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Les belles mains du cognac

Anne de Vandière s’exprime en photos et en mots. Voici les mains de Pierrette Trichet, maître de chai
de Rémy-Martin. Confidences.

« Je ne sais pas si ce sont mes origines du sud-ouest qui resurgissent, mais quand je m’exprime, mes mains parlent en même temps que moi. Elles sont le prolongement de ma pensée. Elle la retraduisent et la retranscrivent.
Je construis avec mes deux mains. Autrefois, dans le laboratoire de recherche, mes mains ont manipulé pipettes, flacons et appareils scientifiques.
Tout mon travail d’études et d’analyses était concrétisé par une manipulation précise. J’étais subjuguée lorsque
je découvrais une molécule que personne ne connaissait et qui se rapportait à une odeur, un arôme trouvé par le maître de chai précédent. Dans ce métier, mes mains ont un véritable rapport sensuel avec le bois. Quand je déguste un cognac très aromatique, très onctueux en bouche, il vient envelopper tout mon palais et j’apprécie,
mais cela relève de la gourmandise alors que quand je caresse ces fûts, tout est dans la sensualité. Le bois me parle, il est sensuel, vivant et émouvant. Les tierçons, ces fûts qui ont plus de cent ans, sont extraordinaires. Ils ont fait ce long voyage dans le temps, et transporté le cognac à bord des gabares. Chez nous, on les restaure comme un ébéniste restaure un meuble ancien. Avec un immense respect. Mais j’aime également toucher les fûts neufs.
Ils sont plein d’espoir et vont vivre une vie bien après moi ; cela pousse aussi au respect.

Les mains parlent. Les mains sont terriblement bavardes. Dans une poignée de mains, je n’aime ni les mains fuyantes, ni les mains écrasantes, celles qui imposent d’emblée leur autorité. Un peu comme les aveugles, par mon toucher et mon odorat, je reconnais à quelle génération peut appartenir un fût. Si je n’avais pas été maître de chai, j’aurais adoré être artiste, peintre, photographe. Leur mains sont instinctives,
elles prennent certaines libertés, leurs gestes sont vifs et spontanés.
Je me souviens des toutes petites mains de mes enfants, qui venaient instinctivement caresser mon visage. Ce sont des instants magiques.
Lié aux odeurs et aux mains, j’ai le souvenir du geste régulier de ma mère en train de mélanger des figues dans la grande bassine en cuivre pour faire la confiture.
Je suis d’origine terrienne puisque mon père était agriculteur, viticulteur. Tous ces gestes liés à la terre, à l’effort, au travail, au rythme des saisons, sont ceux que je connais le mieux !
C’est peut-être pour cela que je rêve de mains plus libérées, plus artistes. Pour moi, la beauté du geste est peut-être cette passation des savoirs, dans la simple transmission d’un témoin puisque je pense être juste de passage… donc détachée de tout sentiment de possession. C’est par exemple la mise en valeur de toutes ces belles eaux-de-vie que m’apportent les viticulteurs et que je vais faire vieillir avec patience et passion. »

Anne de Vandière

Le (bon) moral des vignerons

Pour la troisième année consécutive, le baromètre des Vignerons indépendants de France a mesuré le ressenti des vignerons* sur leur activité. En ce début d’année, 59,6 % d’entre eux sont sereins, voire très sereins quant à l’avenir de leur exploitation. S’ils étaient 60,4 % en 2012, la baisse est minime et le résultat inattendu dans le contexte viticole et économique actuel. La récolte 2012, conséquence d’une météo difficile et d’une recrudescence de maladies fongiques, est historiquement basse (- 20 % par rapport à 2011), et la hausse du coût des matières premières et du travail, avec notamment l’abaissement du seuil d’exonération des cotisations sur les travailleurs occasionnels, aurait pu laisser envisager un moral plus attaqué en ce début d’année. Ce qui booste ces vignerons, qui sont seulement 28 % à envisager une hausse de leur chiffre d’affaires à la fin 2013 (contre 37 % un an plus tôt), ce sont leurs perspectives à l’export. Cet élément est même très différenciant. 62,2 % des vignerons qui exportent sont sereins en ce qui concerne l’avenir de leur exploitation, contre 54,2 % pour ceux qui n’exportent pas. Être présent en grand export accroit encore ce différentiel, 64,9 % contre 53,9 % pour ceux qui exportent uniquement en Union européenne. Cette activité export, qui concerne 66 % des adhérents Vignerons indépendants de France participe largement aux bons résultats des vins français sur le marché mondial et la confédération milite d’ailleurs, à Paris et à Bruxelles, en faveur de mesures de simplifications administratives qui permettraient de déverrouiller les ventes directes à des particuliers au sein de l’Union européenne, notamment auprès des douze millions d’Européens qui visitent chaque année les caveaux des vignerons français.

