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Le grand retour d’un saint-émilion mythique

Château Soutard 2019,
saint-émilion grand cru

Pourquoi lui
Depuis sa reprise en 2006 par le groupe d’assurances La Mondiale, ce qui a sauvé Soutard, nous suivons la progression menée tambour battant par Bertrand de Villaines, bienveillant patron, Véronique Corporandy, talentueuse directrice technique et Olivier Brunel en charge d’un beau patrimoine de vignes auquel ont été ajoutées les terres de Cadet-Piola. Les résultats sont là…

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En primeurs 2021 (épisode 2/12) : les belles affaires

Toute cette semaine (et la suivante), nous présenterons avec plus en détails les coups de cœur de notre équipe, sous forme de sélections thématiques, mais aussi, nouveauté de la maison, des vidéos courtes et amusantes, regroupant sous la forme d’un palmarès les échantillons que nous avons le plus aimé. Disponibles sur notre site mybettanedesseauve.fr et sur nos réseaux sociaux.

Notre « carnet de notes » en pdf est un outil bien pratique. Toutes nos dégustations sont regroupées en un seul endroit. Elles sont rangées par ordre alphabétique : d’abord par sous-région, ensuite par appellation et enfin par propriété. La manière la plus simple de partager les quelque 630 notes de ce compte-rendu. Retrouvez ce « carnet de notes » sur mybettanedesseauve.fr

Primeurs 2021 : saint-julien, toujours en haut de l’affiche

Une fois n’est pas coutume, l’appellation affiche une homogénéité sans équivalent dans ce millésime. Des très grands vins, des vins de classe et des beaux rapports qualité-prix. Voici notre sélection

 

Château Beychevelle
Grand nez réglissé, texture enveloppante, charme aromatique immense, prise de bois exemplaire, fondu immédiat de tous les éléments. Parfaite vinification.
95-96

Château Branaire-Ducru
Robe bleu noir, ensemble intense, dominé par des saveurs classiques et nobles de cèdre, sur un support tannique quelque peu sévère le jour de notre dégustation. Grand avenir et excellent rapport qualité-prix probable.
92-93

Château Ducru-Beaucaillou
Réussite exceptionnelle, rendue possible par une impitoyable sélection qui a privilégié les vieux cabernet-sauvignon (98 % de l’assemblage) au prix d’un volume inférieur de moitié à la moyenne. Merveilleux coup de nez. Sans doute le caractère cèdre le plus flamboyant du Médoc dans ce millésime. Chair sensationnelle, grande longueur. Inoubliable.
98

Château Gruaud-Larose
L’harmonie incarnée, avec un beau nez floral, une chair particulièrement soyeuse et un retour de grands tannins déliés, mûrs et épicés par son cabernet-sauvignon. Une définition du saint-julien de charme. 84 %, cabernet-sauvignon 12 %, merlot 4 % cabernet franc.
95-96

Château La Bridane
Nez de caractère, fruit intense, mine de crayon, fumée, assez terrien, belle attaque en bouche, du corps, du fruit, du peps.
90-91

Château La Fleur Lauga
Nez expressif, offrant un fruit pur et de jolies notes épicées, chair savoureuse et raffinée, tannins bien maîtrisés, belle allonge. Bien fait et équilibré. De la personnalité.
90-91

Château Lagrange
Nez très pur et détaillé toujours dans les normes classiques de l’appellation, sur le cèdre et les épices, se rapprochant en style des Léoville plus que des saint-julien du Sud. Belle tension presque minérale en bouche, parfaite expression de son lieu.
93-94

Château Langoa-Barton
Excellent corps, représentatif du millésime par sa fraîcheur sans verdeur de la texture et de la saveur, sans avoir atteint l’individualité qui sera la sienne avec le temps.
92-93

Château Léoville-Barton
Belle robe bleu noir, prise de bois encore en retrait qui gagnera encore en harmonie, corps et chair parfaitement comparables. Surtout, son individualité de caractère est rassurante pour le long vieillissement.
94

Château Léoville-Las-Cases
Robe profonde, ensemble complet pour le millésime, parfaite maturité du raisin, noblesse aromatique évidente, prise de bois exemplaire. Autorité totale de l’assise tannique. Unité quasi idéale de tous les éléments aromatiques ou tactiles. Niveau égal aux premiers crus. 80 % cabernet-sauvignon, 15 % cabernet franc, 5 % merlot.
96-97

