais produit par la propriété.
Ils sont exemplaires, non ?
La photo : de gauche à droite, les garçons : Stephen Carrier, Emmanuel Bonneau, moi, Éric Monneret, Ludovic David. Assise : Anne Le Naour. Photo Mathieu Garçon.
Cet article est paru sous une forme différente dans le Hors-série Vin de L’Express daté juin-juillet 2012, en vente chez votre marchand de journaux.
Yquem en primeurs ? Pas maintenant
La nouvelle a fait le tour du monde sur Twitter, ce matin. « Yquem sort des ventes en primeurs ». Bigre. Voilà Yquem qui rejoint Latour ? En fait, non. J’ai eu Pierre Lurton au téléphone, voici ce qu’il en dit :
« C’est une décision difficile à prendre, mais comme le ton de la campagne des primeurs est donné par les rouges, nous aurions eu beaucoup de mal à faire comprendre que 2011 est un millésime d’exception à Sauternes. Il vaut le fabuleux 2001…Lire la suite
Fête des pères #1
Du vin oui, mais pas tout de suite, papa… C’est le cadeau léger à porter que Salmanazar & Co* propose pour dimanche. Devenu l’heureux locataire de deux, quatre, six, douze, voire vingt pieds de vigne dans un domaine à choisir ici, votre papa recevra chaque année le vin issu de «ses vignes» (une bouteille par pied alloué) dans une caisse numérotée.
* Initiative à taille humaine qui privilégie les dimensions locale, sociale et environnementale, Salmanzar & Co met en avant différents terroirs via un collectif de vignerons partenaires qui font ainsi connaître leurs vins au-delà de leur région.
Yquem comme Latour ?
Agitation sur les réseaux sociaux ce matin autour d’une info non encore «officiellement» confirmée : il paraît qu’il n’y aura pas d’Yquem en primeur cette année. La raison serait, comme pour Latour, de proposer le vin à son meilleur (noté 19-19,5 par Michel Bettane et 96-98 par Parker, ce millésime exceptionnel pourrait égaler 2001). Pierre Lurton, le patron d’Yquem et de Cheval Blanc, est injoignable pour le moment.
MAJ : La nouvelle a été confirmée par Pierre Lurton. Les détails sur Bon Vivant, le blog, à découvrir ici
Crédit Photo : Château d’Yquem – Agence APPA
Pique-nique chic
Les chefs de Relais & Châteaux proposent des paniers aux saveurs de leurs terroirs pour aller déjeuner
sur l’herbe, dans un bel endroit qu’ils ont choisi de faire découvrir aux visiteurs, à proximité de leur établissement. France, Suisse ou Liechtenstein, l’opération dure tout le mois de juin, chaque samedi et chaque dimanche. Pour cette édition 2012 Relais & Châteaux a choisi d’apporter son soutien à l’Institut
du cerveau et de la moelle épinière* en lui reversant 5 euros sur chaque panier acheté (45 euros, gratuit pour les enfants de moins de 10 ans, dans la limite de trois par couple). On réserve sa journée, son endroit, son panier ici, directement auprès du Relais & Châteaux concerné.
* Nouveau modèle en matière de recherche en neurosciences, l’ICM est installé à l’hôpital Pitié-Salpêtrière. Cet institut international de recherche de 22 000 m2 unique en son genre est au coeur de la démarche
de soins. Il réunit les malades, les médecins et les chercheurs les plus éminents au monde pour trouver de nouveaux traitements contre les maladies du système nerveux, qui touchent une personne sur huit et constituent un enjeu majeur à l’échelle mondiale pour le XXIe siècle.
L’illustration ci-dessus est signée Dominique Corbasson.
Les belles naufragées, suite.
L’incroyable histoire des dizaines de bouteilles de champagnes qui ont reposé quasiment deux siècles au fond de la mer Baltique se poursuit ici, avec un compte-rendu des enchères qui ont eu lieu vendredi à Mariehamn, la capitale d’Aland, au cours desquelles onze d’entre elles ont été mises en vente.
Les 5 jours de Lavinia
Oui, rassurons par avance les râleurs, cela s’appelle bien de la publicité. Mais l’amateur ne nous en voudra sans doute pas, sauf pour la redondance s’il se trouve être déjà au courant. Le site lavinia.fr propose toute cette semaine cinq coups de cœur par jour (des «offres flash», ça s’appelle, parce que ça dure seulement 24 h et que les stocks sont limités). Les bonnes affaires ont commencé ce matin : Château Chasse-Spleen Haut-Médoc 2008, champagne R de Ruinart, Coudoulet de Baucastel Côtes du Rhône 2009, Cloudy Bay Sauvignon Blanc 2009 (Nouvelle-Zélande) et whisky japonais Nikka Pure Malt Red. Pour les prix, c’est ici.