*Enquête réalisée auprès de 1 187 vignerons adhérant au réseau Vignerons Indépendants de France en janvier 2013. Redressement de l’échantillon par la méthode des quotas.

Photo : Guy Charneau

Des nouvelles du futur

Les conséquences du réchauffement climatique font régulièrement l’objet de nouvelles alarmistes. La dernière
en date concerne le vignoble et c’est le résultat d’une étude publiée dans une revue scientifique américaine.
D’ici à 2050, une profonde modification des terres propices à la culture de la vigne devrait avoir lieu (entre autres) en Europe, avec une réduction, dans le meilleur des cas, de 39 % des surfaces existantes et dans le pire des scénarios, de 86 %. Ici, l’article paru dans Le Monde. Là, le blog et l’avis de Vincent Pousson sur ce sujet.

La Semaine des primeurs à Bordeaux, j’adore (la preuve en images)

La Semaine des primeurs à Bordeaux commence très bien. Ces vins ont été dégustés en deux occasions.
Samedi soir, dîner privé chez une éminente tonnelière et son mari mérandier. En plus des deux vins de Rouget, échezeaux et vosne-romanée, il y avait un sancerre blanc admirable et un pétillant de chez Huet, fin, pur, vibrant et, quand même, un beau pavie-macquin 97. Une table composée de trois Bourguignons nouvelle génération (deux vignerons et un tonnelier), la rejetonne d’une illustre et très ancienne famille de vignerons de la Loire, une œnologue de réputation, une fameuse journaliste-photographe et quelques autres soiffards du même acabit, le meilleur monde. S’agissant d’un dîner privé, no names. Juste un mot. Quand on m’a demandé où j’allais déguster les primeurs 2012, j’ai expliqué que je n’étais pas ici pour déguster des vins auxquels je ne comprenais rien, que je refusais de me mêler à une foule d’incompétents dont je me demande vraiment ce qu’ils foutent à goûter ces affreuses décoctions, que c’est le travail…lire la suite

Les Primeurs à Saint-Émilion, j'adore (2)

La Semaine des primeurs, c’est comme Vinexpo. L’intéressant est tout autour
(à un rythme soutenu).
Depuis qu’on s’est parlé, j’ai :

dîné à l’Hostellerie de Plaisance, l’hôtel de Gérard et Chantal Perse. En fait, c’est elle la patronne de ce très bel établissement. Où il est clair qu’ils ont décidé que Saint-Émilion était fait pour le haut de gamme, décision assumée à tous les étages de l’investissement considérable qu’ils ont consenti pour redresser cette demeure historique et sublime, les Perse font énormément pour la renommée mondiale de ce merveilleux village. C’est un dîner désormais annuel qui réunit quelques dizaines de professionnels du monde entier autour des Perse et de Michel Rolland, l’homme derrière Gérard. Un dîner au cordeau sous la houlette du cuisinier Philippe Etchebest (dans Etchebest, il n’y a pas que Etche et ce n’est pas par hasard). Et une belle suite de grands vins, monbousquet blanc, pavie-decesse 98, pavie 00, 03 et 05. Il va de soi que pavie 2000 est un vin immense d’une beauté formelle parfaite et qui durera toute la vie, la mienne en tous cas. J’ai eu le plaisir d’y retrouver quelques pointures du Grand jury européen, Jacques Perrin, Abi Dhur, Marie von Ahm et le désormais célèbre internaute laurentg, l’homme qui a bu tous les vins du monde et qui tient des fiches à jour. Un type pareil, c’est l’honneur d’un métier. J’étais assis entre Michel Rolland et Rodolphe Wartel (Terres de vin) et c’est peu de dire qu’on s’est bien marré. Fin des hostilités autour d’un champagne de Selosse avec ma copine la blogueuse Marthe Henry et Laurent Courtial, attaché de presse lyonnais et très, très sympathique.

