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Les droits de plantation, l’avis de Bettane

La France du vin, frileuse, se réchauffe. La Commission européenne a mis fin à son intention d’assouplir les droits de plantation à l’intérieur des vignobles de la communauté. Le puissant lobbying de gribouilles passéistes a triomphé et croit même avoir sauvé le vin français et, avec lui, les autres. Et il n’a pas manqué de gribouilles italiens, espagnols et même luxembourgeois pour l’aider.
Quiconque essaie d’avoir une vision à long terme ne peut que pleurer devant autant d’idiotie. Comment qualifier autrement la mécanique de raisonnement absurde qui s’est mis en branle à la suite des propositions intelligentes d’assouplir le règlement actuel concernant les vins de type « protégé » et de le libéraliser complètement pour les vins de table ?
Les mêmes qui ont laissé passer la loi Evin naguère (ils s’en mordent aujourd’hui les doigts) sous le prétexte fallacieux…

Sweet success


L’idée, c’est de faire découvrir les bordeaux moelleux et liquoreux, plus spécifiquement aux femmes et aux jeunes (25-34 ans), mais aussi à de nouveaux marchés, comme l’Asie. Depuis 2009, les onze appellations* réunies sous la marque Sweet Bordeaux organisent pour cela différentes opérations de conquête dans les AOC (foire de Sauternes-Barsac) comme dans les lieux branchés, à Bordeaux, à Paris ou à Hong Kong. En 2012, les Sweet Soirées ont accueilli plus de 3 000 personnes à Bordeaux et près de 11 000 à Paris. Pour accompagner leur communauté de fans, une communication digitale (blog, Facebook, YouTube) a été mise en place ainsi que des partenariats gastronomiques, avec la pâtissière Chloé S (création de deux recettes de cupcakes) ou avec des chefs Hong Kongais (Bordeaux fête le vin 2012). Enfin, le succès des Sweet Bordeaux s’est étendu jusqu’en Chine. Présence au Wine and Dine Festival de Dalian, Sweet Soirée à Shanghai et, avec plus de 23 000 dégustations enregistrées (+ 65%), véritable engouement du public (jeunes femmes et couples) lors de la quatrième édition du Wine and Dine Festival de Hong Kong, en novembre dernier. La Sweet Soirée de Hong Kong a rassemblé 150 invités amateurs de vins, 12 journalistes et 50 restaurateurs. L’ouverture d’un blog chinois et d’un compte Weibo
a permis de communiquer sur ces différents événements. Pour finir, les Sweet Bordeaux ont également tenté l’aventure québécoise en participant à la première édition de Québec Fête le Vin. En route pour 2013, donc,
en commençant pas associer un bordeaux moelleux ou liquoreux avec cette galette des rois.


* Cadillac, Sauternes, Loupiac, Barsac, Sainte-Croix-du-Mont, Graves supérieures, Premières Côtes de Bordeaux, Côtes de Bordeaux Saint Macaire, Cérons, Sainte-Foy Bordeaux et Bordeaux Supérieur.

Les dix blancspour aimer le blanc

Pour les uns, le blanc est indispensable. Pour d’autres, il est évitable. Mettre tout le monde d’accord exige une fine sélection. Que voilà.


Château de Fieuzal
Pessac-léognan 2010

Voilà un millésime qui renoue avec le style des beaux fieuzals d’antan. Nez riche et complexe, beaucoup d’exotisme, de nuances fumées, boisé vanillé, fleurs blanches, bouche puissante, opulente, avec de magnifiques arômes, une minéralité et une grande vivacité harmonieuse.
Apogée : 2012 à 2021

env 44 €


Château Smith Haut Lafitte
Pessac-léognan 2010

Grande complexité aromatique, agrumes confits, rose ancienne, miel d’acacia, minéral, bouche très puissante, fondante, aromatique et tendue par une élégante vivacité. Charmeur mais très équilibré.
Apogée : 2012 à 2021

93 €


Château Pape Clément
Pessac-léognan 2010

Plus Pape que Pape, il affiche un nez racé d’une incroyable complexité, avec son grand fruit et ses délicieuses touches fumées, une bouche imposante, avec une texture fondante, du gras, de la longueur et de la vivacité. Très opulent tout en restant extrêmement raffiné.
Apogée : 2014 à 2026

190 €


Domaine des Sénéchaux
Chateauneuf-du-pape 2010

Jolies notes florales, agréable et élégant en bouche, une belle expression fraîche et longue.
Apogée : 2012 à 2015

