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Deux belles terrasses à Paris

Deux belles terrasses à Paris. L’une dans le XVIe signée Jean-Pierre Vigato, l’autre dans le VIe orchestrée par le talentueux David Bottreau. Deux adresses dont on a pas fini de parler

La magic touch Vigato

Jean-Pierre Vigato a marqué durablement Apicius de son empreinte avec sa cuisine d’une irrésistible gourmandise et sincérité. Bonne nouvelle, le re-voilà donc avec un « nouveau » restaurant qui prend la place d’une autre de ses adresses, A&M. Avec un disciple de haute volée en cuisine, le jeune et prometteur Romain Dubuisson. La salle que prolonge une vaste terrasse invite à la joie de vivre grâce à une clientèle vite fidèle et à un service parfait qui sait mettre à l’aise, décrit avec entrain les plats et répond avec le sourire à la moindre requête. Dans les assiettes, on retrouve la « magic touch » Vigato : du brut, du bon, du généreux, toujours travaillé avec soin et précision. En témoigne la terrine fermière servie à peine installé à table ou l’œuf mimosa à faire pâlir l’œuf mayo pourtant si cher à la grande famille Lebey. Ici les stars restent les plats de partage comme cette échine de cochon fermier pour deux ou cette côte de veau magnifique. Autre bonne nouvelle, le seizième arrondissement a enfin retrouvé la cuisine bistrotière qui avait depuis quelques années ici disparue.

Disciples
Ce qu’en dit le Lebey : 3 cocottes
Où : 136, boulevard Murat – 75016 Paris
Métro : Porte de Saint-Cloud
01 45 27 39 60
Fermé samedi et dimanche
https://disciples.shop-and-go.fr/ 


Des plats à partager

L’ancienne boucherie a laissé la place à un rutilant comptoir qu’a installé David Bottreau, aux commandes déjà des Fables de la Fontaine de l’autre côté du trottoir mais actuellement en travaux. Ce nouveau rendez-vous a fait une arrivée fracassante dans une rue pourtant bien pourvue en bistrots ou restaurants. Si la pandémie a obligé à retarder son ouverture, c’est aujourd’hui l’adresse à connaître pour passer un été confortable à Paris, en juillet comme en août, tous les jours de la semaine, même le dimanche. La carte ne compte pas moins d’une trentaine de propositions que le chef Guillaume Dehecq invite à choisir selon ses envies, c’est-à-dire sans obéir au moindre protocole entre entrée, poisson ou viande. Difficile de résister au tartare de veau à la prune fraîche, au thon blanc qu’accompagnent des pickles de fenouil, à la friture de chipirons bien croustillante, au lieu en vapeur de verveine … Autre possibilité pour prendre ses aises sur la terrasse, les plats à partager comme la basse-côte de bœuf de Normandie ou la côte de cochon Duroc à la chair persillée et venue tout droit d’Espagne. Cette dernière arrive en salle sur un braséro pour être fumée au dernier moment : spectaculaire et surtout gourmand comme le jus dense servi avec et la cocotte de petits légumes de saison cuits au naturel. Les beaux jours continuent avec les douceurs, épatante tarte du jour (mais pourquoi ce dessert qui signe si bien les saisons a-t-il disparu des tables parisiennes ?), le chou craquant, les ravioles d’ananas ou, sur un mode là aussi à partager, la brioche pour deux à la praline et à recouvrir d’un coulis de mûre. Que c’est bon ! Les étagères bien pourvues en bouteilles qui font le décor de la maison annoncent bien l’autre bonne nouvelle : la cave ne manque pas de pépites pour préparer la sieste ou songer au rêve d’une nuit d’été sous un ciel étoilé parisien…

Le Comptoir des Fables
Ce qu’en dit le Lebey : 2 cocottes
Où : 112, rue Saint-Dominique – 75007 Paris
Métro : École Militaire
09 88 31 75 17
https://menuonline.fr/comptoirdesfables

« Les vins blancs de ma vie »


Cet article est paru dans En Magnum #20. Vous pouvez l’acheter sur notre site ici.


Notre grand homme de la dégustation  a tout bu dans tous les les millésimes, ou presque. ce qui n’aurait aucun intérêt pour nous, pour vous, s’il n’était doté  d’une mémoire gustative hors du commun. La dégustation des vingt plus grands blancs de sa vie est prodigieuse. la bonne nouvelle est que certains de ces vins sont faciles à trouver

Pendant toute ma vie de journaliste du vin, j’ai entendu dire que le français était un buveur latin. Entendez un buveur de rouge. La sommellerie avait beau protester, même le prestigieux Club des Cent, la crème de la crème de nos gastronomes, ne voulait pas d’un vouvray sur une volaille, mais d’un chinon, et refusait tout grand blanc sur le fromage alors que l’unanimité ou presque des professionnels le conseille. Je me sentais un peu à part. J’ai toujours plus admiré les meilleurs blancs qui sont passés dans mon verre, que les grands rouges. Outre le goût, forcément un peu personnel, j’ai de bonnes raisons intellectuelles qui justifient cette admiration.

Les blancs, tels que nous les connaissons, sont beaucoup plus anciens que les rouges, où la révolution de la bouteille et de l’allumette hollandaise ont permis de produire des vins de garde, mais après 1750. Même à Bordeaux il y a moins de cinquante ans, on produisait encore beaucoup plus de blancs que de rouges. Enfin, surtout, le blanc provient de la fermentation exclusive du jus de raisin, qui est blanc sur tous nos cépages nobles, même les rouges. Il ne peut jouer que sur la pureté de saveur et la droiture de ce qui s’écoule du pressoir. On ne peut rien rattraper par des artifices de vinification, ou avec l’aide des peaux et des pépins, c’est ce jus qui commande. L’artiste vinificateur travaille sans filet. Il dispose d’une palette de formes et de saveurs beaucoup plus large puisque les blancs ne sont pas uniquement secs, mais peuvent être demi-secs, moelleux, liquoreux, et peuvent prendre mousse. Le jus exprime avec plus de précision la nature du sol, le caractère du lieu-dit, et les gènes propres, plus ou moins transcendés par l’exactitude de la maturité, du ou des cépages qui lui ont donné naissance.

Quant à la longévité, chose encore plus surprenante, elle est davantage assurée en blanc qu’en rouge pour de nombreuses appellations. Un hermitage rouge de cinquante ans est le plus souvent trop vieux, alors que le blanc lui survit infiniment mieux. J’ai moi-même battu le record du monde des devinettes en public en prenant un meursault-charmes 1846 de Bouchard pour un perrières 1947. Cent un ans d’erreur, qui dit mieux ? La pré-oxydation des bourgognes modernes ne change rien sur le fond, la faute est uniquement humaine. Aux enchères, on fera bien plus confiance à un sauternes centenaire qu’à un pauillac.

Et pour finir, un grand champagne n’affirme la plénitude de sa personnalité qu’à vingt ans ou plus, contrairement à ce qu’imagine la majorité des amateurs, contrainte par le marché, qui propose pourtant une proportion suffisante de millésimes de dix ans ou plus, mais surtout par l’étroitesse routinière de son intelligence. Je vous propose ici de parcourir une vingtaine d’étapes jalonnant mes plus grandes émotions d’œnophile.

Chevalier-montrachet 1969
Domaine Leflaive
C’était il y a bien longtemps, en 1975, je crois. Dans ce merveilleux restaurant de Jacques Manière à Maubert-Mutualité, où j’ai appris à manger. On pouvait, même comme professeur débutant, s’offrir de grands repas et de belles bouteilles. Ce chevalier s’est imprimé à vie dans ma mémoire. Impossible d’imaginer alors nez plus fin, plus subtil, plus complexe, plus artistique en somme – une sorte de mouvement lent du quintette en sol de Mozart – que ce millésime 1969. Je me souviens de ce que je gambergeais alors. Comment un raisin peut-il donner après fermentation un jus aussi émouvant, aussi accompli ? Y aurait-il une preuve plus tangible de l’existence de Dieu ? Je notais toutes ces sensations et ces réflexions sur un cahier que j’ai scrupuleusement conservé et je n’ai pas manqué de me faire payer mes premiers cours de dégustation chez l’ami Spurrier avec quelques chevalier du domaine. Ce fut aussi le début d’une longue amitié avec Vincent Leflaive, à qui j’ai présenté en 1989 Pierre Morey pour succéder au vinificateur en place qui partait à la retraite. Depuis, et c’est terrible, quelle que soit la finesse transcendante des vins, l’émotion du premier contact n’est pas renouvelable. Mais l’amour des grands bourgognes l’est.