déjeuné à la table de Bernard Magrez à Fombrauge, son grand cru classé de Saint-Émilion. Là, c’est Joël Robuchon qui a réussi un déjeuner à la fois copieux et léger, l’assiette généreuse est le secret du bonheur gastronomique. C’était ce qu’on appelle un grand déjeuner, pas moins de…lire la suite

Apprendre le vin





On réserve tout de suite sa place pour la traditionnelle dégustation du mardi de la maison Legrand Filles et Fils (20 h, participation 180 €). Elle sera consacrée aux vins de l’un des domaines majeurs de la Côte de Beaune, Domaine Marquis d’Angerville (Bourgogne Aligoté 2011, Meursault 1er Cru Santenots 2009, Volnay 1er Cru Clos des Ducs 2007, Volnay 1er Cru Champans 2010, 2009, 2008, 1999 et 1998), une propriété familiale qui travaille depuis deux-cents ans les grands terroirs de Taillepieds, Caillerets, Champans et Clos des Ducs. Guillaume d’Angerville sera présent.


Du côté de l’école du vin, une session en trois temps se tiendra les lundis 8, 15 et 22 avril (60 € le cours, 180 €
la session complète). Ce soir, le cours inaugural est intitulé La dégustation : du cépage au verre et portera sur la technique de dégustation et sur les vinifications. Lundi prochain, place aux terroirs « entre sciences et culture »,
un cours interactif avec dégustation à l’aveugle. Pour clore cette initiation, Les secrets de sommelier : de la cave
à la carafe
, un cours pratique pour tout envisager, de la garde des vins au choix des bons verres. Plus d’infos .

Bordeaux,en quelques chiffres

Les primeurs ont commencé et voici, entre autres approches, pourquoi on ne va parler que de ça pendant un certain temps.

2,36, ce sont les millions d’hectolitres exportés en 2012 (+ 9 %), ce qui équivaut à 315 millions de bouteilles
et à 2,28 milliards d’euros (+ 16%). Si la Chine est la première destination en volume, la Grande-Bretagne
devient la première en valeur.

4, c’était en septembre dernier la date de début de vendanges pour les blancs secs dans les zones
les plus précoces. Le 24, c’était les rouges.


4,3, c’est ce que représente en milliards d’euros la commercialisation des vins de Bordeaux en 2012
(5,55 millions d’hectolitres, soit 740 millions de bouteilles)

5,2 millions d’hectolitres, c’est le volume estimé de la récolte 2012 (pour mémoire, c’était 5,7 en 2010
et 5,4 en 2011).

15 hectares, c’est la taille moyenne des exploitations du vignoble bordelais.


23, c’est le nombre de bouteilles de bordeaux vendues dans le monde chaque seconde.


39, c’est le nombre de caves coopératives.

70, c’est le pourcentage de la production qui est commercialisé par les 300 maisons de négoces.

7 200, c’est le nombre de viticulteurs (déclarants de récoltes dans l’une des 60 AOC)


55 000, ce sont les emplois directs et indirects générés par le vin.

110 200 hectares, c’est la superficie du vignoble. Quatre exploitations sur cinq en Gironde sont viticoles.
Sur la surface consacrée aux cépages rouges (89 % des vignes), le merlot tient 63 % de la place, suivi par
le cabernet-sauvignon (25 %), le cabernet franc (11 %), et d’autres (malbec, petit verdot…) sur le 1 % restant.
Les 11 % du vignoble réservés aux blancs sont partagés par le sémillon (53 % de la surface), le sauvignon (38 %),
la muscadelle (6%) et quelques autres, ugni blanc, colombard, merlot blanc (3 %).
 


Source : CIVB

La journée du gamay





Un gros rendez-vous professionnel, qui n’en reste pas moins ouvert aux amateurs avertis, a lieu aujourd’hui
dans le Beaujolais avec l’édition 2013 des trois salons de Bien Boire en Beaujolais, soit une centaine de vignerons pour un seul cépage, mais trois « approches » du vin. Pour La Beaujoloise, vingt-six vignerons partisans d’une vinification nature, ainsi que quatre domaines du Mâconnais et huit de Touraine, seront réunis dans l’orangerie du château des Ravatys, à Saint-Lager. Comme son nom le laisse entendre, La Biojolaise (Lieu-dit Le Marquisat, Saint-Lager) présentera les productions de vingt-cinq vignerons du Beaujolais certifiés en agriculture biologique ou en deuxième ou troisième année de conversion bio. Onze vignerons AB d’autres régions ont également été invités. Enfin, au château de Saint-Lager, La Beaujol’Art’ accueillera les œuvres de vingt-trois vignerons artisans.