32 €


Domaine de Trévallon
Vin de pays des Bouches-du-Rhône 2010

Certes, il n’y a que 8 000 bouteilles en moyenne de Trévallon blanc, mais on le déguste avec un tel plaisir que l’on ne peut résister à l’envie de vous ces accents floraux et miellés, avec une bouche à la fois onctueuse et élancée et une finale miellée et menthée.
Apogée : 2015 à 2022

60 €


Domaines Albert Bichot
Corton-charlemagne grand cru, Domaine du Pavillon 2010

Excellente tension de bouche, notes de fleur de vigne plus marquées que la noisette habituelle, assez long et gras, réservé, mais distingué.
Apogée : 2017 à 2022

50 €


Domaine Laroche
Chablis grand cru, Les Clos 2010

Grand millésime pour le cru, équilibre cristallin, grand équilibre entre puissance et minéralité, finale serrée à souhait.
Apogée : 2015 à 2030

54 €


Bouchard Père et Fils
Puligny-montrachet premier cru, Champ-Canet 2010

Le meilleur puligny de la maison dans ce millésime, charmeur, tendre, précis et vendangé à juste maturité.
Apogée : 2015 à 2022

54.90 €


Domaine Paul Jaboulet Aîné
Le Chevalier de Sterimberg, Hermitage 2011

Pur et aérien, registre citronné et floral très élégant, il se distingue par sa dimension cristalline plus que par son épaisseur de bouche. Comme en rouge, un style original pour le cru, mais la finale tendue est très rafraîchissante.
Apogée : 2012 à 2026

53.70 €


Domaine Marcel Deiss
Manbourg, Alsace grand cru 2008

Finement terpénique, anisé, très pur dans ses arômes, avec une grande fraîcheur en bouche, subtilement mentholée et torréfiée en finale. Une pureté encore supérieure au 2010.
Apogée : 2012 à 2028

59 €

Cuisine de saison




Il y a peu, la Maison Veuve Clicquot a invité Magnus Nilsson*, le chef sommelier du restaurant suédois Fäviken magasinet, à préparer un menu d’hiver pour une réception qui s’est tenue dans son manoir privé, l’Hôtel du Marc, à Reims. De la préparation de ce dîner a été tiré ce petit film très inspirant, plus poétique que démonstratif (bien qu’on y découvre des accords mets-champagnes qu’on n’hésitera pas à reproduire). Après un apéritif Veuve Clicquot Carte Jaune, de grosses Saint-Jacques fraîchement récoltées à la main et cuites dans leur coquille au-dessus d’un feu de sarments de vigne et de branches de sapin, ont été servies avec un Veuve Clicquot Millésimé 2004. Le homard aux cornouilles et son jus de champignons fermentés a été marié avec un Veuve Clicquot Rosé Millésimé 2004.
Pour le porridge constitué d’un mélange de céréales et de graines, accompagné de légumes-racines fermentés et de ciboulette séchée et relevé d’un bouillon de bœuf cristallin filtré à travers des feuilles mortes, c’est un verre de Veuve Clicquot La Grande Dame 2004 qui a été servi, et avec la bécasse poêlée et ses rubans de légumes-racines, un Veuve Clicquot Cave Privée Rosé 1989. On vous laisse découvrir le merveilleux et inventif dessert, proposé avec un Veuve Clicquot Cave Privée 1990.

* Après avoir travaillé à Paris dans deux restaurants trois étoiles, L’Arpège et L’Astrance, Magnus Nilsson arrête
la cuisine pour se former au métier de sommelier. Il rejoint ensuite l’équipe du restaurant Fäviken Magasinet, au nord de la Suède, pour s’occuper uniquement des vins. Il ne lui faudra pas longtemps pour se réinstaller en cuisine en tant que chef. Aujourd’hui, le restaurant occupe la 34e place du classement des 50 meilleures tables du monde.

Repas divins


Le programme lancé au printemps dernier par l’association Vin & Société afin de valoriser les notions de plaisir,
de culture et de responsabilité attachées au vin a trouvé sa place dans de nombreux médias, preuve que le sujet intéresse et qu’il peut se faire une place malgré l’environnement juridique contraignant de la loi Evin. Au total, d’avril à septembre 2012, soixante-dix sept télévisions (dont quatre nationales), vingt-six web TV (quatre spécialisées et vingt-deux généralistes) et cinquante-neuf sites internet (dont, entre autres, huit féminins, deux de presse nationale et vingt de presse régionale) ont relayé les modules en quatre parties de cette série gastronomique présentant chacun une recette, des accords mets-vins, une escapade touristique et une minute dégustation. Tous les épisodes sont à voir ou revoir ici.

Une bonne année





Contrastée jusqu’au bout, l’année 2012 s’est terminée avec des prises de décisions tout à fait opposées.
On lira ici le choix qu’a fait Yquem concernant ce millésime. La position ci-dessous est totalement différente, c’est celle du château Climens, détaillée par Bérénice Lurton et Frédéric Nivelle dans leur journal des vendanges.