Château Léoville-Poyferré
Beau nez subtil et racé d’un classicisme évident, sur les épices et le cèdre. Entrée de bouche tendre, support ferme de tannin, texture assez large donnée par le pourcentage important de merlot pour le secteur (26 %). Tannin plus strict et complexe qu’on ne s’y attend après le charme aromatique, donné par les cabernets vendangés à point. 60 % cabernet-sauvignon, 9 % cabernet franc.
95-96

Château Moulin de la Rose
Nez épanoui et élégant, fruit intense et notes de cèdre, bouche savoureuse, raffinée, avec un beau toucher de bouche et des arômes qui s’étirent.
90-91

Château Moulin-Riche
Parcellaire différent de celui du grand vin de Léoville-Poyféré, avec des graves plus argileuses. Texture plus immédiatement charnue liée à ce sol. Vin plein et net. 54 % cabernet-sauvignon, 27 % merlot, 19 % petit verdot.
91

Château Saint-Pierre
Texture somptueuse, plus crémeuse dans son immédiateté actuelle que celle de quelques pairs, tannin bien enrobant, remarquable profondeur et persistance, exemplaire de son appellation.
95

Château Talbot
Robe bleu noir, notes réglissées de cabernet mûr, ensemble précis et parfaitement formé, soutien tannique ferme sans sécheresse, excellente prise de bois. Strict et charmeur en même temps. Bref, exactement ce qu’on attend. Grand avenir pour un prix encore raisonnable à ce niveau de qualité et de prestige. 71 % cabernet-sauvignon, 24 % merlot, 5 % petit verdot.
94-95

Château Teynac
Superbe nez expressif et pur sur le fruit, les touches de graphite et de fleurs (violette), belle attaque en bouche, de la profondeur, un beau grain de tannin et une longue finale fraîche et équilibrée. Tout en harmonie.
92-93

Clos du Marquis
Ce clos-du-marquis est indépendant par rapport au grand vin de Léoville-las-Cases. Si le parcellaire diffère, la qualité de la vinification et de l’élevage sont absolument semblables et l’individualité de caractère nous semble à nouveau évidente avec l’appellation. Le corps strict et un peu résineux de grands cabernets s’harmonise par un développement plus précoce du fruit (fruits rouges plus que noirs). Remarquable milieu de bouche réglissé. Ce parfait saint-julien est digne du haut niveau. 67 % cabernet-sauvignon, 19 % merlot, 14 % cabernet franc.
94-95

En primeurs 2021 (épisode 1/12) : nos découvertes

Primeurs 2021, notre « carnet de notes »

Notre « carnet de notes » en pdf est un outil bien pratique. Toutes nos dégustations sont regroupées en un seul endroit. Elles sont rangées par ordre alphabétique : d’abord par sous-région, ensuite par appellation et enfin par propriété. La manière la plus simple de partager les quelque 630 notes de ce compte-rendu.

Toute cette semaine (et la suivante), nous présenterons avec plus en détails les coups de cœur de notre équipe, sous forme de sélections thématiques, mais aussi, nouveauté de la maison, des vidéos courtes et amusantes, regroupant sous la forme d’un palmarès les échantillons que nous avons le plus aimé. Disponibles ici et sur nos réseaux.

En primeurs 2021 (épisode 3) : les créateurs d’émotions

En primeurs 2021 (épisode 2) : les belles affaires

En primeurs 2021 (épisode 1) : nos découvertes

À suivre

  • Les créateurs d’émotions
  • Les sommets du millésimes
  • Les meilleurs en bio
  • Les grands blancs
  • Les coups de cœur
  • Les remarquables
  • Les plus belles progressions
  • Les Supers Bordeaux
  • Les insolents

 

Le mondovino de la semaine #162 tourne à fond

150 ans et pas une ride • 40e millésime • Brouilly en fête • Always Hampton Water • Un malbec de plaisir • Chaque jour du nouveau, en voici cinq

Dans le vignoble


150 ans et pas une ride

Certaines maisons bouillonnent, inventent, brillent et avancent à grand pas. La maison Leclerc Briant fait partie de celles que nous aimons, innovante dans la vigne comme au chai. Depuis 150 ans, Leclerc Briant produit des champagnes qui sont à la hauteur de nos attentes. Depuis dix ans et sous l’impulsion des nouveaux propriétaires, Denise Dupré et Mark Nunnelly, un couple franco-américain, un nouveau pas a été franchi avec l’aide du talentueux Frédéric Zeimett, directeur général et le compétent Hervé Jestin, œnologue de la maison Leclerc Briant. Leclerc Briant devient vite l’étendard du bio et de la biodynamie en Champagne. Pour marquer cet anniversaire, Leclerc Briant sort la Cuvée 150 ans produite en 3 000 exemplaires numérotés. Un champagne exceptionnel par sa pureté, sa longueur, sa finesse et qui reflète l’esprit actuel de cette maison inventive et dynamique.
Champagne Leclerc-Briant, cuvée 150 ans, brut nature, xx euros