Corton-charlemagne 1955
Bouchard Père et fils
Le vieillissement des grands chardonnays bourguignons est non seulement nécessaire, il est hélas imprévisible et mystérieux. Nous avons tous subi le désastre de millésimes jeunes prématurément oxydés. Le désespoir des vignerons consciencieux, mais aussi leur point d’honneur à le combattre, la complexité de ses causes, tellement simplifiée par les experts autoproclamés, surtout anglais ou américains, ou dramatisée sur les réseaux sociaux à longueur de pages. J’ai rappelé plus haut ma bourde dans la devinette de l’âge d’un vieux meursault. Mais ma vie chanceuse de journaliste du vin m’a permis de rencontrer des dizaines de bouteilles exceptionnelles dans leur capacité à concentrer avec le temps toute la noblesse du terroir. Comme ce corton-charlemagne 1955 de Bouchard, en magnum. L’appellation faite de bric et de broc est schizophrène, qui a réuni, sans obligation d’ailleurs, au moins trois zones complètement différentes par leur exposition et trois décrets possibles de grand cru en une seule bannière, celle de corton-charlemagne. Celui-ci est en réalité un corton, né en plein cœur du lieu-dit Le Corton, juste sous le bois. N’attendez pas de lui la vivacité des vins de Pernand, exposés plein ouest. Ici, on est sud-est avec le meilleur des deux mondes, le soleil levant et celui de midi. Vinifié sans maquillage de bois neuf, à partir d’un matériel végétal non simplifié par le clonage, le vin offre si on lui permet de s’épanouir dans le verre une incroyable puissance, au nez comme en bouche. Au nez, il s’oriente vite vers des notes de caramel au lait, sensuelles dans leur apparent dépouillement. En bouche, sa tension reste entière et son extrait sec étonnant lui donne une dimension tactile presque tannique, qu’on pourrait imaginer venir d’un vin rouge. C’est d’ailleurs l’essence des grands blancs de Bourgogne d’être, sous un certain angle, des rouges manqués. À moins que ce ne soit l’inverse.

Meursault-perrières 1982
Domaine des Comtes Lafon
René Lafon nous a quittés récemment et je voudrais ici lui rendre hommage. Cet homme passionnant et généreux m’a permis d’approfondir ma connaissance des grands terroirs de Meursault et de la noblesse de style de leur vinification la plus accomplie. Non pas celle qui régale le monde avec des mercaptans grillés venus des lies ou une minéralité impossible, à moins d’être obtenue par des vendanges immatures. Je m’opposerai toujours à ces « vinho verde » murisaltiens, qui passent pour le nec plus ultra du raffinement, parce que j’ai eu la chance de déguster la vraie chose. Pâle comme de l’eau de roche à la naissance, mais si subtilement fleur de vigne et miel d’acacia, avec une touche de noisette fraîche. Une délicatesse dans le toucher de bouche à l’opposé des sculptures de Corton. Le secret, une autolyse des levures aboutie en vinification par la vie même des lies, et les risques pris et assumés en élevage pour la préserver. J’ai d’ailleurs rencontré là, vers 1984, un jeune Belge déjà grande gueule, le cher Jean-Marie Guffens, accompagné d’un ami bordelais, lui aussi encore jeune, qui venait étudier les mystères de la suprématie des bourgognes blancs, un certain Denis Dubourdieu. Les deux ont compris la leçon de René et ont su la reproduire et la transmettre. Son fils Dominique a été à la bonne école et cela se sent dans la splendeur non affectée des derniers millésimes, peut être encore supérieure à ce 1982.

Meursault Clos des Perrières 1992
Domaine Albert Grivault
Pour Lalou Bize-Leroy, qui vinifie sans doute les vins rouges et blancs bourguignons les plus absolus, mais si rares et si coûteux qu’aucun amateur non milliardaire ne peut se les offrir, à moins d’avoir la chance de les déguster chez elle, je la remercie de m’avoir permis de le faire, le clos des Perrières est peut-être le plus beau terroir à blancs de la Bourgogne. C’est une partie centrale, d’environ un hectare, repérable par son mur, des « Perrières Dessous », la vigne qui le jouxte et appartient d’ailleurs au même propriétaire. Il est vrai que, quand il est réussi comme dans ce 1992, le vin offre une synthèse parfaite de la puissance et de la finesse, associant une touche de salinité, venue de la richesse en magnésium du sol, aux arômes nobles de fleurs blanches évoluant avec le temps vers le grillé fin et la torréfaction légère. Boudé à sa naissance par le commerce et les experts anglo-saxons, ce millésime splendide pour ses chardonnays dorés à point, et d’un état sanitaire parfait, a tenu ses promesses. Il a fallu du temps au clos pour se faire, plus que pour la moyenne des Perrières, ce qui explique qu’on le comprend mal, et qu’on le note mal par rapport à d’autres. Mais quelle noblesse aujourd’hui, quel élan, quelle complexité, quelle honnêteté. Bref, toutes les qualités de l’homme qui l’a produit, Michel Bardet, modèle de politesse à la française et de dévouement à son terroir.

Chablis Montée de Tonnerre 1959
Domaine François Raveneau
Il y a très longtemps, dans la préhistoire, vers 1973, Chablis n’avait qu’un bon restaurant, l’hôtel de la Poste. On y découvrait la fameuse andouillette chablisienne, le jambon braisé aux épinards et, surtout, la splendeur des vins de Chablis. Pratiquement tous issus du même domaine, sans doute cousin ou ami. C’était Raveneau et l’on n’imaginait pas qu’il s’agissait d’un domaine culte. Les prix étaient angéliques et les millésimes avaient tous plus de six ans. Au hasard, en fait pas tout à fait parce que j’avais dévoré l’encyclopédie d’Alexis Lichine qui venait d’être publiée, j’avais choisi le montée-de-tonnerre 1959. Un vin incroyable, dont il fallait casser la cire qui protégeait le bouchon, ce que je n’avais jamais vu auparavant. Un nez qui ne ressemblait en rien aux rieslings de mon père, étonnant, original dans sa touche fumée qui venait de la cire, avec une saveur tellement improbable que je la qualifiais immédiatement de miel d’huître, mais admirable par sa longueur en bouche et son éclat. À chaque descente en Bourgogne ou dans le Lyonnais avec mes amis, nous avons fait étape à cet hôtel et dévalisé les 1959. En 1976, nous avons enfin eu le courage de sonner à la porte du domaine. François nous a reçus, nous a fait un vrai cours de présentation du chablis et de ses terroirs, nous a fait tout déguster, mais nous a dit qu’il n’avait rien à vendre. Il a accepté de mettre mon nom sur un cahier d’écolier pour se rappeler de cette visite et éventuellement me prendre dès que possible comme nouveau client. Ce sera chose impossible en 1977. En 1978, il acceptera de me vendre douze demi-bouteilles de 1974. Puis en 1979, douze bouteilles du millésime 1978. Tel était le monde d’alors. Il n’a pas beaucoup changé, sauf hélas l’établissement qui n’est plus que l’ombre de lui-même.

Mâcon-pierreclos « Tri de Chavigne » 2016
Domaine Guffens-Heynen
Revenons à aujourd’hui. Un monde moins cultivé que par le passé, soumis aux simplifications de vocabulaire et de pensée qui aboutissent à une langue télégraphique, celle des hashtags. Mais aussi à des émotions simplifiées, et donc nécessairement amplifiées par la technologie pour naître et se développer. Nous jouons sur le fruité primaire des raisins, portés par l’univers du vin de cépage et l’américanisation de la prescription. Ou bien nous renforçons notre « franchouillardise » par la recherche de la minéralité à tout prix, même là où il ne devrait y en avoir aucune. Quelques esthètes conservent le cap, producteurs ou amateurs. Tous reconnaissent le génie de vinificateur de Jean-Marie Guffens, dont j’ai évoqué plus haut les débuts dans les caves de René Lafon. Il y a quelques jours, dans un restaurant délicieux de Parnac, Les Jardins, son mâcon-pierreclos 2016 nous a mis en lévitation, mes amis vignerons émérites et passionnés de Cahors, incapables de concession, et moi-même. Une pureté, une noblesse de saveur, un corps incomparable, en tout cas supérieur à tout ce que j’ai pu déguster dans le même millésime, Montrachet compris. Mais surtout l’expression juste d’un grand chardonnay, parfaitement cultivé et vendangé à maturité idéale. Ce type de maturité dont trop de viticulteurs modernes ont peur. Sans se remettre en question, ou plutôt remettre en question la conduite de leurs vignes. La précision du travail du sol, du palissage, la densité optimale de plantation, la qualité du porte-greffe, la justesse de la taille et de la charge des raisins par pied permettent encore, dieu merci, de récolter des raisins dorés, les seuls vraiment nobles, entre 13,5 et 14 degrés, voire 14,5. Tout en gardant la forte acidité et le pH – de 3 ou 3,1 – idéal pour cette richesse en sucre. Si on sait pressurer et choisir les bonnes barriques, le tour est joué. Ici, il était tout simplement admirable.

Riesling Vendanges Tardives 1976
Hugel
Depuis toujours, mon vin blanc, c’est le riesling alsacien. Sec, ou moins sec, mais équilibré par rapport à son sucre. Des secs, ils sont des centaines à m’avoir séduit. Avec un snobisme qui les situe dans le triangle idéal Ribeauvillé-Riquewihr-Hunawihr. Je retiendrais ici un moins sec, en hommage à Jean Hugel, infatigable et brillant bavard, séduisant défenseur d’une Alsace idéale. Le millésime 1976 lui avait permis de frapper un grand coup, grâce à son beau volume de production et l’aide d’un développement lent et idéal du botrytis pour les cuvées spéciales. Il avait fait mettre au point la loi sur les vendanges tardives et les sélections de grains nobles. Botrytis obligatoire sur les grains nobles, sucre résiduel en rapport, mais absolument pas sur les vendanges tardives, qui répondaient à la définition de leur nom : vendanges plus tardives que les normales. Cela donnait un équilibre idéal à ce 1976, issu du Schoenenbourg, comme toujours, sans en revendiquer le nom. Idéal par les proportions, dense mais sans monumentalité, la distinction aromatique où brillait une note caractéristique d’orange amère ou de quina, propre au cru. Il tenait prodigieusement sur les quenelles soufflées de grenouille qui l’accompagnaient. La course au sucre a fait abandonner ce type d’équilibre où le sucre résiduel de départ disparaît presque. Je le regrette pour le riesling.