Bill Harlan, le héros de la Napa
Qu’est-ce qu’une icône ? Dans le monde si particulier du vin, c’est bien plus qu’une image pieuse. C’est un homme ou une femme qui concentre sur sa tête un si grand nombre de qualités qu’il ne viendrait à l’idée de personne de critiquer son travail. C’est un vigneron qui réussit à faire à la fois le mieux et le plus cher, c’est l’indiscutable, le modèle, l’envié. En France, nous en comptons quelques-uns. Aubert de Villaine est un exemple parfait. Son romanée-conti et ses autres vins forcent l’admiration de ceux qui ont eu la chance d’y goûter. Chacun s’accordera facilement sur son nom. En Italie, Angelo Gaja en est un autre. En Espagne, c’est Pablo Alvares et son vega-sicilia. Et en Californie, Bill Harlan dispute le titre à Paul Draper, autre grand homme, le pionnier, dont l’apparition remonte à 1971 avec un premier grand montebello qui avait bouleversé le monde (du vin) lors du Jugement de Paris, en 1976.
Bill Harlan, lui, a lancé l’aventure de Harlan Estate en 1984, dans la célèbre Napa Valley, à Oakville, 17 hectares de vignes plantées dans un domaine qui en compte 110, où forêts et vergers contribuent à alimenter une biodiversité poussée à l’extrême et que Bill a toujours appelé de ses vœux : « Il se trouve qu’une conscience environnementale va bien avec la beauté des lieux, mais pas seulement. Forêts et vignes se conjuguent pour donner du caractère au fruit. Il se retrouve dans le vin. » Lire la suite
Vignobles, qui achète quoi et où ?
D’après les observations de Vinea Transaction*, l’ambiance économique morose n’a pas d’influence
sur le marché foncier viticole français qui, aussi fiable que stable, se porte bien. Valeur refuge qui permet de diversifier et sécuriser son patrimoine, fiscalité attractive et véritable sésame d’entrée, vecteur d’image positive, sur un marché du vin désormais mondialisé, le vignoble français attire 60 % d’investisseurs français et 40 % d’étrangers. Parmi ces derniers, on trouve une majorité d’Européens (60 %), suivis par
les Américains et les Chinois. En 2010, seul un domaine viticole avait été acheté par un homme d’affaires chinois, 2011 a vu se conclure près de 15 transactions et plus de trente domaines bordelais seront sous pavillon chinois en 2012. Aujourd’hui, l’engouement de ces investisseurs pour Bordeaux ne se dément pas et gagne d’autres vignobles (Bourgogne, Val de Loire et vallée du Rhône).
Chez les Français, Vinea Transaction distingue plusieurs profils d’acheteurs : les professionnels du vin forment le gros des bataillons (40 %) suivis par les chefs d’entreprise et «faux retraités retirés des affaires» (20 %), pour le challenge et le cadre de vie, les commerçants et hôteliers porteurs d’un projet œnotouristique (20 %) et les œnophiles (20 %) qui disposent de moyens financiers variables et investissent sur les petits domaines à fort potentiel. En 2011, près de 20 000 hectares de vignes ont changé de propriétaire, à un prix moyen situé entre 10 000 et 30 000 euros l’hectare pour 80 % des transactions (IGP et génériques) et autour de 100 000 euros et plus pour les crus AOP. Pour acquérir
une propriété viticole en France, il faut compter 2 à 4 millions d’euros dans la plupart des régions. Cette fourchette représente environ 80 % des transactions.
Sur le marché des crus AOP (10 % des surfaces échangées), toujours en hausse, on ne peut pas établir de moyenne. Le prix à l’hectare varie de 100 000 euros à quelques millions selon les crus. Sur le marché des appellations génériques AOP (60 % des surfaces échangées), la revalorisation annuelle de l’hectare a très légèrement baissé (- 0,3% par an sur les dix dernières années). Toutefois, cette baisse est largement compensée par la hausse de l’immobilier qui lui est affectée. Les valeurs de l’hectare se situent entre
15 000 et 20 000 euros selon l’état des vignes. Sur le marché des IGP (30 % des surfaces échangées), devenu moins spéculatif après les fortes hausses des années 2000, l’hectare de vigne est actuellement ferme, légèrement inférieur à 10 000 euros pour l’hectare à restructurer et 15 000 euros pour l’hectare offrant des cépages adaptés au marché (merlot, cabernet, sauvignon, chardonnay, pinot). Les vignobles stars des transactions sont ceux des régions viticoles «méditerranéennes» (Côtes du Rhône, Provence, Languedoc-Roussillon), d’Aquitaine et du Val de Loire. Suivi par les marchés plus confidentiels de Cognac, Bourgogne et Champagne, ce trio de tête représente plus de 70 % des transactions en volume.
* Seul réseau français spécialisé dans la transaction de domaines viticoles, Vinea Transaction a été créé en 2000 à l’initiative de Michel Veyrier avec le concours d’autres agences spécialisées dans le vignoble. Ses huit agences immobilières réparties sur l’ensemble de la France couvrent l’essentiel du vignoble et réalisent, selon les régions, entre un et trois quarts des ventes des grands domaines. Si le réseau propose déjà des propriétés à la vente en Argentine, au Canada, en Bulgarie, il souhaite s’implanter plus fermement en Espagne et en Italie d’’ici à 2014.