40e millésime

L’Association des Grands Crus Classés de Saint-Émilion a investi le Jardin du Luxembourg le lundi 9 mai pour célébrer les 40 ans de l’association. Des dégustations ont été proposées par les vignerons au Restaurant La Table du Luxembourg autour d’un déjeuner. Pour l’occasion, un tournoi de pétanque a été organisé et a réuni 300 personnes. Soixante-dix parties ont été assurées par des triplettes composées d’un vigneron et de deux professionnels. Deux équipes ont été les heureuses gagnantes de la grande finale : celle du restaurant le Bon Georges (Paris 9e) et celle du restaurant Mallory-Gabsi (Paris 17e). « L’Association des Grands Crus Classés de Saint-Émilion a été fondée en 1982 par une vingtaine de vignerons désireux de se donner les moyens de mettre en œuvre le rayonnement de leurs crus. Elle regroupe désormais quarante-huit membres qui représentent plus de 700 hectares de vignes et totalisent 13 % de la totalité de l’appellation », souligne François Despagne, son président.
Plus d’informations sur agccse.fr

Brouilly en fête

Le samedi 21 mai, le château du Souzy accueillera la première édition du Brouilly Festival. Une journée où amateurs et professionnels vivront au rythme du vignoble du Beaujolais à Quincié-en-Beaujolais : balade de la biodiversité autour du Mont-Brouilly, casino des Brouilly, dégustation destinée aux professionnels et une autre ouverte au grand public, feu d’artifice et enfin bar à vins et apéro-concert ouverts à tous.
Quand : Samedi 21 mai, à partir de 14h pour le grand public
Où : Château du Souzy, Quincié-en-Beaujolais
Informations et inscriptions : www.terredesbrouilly.com

Dans le verre


Always Hampton Water

La cinquième édition de Hampton Water signée Gérard Bertrand vient d’être dévoilée. Jon et Jesse Bon Jovi participent aussi à l’assemblage. À trois, ils arrivent à créer un lien entre ce lieu magique que sont les plages de Hampton dans l’État de New York aux États-Unis et le Languedoc, la région de cœur de Gérard Bertrand. « Produire un grand vin, c’est faire attention à mille et un détail. En commençant par le choix de vieilles vignes jusqu’à l’élaboration de l’assemblage », explique Gérard Bertrand. « C’est dans le sud de la France et au Languedoc que naissent les plus grands rosés », ajoute Jesse. Le grenache, qui s’exprime parfaitement ici, compose la grande partie de l’assemblage. « Jessy adore aussi le mourvèdre. Dans chaque nouvelle édition, on a donc un peu plus de mourvèdre pour apporter davantage de structure et de complexité », dévoile Jon qui est un amateur de grands rosés en plus d’être une star mondiale.
Hampton Water rosé, 10 euros

Un malbec de plaisir

Dominant les superbes coteaux de Viré, le château de Gaudou est installé sur les superbes troisièmes terrasses caillouteuses du Lot. Les plus qualitatives. Le vignoble est conduit avec sagesse et rigueur par la famille Durou depuis sept générations. Les vins possèdent la vigueur et le tempérament des meilleurs rouges de l’appellation à l’image de cette cuvée Caillau Fauve. Avec des arômes délicats de violettes et des tannins fins, elle est le reflet de son lieu-dit dont le terroir est constitué de graves et d’argile avec du calcaire dans sa partie basse. Avec sa fraîcheur, elle est l’expression du microclimat de ce lieu-dit.
Château de Gaudou, Cailleau fauve, cahors 2020, 15 euros

Les Abruzzes, entre mer et montagne

Grenier à vin des pizzerias et trattorias, les Abruzzes cachent bien leur jeu. Sur cette terre de diversité, située entre haute montagne et mer, les entreprises viticoles montrent la voie  en matière de qualité, de démarches environnementales et de marketing. De plus, la  région offre une expérience gastronomique grisante. L’Italie dans toute sa splendeur, entre charme, casino permanent et joie de vivre
Par Mathilde Hulot, photos de l’auteur


Cet article est paru dans En Magnum #26. Vous pouvez l’acheter sur notre site ici. Ou sur cafeyn.co.