Riesling Rüdesheimer Berg Schlossberg 1985
Georg Breuer
Le regretté Bernhard Breuer, trop tôt disparu, m’a fait découvrir le génie des grands rieslings secs allemands. J’admirais, et j’admire toujours, le style classique, si élégant et parfumé des spaetlese et auslese traditionnels avec leur faible degré alcoolique et la délicatesse de leur fruité. Mais le réchauffement climatique permet désormais, et particulièrement dans la Rheingau et le Palatinat, la production de vins secs prodigieusement racés, qui plaisent au public allemand cultivé et à tous ceux qui regrettent la dérive vers le sucre résiduel de la majorité des rieslings alsaciens. L’imposant coteau de Rüdesheim que l’on admire d’en face, depuis Bingen, sur des schistes parfaits, possède une grande diversité d’exposition. La plus favorable pour les secs est le Berg Schlossberg, plein sud, juste au-dessus du Rhin, à deux pas de sa jonction avec son affluent la Nahe. Le millésime 1985 me rappelait, avec encore plus d’énergie, le style des plus grands schoenenbourg alsaciens, avec leur note de quina-orange amère. Sa forte acidité ne gênait en rien une expression d’exacte maturité du raisin et lui assurait une longévité remarquable. Au même moment, nous dégustions avec Bernhard de grands vins des années 1950 – dont j’ai oublié, hélas, le nom précis, mais pas la commune, Hattenheim – qui rappelaient que cette région avait toujours produit des vins de caractère sec et de premier ordre.

Alsace grand cru Gewürztraminer Hengst 1976
Domaine Zind-Humbrecht
Il faut avoir goûté les beaux « gewürz » des Humbrecht pour savoir ce que ce cépage, qui passe pour lourd et pommadé chez les snobs, est capable de produire sur le terroir qui lui convient et dans les mains d’un vigneron qui sait le pressurer et le vinifier. Le Hengst, qui veut dire l’étalon et sa sueur en alsacien, est un magnifique éperon rocheux argilo-calcaire que se partagent deux gros bourgs de la banlieue de Colmar, Wintzenheim et Wettolsheim. Exposé au vent, il ne favorise pas le développement de la pourriture noble, mais celle du passerillage du raisin qui donne dans les grands millésimes, dans les vins réussis, une concentration et une richesse en extrait sec prodigieuses. Année de sécheresse, 1976 a vu bien entendu le phénomène s’accentuer et a par ailleurs permis au grand Léonard Humbrecht de distiller des lies parfaites pour un marc d’anthologie, dont il lui reste quelques bouteilles. Le vin avait à dix ans d’âge toutes les épices attendues et une monumentalité parfaitement saisissable par les petits hommes que nous sommes. J’imagine qu’il l’a toujours.

Riesling Scharzhofberger Trockenbeerenauslese 1990
Egon Müller
Il me semble que cela se passait au début du nouveau millénaire, au carrousel du Louvre, où quelques producteurs cultes et amis présentaient leur meilleur vin. Je n’ai pas oublié les autres, mais un seul m’avait d’entrée subjugué. Au point d’écrire dans le sillage de mon émotion que seul Dieu avait pu vinifier un vin aussi parfait. Le dieu en question est mon ami Egon Müller, aristocrate à l’humour décalé et décapant, et son prophète est le coteau hallucinant du Scharzhof, au pied duquel sa famille a construit un manoir, fréquenté par des milliers de pèlerins à la recherche du vin idéal. En viticulture, Egon fait tout pour laisser se développer librement la pourriture noble qui lui donne, dans de nombreuses années, la possibilité de produire des vins exceptionnels. Au sommet de la concentration en baies botrytisées, quand le raisin rejoint dans son aspect sec, trocken en allemand, la forme d’un passerillage absolu, ses trockenbeerenauslesen, lorsqu’ils sont produits (souvent en toute petite quantité, quelques centaines de bouteilles ou demi-bouteilles), atteignent les prix les plus élevés de la planète. Mais on l’oublie quand on hume le sublime parfum de ce 1990. Sa transcendante finesse par rapport à sa richesse, soutenue par une acidité parfaite, sa cristallinité qui rappelle en milieu de bouche l’eau de roche la plus pure et, surtout, son incroyable rebond en milieu de bouche, qu’aucun autre liquoreux au monde ne peut égaler, le gravent éternellement dans la mémoire. Dumas disait qu’on avait de la chance d’avoir, une fois dans sa vie, bu du montrachet. Je n’ai bu qu’une seule fois ce nectar, j’ai beaucoup de chance.

Hermitage 1929
Domaine Chapoutier
Petite scène de comédie amicale entre experts professionnels et producteurs. Nous sommes au 45e parallèle, dans sa partie la plus accueillante, celle de Michel Chabran dans son célèbre restaurant. Un expert émet un jugement tranchant et immédiat sur un vin blanc jeune présenté par l’ami Chapoutier. Jeune et déjà oxydatif, dit-il. Il faut changer le mode de vinification. Michel Chapoutier répond : « Mais ce type de vin vieillit parfaitement, nous avons plus d’un demi-siècle d’expérience en la matière. Attendez-moi, je pars chercher chez moi une vieille bouteille. » Vingt minutes plus tard, il revient et débouche un vieux flacon : « Quel millésime, à votre avis ? » Je me concentre, fort de ma connaissance des hermitages, et je me crois malin pour avoir entendu Michel parler avec admiration du 1955 de son grand-père. Je dis donc 1955. Notre ami expert trouve cette bouteille parfaite et loue l’expertise de sa vinification : « Voilà ce qu’il faut faire. » Il hésite sur la date mais penche pour 1959 ou 1949. Michel sourit et dit : « C’est une de mes dernières bouteilles de 1929. Nous n’avons rien changé à notre façon de travailler. Vous voyez que le bébé oxydé fait un magnifique vieillard. » Ces moments font tout le sel de mon métier, mais je ne vous dirai pas qui était l’expert, même si on peut facilement le deviner. Ce millésime 1929 était somptueux de corps et de bouquet et confirmait mon expérience, les hermitages blancs vivent plus vieux que les rouges.

Sauternes sec 1953
Château Gilette
Nous le savons et le regrettons infiniment, l’économie des vignobles produisant essentiellement des vins moelleux ou liquoreux est désastreuse partout dans le monde. Sauternes est devenue une appellation exclusive de vins liquoreux et il est facile de voir les hectares de vignes à l’abandon faute de moyens pour les cultiver. Il y aurait bien une solution simple et surtout conforme à l’histoire pour aider les producteurs locaux, réintégrer la possibilité de produire dans l’appellation des vins secs spécifiques. Non seulement ces vins ont existé avant les appellations d’origine, comme le prouvent les étiquettes et même les bouteilles qui ont survécu, mais la qualité du terroir et du micro-climat permettrait peut-être de produire les vins secs les plus passionnants et originaux du Bordelais, grâce au cépage sémillon qui réussit moins aux vins du secteur de Léognan, où le sauvignon semble plus régulier dans ses diverses expressions. Gilette le prouve avec ce millésime 1953 vendu comme tel, à savoir sec, à sa naissance. Enfin sec à la façon propre au Sauternais, avec un très haut degré d’alcool, qu’on contrôlerait mieux aujourd’hui, et un sucre résiduel un peu plus haut que les deux grammes habituels de nos vins secs. Ce type d’équilibre devrait être reconnu par un éventuel cahier des charges, il conditionne l’équilibre idéal des bons millésimes et n’empêche en aucune façon de déguster le vin comme sec. Après cinquante ans de bouteille, ce vin avait conservé la splendeur de constitution de sa naissance, l’ampleur et l’originalité d’un bouquet réductif d’agrumes inconnu ailleurs à Bordeaux et cette ambiguïté entre bouquet de grand liquoreux et tension de vin devenu vraiment sec avec le temps. À table, il supporte toutes les folies en matière d’épices ou de fusion des cuisines d’Europe et d’Asie. Un monstre peut-être par son alcool, mais un beau monstre et une grande bouteille.

Jurançon Suprême de Thou 2009
Clos Thou
Ce petit bijou de vignoble du piémont pyrénéen reste trop méconnu des amateurs français. Ses cépages majeurs, petit et gros manseng, ont la vertu d’apporter une acidité vivace et sapide qui équilibre à la perfection la richesse des vins moelleux et participe à la force d’expression des secs bien faits, encore un peu trop rares ou sans ambition. Mais outre la subtilité des arômes de fruits exotiques (ananas, fruit de la passion, mangue), classiques du petit manseng, le terroir permet de faire naître assez rapidement un étonnant fumet de truffe blanche qui peut être hallucinant, surtout sur le secteur de Saint-Faust. Je me souviens d’un dîner dans le Piémont où j’avais apporté un sublime 1996 du domaine de Souch : les producteurs de Barbaresco présents, qui connaissent comme nul autre les sortilèges de la truffe blanche d’Alba, se sont levés comme un seul homme pour porter un toast à un vin si proche de leur cœur. Yvonne Hegoburu a fait souche, j’ose ce jeu de mot, et parmi les jeunots (pas si jeunes que cela) de l’appellation, j’aimerais faire l’éloge de ce merveilleux petit cru de Thou et de la famille Lapouble Laplace. La cuvée Suprême 2009, produite à partir des plus beaux passerillages de petit manseng, est un chef-d’œuvre inimitable par son originalité, avec sa petite note caramélisée qui transcende toute crème brûlée ou toute escalope de foie gras de canard. Le canard est d’ailleurs le meilleur ami de ce type de vin et notre cher Alain Senderens savait comme nul autre nous le prouver. Aujourd’hui c’est un autre Alain, Dutournier, qui saura comme nul autre vous le prouver avec les trésors de sa cave.