« Quod donare mora nequit annua, dat brevis hora. Ce proverbe latin qui dit qu’il advient en une heure ce qui n’arrive pas en une année résume parfaitement l’année 2012. Loin d’être une croisière de tout repos, celle-ci
a été traversée de tempêtes et d’écueils. Au bout de la traversée, nous sommes heureux d’avoir regagné le port avec une cargaison inespérée.

Pour commencer, le printemps fut singulièrement chaotique. Chaud et sec en mars, il se fait effroyablement
humide en avril et mai, nous obligeant même à traiter péniblement, à dos d’homme, faute de pouvoir faire circuler les tracteurs sur nos argiles sablonneuses bien glissantes. Le thermomètre joue quant à lui au yoyo, et la vigne fait grise mine. Pourtant, la sortie de grappes paraît satisfaisante et nous comptons sur la biodynamie pour aider la vigne à résister aux à-coups climatiques violents auxquels nous sommes désormais abonnés. Hélas, ce ne sera
pas suffisant cette année, la fleur ayant en outre été malmenée par les excès thermiques – dans un sens comme dans l’autre – du mois de juin. Les taches de mildiou se multiplient sur les feuilles ; les grappes paraissent modérément touchées, mais c’est au cours du mois de juillet, lorsque les grains atteints noircissent en séchant,
que nous constaterons mieux la situation. Les dégâts sont très variables d’une parcelle à l’autre, voire à l’intérieur d’une même parcelle, sans doute en raison d’une hétérogénéité de maturité importante. La moyenne des pertes
est vraiment difficile à évaluer, sans doute autour de 30%. En passant en biodynamie, nous avons ôté à la vigne sa « béquille » chimique. Elle est encore en période de sevrage, et donc fragilisée malgré tous les soins apportés. Nous avons accepté ce risque et sommes plus que jamais déterminés à avancer dans cette voie, même si la vision de ces grappes affectées est désolante pour un viticulteur.

Nous espérions un temps plus sec, nous l’aurons… jusqu’à la caricature. Plus de deux mois sans quasiment une goutte de pluie. Les pontes de vers de la grappe prennent des proportions inquiétantes, mais des traitements bios
et bien appliqués nous éviterons plus tard d’être les victimes de ces minuscules gloutons (nous aurons bien assez d’embûches sans cela). La vigne est plutôt à l’aise avec la sécheresse, mais septembre avançant, elle commence à souffrir, surtout après un mois d’août parfois caniculaire. Le raisin peine à mûrir, les peaux restent très épaisses, et le sieur botrytis reste aux abonnés absents, évidemment. Le 23 septembre, une période pluvieuse daigne arroser nos sols desséchés. 40 mm en quelques jours, cela aide notre champignon à montrer le bout de son nez. Si les grappes enfin dorées se couvrent bien des taches de rousseur attendues, l’évolution ne va guère plus loin. Aussi célébrons-nous ironiquement la fin des vendanges 2011, le 28 septembre, en espérant ne pas battre le record de 1978, et son début de vendanges en novembre.

Nous aurons décidément passé une bonne partie de l’année à espérer la pluie ou bien à la maudire. Quelques gouttes le dimanche 7 octobre nous font espérer une accélération, la patience est finalement encore de mise. Une petite consultation des archives nous rappelle que les superbes vendanges de 1988 n’ont commencé qu’au 15 octobre pour se finir le 29, voilà qui nous redonne le moral à peu de frais. Les dates vont d’ailleurs s’avérer quasiment les mêmes, dans des conditions assez différentes. Après une semaine de suspense et d’attente, la concentration ayant finalement fait son oeuvre, nous attaquons enfin le lundi 15 octobre, sous un beau soleil. Dès le lendemain, le temps sera plus chagrin, mais cette petite bruine n’aura heureusement aucune incidence, si ce n’est sur le confort des vendangeurs. Le temps changeant et imprévisible nous donne quelques palpitations, mais nous resterons à l’abri de la pluie jusqu’à la fin de la semaine, ce qui nous permet d’avancer sérieusement dans notre première trie. En fonction des parcelles, la charge est hétérogène, de même que la qualité des raisins sur pied. Le travail de tri est donc très variable, mais dans l’ensemble, la vendange est belle, tout particulièrement dans les parcelles de vieilles vignes. Malheureusement, la pluie arrive le vendredi 19 octobre au matin. Ne sachant si elle va s’installer durablement, nous en profitons pour faire un nettoyage sur les plus jeunes vignes. Celle de 1997 a très mal supporté les conditions du millésime et restera un de nos pires souvenirs de vendanges. A la coupe, les trois quarts des grappes s’avèrent atteintes de pourriture aigre ou grise, et doivent être jetées tandis que nous pataugeons dans la boue jusqu’aux chevilles. Les autres ont bien évolué dans l’ensemble, elles auraient supporté un peu plus de concentration, mais à leur stade avancé, la pluie est de trop. Un rapide égouttage des paniers avant le passage sur le plateau de contrôle suffit heureusement à se débarrasser de l’eau qui reste superficielle.