La Majella et le Gran Sasso. Combien de fois ai-je entendu prononcer ces mots ! Mais qui sont-ils ? Deux gourous qui veillent sur le vignoble ? En quelque sorte. Pointant vers le ciel leurs pics enneigés, les deux montagnes de près de trois mille mètres sont la fierté des Abruzziens. Ils y font du ski en admirant la mer et assurent qu’il y a plus de neige que dans les Alpes. Ces deux pics des Apennins, la chaîne de mille kilomètres qui tranche la péninsule italienne en deux, donnent à la région son climat et ses richesses agricoles. Placées juste en dessous des Marches, à la latitude de Rome, les Abruzzes forment le creux poplité de la botte et plongent dans l’Adriatique, offrant à l’œil des collines ondulantes de vignes en pergola et d’oliviers formant des champs de pompons, des carrés blonds et verts de cultures variées, des paysages qui annoncent gueuletons et dolce vita. Je quitte L’Aquila, la capitale régionale, avec Nuncio qui parle très bien l’italien – moi non – et qui m’explique, à l’aide de coups de frein saccadés, la perception du puissant tremblement de terre qui a ébranlé la ville le 6 avril 2009 pendant cinquante longues secondes. La terre tremble souvent ici, le centre-ville n’en finit pas de panser ses plaies, les rues et les ruelles ressemblent à des œuvres de Christo tant les chantiers sont nombreux. Pourtant ce n’est pas de l’art, c’est de la survie. Dans la vallée qui mène à Chieti, les villages accrochés en grappes sur les hauteurs et les flancs de reliefs sont surmontés de grues qui semblent se couvrir de rouille. L’Italie ! Sa laideur industrielle le long des routes, au fond des vallées, contraste avec la beauté de ses pierres séculaires, de ses monuments historiques, de sa végétation luxuriante et variée, magnolias, pins parasols, lauriers, cactus, roseaux, figuiers, feuillus et conifères. L’Italie et son casino permanent, sa langue frizzante et ses bouts de chemins qui n’en finissent pas de zigzaguer. Quand on se croit arrivé, il reste encore cent bornes à faire. Nous voilà dans la province la plus plantée des Abruzzes, Chieti. « Ici, le vin, c’est la vie, tout le monde fait du vin », raconte le journaliste italien Francesco d’Agostino. Des vignes en pergola inondent la vue. Les belles font deux mètres de haut et deux et demi de large, parfois trois quand elles sont plantées en double pour être plus résistantes. La pergola a mauvaise réputation. On lui reproche de trop bien travailler. Elle peut donner jusqu’à 40 tonnes par hectare de montepulciano, le cépage rouge dominant. Mais c’est aussi là sa force. Parfaitement adaptée au climat local, en altitude, entre mer et montagnes, elle donne des jus foncés, plaisants dans le verre, et nourrit celui qui taille la vigne et la récolte. Essentiel. Il n’y a pas si longtemps, ces vins rouges bourrés d’anthocyanes nourrissaient les cuves des appellations réputées du nord de l’Italie, la Toscane, le Piémont, la Vénétie. Il paraît que c’est fini, on leur fait confiance : les règles européennes ont serré la vis. Mais les vins quittent encore largement la région en vrac pour finir en bouteille et en carafe dans les pizzerias locales, romaines et milanaises, et plus loin encore.