Sancerre Edmond 1990
Domaine Alphonse Mellot
Bon, disons le tout net, il n’y a de très grands sauvignons que dans la Loire, entre le Berry sur une rive du fleuve, et le début de la région Bourgogne sur l’autre rive. Sancerre, village magnifique entre tous, avec ses nombreuses collines avoisinantes, attire à juste titre des milliers de visiteurs, mais possède le monopole des sols kimmeridgiens, les mêmes que ceux de Chablis ou de la côte des Blancs en Champagne. Ces colluvions marno-calcaires effacent les caractères variétaux du cépage au profit de notes plus florales ou salines, parfois même de truffe blanche en année acide, qui en font des vins de haute gastronomie. Alphonse Mellot junior est devenu un maître incontesté du genre avec sa viticulture biodynamique audacieuse et courageuse qui lui apporte des raisins exceptionnels. Mais avant lui, senior n’était pas un manchot et avait cartonné dans le grand millésime 1990. Une maturité élevée du raisin et l’arrivée du botrytis ont permis une toute petite production de liquoreux, mais le vin sec du cœur de terroir, dans la cuvée Edmond, fermentée en fûts de chêne d’une qualité souveraine à partir de raisins sains, atteint un point de perfection immobile depuis plus de vingt ans. Ma dernière bouteille était une véritable bombe avec son nez incomparable de miel de fleurs et de notes de coquille d’huître, façon grand chablis, la spécificité du sauvignon ménageant un moelleux spécifique. Bref, un flacon d’anthologie qui fait honneur à cette famille d’élite.

Vouvray moelleux 1945
André Foreau
On le sait, la légende à Vouvray est le millésime 1947. Frappée par le gel, l’année 1945 avait donné une récolte minuscule, mais je ne sais par quel hasard André Foreau, père de Philippe, avait conservé quelques bouteilles de ce millésime que j’ai pu partager à deux reprises entre 1978 et 1979. Il les considérait comme supérieures à ses monumentaux 1947, ce que j’ai vérifié dans ces deux occasions. Impossible de rendre compte de l’immensité de ces 1945 aujourd’hui, même les plus grands 1989 ou 1990 n’en approchent pas la splendeur, peut-être moins « rôtie », au sens sauternais du terme, c’est-à-dire collant en bouche, et pulpeux, mais plus droite et plus tranchante, que ne n’ai jamais retrouvée depuis. Ces bouteilles sont rares, car à Vouvray le passerillage est plus fréquent que le botrytis, ce qui n’est pas un défaut mais définit leur style le plus courant, et cette intensité de matière est vraiment exceptionnelle, au sens propre du terme.

Bonnezeaux Château de Fesles 1947
Jean Boivin
Dans les années 1960, on surnommait Jean Boivin le pape du vin d’Anjou. En 1976, j’ai eu la chance de le rencontrer et de faire la plus extraordinaire dégustation de moelleux de chenin de ma vie. Il avait conservé l’ensemble de ses cuvées du mythique 1947, toutes plus ou moins marquées par un développement idéal de la pourriture noble. De la moins riche à la plus riche, la fameuse fin de pressée dite « robe de lièvre », on allait de miracle en miracle, sur ces terres schisteuses incomparables de la Chapelle de Fesles. Le fruité, la longueur, et surtout ce support acide qui rendait la liqueur encore plus séduisante me semblaient égaler et peut-être dépasser ce qui m’avait ému dans les sauternes de mon adolescence. Depuis, j’ai appris que les deux types de vin ont leur cohérence et leur beauté. Et c’est en souvenir de cette journée que j’ai voulu aider le père de Thierry Germain quand il a acheté cette propriété, avec en 1997 la chance de retrouver une belle pourriture noble. Ce travail fut jalousé et calomnié dans les premiers forums d’amateurs et par quelques vignerons locaux, au point que cela soit imprimé dans un livre torchon d’un journaliste américain, mal renseigné, mais surtout malhonnête, ce qui m’a fait beaucoup de mal. Mais je garde toute mon affection pour les vrais grands layons, non oxydatifs, merveilleusement fruités et équilibrés, aux antipodes de certains jus de pomme blettes qui parfois ont été trop idéalisés par des amateurs naïfs.

Sauternes 1899
Château Suduiraut
Sauternes est le vin de ma vie. J’ai même failli, il y a quarante ans, acheter une petite propriété à Barsac qui ne valait déjà rien, ce qui ne s’est pas produit heureusement pour moi et mes maigres finances. Comme le grand Alexis Lichine, j’ai longtemps préféré les déguster sur fût dans toute la gloire de leurs arômes et de leur bouquet. En bouteilles, il leur fallait vingt ans pour digérer le soufre nécessaire à leur protection. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Dès leurs premières années, ils ne cachent plus le miracle accompli par la pourriture noble. En revanche, on trouve hélas moins sur le marché les vins centenaires ou presque qui, de temps en temps, surgissaient dans les ventes aux enchères dans les années 1980. Comme ce Suduiraut 1899 dont j’ai pu acheter et boire deux flacons au parfum et à la longueur inimaginables, dépassant même tout ce que je connaissais d’Yquem, Rayne Vigneau et Climens des années 1930 à 1947. Seuls certains sauternes Crème de Tête de Gilette, dans le même village de Preignac, ont pu atteindre ce raffinement de fruit, marqué par les agrumes amers, ce « rôti » et cette interminable longueur. Nous avons bien de la chance d’avoir autant de millésimes favorables depuis vingt ans et des vinifications qui préservent immédiatement tous les parfums admirés en fût. Mais ces bouteilles auront-elles la même longévité et, surtout, cette même capacité à surmultiplier par la réduction dans le verre de la bouteille leur bouquet de départ ?

Château-châlon 1959
Vichot-Girod
Le domaine porte depuis plus de vingt ans le nom du petit-fils, Courbet, mais c’est sous l’étiquette Vichot-Girod qu’il m’a enthousiasmé il y a bien longtemps, sans imaginer que la génération suivante, en l’occurrence Damien Courbet, m’en ouvrirait une autre bouteille, plutôt semblable par sa forme à un côtes-du-jura, mais tout aussi admirable et caractéristique d’un grand savagnin à son optimum de maturité. Un vrai château-châlon n’est pas un vin jaune, même si on l’élabore de façon identique et avec le même raisin, car les marnes locales lui donnent une couleur moins prononcée en vin jeune, plus proche d’un meursault de dix ans, et plus de fraîcheur. Pas de notes de morille ou de pomme, façon grand xérès, mais une symphonie d’arômes de « boulange », entendez de sensations qui rappellent l’odeur d’un atelier de boulangerie au moment de la cuisson du pain. Puis, au vieillissement, le mousseron, voire la truffe blanche, la noix fraîche, le miel, les deux années supplémentaires en fût ne changeant rien au style par rapport à un côtes-du-jura traditionnel. J’ai eu la chance de rencontrer Henri Bouvret qui m’a initié aux très vieux vins du Jura, avec des choses sublimes comme un Pupillin 1899 aussi complexe que le plus noble des montrachet plus jeune de cinquante ans ! J’ai un peu retrouvé les mêmes émotions avec ce 1959, cette plénitude de vin blanc plus architecturé qu’un vin rouge et cette capacité à tenir sur des plats d’une saveur individuelle capable de tuer n’importe quel vin rouge. Du vieux comté de 36 mois ou plus au fumé des morilles ou d’une vraie montbéliard. Le monde commence seulement à le savoir et quelques vins culte à nous échapper pour l’Asie ou l’Amérique. Sic transit…

Vignerons et Terroirs d’Avenir, dans les coulisses du concours

Le métier de journaliste, accaparé par les dégustations et les déplacements dans le vignoble, laisse peu de temps pour les innombrables concours qui médaillent à peu près tout ce qui pousse dans le vignoble français. Cette année, toutefois, j’ai répondu favorablement à l’invitation d’AdVini et d’Agro Montpellier, qui organisaient la 6e édition du Concours Vignerons et Terroirs d’Avenir (CVTA). La grande finale avait lieu mi-mars, au Mas Neuf, dans le Languedoc.

Ce concours est né d’un constat alarmant : l’avenir de la filière vin en France est incertain. C’est aussi ce que pense Antoine Leccia, président d’AdVini, à l’initiative du projet : « Il y a sept à huit ans de cela, lors d’un échange avec un président de cave coopérative dans le Languedoc, celui-ci se désespérait de voir de jeunes vignerons, installés, qui jetaient l’éponge alors qu’ils avaient à leur disposition des terroirs formidables. Mais faute d’appuis financiers, de la famille ou de tiers, c’est parfois difficile pour ces jeunes de reprendre l’exploitation familiale, voire tout simplement de s’installer. L’idée m’est venue de lancer une initiative qui redonne à la filière ce qu’elle nous a apporté, en tant qu’opérateur majeur de la filière. » En trame de fond s’ajoute un enjeu crucial pour le monde viticole, à savoir la pérennité du métier quand on connaît la pyramide des âges, et que dans certains secteurs près de la moitié des viticulteurs prendront leur retraite d’ici une dizaine d’années.
Pour les lauréats du concours, celui-ci représente un apport financier indéniable, mais aussi un soutien, une écoute, des échanges humains avec des professionnels reconnus, bref, un coup de pouce bienvenu lorsqu’on n’en est qu’aux premiers pas. Aujourd’hui, le concours vient de boucler sa sixième saison. Bonne nouvelle pour la pérennité des éditions suivantes, le Crédit Agricole vient d’annoncer qu’il en serait désormais partenaire.

