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Toutes les vies de Gérard Perse (et Pavie)

Il s’est fait lui-même, mais pas tout seul. Depuis qu’il a 18 ans, Chantal est dans sa vie. Ensemble, ils ont enchaîné les succès. Un grand œuvre. Aussi bien pour ses propriétés que pour Saint-Émilion

C’est un homme qui marche. Et quand il ne marche pas, il court. Ou bien il s’accroche, il ronge son frein, puis il redémarre. Depuis sept décennies, Gérard Perse vit comme s’il disputait une course de vélo – son sport préféré – perpétuelle. Il sait qu’il ne gagnera pas toujours tous les sprints, ni l’escalade de tous les cols, mais il lui faut s’extraire du peloton. Quand il a « un coup de moins bien », comme on dit entre cyclistes, il reprend un instant son souffle, calme son esprit éternellement batailleur, repart de plus belle. Cette course à toute allure, ce n’est pas un choix d’homme pressé, c’est une obligation vitale. Gérard Perse a connu un destin hors du commun, il représente certainement un cas unique dans la viticulture mondiale. Celui d’un homme parti de rien, vivant enfant l’existence et les malheurs d’un Oliver Twist banlieusard, qui a construit, avec Chantal la femme de sa vie rencontrée à 18 ans, l’un des plus beaux patrimoines viticoles de Bordeaux et surtout fait de ses crus (Pavie, Pavie Decesse, Bellevue-Mondotte, Monbousquet, les Lunelles) des modèles absolus, chacun dans leur catégorie. Gérard Perse ne s’est pas contenté de consacrer une réussite sociale et entrepreneuriale par l’acquisition de ces châteaux. Ce pur self made man a bâti au cours de cette deuxième vie ou plus précisément, on le verra, de sa troisième, une œuvre de grand vigneron faite d’exigence, d’inventivité, de sens du détail et d’une ambition hors norme.

Un début difficile
Comme Maurice Chevalier, Gérard Perse est un gars de Ménilmontant. C’est là qu’il est né, dans ce faubourg parisien alors très populaire, en octobre 1949. Mère au foyer, père peintre en bâtiment, Gérard est le troisième enfant, six autres suivront. La France sort de la guerre et le Paris martyrisé est encore bien là : les conditions de vie sont déplorables et la santé du gamin n’y résiste pas. Les premiers souvenirs de Gérard Perse ne remontent pas à l’appartement misérable de Ménilmuche, mais à un sanatorium sur la Côte d’Azur où il passe plusieurs mois. Quand, à cinq ans, il retourne chez ses parents, la famille a déménagé dans un pavillon sans eau courante, dans un Carrières-sur-Seine qui n’était pas encore la banlieue bourgeoise qu’elle est devenue aujourd’hui. C’est là qu’il passera son enfance, onze personnes dans deux pièces, les enfants dormant tête-bêche sur les lits superposés, le dimanche matin aux bains-douches de Houilles pour la toilette hebdomadaire, les légumes grapillés dans les champs alentour pour améliorer l’ordinaire de patates et de nouilles, le charbon ramassé le long des voies de chemin de fer pour chauffer comme on peut une baraque pleine de courants d’air. Malgré ces conditions précaires, la jeunesse de Gérard aurait pu avoir le rythme insouciant d’un gamin vadrouilleur et débrouillard, mais elle fut tout le contraire : marquée au fer rouge du malheur et de la honte. Baratineur à l’extérieur, violent dans le cercle de famille, instable et joueur, alcoolisé en permanence, le père de Gérard fait vivre à sa femme et à ses enfants un martyre permanent qui semble sans issue. L’enfant, renfermé mais rebelle, vit son enfance et son adolescence comme une longue épreuve où il accumule des sentiments qui deviendront des convictions, puis des principes d’existence. Sa mère vit un calvaire terrible pour élever ses onze enfants tout en subissant les coups de son mari. Il en tirera la volonté farouche de construire une famille soudée, unie et aimante. Il passe la moitié de sa scolarité absent, dont le certificat d’étude, réquisitionné par son père pour lessiver les murs dans des chantiers démarrés en retard. Il se rattrapera en passant le reste de sa vie à apprendre, à perfectionner des techniques et des pratiques avec un mélange inédit de pragmatisme et d’idéalisme. Il a eu honte d’être habillé de guenilles toute son enfance, de ne pas pouvoir se laver tous les jours, d’aller à l’école avec le vieux cartable déchiré que ses sœurs aînées avaient utilisé avant lui. L’hygiène absolue des hommes, des installations et des équipements, l’attention à tous les détails des différents métiers qu’il pratiquera ensuite feront toujours partie de ses règles de base. Il s’est construit seul face une humanité parfois hostile, souvent indifférente, rarement compatissante. Il garde une sensibilité à fleur peau et conçoit la bataille pour la vie comme un exercice sinon solitaire, du moins resserré au petit cercle familial que composent sa femme Chantal, leur fille Angélique et leur gendre Henrique, leurs petits-enfants, enfin.