Le cerasuolo, valeur historique
Montepulciano d’Abruzzo, ça vous parle ? À l’aéroport, on en trouve à petit prix. Une bouteille de Masciarelli, producteur historique : 16 euros ! On est loin des tarifs pour une bouteille d’amarone (70,90 euros), de barbaresco (36,90 euros), de brunello de Montalcino 2014 de Frescobaldi (69,90 euros) ou de Luce della Vite 2014 (149,90 euros). Comme quelques autres grands (Valentini, Zaccagnini, Pepe…), Gianni Masciarelli a participé à la douce révolution des Abruzzes en réduisant les rendements, en hissant la qualité et en faisant connaître le potentiel des cépages autochtones. Pour les blancs, le pecorino – originaire des Marches voisines – commence à faire son chemin avec sa note aromatique plaisante ; le trebbiano abruzzese (proche de notre ugni blanc) est de plus en plus connu à Londres et ailleurs grâce à sa rondeur et son ampleur. Ces deux-là entrent dans l’appellation Pecorino et Trebbiano d’Abruzzo DOC. On trouve aussi le cococciola (le glera du prosecco), le pinot grigio, le chardonnay. En rouge, le montepulciano d’Abruzzo est le vin le plus connu des Abruzzes, à ne pas confondre avec le « vino nobile de Montepulciano » de Toscane, à base de sangiovese. La confusion est « plutôt bénéfique », selon Stefano Tombesi, directeur de la Cantine Tollo, car au moins « le nom fait réagir le client » et tant pis s’il se mélange les pipettes. Le montepulciano est un cépage productif et chargé en anthocyanes qui donne les beaux vins à l’italienne qu’on aime, suaves, ronds, dominés par les arômes de fruits rouges. C’est ce vin qui est recherché dans les assemblages, pour son côté teinturier. Il est vinifié en cuve inox habituellement et en foudre ou en fût pour les Riserva (neuf mois de fûts minimum et deux ans en tout avant d’être commercialisés). Enfin, le cerasuolo d’Abruzzo est la spécialité locale. Ce n’est pas le nom d’un cépage, mais d’un type de vinification : le montepulciano passe par un pressurage direct et donne un rosé foncé à la teinte de cerise, origine du mot cerasuolo. Ce pourrait être un clairet, mais non, sa couleur est unique, proche de celle de la gelée de groseille. Ce rosé typique est historique. Bu à Rome et à Milan, il n’a jamais été une mode, il a toujours existé. « Ce sont les vins rouges qui sont nouveaux », précise volontiers Luigi Cataldi, producteur à Ofena et fervent défenseur de ce vin typique et ancien. Les Abruzziens en sont fiers mais cherchent encore à en définir le style et la robe. « Rouge brillant », dit un autre vigneron à ses importateurs américains pour le décrire. La tendance globale du marché étant au rosé très pâle style provençal, ce vin peine à trouver sa place alors qu’il est d’une rare gourmandise.

La force des apporteurs
Les Abruzzes sont la plus grande région italienne productrice de vin derrière la Sicile. Ici, pas une vigne à l’abandon, signe d’une économie saine. Depuis une vingtaine d’années, tout le monde s’est mis à faire mieux et bon, y compris les coopératives. On en compte quarante, soit 75 % des producteurs, et trente-deux rien que dans la province de Chieti. Celle du village de Tollo (province de Pescara), avec sa batterie de cuves qui rappelle les wineries australiennes, a décidé de monter en gamme en sélectionnant une centaine d’hectares sur les 2 500 hectares qu’elle rentre via 700 apporteurs de raisin. Dans ce cas, elle les rémunère mieux : 10 500 au lieu de 9 500 euros l’hectare, paiement garanti en cas d’aléas climatiques. Elle a aussi créé un chai d’élevage. Foudres et barriques de différentes tailles accueillent les montepulciano Riserva. Elle est aussi à l’origine de la toute dernière appellation Tullum DOCG, une trentaine d’hectares situés tout près de la mer Adriatique. Le holding a créé une marque, Feudo Antico, et s’apprête à construire une cave pour son mini domaine de sept hectares de vignes afin de le hisser tout en haut de la pyramide du marketing. Mais le plus impressionnant ici, c’est la place du bio. Si les Abruzzes sont en retard d’un métro quant à leur image extérieure, les vignes y sont en bio depuis longtemps. Par exemple 1995 pour la cave coopérative d’Orsogna qui virera même à la biodynamie dès 2002 (Demeter en 2005). Pour répondre aux besoins d’une telle culture, il y a la force des apporteurs de raisins, des fermiers qui vivent proches de leur terre et de leurs bêtes, éleveurs, apiculteurs, arboriculteurs, oléiculteurs et viticulteurs tout à la fois comme Mirella et Luciano Pompilio dont la ferme est proche de la cave, à Filetto. Ce couple vit totalement en autarcie. Notre visite semble les réjouir et j’ouvre de grands yeux devant la cabane où ils prévoient de nous faire déjeuner : elle est en pierre et terre colmatées et le toit est en cannizzera. On est escorté par des patous et les odeurs d’humus, d’herbes et de fumier nous bercent les narines. Cette azienda agricola est une véritable petite entreprise qui cultive la vigne, prépare les composts et élève des moutons et des oies pour enrichir le sol de substances organiques. Des expérimentations sont faites sous la pergola pour identifier les meilleurs apports entre les billes rondes des bêtes à laine et les fientes visqueuses des palmipèdes. Douze stations météorologiques ont été installées sur l’ensemble des 1 200 hectares, ce qui a permis de réduire le traitement au cuivre de 30 %. Camillo Zuli, le directeur de la coopérative, me cite les initiatives qu’il a encore dans sa calebasse, c’est impressionnant : travail avec Bioswiss sur la diversité, avec Greenpeace, avec des labos de microbiologie pour préparer les pieds de cuve, etc. Mais il ressent encore une grande réticence des universités : « Le cours sur la biodynamie à Naples a été retiré, on ne nous donne pas les moyens d’installer cette tendance ».