Sous les gouttes incessantes, nous ressemblons à une petite armée à dominante kaki, couverts que nous sommes de pied en cap de bottes et de cirés. Toujours à l’affût, Danièle et nous-mêmes encourageons et contrôlons plus que jamais nos vendangeurs afin qu’aucun laisser-aller ne s’installe. Les pauses accompagnées de boissons chaudes sont particulièrement appréciées par la troupe. Hélas, la nuit suivante est également pluvieuse, aussi décidons-nous de sauver les quelques grappes confites qui parsèment les parcelles moins avancées. Le raisin y reste joli, mais l’eau de la journée et de la nuit précédentes a bien pénétré les grappes, et il nous faudra séparer le jus d’égouttage pour atteindre des degrés convenables. Au moins, sommes-nous soulagés à l’issue de cette épreuve : nous avons évité le pire, car toutes les parcelles le nécessitant ont vu passer les sécateurs. Du lundi 22 octobre au mercredi suivant, nous retrouvons un temps plus clément, les brouillards matinaux laissant place au soleil l’après-midi, avec des températures assez chaudes pour la saison (22/23°C). Le botrytis se développe, mais l’humidité ambiante reste importante, il fait trop moite pour que la concentration ne progresse véritablement. Le reste d’une récolte déjà entamée par le mildiou est en péril, et même si nous essayons de garder espoir, le moral n’est pas bien vaillant. Le scénario 1988 n’est hélas plus envisageable. La tension n’est pas améliorée par la proximité de mon départ pour la Chine, prévu de longue date pour le lundi suivant.

Le temps du samedi 27 reste menaçant, mais bien heureusement la pluie comme la grêle (qui frappe le nord du bordelais) nous seront épargnées. En revanche le vent, que nous appelions de nos voeux, souffle à grandes bourrasques. Mais c’est encore une fois un dimanche qui va nous sauver. Le vent est toujours présent, mais il a changé de cap. Passé au nord-est, il a fait chuter les températures de façon très brutale et ramené le soleil. A partir de 16h, nous arpentons le vignoble, en quête d’une trace d’évolution. Nous ne faisons guère de différence à l’œil et décidons de faire de nouveaux prélèvements sur différentes parcelles pour comparer avec les résultats de l’avant-veille. Nous voici donc dans la cuisine du château, à presser nos divers sachets de grappes botrytisées, soigneusement choisies de façon à être représentatives de l’ensemble de leur parcelle. Je dois reconnaître avoir poussé un « Yeees » de jubilation fort peu orthodoxe au vu de l’affichage du réfractomètre. La concentration, quoique peu visible, a progressé en deux jours de plusieurs degrés, elle est bien suffisante pour que nous reprenions les vendanges. Mieux encore, le moût obtenu est parfaitement net, ne gardant aucune trace de cette déviation que nous avions sentie en mâchant les peaux. Nous qui en étions à désespérer à peine quelques heures avant, retrouvons sourire et entrain, avec pour mission en ce dimanche soir de rappeler tous nos vendangeurs, voire de recruter quelques étudiants en vacances de Toussaint pour arrondir la troupe. Nous savons avoir quelques jours de beau temps devant nous pour ramasser le reste de la récolte, « à tire » puisque les degrés sont déjà suffisants sur certaines parcelles, et que les autres devraient suivre à la faveur de ce temps hivernal.

Au petit matin du lundi, tout est recouvert d’une fine pellicule de givre. L’ensemble de la troupe de vendangeurs est sur le pied de guerre, et les doigts gelés se réchauffent petit à petit au soleil. La qualité de ce que nous ramassons nous étonne, le contenu des paniers est plus joli qu’espéré, les raisins ont moins souffert de l’humidité qu’on pouvait le craindre. Le tri est toujours aussi précis, mais la proportion de raisins à écarter est plus faible que nous l’envisagions. Nous sommes également rassurés par les degrés des premiers jus qui coulent du pressoir, et validons la coupe à tire. Il ne nous reste plus qu’à effectuer un choix judicieux dans le déroulement de cette deuxième et dernière trie. Nous vendangerons avant tout en fonction du niveau de concentration des parcelles, mais en tenant compte de la quantité de récolte encore sur pied, on ne sait jamais ce qui peut arriver. Ce lundi après-midi, je quitte Climens, le cœur gros de laisser mes vendanges pour la première fois depuis 19 ans, mais soulagée par la tournure des évènements. Néanmoins, on ne me reprendra pas à accepter des dégustations à l’autre bout du monde avant la mi-novembre. Il ne reste « plus » qu’à tout ramasser avant le 1er novembre, la Toussaint correspondant – tradition oblige – au retour de la pluie. Heureusement, les fermentations des premiers lots suivant tranquillement leur cours, Frédéric peut rester sur le terrain en permanence.