Le bout du tunnel
Après avoir touché le fond lors d’une adolescence sans école, sans maison, sans argent, Gérard Perse termine sa longue épreuve en montant sur un vélo. Ayant passé toute son enfance à galoper et à travailler, il possède un physique d’athlète et une endurance à toute épreuve. Quand on lui prête un vélo pour s’entraîner au club d’Argenteuil, il met aussitôt derrière lui tous les autres coureurs. Réaliste, le club l’équipe illico et lui propose une licence amateur. Perse écume les courses du dimanche, les sprints où l’on gagne un bon d’achat chez le boucher du village. C’est là, pour la dernière course de l’année, que Chantal de Jong, fille d’épiciers de Maisons-Laffitte, lui fait une bise très sage en lui remettant le bouquet du vainqueur. Et l’invite dans la foulée prendre thé et gâteaux dans la maison familiale. Puis une semaine plus tard, au cinéma. Un an après, à se marier. Exactement un demi-siècle plus tard, on a l’impression que Gérard Perse n’en revient pas qu’une telle femme, « trop belle, trop intelligente pour moi », l’ait choisi. Cela a effectivement demandé une force de caractère peu commune à cette femme blonde, grande et élancée comme les filles de Hollande d’où vient son père, que d’épouser le rejeton de la « tribu Perse » qui a si mauvaise réputation, dont les bonnes âmes disent qu’« il finira comme son père ». L’un comme l’autre ont compris, sûrement presque immédiatement, que cette union les mènerait très loin, et peut-être plus, démultipliant l’effet de leur immense volonté, de leur force de travail et de la confiance qui unit l’un à l’autre.
Le mariage de Gérard et Chantal ne résout pas pour autant tous les problèmes. La mère martyre de Gérard disparait prématurément quelques semaines après la cérémonie, le père inconséquent garde ses quatre enfants mineurs, puis les met à la porte. Ils seront récupérés et élevés par leurs frères et sœurs. Les stigmates de ces drames successifs sont toujours présents chez Perse et expliquent toujours une sensibilité d’écorché vif. Pour l’instant, il enchaîne les boulots dans le bâtiment. Il veut ouvrir un magasin de vélo, son beau-père, épicier et pragmatique, l’en dissuade. « Trop de stocks. Tu devrais plutôt acheter un cours des halles (magasin de fruits et légumes, NDLR). Il y a en a un à vendre à Boulogne. » Un emprunt bancaire et un crédit vendeur plus tard, l’aventure commence vraiment. Sur le pont de 6 heures du mat’ à 9 heures du soir, les « p’tits mignons », comme ont tôt fait de les appeler leurs clients, n’arrêtent jamais de s’approvisionner à Rungis, jusqu’à briquer les pommes dans les rayons. Le chiffre d’affaires est multiplié par cinq dès la première année et les emprunts remboursés en trois ans. La seconde vie de Gérard Perse commence, mais dans celle-ci, le travail paie.

Deux Champion, pas de hasard
En cinq ans, cinq tonnes de fruits et légumes s’écoulent chaque année dans le magasin de la rue du Point du Jour et Rungis n’a plus de secrets pour Gérard. Il est temps de découvrir autre chose. Précisément, l’époque est aux supermarchés, bientôt aux hypermarchés. Dans la France de Giscard, puis celle de Mitterrand, le petit commerce s’efface pour laisser la place à ces temples de la consommation normée, développée par des groupes d’autant plus puissants qu’ils ont été bâtis par des self made men qui intègrent souvent en leur sein d’autres self made men à qui ils permettent d’acquérir à coups d’emprunts garantis par l’enseigne un, puis plusieurs magasins. Après avoir cédé le cours des halles, voilà les Perse à la tête d’un supermarché à Pontault-Combault. On est en 1984, la France du foot vient de gagner son premier trophée, le magasin s’appelle Champion. C’est un signe, le couple apprend tous les métiers, y compris celui de manager, et ne s’arrêtera plus. Un an plus tard, ils acquièrent deux autres Champion et, trois ans après, dynamisent un supermarché à Croissy-sur-Seine. Enfin, en 1991, un hyper à Brie-Comte-Robert. Cet empire dans lequel les noms de villes de banlieue sonnent comme autant de victoires, Perse le conquérant l’a bâti en moins d’une décennie, faite de travail forcené, de négociations tendues, de prises de risques financiers permanentes, de gestion au cordeau, de rénovations et de reconstructions gigantesques, du bonheur d’entreprendre et d’une capacité d’adaptation hors du commun.

Les vignes d’un seigneur
Et le vin dans tout ça ? Perse se souvient avoir été fasciné, enfant, par l’affiche du film Les Vignes du Seigneur, un nanar avec Fernandel, mais le déclic est venu plus tard, au cours de son passage dans la grande distribution. Dans la seconde moitié des années 1980, les foires aux vins se développent et les crus de Bordeaux en sont les têtes de pont. Même si, à l’époque, les propriétaires de crus classés ne s’en vantaient pas, on reçoit comme un roi le responsable des achats d’un groupe puissant de supermarchés. Gérard Perse s’est adjugé le rôle, les visites sont concentrées dans le Médoc. La rive droite, avec ses petites propriétés et son style à l’ancienne, fait alors figure de cabinet de curiosités. En 1988, Perse fait quand même le déplacement. Comme beaucoup, il tombe sous le charme de Saint-Émilion, une autre ambiance par rapport aux bourgs sans âme du Médoc. Il entre chez l’un des cavistes du village médiéval. Il achète illico une dizaine de caisses, lui parle de son désir de trouver des bons crus pour ses magasins, le caviste tire aussitôt le rideau du sien et l’emmène déjeuner pour lui présenter l’homme qui lui faut. Cet homme, c’est Jean-Luc Thunevin, à l’époque déjà négociant en vin, mais pas encore le génial créateur de Valandraud. Entre les deux, c’est peu dire que le courant passe, ils se sont trouvés. Tous les deux ont cette caractéristique de voir plus loin que la réalité du moment. Ni l’un ni l’autre ne sortent du sérail des vieilles familles saint-émilionnaises qui tiennent la terre depuis des décennies, parfois des siècles, ils ont vite compris le potentiel de ces terroirs exceptionnels, du calcaire du plateau et de cette côte qui se dresse, spectaculaire, face au sud. Perse fait de Jean-Luc son « sourceur » attitré pour les approvisionnements de foires aux vins en matière de Rive droite, puis un jour lui demande de lui trouver une propriété pour passer là une retraite qui ne manquera pas d’arriver un jour. Les Perse vivent bien, mais là où d’autres auraient tourné les pages de Propriétés de France à la recherche d’un beau mas avec piscine en Lubéron, ils optent pour une propriété située au pied de la côte de Saint-Émilion, dans un parfait état de délabrement, avec un joli parc arboré, un étang romantique enjambé par un charmant petit pont, « parfait pour les photos de mariage » comme le remarque malicieusement Chantal Perse. La propriété s’appelle Monbousquet, nous sommes en 1992. Le retraite de Perse n’est plus à l’ordre du jour, il se passionne vite pour le métier de vigneron qu’il va insérer dans son agenda chargé de patron de grandes surfaces. Innovant tous azimuts à Valandraud, Thunevin est un aiguillon, bientôt un compagnon de recherche. Perse se prend immédiatement au jeu.