Lien fort entre la terre et l’assiette
Dans sa cave perchée en haut d’une colline qui offre une vue imparable sur le Gran Sasso et la Majella, Stefania Pepe a aussi fait le choix de la biodynamie. Un état d’esprit qui n’est pas réservé au monde viticole. Terra di l’Ea est une coopérative agricole qui, à l’instar de celle de Mirella et Luciano, cultive tout ce qu’il est possible de cultiver dans les Abruzzes, les fleurs en plus. Walter d’Ambrosio est spécialisé dans les graines antiques et différents blés et il a mis son savoir-faire à disposition, comme les autres membres du groupement. Fondée en 2016, cette azienda agricola emploie sept personnes à plein temps et propose aux touristes, comme aux écoliers, de découvrir les richesses régionales. Ici, on fait du miel, du vinaigre balsamique, du pain, du salumi (charcuteries), etc. La ferme élève cochons noirs des Abruzzes, chèvres, moutons et poules et déploie des herbes aromatiques, des plantes méditerranéennes, des arbres fruitiers, des fleurs de toutes les espèces où les insectes grouillent et dix hectares de vignes. Une cave (« en restructuration ») est prévue. Ils proposent du spumante et les cépages classiques aux clients du restaurant et au circuit court. Ici, tout est lié, vin et cultures. « Notre objectif est de relancer la chaîne locale, les restaurants de la côte ayant un lien direct avec les producteurs du coin », explique Valerio di Mattia, propriétaire d’Il Palmizio (Alba Adriatica) qui milite avec l’association Aria Food pour recréer un lien fort entre la terre et l’assiette. « On ne peut révolutionner le monde, mais on peut donner envie aux futures générations d’encourager les circuits courts. » Sur tous les plats – bolito del mare con salsa verde e salicorne (sauce verte à base de persil et de blette, huile d’olive et algues), paccheri con sogliola e pannocchie ou encore cette lotte fondante saupoudrée de truffe, autre spécialité abruzzienne – le cerasuolo, rafraîchissant comme un blanc, fruité comme un rouge, fait le pont entre la montagne et l’Adriatique. Par ces émotions gustatives, les Abruzziens racontent leur identité au monde.


Fiche d’identité des Abruzzes

Pays : Italie
Latitude et longitude : 42.46, 14.21
Distance de Rome : 150 km
Climat : Continental et influence de la mer, bonne ventilation et amplitude entre le jour et la nuit grâce aux montagnes.
Superficie du vignoble : 32 000 hectares
Provinces : Chieti (76 % des plantations), Pescara (10 %), Teramo (10 %), L’Aquila (4 %).
Cépages : En rouge, montepulciano (17 000 hectares), un peu de merlot et de cabernet-sauvignon. En blanc, trebbiano (12 000 hectares), le reste en pecorino, passerina, cococciola et montonico.
Appellations d’origine (DOC) : Montepulciano d’Abruzzo, Trebbiano d’Abruzzo, Cerasuolo d’Abruzzo, Abruzzo, Villamagna.
Indications géographiques (IGT) : Colline Pescaresi, Colline Teatine, Colline Frentane, Colli del Sangro, Del Vastese (ou Histonium), Terre di Chieti, Terre Aquilane (ou Terre de L’Aquila).
Production : 3,5 millions d’hectolitres, dont un million en DOC représentés à 80 % par le montepulciano d’Abruzzo.
Tradition des Abruzzes : le cerasuelo, un rosé foncé.


 

Nathalie Doucet réveille Besserat de Bellefon

Emportée par l’élan de sa présidente, cette maison fondée au XIXe siècle retrouve un air de jeunesse et un second souffle. La dégustation confirme


Cet article est paru dans En Magnum #26. Vous pouvez l’acheter sur notre site ici. Ou sur cafeyn.co.