Tout se déroule comme prévu, le potentiel des lots variant de 20° à un peu plus de 21°. La coupe « à tire » ne démérite pas, elle est aussi saine que généreuse, nous permettant d’engranger 54 barriques en 3 jours soit un peu plus de 40% de la récolte. Nous nous permettrons même le luxe de terminer ces vendanges 2012 dès la fin de matinée le mercredi 31 octobre. Ces 8 jours de vendanges sur une période de 16 jours, du 15 au 31 octobre, nous auront finalement offert un rendement (de l’ordre de 10 hl/ha) et surtout une qualité inespérés. Pour un millésime si chahuté, le bilan est franchement positif. Il s’agit de surcroît d’un joli pied de nez aux mauvaises langues qui avaient décrété Climens « raclé » par le mildiou. La nature n’aura finalement pas été si ingrate que cela. Quant à la biodynamie, sans laquelle nous aurions sans doute perdu moins de raisins, elle a certainement aidé la vigne à mieux supporter la sécheresse de septembre et les pluies malvenues de fin de campagne. Les dégustations d’après fermentations sont bluffantes. Mis à part deux ou trois lots plus simples, mais honnêtes, l’ensemble est excellent.
La pureté aromatique est parfaite du début à la fin et, pour la majorité des lots, longueur, complexité, élégance et panache sont au rendez-vous. Nous aurons un très beau Climens 2012, cela ne fait aucun doute. »

Les réserves de Ruinart




Par Frédéric Panaïotis, chef de caves de la Maison Ruinart

« On a peut-être chanté un peu vite les louanges du millésime 2012. Pourtant, au terme des vendanges, on voyait déjà certains danser le jerk sur les coteaux. Moi-même j’étais à un doigt de faire un petit pas de deux. Je l’ai même twitté. J’ai sans doute twitté un peu vite. Désormais, j’ai goûté tout ce que je devais goûter, à savoir un peu plus de 200 cuves, 75 % pour la vendange 2012, le reste dédié aux vins de réserve. Et je reviens en partie sur ce que j’ai dit. Je reprends mon droit de réserve sur la qualité du millésime.

Petit flashback sur l’année 2012. On avait constaté pendant le cycle végétatif une très forte hétérogénéité des raisins, et pourtant, la vendange nous avait offert des raisins très homogènes, donnant des jus agréablement surprenants à tous les niveaux, pour les degrés comme les autres paramètres. Depuis peu, j’ai noté que les jus étaient de nouveau hétérogènes, avec notamment des vins étrangement mûrs à ce stade du processus. C’est
le retour de bâton. Ok, on savait que la maturité était là cette année, mais je suis quand même un peu inquiet
de cette évolution rapide des jus. Pour le moment, je n’en connais pas la raison, mais je sens que quelque chose
ne tourne pas tout à fait rond.

Cela dit, ça peut encore changer. Là où c’est embêtant, c’est pour Dom Ruinart et Dom Ruinart Rosé. D’ailleurs,
je vous le dis sans détour, je n’ai pas encore décidé si nous en ferons, contrairement à nos confrères de Château d’Yquem pour qui les choses sont claires. Pas de millésime en 2012. Pour les cuvées Dom Ruinart, il nous faut des jus aptes au long vieillissement, et ça n’en prend pas le chemin. Mais nous avons encore le temps. Je prendrai ma décision de manière raisonnée, en toute sérénité. Le bon côté des choses, c’est que je suis nettement moins inquiet pour les non-millésimés, R de Ruinart, le Blanc de Blancs et le Rosé. L’année 2011 n’ayant pas été d’une grande richesse, la maturité des jus de 2012 la compensera aisément et nous devrions avoir de jolis vins. Après tout,
il ne faut pas perdre les pédales, ces cuvées représentent 95 % de notre production. Pour la Maison Ruinart, le nerf de la guerre est là.