Les débuts d’un vigneron
D’abord avec les moyens du bord, il expérimente et surtout fait tout ce qu’il imagine nécessaire pour produire le plus grand vin possible. De ce vignoble de 35 hectares posé sur un sol de graves pour partie et de sable et d’argile pour l’autre, il faut tirer seulement le meilleur : vendanges en vert, sélection drastique, vinifications repensées et élevage en barriques de qualité ont tôt fait de séduire les observateurs attentifs. « Gérard Perse, un fou de vin comme on en connaît peu, a atteint le niveau de grand vin dans cette propriété si brillamment restaurée », s’enflamme Michel Bettane après la dégustation en primeur du millésime 1996, en n’omettant pas d’ajouter le coup de pied de l’âne : « Rondeur, beauté du fruit, texture et tout ce qui annonce un heureux vieillissement sont un camouflet pour des crus plus prestigieux qui se laissent vivre ». La cote de Monbousquet monte vite, Perse bouscule les préséances d’une appellation encore très largement figée dans un immobilisme d’un autre âge.
Début 1998, Gérard Perse commence sa troisième vie. Après des propositions de rachat incroyablement élevées, il vend ses magasins au groupe Promodès. Il est un homme riche, c’est le moment de tout redémarrer. Un premier cru mythique de Saint-Émilion est à vendre, il l’acquiert sans coup férir. C’est Pavie. Il y a les grands saint-émilion du plateau de Pomerol, ceux du socle calcaire sur lequel est bâti le village, et il y a la côte. Cette côte qui porte son nom, Pavie en est l’étendard. Ses vignes trônent à l’entrée du village, les seules exposées plein sud, et apportent au cru une personnalité unique. Lorsque Perse achète, il faut cependant un peu d’imagination et beaucoup de conviction pour percevoir la vraie nature de Pavie. Les millésimes des années 1980 et 1990 ont une chair si délicate qu’elle paraît parfois carrément absente et le petit goût de sous-bois qui ravit certains marchands anglais indique plutôt un élevage en vieux fûts entreposés dans les caves humides et mal ventilées. En un an, Perse va imposer à Pavie une révolution à 360°. Méthodes culturales, rendements, maturité du raisin, tri et sélection, précision des vinifications, qualité de l’élevage, tout est repensé. Dans l’édition 1998 de notre guide, avant la vente, nous écrivions : « Le 1989 semble le dernier des grands millésimes, car depuis le vin est apparu nettement plus léger ». L’édition suivante s’enflamme : « La résurrection de Pavie est entamée […], un travail incroyable a été entrepris pour remettre le vignoble en état, un nouveau chai à barriques a été construit pour éviter l’hygiène épouvantable qui régnait dans les carrières où le vin était jadis entreposé. Ce dernier a gagné en profondeur de texture et de saveur et, surtout, en netteté immédiate de définition de terroir ». Nous concluons notre dithyrambe par une remarque adressée clairement au microcosme professionnel : « À ceux qui lui reprochent l’excès de ses qualités, nous pouvons conseiller de prendre rendez-vous chez le psychanalyste pour un bilan de santé mentale ».

Pas de Petit-Village
Bien sûr, la réussite spectaculaire du cru et surtout de l’homme énerve quelques-uns. Perse n’est pas du sérail et n’en a pas les manières policées et discrètes. L’acquisition en 2000 de l’Hostellerie de Plaisance, institution locale et, à l’époque, seule table gastronomique reconnue, fait repartir les conversations sur le thème « Où s’arrêtera-t-il ? ». Perse, on l’a dit, est un homme qui marche. À l’orée du nouveau siècle, il ne marche plus, il fonce. Tellement vite qu’il ne voit pas devant lui des panneaux “chasse gardée”, puis des tranchées et, enfin, des murs s’ériger quand il veut entrer à Pomerol en acquérant Petit-Village, pépite à polir, alors propriété d’Axa. La vente est quasiment faite, les banques ont accordé les prêts, tout Bordeaux le sait, toute la presse française et internationale s’en est fait l’écho. Mais ça traîne, les banques ne répondent plus, l’angoisse et l’énervement montent, les banques tergiversent, les banques finissent par adresser un laconique “avis défavorable”. L’affaire capote. Certains s’en réjouissent, beaucoup ne disent rien, mais n’en pensent pas moins. On attend l’hallali.

Il a remis L’Envers à l’endroit
Le climax de cette période noire survient avec le millésime 2003, issu d’un fameux été de canicule, qui divise le marché et la critique internationale. Là où Robert Parker voit l’un des « trois plus grandioses vins de la Rive droite », où nous notons que « la finesse du tannin et la fraîcheur finale rappellent opportunément que nous sommes en présence d’un grand vin de Bordeaux », Jancis Robinson et avec elle de nombreux confrères britanniques parlent d’un saint-émilion aux allures de porto et même, insulte suprême, de zinfandel, ce cépage californien aussi riche que rustique. Même si Jancis fera plus tard amende honorable (avec une honnêteté intellectuelle pas si fréquente pour un critique), même si les négociants bordelais reprendront confiance dans le potentiel commercial du cru et des autres vins de la famille, même si la popularité des vins auprès des amateurs du monde entier ne s’est jamais démentie, la plaie reste ouverte. Gérard Perse avance encore et toujours. « Entreprendre, créer, construire, rénover », écrit Chantal comme un credo. On peut ajouter une autre caractéristique, l’esprit de famille. Les Perse ont eu une fille, Angélique, mariée en 2004 à Henrique da Costa. L’un et l’autre ont intégré l’entreprise, avec une humilité et une énergie à la tâche qui sont des marques de fabrique. Après Monbousquet, dont le foncier a été cédé à la Caisse de retraite des médecins (CARMF) pour assurer la transmission du reste à la génération suivante, mais dont il assure toujours l’exploitation, Pavie-Decesse, petit mais merveilleux joyau posé sur le socle calcaire qui surplombe Pavie, Bellevue-Mondotte, pépite calcaire, Clos Lunelles, l’un des plus brillants crus de Castillon depuis quinze ans, Esprit de Pavie, magnifique bordeaux issu de vignobles maisons en appellations bordeaux et castillon, le patrimoine des Perse est sans équivalent, d’autant qu’on peut y ajouter Plaisance, rebaptisé Hôtel de Pavie et le fameux bistrot L’Envers du décor, repris (sauvé) en 2017.
Cela n’empêche pas Gérard Perse d’évoluer. Les vins de la décennie 2000 étaient fondés sur la puissance ; la fraîcheur devient le maître mot de la décennie suivante, sans limiter la concentration, la charpente et la maturité légendaire du cru. Le cabernet franc, absent à la reprise de Pavie en 1998, représente un quart des assemblages, et Gérard Perse ambitionne qu’il devienne majoritaire à terme. Pour faire court, mon impression générale est assez simple. Je ne connais aucun millésime de Pavie réalisé par Gérard Perse qui m’ait un jour déçu, qu’il s’agisse de dégustations en vin jeune ou dans leur optimum de maturité. Les propriétés impressionnent autant par leur allure architecturale et technique que par la qualité du travail à la vigne. En devenant Hôtel de Pavie, la table a franchi un cap spectaculaire en étant désormais pilotée par Yannick Alléno. Et Gérard Perse, malgré une santé ébranlée ces deux dernières années, continue à faire ce qu’il a toujours fait. Il avance.