« Nous menons un travail exigeant pour valoriser nos vins. En repositionnant sa gamme, la maison réussit à affirmer sa forte personnalité et continue à développer sa présence commerciale. » Désormais, c’est Nathalie Doucet qui donne le ton chez Besserat de Bellefon. Sérieux, concentré. Depuis l’arrivée de sa nouvelle présidente, en début d’année, l’historique maison habituée au glamour des plus grands cabarets du monde a troqué ses habits de lumière pour revêtir le bleu de travail. Vieille de presque deux siècles, BB (comme on l’abrège dans le milieu) a construit sa réputation commerciale pas à pas. Si elle a longtemps été présente à bord du fleuron d’Air France lorsque le Concorde était encore en activité, elle s’est distinguée plus récemment par ses partenariats lors d’évènements internationaux comme les Voiles de Saint-Tropez. Aujourd’hui, l’heure est au retour aux fondamentaux du style Besserat. À commencer par une particularité unique en son genre, son effervescence plus légère que celle des autres champagnes. « Les bulles de nos cuvées sont 30 % plus fines. Cela vient d’un processus d’élaboration sans commune mesure dans l’appellation. » Si cette effervescence délicate donne un caractère aérien indéniable à l’ensemble d’une gamme réalisée de main de maître par Cédric Thiébault, le chef de cave, cela ne suffisait pas à Nathalie Doucet pour accompagner le renouveau de la maison d’Épernay. « Il fallait aussi accélérer la refonte de notre identité visuelle. Moderniser nos étiquettes nous permettait de moderniser notre image. » Résultat, des habillages facilement identifiables, appliqués à l’ensemble des cuvées, qui jouent sur le registre de l’élégance sobre et de la simplicité chic. Attentif aux tendances du marché, le regard précis de Nathalie Doucet voit tout, décrypte tout. Une force d’adaptation et d’analyse que cette ancienne de Nicolas Feuillatte partage avec ses équipes. Un peu moins d’un an dans ses nouveaux habits lui aura suffi pour donner à cette belle endormie un dynamisme bienvenu dans un monde champenois parfois figé. Après une année 2020 difficile, la reprise progressive des ventes de Champagne en France et à l’étranger devrait permettre à cette belle marque d’Épernay d’accélérer encore ses grands travaux. Exclusivement distribués dans le réseau traditionnel, cavistes, hôtels et restaurants, les champagnes Besserat sont en train d’opérer une mue profonde vers plus de précision et de pureté. Un changement majeur qui résulte d’une réflexion nouvelle sur les assemblages et les dosages et dont nous rendons compte ici.

Dégustation Philippe Jamesse
BB 1843
Bonne construction qui dit tout des soins apportés à l’élevage sous bois, c’est maîtrisé et le relief acquis dévoile un fumé grillé appétissant. Les fruits blancs à noyau sont charnus et moelleux à la fois. Les douces notes de vanilles, d’amande, de guimauve, d’épices orientales et de cendres fraîches forment une enveloppe bienveillante. Suavité et générosité en bouche.
92

BB Bleu
Sa robe or claire dévoile l’intensité jeune et fraîche de son assemblage des trois cépages. Notes d’agrumes citronnés et de fleurs du jour, l’ensemble est revigorant avec une bouche délicate, sensible et tonique à la fois.
91

BB Blanc de noirs
Le nez abrite des parfums tendres de fruits blancs à noyau, prune, quetsche. Fruité rouge sauvage et notes de réglisse. Bouche affectueuse sur les fruits sucrés. De jolis amers s’inscrivent en un pertinent contraste.
90

BB Rosé
Sa légère couleur fraise souligne son bouquet évoquant le mélange grenadine. Ensemble aérien, charmant et croquant tout comme le floral qui pose le nez sur les pistils de rose fraîche. Sa joli bouche rappelle la crème bavaroise aux fruits rouges sur une assise rafraîchissante.
91

BB Blanc de blancs
Energie caractéristique des beaux chardonnays. Les parfums sont parfaitement posés sur les fruits blancs à pépins, des fleurs blanches et des agrumes verts. Notes d’embruns marins transportants. La bouche presque glacée d’eau de mer tant elle se montre ciselante. Finale calcaire délicieusement rafraîchissante.
93

Un saint-émilion pour l’exemple

Château Monbousquet 2019,
saint-émilion grand cru classé

Pourquoi lui
D’abord, nous respectons intensément Gérard Perse pour l’ensemble de son œuvre depuis son arrivée à Monbousquet en 1993, puis à Pavie quelques années après. D’un passé d’entrepreneur, il a conservé tous les bons réflexes. Un exemple ? Pas de turn-over du personnel. Un collaborateur ne quitte jamais…

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Lirac, le Rhône d’en face

Après Cairanne, En Magnum continue de s’intéresser aux crus du Rhône. Le potentiel de certains est encore sous-estimé. Sur ce long chemin vers la reconnaissance, l’appellation lirac a ce qu’il faut pour prendre de l’avance


Cet article est paru dans En Magnum #26. Vous pouvez l’acheter sur notre site ici. Ou sur cafeyn.co.