Le profil des lauréats
Devant le jury, vingt minutes de présentation, dix minutes d’échanges et de questions. Premier candidat : Konrad Pixner du domaine de l’Accent en Terrasses-du-Larzac. Un vigneron attachant, né dans le Tyrol italien d’om il tient son surprenant accent autrichien, pointu dans ses connaissances techniques, serein dans son projet d’entreprise, devant vinifier hélas dans des conditions très précaires. Ce que nous détecté malheureusement dans son vin, pas exempt de reproches. Justement, notre jury estime que le concours doit lui permettre de bâtir un chai à la hauteur de ses ambitions. Second Prix du Concours et dotation de 20.000 euros.
Le second candidat s’appelle David Michellis du domaine Reniteo en Côte-Roannaise. Rares sont les candidats à faire aussi bonne impression. À l’aise avec le micro, précis dans ses explications, tout semble évident quand il parle du sujet qui le passionne : le renouveau du vignoble des côtes roannaises et de ce vieux cépage oublié, le saint-pierre doré, qu’il veut replanter. Clair, cohérent, limpide. Délibérations du jury. À l’unanimité, nous lui accordons le premier prix du Concours, dotation de 50.000 euros.
Dernière candidate à passer. Justine Wittner du domaine de la Rouge Jouvence dans les côtes-du-rhône. Grand projet de polyculture (vigne, maraîchage, lavande, poules) et diversification de sources de revenus. Prix spécial du Concours, dotation de 10.000 euros.

Quels sont les critères retenus par les membres du jury ?
La délibération du jury est un moment-clef dans la journée de la grande finale, éprouvant pour les candidats. En conclave, les jurés notent chaque candidat selon une liste de critères préétablis : sa personnalité (charisme, conviction), ses produits (son terroir, la qualité des vins présentés), son projet commercial (structuration de sa gamme, échelle des prix, habillages), sa viabilité financière, mais aussi son rapport au concours (en quoi le concours l’aide, comment aide-t-il le concours). Tout cet ensemble de paramètres doit s’inscrire dans une démarche durable, aussi bien du point de vue écologique qu’économique. À ce stade de la compétition, il n’y a plus de mauvais projets, on se permet donc de retenir les plus complets, les mieux aboutis. Chaque année, le nombre de dossiers augmente : une trentaine pour la première édition, 70 cette année. Et sans doute plus l’an prochain.

Les lauréats de la 6e édition
David Michelis – Domaine Reniteo, côte-roannaise
Konrad Pixner – Domaine de l’Accent, terrasses-du-larzac
Justine Wittner – domaine de la Rouge Jouvence (Drome Provençale)

Photo : E. Perrin

Le mondovino de la semaine #158 tourne à fond

Au pays du soleil levant • 100 000 euros • La collection organic de Feuillatte  • Le retour du Marché aux vins d’Ampuis • Tout l’Alsace en une bouteille • Un jurançon de style • Chaque jour du nouveau, en voici six

Dans le vignoble


Au pays du soleil levant

Pour accompagner son développement en Asie, Bettane+Desseauve vient de lancer un nouveau site : bettanedesseauveasia.com. Hebergé à Hong Kong, il permet aux amateurs de vins de la région de se tenir au courant des évènements B+D en Asie, d’accéder à des actualités du mondovino, des articles de fond et de l’expertise Bettane+Desseauve. Pour le rendre accessible au plus grand nombre, les articles sont traduits en anglais par Alexandra Rendall, directrice des opérations Asie.
bettanedesseauveasia.com

100 000 euros

En février 2022, l’association Primum Familiae Vini, composée de douze grands domaines viticoles familiaux européens, avait nommé cinq entreprises familiales remarquables en vue de la remise du prix 2022 « Family is Sustainability » d’une valeur de 100 000 euros (NDLR, nous avions présenté le concours dans le mondovino n°51). Le jury composé des douze familles membres de la Primum Familiae Vini s’est réuni courant février pour sélectionner le lauréat de ce prix PFV parmi ces cinq grandes entreprises : Brun de Vian-Tiran (France), Tsutsumi (Japon), Columbia Restaurant (États-Unis), Giulio Giannini e Figlio (Italie), Busatti (Italie). Le jury a décerné le prix PFV « Family is Sustainability » 2022 à la maison Brun de Vian-Tiran, une manufacture familiale de laine et de soie qui exerce depuis huit générations.
Plus d’infos sur thepfvprize.com

La collection organic de Feuillatte

Pour célébrer la sortie de sa première cuvée bio, Nicolas Feuillatte habille sa boutique parisienne aux couleurs de sa nouvelle Collection Organic. Du 25 au 30 avril, l’adresse parisienne de la marque, située au 254 rue du Faubourg Saint-Honoré, change de décor. Des expériences sensorielles, digitales et éducatives seront proposées dans un univers aussi nature que festif pour faire connaissance avec quelques-uns des vignerons qui ont permis la création de cette cuvée bio. Le chef de caves Guillaume Roffiaen dévoilera ensuite, en vidéo, les secrets de ce nouvel opus. Enfin, un atelier de dégustation gratuit sera proposé sous une tonnelle végétale. Un moment unique pour découvrir les saveurs et la complexité de ce champagne extra-brut. Prolongez l’expérience grâce au ticket d’or qui vous sera remis lors de cette visite et tentez de gagner une visite privée guidée des caves en Champagne.
Réservez votre atelier de dégustation gratuit sur chezorganic.nicolas- feuillatte.com

Le retour du Marché aux vins d’Ampuis

Devenu au fil des éditions une rencontre annuelle incontournable de la région, le Marché aux Vins d’Ampuis attire tous les ans plus de 15 000 amateurs ou grands connaisseurs. Du vendredi 29 avril au lundi 2 mai 2022 à la salle polyvalente au cœur d’Ampuis, 67 vignerons présenteront 250 vins durant ces quatre jours. Côte-rôtie et condrieu sont mises à l’honneur aux côtés des appellations du Rhône nord comme saint-joseph, cornas, hermitage, saint-peray et crozes-hermitage. Au programme de cette 93e édition : dégustations et ventes des vins des appellations de la Vallée du Rhône septentrionale, rencontres et échanges avec les vignerons, découvertes des différents vignobles et terroirs.

Plus d’informations sur marche-aux-vins-ampuis-cote-rotie.com

Dans le verre


Un jurançon de style

À Jurançon, Henri Ramonteu partage sa passion entre des vins liquoreux, au bouquet spectaculaire et à la longueur en bouche fascinante, et des vins secs d’une grande pureté et parfaitement équilibrés. Ce geyser 2021, assemblage de 30 % de petit manseng, 30 % de gros manseng, 30 % de camaralet, 5 % de lauzet et 5 % de courbu est un classique de l’appellation et le reflet de l’identité de son terroir argileux silicieux exposé sud-est. Un cocktail d’agrumes et de notes exotiques au nez. Une bouche concentrée et grasse, une finale rafraîchissante.
Domlaine Cauhapé, geyser 2021, 13,90 euros jurancon-cauhape.com

Tout l’Alsace en une bouteille

« A minima » c’est d’abord une locution latine qui signifie littéralement : « Faire appel d’une peine très réduite » et qui a inspiré ce vin. « A minima » c’est ensuite une philosophie, celle de Pierre et Louis Tapet : « La cuvée A Minima en Alsace est un assemblage de tous nos cépages alsaciens. Les raisins sont récoltés suivant leur maturité optimale, parfois pressés conjointement. Ils sont assemblés en cuve pour fermenter ensemble. Un joyeux mélange qui sera élevé à l’abri de l’oxygène et qui permet ainsi de ne sulfiter qu’a-minima ! C’est donc un vin quasi sans soufre, qui se boit frais et libre. » « A minima » c’est aussi le reflet du lieu qui l’a vu naître et le respect du raisin qui donne ce vin. « A minima » c’est enfin un fruité gourmand, une bouche tonique, un jus concentré et une finale ciselée.
Domaine Trapet père & fils, a minima, alsace 2020, 14 euros, idealwine.com

Un indigène qui ne sent pas le soufre

La famille Jonquères d’Oriola s’est investie dans la vigne dès le XVe siècle dans le Roussillon. Certains membres de la famille ont aussi brillé dans l’équitation de haut niveau. Joseph, champion du monde dans les années 1920 ; Christophe, plusieurs fois champion de France et d’Europe ; Pierre, le cavalier français le plus titré de l’histoire. Après un tour du monde des plus grands vignobles qui lui a inspiré des pratiques culturales et œnologiques respectueuses de l’environnement, c’est William Jonquères d’Oriola qui aujourd’hui gère les 95 hectares de vignes. Il s’est également exercé à Bordeaux puis à Sancerre chez Gitton père et fils. Les domaines de la famille, dont le plus connu est le château Corneilla, couvrent six appellations : côtes du roussillon, côtes du roussillon villages les aspres, collioure, muscat de rivesaltes et rivesaltes. William a introduit des engrais verts, des huiles essentielles pour booster les défenses immunitaires de la vigne, la confusion sexuelle dans les vignes et des nichoirs à chauve-souris pour lutter contre les maladies de la vigne. Son objectif est de faire vivre les sols en leur apportant de la matière organique, de favoriser l’humus et les échanges entre le système racinaire et la plante.