Le mondovino de la semaine n°49 tourne à fond

Terre crue • Grande champagne • Grenade • Art et gastronomie • Avoir du pif • Madame Tannat • Chaque jour du nouveau, en voici six

Terre crue

David Popa, connu pour ses œuvres monumentales en pleine nature, posera ses valises au printemps au château Cantenac Brown. Le terroir de ce grand cru classé de 1855 qui produit des vins magnifique sera l’ingrédient principal de la fresque monumentale en terre crue qui sera créée par l’artiste dans les vignes du plateau de Cantenac. À ne pas rater.
Plus d’informations sur cantenacbrown.com

Grande champagne

Pour la maison Frapin, l’année 1989 marque un changement de premier ordre. C’est le premier millésime vieilli en chai humide et non dans les greniers comme le voulait la tradition. Un cognac exceptionnel, issu du seul terroir de Grande Champagne, arrondi
et assoupli par le temps et l’atmosphère ombreuse des caves.
Cognac Frapin, Millésime 1989 – 30 ans, 175 euros, frapin.cognatheque.com

Grenade

Cette vodka élaborée avec des raisins français allie des saveurs onctueuses de grenade vivifiante et des notes subtiles d’amande amère et de griotte. Elle s’apprécie seule ou en cocktail.
Cîroc Pomegranate, 41,90 euros, drinksco.fr

Art et gastronomie

Trente-quatre chefs ont relevé le défit fixé par Sylvie Malys, l’artiste aux mille facettes. Ils ont créé un plat à partir d’une de ses sculptures. Vous pouvez ainsi découvrir l’interprétation de la délicieuse tarte sculpture « Vertige » de Pierre Sang, le dos de turbot sauvage « Pacifique » sous le signe de la finesse de Gilles Goujon ou la succulente betterave plurielle « Miroir de feu » d’Anne-Sophie Pic.
Art Sens, Sylvie Malys, Balzac, 39 euros (Fnac, Amazon)

Avoir du pif

Après le nez du vin, place au nez du bourbon. Ce livre vous permettra de faire un voyage olfactif à la découverte du bourbon, le plus célèbre des whiskeys américains.
Le nez du bourbon, Éditions Jean Lenoir, 75 euros, lenez.com

Madame Tannat

Ce magnum porte le nom d’Alice, grande dame de Madiran qui a laissé son nom à la plus emblématique des parcelles de cette propriété historique de l’appellation madiran. Sur ces galets pyrénéens déposés au quaternaire, le tannat exprime beaucoup de caractère, notamment  dans les grands millésimes.
Château d’Arricau-Bordes, Madame Alice 2018, 46,20 euros le magnum

Disparition d’Anthony Barton, le gentleman du Médoc

Avec Anthony Barton, qui vient de nous quitter dans sa quatre-vingt-douzième année, c’est tout une époque à la fois héroïque, raffinée et flamboyante des vins de Bordeaux qui disparaît. Descendant de l’illustre lignée des Barton, marchands irlandais devenus négociants à Bordeaux dès le XVIIIe siècle et propriétaires de deux crus majeurs de Saint-Julien – Langoa et puis une part du domaine de Léoville qui deviendra vite Léoville-Barton, respectivement en 1821 et 1826 –, Anthony Barton a connu le parcours des jeunes gens bien nés de ce pays : étude en Irlande puis en Angleterre, avant de faire carrière dans le négoce familial avant de succéder à son oncle Ronald à la tête des deux propriétés en 1983. Avec beaucoup de finesse mais aussi d’opiniâtreté, il fit de ces crus d’absolues valeurs sûres, d’une régularité au plus haut niveau effectivement sans faille depuis cette date. Toujours tiré à quatre épingles, d’une modestie jamais prise en défaut, il racontait volontiers les grands moments comme les plus difficiles d’une carrière exemplaire dans un français parfait toujours teinté d’un délicieux accent british qui ne l’a jamais quitté.

J’avais eu la chance, il y a quelques années, de recueillir quelques-uns des souvenirs de ce gentleman attachant, chez lui, à Léoville, dans ce Médoc où il s’était installé et qu’il aimait tant. On peut retrouver ces échanges ici :

À sa fille Lilian, à son gendre Michel Sartorius et à ses petits-enfants Mélanie et Damien qui poursuivent aujourd’hui avec une belle énergie l’œuvre familiale, nous adressons nos plus sincères condoléances.

Jacky Blot, vingt-cinq ans de taille-aux-loups

La moustache la plus célèbre de la Loire est portée par l’homme qui élabore quelques-uns des vins les plus enthousiasmants de la région. Verticale

Ici aussi, l’épisode de gel a fait des dégâts. « 50 % des vignes sont meurtries », explique Jacky Blot, docteur ès chenin de Montlouis-sur-Loire. Le panache habituel de l’infatigable vigneron des domaines de la Taille aux Loups et de la Butte repart de plus belle. Entre deux confinements, il reçoit critiques internationaux, sommeliers, chefs étoilés et sa clientèle passionnée de grands chenins. Ils sont en effet de plus en plus nombreux, célébrités comme profanes, à prendre le chemin de la cave de Husseau, où les dégustations rythment les heures de la journée. En soirée, Pierre Arditi est annoncé pour le dîner. On commence avec le montlouis village, la cuvée Rémus, qui existe depuis 1995. « Mon premier millésime, c’est 1988 », explique le maître des lieux. « J’ai enchaîné avec 1989 et 1990, deux millésimes où l’on n’avait pas trop de questions à se poser. Rien à voir avec les tristes 1991 et 1992. Je me souviens qu’on avait lancé un vin de voile, gentil mais pas à la hauteur de nos espérances. En 1993, je fais des essais sur des élevages plus longs. On a renouvelé l’expérience en 1995 et c’est dans ces conditions qu’on a créé Rémus.