On peut s’étonner qu’un système égalitaire de reconnaissance de la qualité des vins selon leur origine, tel qu’il existe depuis la création des appellations contrôlées, conduise, un demi-siècle plus tard, à une si forte hiérarchie entre les territoires viticoles de notre pays. Certes, rien de plus pratique pour le consommateur, mais rien de plus frustrant quand les territoires en question entretiennent des potentiels presque jumeaux. C’est là l’écueil du vignoble de Lirac. Dans la course à la popularité (et à la valorisation), cette vieille appellation berceau de la côte du Rhône, reconnue par l’Inao depuis 1947, bataille contre un poids lourd dont la réputation internationale est sans équivalent en France. Si l’appellation châteauneuf-du-pape attire les projecteurs, laissant pour compensation à ses petites sœurs du sud de la vallée le confort d’être dans son ombre, peu de choses la séparent de l’AOC lirac. Des similitudes dans le terroir, des ressemblances dans les vins, bref, il y a là un lien de gémellité évident que seul le cours du fleuve vient trancher.

Galets, sables, calcaires
Avec moins de 1 000 hectares en production, l’appellation lirac est suffisamment grande pour se faire un nom, notamment à l’étranger, mais bien trop petite pour espérer rivaliser avec la visibilité de l’appellation papale. Elle partage pourtant avec sa voisine une géologie commune. Terrasses villafranchiennes de galets roulés autour de la commune de Lirac et à Saint-Laurent-des-Arbres, sables plus ou moins graveleux dans le secteur de Saint-Geniès-de-Comolas et éboulis calcaires à l’extrémité ouest de la délimitation géographique. Le plus souvent, on assemble les vins issus de ces différents terroirs, privilégiant une vinification par cépage plutôt que par sol. Ce dernier, tantôt calcaire au pH élevé, tantôt sableux au pH bas, tolère un encépagement assez large dominé par le grenache. Syrah, mourvèdre, carignan ou encore cinsault viennent enrichir l’assemblage du lirac rouge. La couleur représente 85 % de la production. Quelques blancs, à hauteur de 10 % du volume, gagneraient chez certains producteurs à être plus connus, en particulier ceux chez qui la clairette est à l’honneur. Le consommateur s’en fera une idée aboutie en dégustant la cuvée Madame La Comtesse du château de Montfaucon, référence pour le cépage de ce côté du fleuve. On trouve aussi un peu de rosé, en complément de gamme et le plus souvent en rupture stylistique avec celui de Tavel, l’autre voisine.

Parlons de voisinage
C’est à la fois le problème et la chance de Lirac. Sans Châteauneuf-du-Pape à ses portes, la réputation de Lirac ne serait plus à faire. En plus d’être indiscutable, la qualité de ses terroirs lui laissait toutes les possibilités possibles en blanc comme en rouge. Un potentiel exceptionnel encadré par deux monstres sacrés du vignoble (Tavel à l’ouest, dans le prolongement du plateau de Vallongue, Châteauneuf à l’est, de l’autre côté du fleuve), cela peut être un complexe dur à surmonter, entre pudeur, méfiance et jalousie, mais aussi un atout tant les liens s’entremêlent. Nombreux sont les Tavelois qui produisent du lirac et on ne compte plus les producteurs châteauneuvois installés à Lirac, pour étoffer leur offre ou bien par défi. Bien présidée, l’appellation est aujourd’hui à la croisée des chemins, entre volonté d’afficher le rang qui doit être le sien et besoin de sortir rapidement d’une certaine forme d’immobilisme qui a fait du lirac l’éternel « autre châteauneuf-du-pape ». Lirac est capable de faire de grands vins, en rouge comme en blanc, à un prix sans commune mesure avec ceux pratiqués chez sa voisine vauclusienne. Ceci explique la forte présence des vins de Lirac chez les cavistes. Appréciés des professionnels, ils doivent désormais conquérir le cœur du grand public et des amateurs. Tout ça sans céder, pour certains, à la tentation de sortir de l’appellation. Bref, il y a de quoi faire. Les producteurs cités dans notre sélection, entre autres, ont déjà retroussé leurs manches.

Photo : Thomas O’Brien