Côtes du Roussillon, l’Indigène, château de Corneilla, rouge 2020
Voici une cuvée sans sulfites ajoutés qui exprime fidèlement son origine. Récoltée à la main sur des terrasses d’argiles et de cailloux du quaternaire, nous avons aimé sa grande qualité de fruit et sa fraîcheur vivifiante. Il conviendra de la stocker dans un endroit frais pour préserver ces qualités.

Note :
15/20
Prix : 12 euros
Tél. : 04 68 22 73 22
www.jonqueresdoriola.fr

Rosé, le bel envol de la couleur

Après une vie d’errements, le rosé s’est enfin calé dans le grand monde des beaux vins. Arômes, saveurs, finesses, l’élégance est là. avec ou sans bulles. Voilà l’histoire

par Louis-Victor Charvet
Avec la participation amicale de Régine Sumeire, Thierry Desseauve, Philippe Jamesse,
Sacha Lichine, Jean-Claude Mas, François Matton et Mathieu Roland-Billecart.
illustration Aurore de la Morinerie


Cet article est paru dans En Magnum #23. Vous pouvez l’acheter sur notre site ici.


« Ma génération, comme celle de mes parents, y a toujours cru. Le vin rosé convient le mieux au climat de la Provence, au mode de vie de ses habitants, à la cuisine de la région. Nous n’avons jamais cessé d’y croire. » Devant la réussite de Minuty, François Matton ne peine pas à convaincre de l’investissement de sa famille dans la promotion du vin rosé. Ils étaient pourtant rares à miser sur la couleur au début de la deuxième moitié du XXe siècle. Avec d’autres, les Matton ont donné au rosé de Provence ses lettres de noblesse à une époque où personne n’avait esquissé les contours de cette couleur, qui n’avait pas encore conquis la planète.
Tout s’est accéléré en vingt ans, la construction du rosé en tant que catégorie de vin s’est faite au rythme de la société, au moins jusqu’au début des années 2000. D’autres reconnaissent que ce succès était tout de même inattendu. Interrogée sur les origines du phénomène, Régine Sumeire, propriétaire du château Barbeyrolles, admet n’y avoir pas cru immédiatement. « J’ai acheté ce domaine à la fin des années 1970. À l’époque, toute la Provence était une terre de rouges et, surtout, une terre de vrac. Personne n’aurait pu prédire le succès du vin rosé. » L’arrivée massive de touristes sur la Côte d’Azur va faire bouger les lignes. Le rouge, moins intéressant qu’aujourd’hui, était plutôt destiné à une consommation locale. Le rosé, lui, plaisait aux touristes en mal de fraîcheur au plus fort de la saison estivale. Rapidement, le phénomène s’amplifie avec la venue de la jet-set internationale sur la French Riviera. Durant l’été, on boit du rosé à Cannes ou à Saint-Tropez. « C’est ce qui a permis au rosé de se faire connaître », s’amuse François Matton. « Il y a eu une inversion du rapport de force entre la consommation locale et la consommation touristique et le rosé a pris le dessus. »
En 1987, la création de la “Route du rosé” par Jean-Jacques Ott conforte l’idée que le vignoble de Provence a désormais changé de couleur. « Nous étions douze domaines à participer à cet événement », explique Régine Sumeire. « On a décidé de faire des caisses panachées de nos vins et de les faire voyager par bateau de Saint-Tropez jusqu’à Saint-Barth. L’évènement a rassemblé des journalistes et des importateurs, notamment des Américains. Le but était de faire reconnaître le rosé à part entière. » Surtout, de le faire reconnaître comme un vin, et pas comme une boisson à part, éloignée des codes et des standards d’élégance, de complexité et de potentiel de garde admis à l’époque pour les blancs et les rouges. Un combat qui allait durer plus de trente ans.


Le vin du nouveau millénaire
Entre 2002 et 2018, la consommation mondiale de vin rosé progresse de 40 %. Un chiffre spectaculaire qui justifie à lui seul qu’En Magnum consacre à la couleur sa deuxième enquête de l’année. Longtemps considéré comme un phénomène de mode, le rosé s’est imposé sur la planète en un temps record, bouleversant brusquement nos habitudes de consommation et le commerce international des vins. En France, la catégorie affole les compteurs depuis vingt ans. Plus d’un tiers de la consommation mondiale de rosé est réalisée dans l’Hexagone.
Face à de tels chiffres, on peut se demander à quelle occasion le consommateur français n’en boit pas. Bien sûr, il y a les touristes. Mais quand même. À l’apéritif, à table, chez soi, au restaurant, à la plage, entre amis, entre collègues, lors d’un mariage, en discothèque, le rosé est partout.
En France, la consommation moyenne de rosé s’élevait à plus de 16 litres par habitant en 2018. Le discours des années 2010 qui cherchait à en faire la boisson alcoolisée privilégiée des millennials a finalement convaincu tout le monde, femmes et hommes, novices et initiés. Vin tout entier dévolu à une consommation décontractée, catalogué un peu hâtivement comme « réservé à ceux qui n’y connaissent rien », le rosé a jeté une lumière crue sur les mécanismes sociaux à l’œuvre quand il s’agit de choisir une bouteille et de parler de ce qu’elle contient. Populaire par excellence, il inaugure le segment des vins de plaisir. À l’aise sur ce terrain, Jean-Claude Mas, l’homme derrière les vignobles Paul Mas dans le Languedoc, rappelle que jusqu’au début des années 2000, « une bonne partie des rosés consommés en France avaient une image de vin de camping, sans intérêt organoleptique, sans style. C’était difficile pour ceux qui commençaient, comme moi, d’associer leur marque à ce phénomène ».
Il faut dire que la période coïncide avec celle d’une percée des rosés du Nouveau Monde. L’heure est au “Matteus rosé” et aux nombreux vins inspirés par les blushs américains. Cela dit, le rosé devient incontournable dans la production hexagonale.
En 2018, le vignoble français est à l’origine de 28 % de la production mondiale de vin rosé. La France exporte ce vin, à hauteur de 23 %, à un prix cinq fois plus élevé que celui d’un rosé espagnol et le valorise de mieux en mieux ces cinq dernières années. La Provence, dont c’est la signature emblématique (90 % des vins produits sont des rosés), représente 38 % des volumes de vin rosé français en AOC. En vingt ans, le pays est devenu le premier producteur et consommateur de vin rosé. Une bouteille de vin sur trois consommée en France est un rosé.

Explosion de la bulle
L’essor de la couleur est aussi intimement lié au champagne. La longue tradition du rosé, initiée en 1818 par la veuve Clicquot, pour qui les vins devaient « flatter à la fois le palais et l’œil », a pourtant mis du temps à s’imposer comme une catégorie à part entière. Il faut attendre le début des années 1980 et la naissance de l’œnologie moderne pour que la couleur trouve véritablement un nouveau souffle. Un renouveau que l’on doit principalement aux maisons Laurent-Perrier et Billecart-Salmon. Ce sont elles qui vont relancer le champagne rosé dans les années 1970.
Mathieu Roland-Billecart, actuel dirigeant de la maison, revient sur cet épisode : « On fait du rosé dans cette maison depuis 1840. Jusqu’à la fin des années 1960, c’était un rosé de macération. Mon grand-oncle, Jean Rolland-Billecart, décide un jour de tout changer et de croire en ce produit qui était un peu marginal dans notre gamme. Il en fait un rosé d’assemblage, à contre-courant de l’époque. »
En Champagne comme ailleurs, le rosé n’a alors pas bonne presse. Rares sont les maisons qui décident de s’engager dans cette voie. « Commercialement, il ne se passe pas grand-chose après la création de notre brut Réserve rosé. La catégorie n’existait pas vraiment, nous n’étions que quelques-uns », confie Mathieu Roland-Billecart. « Il faut attendre les années 1990. C’est le moment où de grands chefs commencent à s’intéresser au rosé de la maison et le considèrent comme le meilleur du marché. » Depuis, ce réserve est devenu le porte-drapeau de la maison et une bonne synthèse de son style.
Caractérisé par la finesse, l’élégance et un fruit toujours aérien, le rosé de Billecart-Salmon s’est imposé comme l’une des références de la catégorie, au point d’être souvent imité dans ses grandes lignes. « Cette cuvée doit beaucoup à la gastronomie. Ce qui nous intéressait, c’était l’univers des restaurants étoilés et de la grande cuisine. » Pour d’autres, ce sera le monde de la nuit et celui de la grande distribution.
La couleur s’impose et les grandes maisons commencent à la décliner dans leurs cuvées de prestige. La catégorie est devenue pérenne et s’est démocratisée. On assiste à une “premiumisation” inédite. Surtout, la manière de faire le champagne rosé, si elle n’a pas beaucoup changé dans la forme, est radicalement transformée sur le fond. « Nos vins rouges sont pensés et élaborés uniquement pour faire du champagne rosé. Tout le monde nous demande du coteaux-champenois, mais nos vins rouges sont vinifiés de manière à limiter les tannins au maximum et dans le seul but de faire du brut rosé ou d’entrer dans la cuvée Élisabeth Salmon », explique Mathieu Roland-Billecart. L’augmentation du niveau de qualité des vins rouges semble donc avoir été décisive dans le succès du champagne rosé.
Un avis partagé par Philippe Jamesse, notre expert maison, grand sommelier et spécialiste mondial du champagne : « Tout est lié à la matière première, à sa maturité. Autrefois, on ne cueillait pas mûr, on vendangeait sur des critères d’acidité et de degré d’alcool sans tenir compte de la maturité physiologique des raisins. Le changement climatique, aussi minime soit-il pour le moment, change l’horloge des maturités. Les vendanges sont plus précoces, les chaleurs sont plus importantes, etc. Pour le rosé, les pinots apportent désormais une dimension de fruit supplémentaire. La catégorie devient plus juste, plus légitime et va au-delà du seul plaisir apéritif. Plus la Champagne saura faire de grands rouges, plus son rosé aura une vraie identité et une dimension de terroir forte ».