Un vrai succès dès le début. À cette époque, j’intégrais tous mes parcellaires dans cette cuvée. Ça a vraiment changé à partir du début des années 2010, lorsque le domaine s’est étendu après l’acquisition du clos de Mosny et d’une partie du clos Michet. » La carte des crus change, avec un développement des cuvées parcellaires. Aujourd’hui, Rémus représente un quart des vins secs. La cuvée réunit les jeunes vignes, les plus petites parcelles et quelques lots issus de parcellaires, toujours sélectionnés avec la plus haute exigence de qualité. Comme pour l’ensemble de la production, Rémus est élaboré à partir de raisins issus de l’agriculture biologique. Côté vinification, on notera l’absence de fermentation malolactique. Année après année, Jacky Blot a beaucoup affiné son style, signant des blancs toujours plus traçants et ciselés. L’identité finement fumée et la force minérale du terroir de Montlouis s’expriment crescendo, aussi bien dans cette cuvée que dans ses clos-michet, clos-de-mosny et hauts-de-husseau.

Rémus, la verticale
1996
Couleur dorée, nez de cire, notes de safran et de miel. Dualité du grand chenin entre maturité aboutie, qui fait penser au moelleux, et immense droiture. Touche truffée bienvenue dans la finale. Un témoin d’une époque où la maturité s’effectuait sur un cycle plus long qu’aujourd’hui.
92/100

1999
Millésime de haute maturité. Quelques pluies pendant les vendanges n’ont pas permis la très grande année qui s’annonçait pour les liquoreux. Il a fallu beaucoup trier. On conserve de cette année solaire un nez d’ananas qui agrémente l’entrée au palais et la juste tension de l’ensemble qui vient redonner de l’élan. Il n’a pas la profondeur du 1996, mais contre toute attente ce millésime évolue parfaitement.
90/100

2000
Millésime plus confortable que le précédent. Le chenin a exprimé toute sa noblesse aromatique, avec des accents d’agrumes confits, d’épices et de fruits secs. Superbe fusion de l’énergie et de l’onctuosité.
93/100

2002
Le vent du nord-est a agi ici comme un chef qui fait réduire une sauce, en éliminant l’eau des baies de manière naturelle. C’est une façon de parfaire le degré sans dégrader l’acidité. Millésime de très grande pureté, avec une bouche parfaitement ciselée et une finale montante magnifique.
94/100

2005
Même si ce 2005 ne contient pas de sucres résiduels, ses arômes de vanille, de caramel blond et d’épices lui donnent un aspect confortable et gourmand. « On a vendangé cinq jours trop tard », explique Jacky Blot. « C’est l’époque on l’on prend vraiment conscience de l’importance d’être très juste dans nos dates de vendanges. » Millésime de transition, décisif pour la suite et le style futur de la cuvée.
90/100

2007
Plus équilibré que 2005 et séducteur par ses notes d’agrumes et d’abricot sec qui se marient parfaitement à la tension juteuse.
91/100

2008
Équilibre parfait permis par une juste date de vendanges. Profil tranchant et sensation minérale d’une grande pureté. À la fois dense et subtil, ce 2002 a lui aussi profité du vent de nord-est. Toujours très jeune et cristallin comme de l’eau de roche dans sa finale.
96/100

2009
Attaque onctueuse et vite soutenue par une tension qui a de la conversation.
Ce millésime de haute maturité est ramassé à la date idoine, ce qui le différencie du 2005. Les équilibres sont ici respectés.
95/100

2010
Le tranchant du rasoir, les sels minéraux du terroir, tout y est, avec ce qu’il faut d’épaisseur. Peut-être un peu en dessous du 2009 le jour de notre dégustation.
94/100

2012
Cristallin et pur, ce vin svelte dans sa jeunesse a pris de l’étoffe. Texture soyeuse et minérale digne d’un grand millésime.
93/100

2014
Millésime de maturité facile. Le style est élégant et plein avec un joli jus fruité, séveux et épicé. Il évolue assez rapidement et se livre plus que le 2012. À boire maintenant, il donne déjà beaucoup de plaisir.
91/100

2015
Accents de fruits jaunes au nez, bouche traçante avec une finale saline précise. Un rémus de classe et de garde. On sent la superbe qualité de raisin, ramassé au moment opportun. À attendre au moins cinq ans.
94/100

2016
On sent le minéral s’installer progressivement en bouche, avec une belle intensité et une finale saline. Dans la logique et le style très minéral du 2008.
95/100

2017
Flaveurs de citron vert, tension élégante en bouche. Il se livre facilement.
On prend déjà du plaisir avec ce rémus.
91/100

2018
C’est ample en attaque, plein de tension subtile et parfaitement dynamique grâce à un rebond final charmeur. Encore sur la retenue, ce qui est parfaitement normal.
92/100

2019
Plus lisible que le 2018 dès son attaque, un rémus monumental qui ouvre la cage thoracique. Son intensité pure se révèle pleine de vitalité. Finale de cathédrale gothique poussant à l’élévation.
96/100

Le domaine en 2019

Clos Michet
Parcellaire le plus solaire du domaine. Très séducteur, il se révèle dense en matière au premier toucher de bouche. La suite, tout en relief, offre à la fois sensualité et retenue.
97/100

Clos de Mosny
Le silex apporte un tranchant qui pousse les caudalies loin dans le temps. Beaucoup d’éclat dans ce vin qui rebondit en permanence en bouche, c’est superbe. Futur exceptionnel en prévision.
98/100

Les Hauts de Husseau
Ce terroir froid tire pleinement partie de ce millésime solaire. On sent le calcaire qui étire le charnu raffiné de la bouche. Grande fusion entre tous les éléments, finale d’une parfaite pureté. Compter les secondes ne sert à rien, passons aux minutes.
99/100

François des Robert, l’homme qui vend des beaux vignobles

Notre homme, un physique pas éloigné d’un rugbyman, en plus chic, travaille dans la banque depuis quarante-cinq ans, dont trente années chez Edmond de Rothschild. Prendre sa retraite n’est pas un sujet. D’abord directeur du développement et fort de son succès dans ce domaine, il s’oriente assez vite vers la branche Vin qui gère les fusions, les acquisitions et le conseil auprès des familles. Dans le même temps, il préside l’Association française du family office, ce qui lui permet de développer un impressionnant carnet d’adresses parmi des dirigeants et des familles d’investisseurs : « Plusieurs milliers de contacts personnels. Tous sont des clients naturels pour une entreprise comme Edmond de Rothschild Héritage ». Chaque jour, il fait ce qu’il appelle « de l’origination ». Comprendre qu’il dirige vers ses équipes qui les traitent des demandes et des mandats de vente dans ce qui constitue le registre patrimonial, vignobles, cliniques, hôtels, maisons de retraite, éco-investissements, immobilier, forêts. Bientôt vingt ans qu’il opère dans cet environnement sensible avec des familles françaises ou étrangères. « L’enjeu est de trouver

 

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Les 20 champagnes de ma vie

Un grand champagne laisse à celui qui a la chance de l’apprécier un souvenir inoubliable. Michel Bettane, qui a eu la chance d’en déguster beaucoup, se remémore ses plus extraordinaires émotions


Cet article est paru dans En Magnum #26 actuellement en kiosque. Vous pouvez également l’acheter sur notre site ici. Ou sur cafeyn.co.