Les grands blancs du monde


Ci-dessous, vous trouverez la liste des vins ayant obtenu une « grande médaille d’or », soit une note minimum
de 92/100 lors des Grands concours du monde 2013 qui se tenaient à Strasbourg ce week-end.

Riesling :
RUHLMANN-DIRRINGER (Dambach la Ville, Alsace), riesling 2011 Vieilles Vignes.
DOPFF & IRION-DOMAINES DU CHÂTEAU DE RIQUEWIHR (Riquewihr, Alsace), riesling 2007 Grand Cru Schoenenbourg-Vendanges Tardives
SCHLOSS ORTENBERG WEINGUT (Ortenberg, Allemagne), riesling 2011 Klingelberger-Spätlese trocken 

Pinot gris :
ARBOGAST FREDERIC (Westhoffen, Alsace), pinot gris 2011 Geierstein-Cuvée Théo
CAVE DE TURCKHEIM (Alsace), pinot gris 2009 Vendanges Tardives
DOMAINE VITICOLE DE LA VILLE DE COLMAR (Alsace), pinot gris 2011 AOC Alsace-Hospices de Colmar

Gewurztraminer :
HAAG JEAN-MARIE (Soultzmatt, Alsace), gewurztraminer 2011 Grand Cru Zinnkoepflé
VIGNOBLE BRAUN CAMILLE ET FILS (Orschwihr, Alsace), gewurztraminer 2011 Sélection de Grains Nobles
HAULLER JEAN ET FILS (Dambach la Ville, Alsace), gewurztraminer 2010 Grand Cru Mambourg
FAHRER SYLVIE (Saint Hyppolite, Alsace), gewurztraminer 2011 l’excellence

Catherine Péré-Vergé nous a quitté

Elle était l’exact inverse de la caricature qu’en fit le cinéaste Jonathan Nossiter dans Mondovino. Ce n’était pas la comtesse aux champs, fabriquant sa future cuvée parkerisée en obéissant béatement aux injonctions d’un Michel Rolland mécanique, mais l’incarnation de l’absolue exigence, au-delà de tout, au-delà des relations avec les autres, les proches comme les plus lointains, avec qui elle entretenait des relations paradoxales.
Catherine Péré-Vergé était une femme du Nord, issue d’une de ces grandes familles où l’on tait autant les douleurs que le bonheur, une femme du Nord qui avait choisi Pomerol pour construire une seconde vie, une seconde œuvre. Bien sûr, elle avait de l’argent, mais elle ne s’est pas contenté de le dépenser avec un certain faste – le château Montviel pour commencer, l’illustre endormi Le Gay pour suivre, l’étoile mystérieuse La Violette pour finir, elle s’est impliqué comme personne dans l’ascension de ses crus, s’interrogeant sur toutes les pratiques culturales, sur tous les moments de la vendange, sur toutes les options de vinification, sur toutes les tendances de l’élevage, sur tous les axes de communication, sur tout, en étant capable à chaque fois de remettre à plat ses convictions et ses a priori. Combien de vignerons depuis cinquante générations, combien de professionnels aguerris ont été capable d’associer ainsi, en permanence, la plus absolue humilité et la quête la plus ambitieuse ?
Catherine était ainsi, et son œuvre viticole est tout sauf anodine. Montviel est devenu un archétype formidable du grand pomerol, Le Gay s’est rapidement imposé comme l’un des incontournables de prestige de l’appellation et la Violette concourt avec le Pin pour le titre de prince de l’exubérance bordelaise. Ça ne l’a pas fait changer pour autant : je l’ai toujours connu humble, inquiète et insatisfaite. Certains avait pris cela pour de l’ignorance. Ils avaient tort. C’était au contraire le témoignage de la grandeur de cette femme qui manquera à Bordeaux et à tous les amateurs de grands vins.

Thierry Desseauve