Comme je suis curieux, je me suis rencardé autour de moi. Les échanges que j’ai eus pour l’instant, en et hors Champagne, font état d’un millésime compliqué. Nous ne sommes donc pas les seuls à être perplexes. Il y a quelques jours, j’ai eu l’occasion de parler avec la charmante Emilie Gervoson (domaine Larrivet Haut-Brion)
qui se fait aussi un peu de souci. Sur les blancs, elle est contente, tout roule, mais sur les rouges, elle attend encore de voir l’évolution pour se prononcer. Bien entendu, je vous tiendrai au jus de ce qui se passe chez nous, et ailleurs. En attendant, on s’y remet et on essaie de comprendre. »

Les dix champagnesqui feront de vousun hôte inoubliable

Aujourd’hui, notre Top 10 des champagnes faits pour les moments de fêtes. Ce ne sont pas des champagnes de boîtes de nuit, mais des grands vins de gastronomie ou de conversation. Des champagnes pour se souvenir pourquoi on aime tant le champagne.


Taittinger
Comtes de Champagne Blanc de blancs 2002

Sûrement l’un des plus brillants des grands Comtes de Champagne : ample, épanoui, généreux et se développant en bouche avec beaucoup de finesse et de subtilité.
Apogée : 2012 à 2020

110 €


Moët et Chandon
Grand Vintage 2004

Sans aucune lourdeur, finement bouqueté avec ses notes de zeste, c’est un champagne racé et élancé qui possède une délicatesse aérienne et apéritive. Une grande réussite.
Apogée : 2012 à 2018

46 €


Dom Pérignon
2003

1976 avait produit un Dom Pérignon légendaire. Cet autre grand millésime de canicule possède aussi une personnalité hors norme. Alliant un fruit remarquablement épanoui à une ampleur délicate, ronde et subtile, c’est un grand champagne, tendre, d’une longueur savoureuse.
Apogée : 2012 à 2020

135 €


Charles Heidsieck
Brut Réserve

Très florale et finement fruitée, la cuvée non millésimée de Charles Heidsieck est remarquablement affinée, pure et persistante.
Apogée : 2012 à 2014

32.70 €


Veuve Clicquot-Ponsardin
La Grande Dame 2004

Dans un style plus consensuel que le Vintage, mais d’une classe époustouflante, ce millésime fera date : grand volume aérien, superbe élégance, allonge inoubliable. Du grand art.
Apogée : 2012 à 2022

138 €


Thiénot
Alain Thiénot 1999

Champagne mature, aux notes de céréales grillées, assez souple pour s’accorder autant à la table qu’à l’apéritif.
Apogée : 2012 à 2016

80 €


Henriot
Cuvée des Enchanteleurs 1998

Brioché, avec des arômes de fruits confits, c’est un champagne ultra savoureux et de grande finesse. Délicieux aujourd’hui.
Apogée : 2012 à 2018

120 €


Pommery
Louise 1999

Fruit délicat et brillant, allonge distinguée, grande délicatesse en bouche. Alliant la tendresse, l’élégance et la profondeur, il décrit à lui seul une certaine idée du champagne.
Apogée : 2012 à 2018

135 €


Piper Heidsieck
Brut 2004

Style ample, avec un fruité généreux et une allonge crémeuse et fraîche, incontestablement raffinée.
Apogée : 2012 à 2016

38 €


Bollinger
Rosé

Bouquet très fin de fruits rouges, droiture impressionnante en bouche, délicatesse et fraîcheur, finale pure et longue.
Apogée : 2012 à 2015

52 €

Les dix rougesqui feront verdirde jalousie vos rivaux

De 14 à 400 euros, notre Top 10 des grands vins rouges de fêtes. L’occasion ou jamais de prouver à tout le monde comme vous êtes à la fois exigent, esthete et, éventuellement, généreux. Certains d’entre eux feront merveille sur votre table, mais dans vingt ans.


Marquis de Terme
Margaux 2009

Grand vin vigoureux et racé, parfaitement harmonieux dans son tanin, un des meilleurs rapports qualité-prix de ce millésime très recherché.
Apogée : 2019 à 2029

38 €


Château Pavie
Saint-émilion 2010

Grand volume parfait, remarquable d’intensité et de volupté, longueur profonde. Grand raffinement de texture, une puissance domptée, un soyeux de tanin remarquable, c’est très grand.
Apogée : 2018 à 2032

320 €


Château Angélus
Saint-émilion 2009

Grand nez exhalant un boisé toasté, un fruit mûr et complexe, beau volume généreusement bouqueté, allonge suave, profondeur épicée avec de la mûre. Grand avenir.
Apogée : 2016 à 2026

400 €


Château Fombrauge
Saint-émilion 2009

On a une profondeur enveloppante, avec un tanin qui conjugue puissance et élégance, ce vin évolue parfaitement.
Apogée : 2014 à 2022