Choisir vingt champagnes dans une vie de dégustateur oblige sans doute à de très nombreuses omissions, mais permet aussi de mieux comprendre ce qui passionne dans ce vin hors norme, fierté nationale, boisson mondiale, pourtant mésestimé, hélas, chez beaucoup d’amateurs. On l’accuse souvent d’être dans son principe une manipulation hors sol, un vin habilement marketé issu d’une viticulture honteusement productiviste. Certaines sensibilités ont contourné la question en opposant le vin de petit producteur, plus proche de la vérité du terroir, et celui des grandes ou moins grandes marques. Mais depuis près de quarante ans que je déguste, compare ou bois à chaque nouvelle récolte plusieurs centaines de vins, voire un bon millier, après avoir arpenté le vignoble dans tous les sens et rencontré au moins deux générations de chefs de cave, ce sont les vins issus d’assemblage qui restent le plus gravés dans ma mémoire. Je suis pourtant loin d’avoir négligé la production des récoltants-manipulants et fier d’avoir été un des premiers, sinon le premier, à avoir fait connaître le travail d’Anselme Selosse, de Francis Egly, de Xavier Gonnet et de tant d’autres. Cependant, à quelques exceptions près que j’ai le plaisir de partager avec nos lecteurs, je ne peux que confirmer qu’après un vieillissement suffisant, ce sont les cuvées de prestige issues d’assemblages exigeants de grandes maisons champenoises qui expriment avec le plus de force le don de la nature, interprété avec un immense savoir-faire humain.
Qu’il soit crayeux ou argileux, le terroir champenois reste, malgré le réchauffement climatique, une source de difficultés constantes : fortes pentes, aléas climatiques et, surtout, matière première différente de toutes les autres puisque c’est au cours de sa seconde fermentation en bouteille que le vin se crée et se distingue. Le fameux classement sur une échelle de 100 est trompeur pour juger du potentiel des vins puisqu’il inclut le village tout entier, haut, milieu, bas de pente, exposition sud, ouest, est, même nord, ce qui ne veut rien dire. Mais il est vrai qu’en cœur de grand cru ou de très bon premier cru, le vin atteint une finesse et une complexité supérieures si on sait assembler correctement le produit des différents cépages, des innombrables origines (souvent plus de cinquante pour les cuvées phares) et même de différents millésimes grâce au génie des vins de réserve. Ces assemblages augmentent au vieillissement le caractère du vin même s’ils le rendent plus difficile à comprendre à la naissance. Ce qui n’exclut pas l’importance de la viticulture, ni le caractère irremplaçable de quelques rares lieux-dits capables de produire un vin complet, se suffisant à lui-même, mais en quantité forcément réduite et incapable de rayonner dans le monde, sauf auprès de quelques richissimes spéculateurs.

Notre petit monde si prompt à la critique discute souvent de la question du dosage. Le dosage ou le non-dosage font partie intégrante du produit, c’est un choix esthétique plus qu’industriel. On soupçonne qu’il cache les défauts, mais on affirme en même temps qu’il les augmente, ce qui ne semble pas logique. De fait, avec l’expérience, un dosage proportionnel à la matière première, et donc plus faible aujourd’hui qu’hier en raison de la plus grande maturité des raisins, offre un petit volant de confort qui permet après huit ou dix ans d’allonger la saveur : quelques grammes de sucre, deux, trois, six au maximum suffisent. Les vins non dosés ont généralement une finale abrupte qui peut plaire à 9 heures du matin et moins à 16 heures. En effet, nous ne percevons pas les équilibres de la même façon au cours de la journée et, surtout, entre la dégustation pure et la dégustation gastronomique du vin à table. On imagine le casse-tête pour un bon chef de cave quand il faut faire les arbitrages nécessaires pour un usage universel du vin. Le dosage intelligent a permis de fidéliser des millions de consommateurs à travers le monde, à commencer par le signataire de ces lignes !

Pol Roger 1921
On est visiblement fier de ce millésime mythique chez Pol Roger qui en a conservé quelques bouteilles pour les grands moments. Je me souviens qu’au début des années 1980 chez Steven Spurrier, Christian Pol Roger l’avait mis en fin de dégustation. Le naïf que j’étais avait levé la main et demandé à Christian, l’élégance et la politesse incarnées, pourquoi les vins récents n’étaient pas aussi bons. Il avait souri et ne m’en a jamais voulu. Une autre viticulture, sans doute, l’œuvre du temps et la prodigieuse longévité permise par les grands terroirs champenois.

Bollinger, R.D. 1959
J’ai “appris” les champagnes dans les années 1970 avec Guy Adam, remarquable chef de cave de Bollinger. Il m’avait à la bonne et m’a généreusement initié au grand style de l’assemblage maison. Mais je ne comprenais pas la marque R.D. qui désignait bizarrement les assemblages les plus longuement vieillis sur pointe, sans aucun rapport avec un dégorgement récent. Je trouvais même que, juste après dégorgement, le vin était plus oxydatif que cinq ans plus tard. J’avais donc apporté vers 1981 un R.D. 1959, dégorgé en 1975, qui m’avait coûté une fortune chez Nicolas pour le comparer avec Guy au même 1959, mais dégorgé depuis six mois. Il n’y avait pas photo et on imagine à quel point j’étais fier que Guy partage mon point de vue. Je n’ai pas changé d’avis depuis, mais le somptueux 1959, s’il en reste, me survivra, R.D. ou pas R.D. !