La crise d’identité
Le chiffre d’affaires réalisé par la catégorie suffit à prendre conscience des enjeux autour du rosé. En particulier depuis que les nouveaux pays producteurs (Afrique du Sud, Autriche, Chili, etc.) accélèrent pour suivre la tendance. Lui donner une identité forte et déterminer son style pour le protéger de l’imitation a été primordial pour la Provence. Même si le rosé a mis du temps à se définir et à convaincre de sa qualité, deux paramètres semblent avoir été déterminants. La viticulture et la couleur.
Si un grand vin est avant tout le résultat de grands raisins, en ce qui concerne les vins rosés, la viticulture a longtemps été reléguée au second plan. François Matton a été l’un des premiers à promouvoir un changement d’encépagement du vignoble. « L’abandon du carignan, trop productif, au profit du grenache semble avoir été la clef principale d’un nouveau style de rosé. Les cabernets, les merlots, dont la couleur passe facilement dans les jus et qui n’apportent pas la fraîcheur aromatique désirée ont été peu à peu délaissés. »
Seule région viticole d’envergure dans le monde où le rosé est majoritaire dans la répartition de la production, la Provence a compris assez tôt que la viticulture pratiquée devait être en adéquation avec les vins désirés. « Cette orientation signifie que notre travail, notre recherche et notre réflexion sont dictés par la couleur. C’est aussi pour ça qu’on a un temps d’avance », précise François Matton. Parallèlement, avec l’adoption d’une couleur pâle devenue caractéristique des rosés de Provence, la région a trouvé sa signature. Elle la doit à Régine Sumeire.
En 1982, inspirée par son ami Jean-Bernard Delmas, le directeur du château Haut-Brion, elle est la première à adopter des pressoirs plus précis et à penser le pressurage de ses raisins sur le même modèle que celui utilisé pour les raisins blancs. Résultat, un rosé à la robe couleur “pétale de rose”, d’où le nom de cette cuvée iconique, qui présentait l’élégance d’une teinte extrêmement claire et le désavantage d’être refusé aux commissions d’agréments des appellations.
Il faut pourtant attendre le début des années 1990 pour que cette tendance de couleur s’affirme. Trente ans après, la couleur du rosé reste encore significative dans l’esprit du consommateur, au point d’être devenue un gage de qualité et un critère de choix. Un raccourci pas toujours évident et que n’arrangent en rien les rayons de la grande distribution, où l’absence d’information laisse l’acheteur démuni devant un nuancier de couleurs que la mention de l’appellation sur l’étiquette ne suffit pas à expliquer. « Liée simplement à un arrêt de transfert des anthocyanes de la peau vers le jus », cette couleur pâle un choix, explique François Matton. « Nous avons cherché à faire des rosés de pressurage avec un temps de macération dans le pressoir extrêmement court. La couleur pâle, c’est une conséquence de ce nouveau style de vinification. »
L’arrivée sur le marché de ces nouveaux vins rosés est étroitement liée à la technologie mise à la disposition des viticulteurs du Languedoc et de Provence. Si l’on a pu reprocher au rosé d’être trop technique, c’est pourtant cette technique qui a permis d’améliorer considérablement la qualité des vins. « L’utilisation du froid comme le recours à des pressoirs d’une précision extrême, tout cela a permis de faire un bond de géant dans la qualité et la naissance d’un style de rosé frais », insiste François Matton. « Le refroidissement des jus a permis, tout en évitant aux pellicules des baies de donner de la couleur, de limiter l’apport tannique et de rehausser la fraîcheur naturelle apportée par une bonne acidité. »
Ce vin technique ne doit pourtant pas être confondu avec des vins dits œnologiques, faits sans lien avec le lieu et le terroir de leur naissance et sans volonté d’y retrouver un quelconque savoir-faire vigneron. En baisse, le nombre de ces rosés reste encore élevé à l’échelle de notre vignoble national. Thierry Desseauve a le mot juste sur ce sujet en montrant malicieusement qu’on peut comparer le rosé à de la pâtisserie : « Ce qui fait le talent d’un grand chef pâtissier, c’est sa capacité à innover tout en respectant scrupuleusement une recette, des mesures, un dosage entre des ingrédients d’origine noble. Le rosé, c’est pareil. La clef, c’est la rigueur avec lequel on le vinifie ».

Nouvelle dimension
Malgré les efforts des différentes propriétés, en Provence comme dans le Languedoc, le rosé a peiné à s’imposer. « C’est un vin qui a continué d’être mal vu, personne ne le considérait pour ce qu’il était et tout le monde cherchait à le comparer aux blancs et aux rouges. La grille de lecture n’était pas bonne », estime Régine Sumeire. Dans ce contexte, le rôle tenu par la presse spécialisée et l’expertise des vins en France interroge.
Jusqu’au début des années 2010, la critique a émis beaucoup de doutes quant au potentiel des vins, adoptant des critères d’expertise similaires à ceux en vigueur pour les vins rouges ou blancs, se détournant de l’idée de créer un référentiel propre à la couleur. Sans compter une forme de standardisation entre les différents rosés proposés sur le marché, notamment dans les régions où les appellations font du rosé parce que ça se vend bien et non parce c’est leur raison d’être. « Le fait que Brad Pitt fasse la une du Wine Spectator avec son rosé, c’est une chance géniale pour la région », s’amuse François Matton.
La venue de nouveaux arrivants en Provence, avec des moyens importants, donne à la région un nouveau visage. Celui d’un vignoble qui attire les investisseurs. En mai, c’est George Clooney qui est arrivé. Si cela se traduit parfois par une survalorisation de certaines cuvées, on s’accordera pour dire que cette ouverture du vignoble a permis au rosé de changer encore de dimension, rejoignant dans certaines propriétés l’univers du luxe.
Lucide sur la question, Jean-Claude Mas estime que le rosé est un marché qui fonctionne par vagues successives : « C’est très difficile de faire un rosé qui a une identité forte. On peut essayer de faire des rosés de garde, mais le marché n’en veut pas. Le rosé est une catégorie qui doit rester associée à la fête tout en restant indiscutablement bon. Pour cette raison, un jour, la question du prix posera problème ».
En attendant, il reste à régler la question du terroir. Le rosé est-il marqué par son lieu ? N’est-il pas qu’un vin de cépage associé à une identité de marque et à une logique de propriété ? La progression récente et spectaculaire des vins rosés en France, plébiscités par les consommateurs, nous incite à valider l’idée de trouver de plus en plus de vins de terroirs, rendus possibles par une viticulture désormais irréprochable en bon nombre d’endroits.

[Vite vu, vite bu] Château La Garde, pessac-léognan 2015 (épisode 4)

On aime le fruit profond et mûr, les notes de cuir, violette et cacao, la bouche puissante, avec des tannins solides mais gras, de la persistance et un bon équilibre sur la fraîcheur. Massif et équilibré.

Note Bettane+Desseauve : 90/100

Pour vous faire profiter de nos sélections et de nos coups de cœur, Bettane+Desseauve et son partenaire WineSitting proposent aux lecteurs d’En Magnum
un tarif direct producteur27,55 euros

Le mondovino de la semaine #157 tourne à fond

Le gel devenu un rendez-vous • World’s Most Admired Champagne Brand • La nouvelle œnothèque virtuelle de la famille Hugel • Un grand rosé de Champagne • Un grand rosé de Provence • Chaque jour du nouveau, en voici cinq

Dans le vignoble


Le gel devenu un rendez-vous

Commencer le mondovino de la semaine en évoquant cette vague de froid qui traverse la France est une évidence. Difficile à prévenir, difficile à combattre, elle a fait des dégâts chez les viticulteurs et les arboriculteurs de l’ensemble des régions. Bougies, feux de foins, pulvérisations d’eau, taille en deux temps, tous les moyens sont bons pour limiter la casse même si le prix à payer est lourd. Au-delà de la solidarité que nous leur témoignons, le constat est alarmant. Cette photo a été prise au domaine Graeme & Julie BOTT à Ampuis dans Vallée du Rhône Nord, la nuit du 5 au 6 avril 2022.