32 €


Château Grand-Puy-Ducasse
Pauillac 2009

Petites notes de suie et de créosote au nez, qui semblent propres au terroir du cru, puissant, charnu, mais encore un peu raide dans son tanin.
Apogée : 2017 à 2027

cav 40 €


Château Villa Bel-Air
Graves 2009

Reste fidèle à son style. Tout en délicatesse et élégance, avec un nez fondu et mûr, une très jolie minéralité, une bouche ample, aux tanins ronds et harmonieux, et une bonne fraîcheur.
Apogée : 2012 à 2015

env 14 €


Château de Pibarnon
Bandol 2010

Grande construction de bouche portée par des saveurs racées, puissantes, extrêmement goûteuses. C’est un grand bandol en devenir, les qualités du tanin ont encore progressé.
Apogée : 2013 à 2020

28 €


Domaine Philippe Alliet
L’Huisserie, chinon 2010

Grande huisserie, la bouche est superlative, excessive, charmeuse et endiablée.
Apogée : 2012 à 2025

17 €


Egly-Ouriet
Cuvée des Grands Côtés, coteaux-champenois ambonnay 2009

On touche au sublime, si on sert le vin à 19/20°C, température à laquelle son onctuosité incomparable, le fondu de son tanin et de son boisé (Tronçais tri-centenaire garanti) en font une des plus hautes expressions mondiales du pinot noir. Le chef d’oeuvre à ce jour de ce grand vigneron.
Apogée : 2017 à 2024

52 €


Louis Latour, Château Corton Grancey
Corton grand cru 2010

Pas très coloré, mais racé au nez, avec une touche minérale habituelle dans le secteur des Perrières et Chaumes, base importante de cet assemblage, tanin fin.
Apogée : 2018 à 2025

70.20 €

Accords de fêtes

« Un peu d’impertinence ne nuit pas – forcément – à la pertinence. C’est avec cette idée en tête que je réinterprète quelques accords mets vins pour les repas de fête. Mon travail, c’est de faire du vin et le champagne Ruinart.
Mon hobby, c’est d’être aux fourneaux pour essayer de faire matcher mets et vins. Je cherche sans cesse le clash gagnant entre les deux, celui qui engendrera un petit flash de bonheur. Avec les « nourritures obligées », on pourrait penser que les fêtes ne sont pas le meilleur moment pour ça. Je vous soumets pourtant, en toute modestie, le petit exercice en deux temps auquel je me suis livré. Le premier défi consistait à essayer de trouver un accord vin original sur un mets tout ce qu’il y a de plus classique. Dans le second, il s’agissait de partir d’un type de vin bien connu et de tenter de le marier à un mets un peu plus funky. Avant que je n’oublie, toutes les recettes sont empruntées aux différents livres de Charlie Trotter, le célèbre chef chicagoan, aujourd’hui en congé sabbatique indéterminé. Allez hop, c’est parti.