Krug 1961
Krug et son grand style, de la Private Cuvée – devenue Grande Cuvée – qu’il faut au moins laisser vieillir trois ou quatre ans après dégorgement, jusqu’à tous les millésimes qui ont marqué ma vie de dégustateur et continuent à faire mon admiration. Je retiens le 1961 parce que Rémi Krug, il y a déjà plus d’un quart de siècle, l’avait mis au menu d’un grand déjeuner pour accompagner des ortolans, seule occasion jusqu’ici où j’ai pu en manger, avec le rite de la serviette couvrant la tête. Ce fut divin, mets, comme vin. Et aucun autre vin n’aurait pu faire mieux.

Lanson 1976 (en magnum)
Dans sa grande époque, fastueuse et sans doute un peu arrogante, rappelons-nous les clips baroques « Lanson l’enchanteur » quand on pouvait encore faire de la publicité sur un vin à la télévision, Lanson possédait un magnifique vignoble, qui enrichit maintenant Dom Pérignon. Les vins avaient une forte personnalité, liée à l’absence volontaire de fermentation malolactique, et une grande longévité. La maison a conservé quelques magnums de ce passé glorieux et les met parfois en vente. On pensait à sa naissance que le 1976, année de canicule et sécheresse, vieillirait mal. Quelle erreur. Il y a encore cinq ans, il développait un bouquet magnifique, tertiaire et grillé, mais sans faiblesse, avec une énergie qui prouve encore une fois que c’est la matière qui fait vieillir les blancs, et pas l’acidité. On souhaite aux vins récents le même destin.

Veuve Clicquot, Rosé 1978
Les chefs de cave classiques n’aimaient pas faire du rosé ou bien considéraient que la couleur ne devait pas faire le goût et que dans un verre noir personne ne devait faire de différence. Cela a évidemment bien changé et nous sommes accablés de cuvées plus ou moins abouties, sans unité de style. Mais le grand rosé n’est pas une création récente. Dotée d’un magnifique parcellaire à Bouzy, la maison Veuve Clicquot a toujours obtenu le vin rouge capable de transcender un assemblage et de donner un champagne aussi original que complexe, dans sa force aromatique, comme dans sa persistance. Les 1978 récemment remis en vente dans une petite série collection sont tout simplement prodigieux. Quelques grandes maisons continuent à raffiner leur élaboration, Veuve Clicquot en tête avec ses dernières cuvées La Grande Dame.

Krug, Clos du Mesnil 1979
Une grande maison, c’est avant tout une maison qui sait assembler cépages, terroirs et millésimes pour atteindre un certain idéal reproductible sur le long terme. Mais il y a des accidents qui vous conduisent dans une toute autre direction. Le monocru monomillésime, monoparcelle. À l’origine, les Krug achètent ce clos du Mesnil pour le mettre dans leur millésime, mais le caractère du vin est tel qu’il ne s’en laisse pas conter. Conservé à part, le 1979 enchante par sa vigueur, son raffinement et sa longueur en bouche. Le clos renaît, Tarin il fut, Mesnil il sera, et si de nombreux millésimes depuis égalent ce 1979, aucun ne l’a dépassé. Commercialement, c’est un bon garçon par sa rareté et son prix.

Dom Pérignon 1983
Il est de bon ton de faire l’indifférent ou de jouer au critique petit bras devant les millions de bouteilles de la cuvée phare du champagne. Tout juste admet-on que, depuis 2003, sous l’influence du génial Richard Geoffroy et de son concept haute couture sans couture, le vin aurait plus de classe. Mais lorsqu’on fait vieillir les vieux assemblages, et sans même leur donner une seconde vie, on s’aperçoit du parfait équilibre pinot-chardonnay que ses prédécesseurs, le duo Coulon-Foulon, avec la même adresse, avaient mis au point. On constate aussi les bienfaits d’une vinification réductive qui conserve intact l’élan de jeunesse trente-cinq ans plus tard. Je garde un souvenir ému de la dernière bouteille de ma cave dans ce millésime, d’une finesse et d’un éclat qu’aucun autre champagne du millésime n’a atteint.

Palmer & Co, Blanc de blancs 1985
Les caves coopératives jouent un rôle important et pourtant sous-estimé dans l’univers champenois, aussi bien les petites coopératives de communes que celles capables d’avoir créé leur marque et leur style. Aucune ne l’a fait avec une telle constance et une telle modestie que Palmer. 1985 fut un grand millésime de toute petite récolte et les grands vins abondent, mais dans une dégustation comparative qui m’a marqué, le blanc de blancs de cette coopérative modèle a tenu tête aux cuvées de prestige les plus réputées. Un admirable bouquet toasté, sans la lourdeur de ce qu’on appelle un peu perfidement« le goût anglais », et un éclat calcaire remarquable, bien que les chardonnays proviennent en bonne proportion de Trépail et Villers-Marmery, plus harmonieux que salins en principe. Il y avait à l’œuvre un grand chef de cave, Michel Davesne, passé depuis chez Deutz avec le succès que l’on sait.

Charles Heidsieck, Blanc des Millénaires 1985
L’autre grand blanc de blancs de ce millésime est incontestablement ce champagne issu des grands crus de la côte des Blancs, mais surtout élevé dans les crayères de Reims. Je suis persuadé que le caractère crayeux magnifique qu’on admire aussi bien dans cette cuvée que dans le Comtes de Champagne de Taittinger provient de ces crayères, de leur humidité et température, et du parfum de leur atmosphère, intimement lié au caractère du sol kimmeridgien des grands terroirs. Et quelle adresse dans le dosage du dosage, à l’opposé des bruts brutaux à la mode, qui allonge, raffine, habille, texture, ce qui ne serait sans lui que des bulles fantômes.

Salon 1985
Le génie du Mesnil, ce cru indomptable lorsqu’il provient des meilleures parcelles, n’a jamais été aussi éclatant que dans ce millésime de Salon. On y trouve les notes de fleurs blanches, et aussi de chanterelle et de beurre créées par la seconde fermentation, mais à partir des ferments et du style des vins tranquille de départ, et une énergie incroyable que je n’ai pas retrouvée depuis avec la même constance. On lui a dit adieu il y a deux ans, mais il doit en rester quelques bouteilles chez Delamotte !