World’s Most Admired Champagne Brand

Pour la troisième année consécutive, c’est la maison Louis Roederer qui a été élue marque de champagne la plus admirée du monde (World’s Most Admired Champagne Brand). Le jury qui compte plus de 300 membres est composé de professionnels du vin, dont des sommeliers, des cavistes, des importateurs, des Masters of Wine et des journalistes. Les cinq marques préférées sont sélectionnées suivant trois critères : la qualité perçue des vins et de leur élaboration, en particulier sur la cuvée non millésimée ; la communication, le packaging et le marketing, en cohérence avec le positionnement de la maison ; la désirabilité et l’admiration que suscite la marque. « Obtenir ce titre pour la troisième année consécutive est une source de grande fierté et de joie pour notre maison et tous nos collaborateurs. Cette distinction vient récompenser l’engagement des membres de notre famille qui président aux destinées de Louis Roederer depuis plus de deux siècles », précise Frédéric Rouzaud, président-directeur général de Louis Roederer.
Plus d’informations sur louis-roederer.com

La nouvelle œnothèque virtuelle de la famille Hugel

Le 5 juin prochain, la famille Hugel dévoilera une œnothèque virtuelle sur la plateforme decentraland.org. Plus de 120 bouteilles ou magnums, du millésime 1865 à 1990 et d’une valeur inestimable, seront mis à la vente. Ils seront répertoriés et identifiés sous la forme de NFT (non fungible token), c’est-à-dire des objets uniques. Sur cette plateforme, chaque génération de la famille Hugel sera représentée par son propre avatar pour répondre aux questions des visiteurs et permettre ainsi de recréer un lien fort avec les amateurs de vin et leur donner l’envier de visiter la maison Hugel présente en Alsace depuis 1639 avec son caveau de dégustation dans le village de Riquewihr. Les visiteurs pourront poser leurs questions à la 13e génération représentée par Jean-Frédéric et Marc-André (32 ans), à Marc (63 ans) la 12e génération et à André (92 ans), la 11e génération.
Plus d’informations sur hugel.com

Dans le verre


Un grand rosé de Champagne

Bien connue et appréciée pour ses vins effervescents, la Champagne produit aussi d’excellents vins tranquilles qui restent cependant assez confidentiels. Cultivé sur des calcaires et marnes du jurassique kimméridgien ferrugineux à 250 mètres d’altitude par le domaine Alexandre Bonnet, ce rosé-des-riceys est un vin rouge tranquille de macération. Une expression singulière et confidentielle du pinot noir planté en 1974 et issu d’une sélection massale du domaine. Ce cépage est, ici, cultivé avec soin, vendangé à la main et élevé avec brio. Le fruité est expressif : des notes de fruits rouges et fruits des bois. La bouche ample est portée par un grand équilibre aromatique et une belle longueur. Un pinot noir de gastronomie, produit uniquement à 3 579 bouteilles.
Domaine Alexandre Bonnet, rosé des riceys, la forêt 2018, 44 euros, winesitting.com
Note Bettane+Desseauve : 91/100

Un grand rosé de Provence

Propriété de la famille Ferrari depuis plusieurs générations, géré par Sébastien Ferrari depuis 2007 et voisin direct du Fort de Bregançon, le château Malherbe est une propriété provençale d’une vingtaine d’hectares divisée en deux terroirs distincts : la pointe-du-diable, en front de mer, est constitué de limons anciens chargés de quartz qui offre des vins avec une expression fraîche et légèrement iodée ; malherbe, au pied du cap Bénat, une des pointes argilo-schisteuses situées à l’extrême sud du massif des Maures, se distingue par une belle complexité, une grande vivacité et une jolie longueur en bouche. Sébastien Ferrari fait appel au talentueux Philippe Pacalet, adepte des vins vinifiés sans soufre et en vendange entière. Le millésime 2020 est le fruit de cette collaboration. Il marque un tournant et une vraie volonté de la part de la famille de produire des vins d’exceptions. Ce malherbe rosé 2020 est un assemblage de vieux grenache, cinsault et mourvèdre cultivés en agriculture biologique et en biodynamie. Il se caractérise par une couleur rouge grenat, de la brillance et des nuances légèrement tuilées.
Château Malherbe, grand-rosé 2020, 49 euros chateau-malherbe.com
Note Bettane+Desseauve : 92/100

Les Grandes Costes, le rêve vigneron de Jean-Christophe Granier

Après une première carrière dans la presse viticole, Jean-Christophe Granier est revenu dans son village de Vacquières, une commune qui fait partie de la zone du pic saint-loup, en Languedoc. Ce domaine hautement fréquentable fait preuve de régularité et continue sa marche en avant. Présentation par nos experts, en vidéo

À chaque pro son parcours

Que vous vouliez approfondir une région, rechercher des vins accessibles en prix, déguster des icônes ou découvrir des domaines peu connus, voici différents parcours possibles adaptés à vos envies ou au temps dont vous disposez

Ailleurs : les vins du monde
Enjambez les frontières, voyez plus loin, des vins différents, des cépages inconnus. Un voyage immobile en quelques pas, ça ne se rate pas

Holdvolgy (table 104)
Klein Constantia – Vin de Constance (table 46)
Le Goût du Vin (table 98)
Pauly – Dreissigacker – Neiss (table 103)
South World Wines (table 102)
Vinarija Fazan (table 9)


Grandes etiquettes & vins cultes : le parcours de taille xxl
Aimer le vin, c’est aussi aimer les grandes étiquettes. Les ténors du vignoble sont venus en force, venez savourer leurs cuvées de légende

Champagne Ruinart (Table 17)
Champagne Veuve-Clicquot (Table 59)
Château Bouscassé – Château Montus (Table 7)
Château Brane-Cantenac (Table 64)
Château Rauzan-Gassies (Table 75)
Domaine Chanson (Table 47)
Domaine Charles Joguet (Table 41)
M. Chapoutier (Table 66)


C’est mon premier Grand Tasting
Une première fois, ça se prépare. Les incontournables, nos découvertes, nos chouchous, ils sont tous là pour vous. Courte sélection dans la sélection

Champagne Lombard (table 70)
Champagne Sanger(table 11)
Chante Cocotte (table 76)
Château de France (table 42)
Château Les Carmes Haut-Brion (table 8)
Château Tronquoy-Lalande (table 58)
Château Vari (table 35)
Clos de l’Oratoire des Papes (table 80)
Domaine Albert Morot (table 24)
Domaine d’Aigue Belles (table 74)
Domaine du Bagnol (table 89)
Maison Vidal-Fleury (table 39)


Le Grand Tasting en 1 heure chrono
Vous n’avez pas le temps ? Ne perdez pas une minute, allez à l’essentiel. Voici cinq grands noms du vignoble à goûter au moins une fois dans sa vie

Champagne Ayala (Table 48)
Château de la Gardine (Table 44)
Château Fonroque & Château Mazeyres (Table 50)
Château La Coste (Table 59)
Vignobles Cruse & Lorenzetti (table 60)


Le Grand Tasting en 2 heures chrono
Deux heures, c’est rien de trop. C’est même assez peu pour un aussi grand salon. Voici les onze domaines qui vont combler vos envies. La prochaine fois, vous resterez un peu plus longtemps

Cave de Ribeauvillé (table 49
Cave de Tain (table 63)
Champagne Bruno Paillard (table 43)
Château Bonnange (table 18)
Château de Ferrand (table 62)
Château Léoube (table 20)
Domaine de Baronarques (table 31)
Domaine des Grandes Costes (table 28)
Domaine Joseph Mellot (table 67)
Famille Vigouroux (table 23)
Rijckaert (table 51)


Mon Grand Tasting des découvertes
Ces producteurs font leur entrée pour la première fois pas sur la scène du GT Pro. Pépites à découvrir ou grands noms, découvertes ou marques établies, ils sont à retrouver au Carreau du Temple

Bott Frères (table 5)
Champagne Gonet Sulcova (table 6)
Champagne Pierre Mignon (table 32)
Château Camensac (table 95)
Château d’Agassac (table 91)
Château de Fieuzal (table 21)
Château de l’Engarran (table 101)
Château de la Bonnelière (table 94)
Château de Pizay (table 45)
Château de Sannes (table 40)
Château Margüi (table 25)
Château Pierrail (table 97)
Château Soucherie (table 81)
Comte Henry d’Assay (table 65)
Domaine du Carrubier (table 92)
Domaine du Vallon des Glauges (table 100)
Domaine Vuillemez Père et Fils (table 72)
Domaines Rollan de by (table 52)
Gabriel Meffre (table 54)
Louis Tête (table 4)
Maisons et Domaines les Alexandrins (table 33)
Vignoble Moncets (table 71)


Le Grand Tasting en une journée
Vous allez pouvoir faire le grand tour du salon de long et en large et même en travers, en découvrant dans toute la diversité du Grand Tasting. Du champagne, du soleil de Méditerranée, le Rhône de haut en bas, Bordeaux, la Bourgogne et tous les autres. Vous repartirez ravis, des étoiles plein les yeux.

Altugnac (table 19)
Antoine Moueix Propriétés (table 78)
Bastide de Blacailloux (table 22)
Bouvet-Ladubay (table 26)
Calmel & Joseph (table 69)
Champagne Edouard Brun (table 53)
Champagne Esterlin (table 85)
Champagne H. Blin (table 90)
Champagne Lallier (table 27)
Champagne Ployez-Jacquemart (table 93)
Champagne Telmont (table 30)
Champagne Waris Hubert (table 14)
Château d’Estoublon (table 86)
Château Gigognan (table 13)
Coravin (table 105)
Domaine de Sauzet (table 34)
Domaine des Bénédictins (table 84)
Domaine des Bergeries de Haute-Provence (table 55)
Domaine Désormière (table 73)
Domaine Lafon-Veyrolles (table 18b)
Domaine Pierre et Bertrand Couly (table 57)
Les Caves du Mont-Tauch (table 51b)
Maison Chartron et Trébuchet (table 2)
Maison Ogier (table 79)
Maison Sinnae (table 83)
Maison Wessman (table 10)
Mas Saint-Louis (table 56)
Moulin de la Roque (table 96)
NewRhône Millésimes & Romain Duvernay (table 36)
Rhonéa (table 88)
Vignobles Foncalieu (table 15)

La liste complète des exposants est disponible sur pro.grandtasting.com

Vous êtes professionnels et vous recherchez des pépites à un rapport prix plaisir intéressant ? On vous donne rendez-vous alors le lundi 11 avril au Grand Tasting Pro.