On commence avec le saumon fumé. J’en entends déjà certains râler. Pourtant le saumon fumé, ça peut être très bon, pourvu qu’il ne soit pas trop fumé. Si c’est le cas, sortez direct un whisky écossais un peu tourbé (Mackinlay’s Rare Old Highland Malt Shackelton Discovery « 1907 » ou un Ardbeg Blasda peuvent convenir) ou l’aquavit. Mais si votre saumon est fin, délicatement fumé, avec une chair fondante à souhait, comme celui qu’un ami suédois me rapporte périodiquement (celui de la Maison Lisa Enqvist à Stockholm, pour les curieux), alors il faut fouiner pour trouver un grand vin blanc à la fois riche mais aussi bien sec en finale. J’ai craqué sur l’accord produit avec un Tokay Furmint Dry « Szent Tamas vineyard » de chez Istvan Szepsy. Un joli contraste entre le gras du saumon et la finale fraîche et cristalline du Furmint, le goût fumé étant challengé par des notes de pierre mouillée – la vraie minéralité pour moi. Le foie gras poêlé est aussi un grand classique même si je l’apprécie plus au goûter qu’au dîner, parce qu’après ça, le palais est quasiment saturé et ça devient difficile d’enchaîner. Essayez donc un petit en-cas par une froide journée d’hiver, et offrez-lui un beau liquoreux (un grand sauternes, un layon voire un jurançon doux pour la note exotique). En regardant les rugbymen français menacer sévèrement le pack anglais en mêlée, ainsi que je l’ai fait, ce n’en est que meilleur. Plus sérieusement, s’il faut lui trouver autre chose, je pars sur le chardonnay, et bien sûr en Bourgogne (tant qu’à faire, choisissons, s’il vous plaît, un Corton-Charlemagne d’au moins 10 ans). Je pratique ces accords depuis longtemps, et ça marche très bien. J’ai aussi une botte secrète, c’est un Dom Ruinart, si possible dans un vieux millésime (au choix : 1993, 1990 et même 1988). Ce n’est pas pour faire la promo, mais ça fonctionne hyper bien, notamment si vous déglacez votre foie avec un vinaigre de fruits ou un chutney de la même veine. Les arômes toastés du Dom Ruinart viennent littéralement s’accoupler aux notes caramélisées du foie poêlé, tandis que la fraîcheur et l’effervescence font un peu de rentre-dedans à son onctuosité. Franchement, c’est un accord diabolique. Je ne vous épargne pas les huîtres car elles ne vous seront sans doute pas épargnées. Mais comme j’ai décidé de ne pas vous laisser tomber, je ne vous propose pas moins de deux accords gourmands pour sauver la face, et même la ramener un peu. Si vos huîtres sont crues, servez-les avec une petite julienne de fenouil mariné, une purée de fenouil aux trois poivres, et quelques gouttes d’huile d’olive à l’estragon. Vous obtiendrez un bel équilibre entre le végétal et l’iodé, et là, tout de suite, un sancerre de belle provenance s’imposera. Si vous avez à la cave du François Cotat en « Monts Damnés » ou « Culs de Beaujeu » avec quelques années, c’est bingo. Sinon, panez-les dans une poudre de riz arborio et accompagnez de pousses d’épinard et de bok choy à peine revenues au beurre, avec du gingembre confit et une sauce tartare légère relevée au jus d’agrumes. Si vous activez cette option (qui, soit dit entre nous, plaira à tout le monde, parce que l’huître cuisinée, c’est plus facile à avaler), c’est un riesling alsacien qui conviendra, et mieux encore, un riesling allemand de la région du Rhin, comme le Kiedricher Trocken 2010 du domaine Robert Weil.

Maintenant que nous avons réglé leur compte aux incontournables de l’assiette, intéressons-nous aux beaux flacons classiques, en essayant de les faire danser sur des plats un peu recherchés. Je commence avec du chenin, comme ce beau savennières du Domaine des Baumards, cuvée « Trie spéciale », et avec 4 ou 5 ans d’âge. On est sur les fruits mûrs, avec cette typique pointe d’amertume quasi saline, et le gras sur le palais. Il y a quelques temps, j’ai fait l’accord quasi parfait, de manière totalement inattendue, sur une lasagne de lapin et de navet, sauce aux petits pois (avec les cosses). Navets braisés dans un bouillon, râbles juste sautés puis émincés, le tout monté en millefeuille avec du chou chinois aux shiitake et beurre de foie gras. Un accord franchement irréel qui m’a laissé sans voix. Etant bourguignon de coeur, il fallait que je sorte un pinot. J’ai choisi la finesse d’un chambolle-musigny de chez Dujac, plutôt jeune (notez que si j’ai déjà atteint le plafond de votre encours bancaire avec mes précédentes propositions, un Givry 1er cru du Clos du Cellier aux Moines fera tout aussi bien l’affaire. Dans l’assiette, une marmite de petits homards, suprêmes de pigeon, trompettes de la mort, jus de pigeon et cerfeuil, rien que ça. L’idée, c’est l’accord à mi-chemin entre terre et mer. La finesse du Côte de Nuits s’accommode fort bien du homard au goût légèrement sucré, de la suavité du pigeon et, il va sans dire, du caractère automnal conféré par les trompettes. J’adore. Enfin, la troisième quille est un grand vin du Rhône, mettons un hermitage rouge de Jean-Louis Chave, dans la maturité si possible, c’est-à-dire d’au moins 15 ans. Là-dessus, je colle des flans d’os à moelle de boeuf, avec une croûte de cèpes et une purée de cèpes à la sauge. Attention, puissance aromatique garantie. C’est aussi hyper fondant, et c’est ce qui est magique avec les syrahs septentrionales. On pense que c’est seulement de la richesse et de la puissance, à cause des notes sanguines, de la réglisse, du poivre ou des arômes de viande séchée, mais c’est également ce côté longiligne, très droit en bouche, qui crée un équilibre presque miraculeux.

Voilà, je me suis bien amusé avec ce petit jeu des accords mets vins à l’endroit et à l’envers et j’espère que vous n’hésiterez pas, sur vos sites, blogs et comptes Twitter, à réagir, enrichir, contre-proposer, car je suis toujours à l’affût d’idées à mettre en pratique. Je n’en ai jamais assez. Bonnes fêtes à vous. »

Par Frédéric Panaïotis, chef de caves de la maison Ruinart.