Pierre Moncuit, cuvée Nicole Moncuit 1988
Toujours ce Mesnil si cher à mon cœur et, pour une fois, parcellaire, au fameux lieu-dit des Chétillons où ressurgit en bas de pente la marne incomparable de la côte. Une vieille vigne, une viticulture certainement pas bio mais attentive, une vinification sans tralala ni concept philosophique plus ou moins abscons, mais sans paresse ni routine. Pas de bois ni de langue de bois, mais de la race, concept évidemment non raciste qui définit l’intensité dans l’originalité des vrais grands terroirs. Et une main féminine qui tient les rênes, de grand-mère à petite fille.

Egly-Ouriet, Blanc de noirs grand cru
Encore une cuvée devenue culte et pourtant née accidentellement. Personne, au milieu des années 1980, ne revendiquait l’appellation pourtant officielle de blanc de noirs, en pleine mode ascendante des blancs de blancs et sans doute par peur de l’oxymore et de son interprétation raciste ou antiraciste. Mais chez Michel et Francis Egly, les vins issus du lieu-dit Les Crayères à Ambonnay était de trop fortes têtes qui ne voulaient s’assembler à rien et « traçaient », comme on dit là-bas. Alors ils les ont mis à part et, dès les premières dégustations, le succès planétaire est arrivé. Depuis, les blancs de noirs, même faits avec des meuniers, se multiplient, mais très peu atteignent cette excellence renouvelée depuis 1989, non millésimée (il s’agit toujours d’un assemblage de deux millésimes) et reconnue de tous, amateurs et professionnels. Le grand retour du pinot noir commence bien là.

Pommery, Cuvée Louise 1990
Il y a de grands assemblages qui ne demandent pas de chercher de midi à quatorze heures. Vous prenez les meilleures parcelles d’Aÿ, d’Avize et de Cramant, qui ont fait longtemps la gloire de Pommery et désormais allongent et raffinent Dom Pérignon, un chef de cave attentif, Thierry Gasco, inspiré par l’exemple de Guy de Polignac, et sans grande surprise vous composez un champagne d’une exquise finesse, qui n’exclut pas l’intensité, mais surtout qui frappe par la délicatesse des bulles, incomparable, et surtout leur texture crayeuse, tout autant que celle du liquide. En fait, une parfaite fusion des deux. Je crois savoir que la “recette” n’a pas changé, avec pratiquement les mêmes sources, et tant mieux car sans Louise la champagne ne serait pas ce qu’elle est.

Laurent-Perrier, Grand Siècle Itération n°17
Le curieux mot itération, répétition du même, est une idée marketing récente mais vraiment fondée sur le principe même de ce modèle de cuvée de prestige. Depuis sa création, et pour en maintenir la constance de style, la maison assemble trois millésimes de purs grands crus, moitié pinot, moitié chardonnay, et conserve évidemment des flacons de chaque assemblage. En les numérotant et en les remettant en vente en toute petite quantité, Laurent-Perrier veut montrer que c’est une combinaison gagnante, même si aujourd’hui les vins millésimés sont plus appréciés, ce que je regrette souvent. L’itération 17, magnifique, pour moi peut être la plus pure de toutes, assemble 1990, 1993 et 1995. Mais l’actuelle n°24 n’est pas mal non plus.

William Deutz, La Côte Glacière 2012
Encore une grande cuvée parcellaire, infiniment plus intense et racée que la plupart des autres, qui obéissent trop à une mode née d’une consommation immédiate et du modèle bourguignon, moins adapté à la Champagne. Cette « côte », qui jouxte les bâtiments de la maison, a la force de tous les cœurs de terroir grand cru, plus l’élégance inégalable des vins d’Aÿ, et se suffit à elle-même par son équilibre et surtout sa capacité à devenir de plus en plus complexe au vieillissement. Très vieille, la vigne entrait dans l’élaboration de la cuvée normale William Deutz, si estimée, à juste titre, de nos meilleurs sommeliers. Fabrice Rosset, le patron de la maison, souhaitait rendre cette cuvée encore plus exclusive et coller au plus près du terroir. Il y est parvenu.

Taittinger, Comtes de Champagne 1995
Je n’ai jamais caché mon faible pour cette cuvée, admirable par son style, sa constance et sa façon de donner une ampleur de texture et de saveur au chardonnay qui convient particulièrement à la grande gastronomie et ses produits les plus savoureux, du turbot au homard, de la Bresse à Challans. Ce que l’on sait moins, mais qui montre la force du terroir, c’est qu’une partie importante de la cuvée provient dès sa création en 1952 de parcelles idéalement situées de coopérateurs d’Avize, qui n’ont pratiquement jamais changé, évidemment vinifiées selon les critères de la maison et, surtout, élevées en crayères avec l’inimitable patine qu’elles apportent au vin. Le 1995 est à son apogée, une vraie merveille.

Jacquesson, Aÿ – Vauzelles Terme 1996
Les frères Chiquet ont progressivement conduit cette marque si chargée d’histoire au plus haut niveau de la production de vins de lieu et de caractère. Sur leurs petites parcelles d’Aÿ, ils élaborent parfois une cuvée fortement identitaire qui a trouvé en 1996 des conditions idéales dans l’équilibre maturité-acidité. Le terroir magique d’Aÿ s’y exprime au plus haut niveau de finesse, d’intensité et de complexité, avec ce caractère minéral si spécial qui fait se rejoindre dans le même élan salin pinot noir et chardonnay. Peu de 1996 ont vieilli avec la même constance, malgré tous les espoirs formulés à la naissance du millésime. De nos jours, la maison préfère le plus souvent intégrer le vin de ces parcelles à sa cuvée non millésimée, mais numérotée, pilier de la marque. Elle y gagne évidemment, mais sans jamais égaler l’originalité de l’Aÿ pur.

Piper Heidsieck, Rare 1998
On peut juger trop bling-bling le clinquant de la bouteille, fait pour plaire à une certaine clientèle, mais il ne faudrait pas que cela empêche d’admirer comme il le mérite ce vin de prestige, à la finesse aromatique transcendante. À de nombreuses reprises, en tant que juge, je lui ai donné à l’aveugle la plus haute note de mes dégustations de champagne, et je n’étais pas le seul à Tokyo pour ce 1998. Cette cuvée offre le type de réduction grillée, tendre mais intense, qui séduit l’amateur le plus blasé comme le consommateur moins connaisseur, mais sans préjugé, et on peut faire confiance à Régis Camus, le grand chef de cave de la maison, pour en perpétuer la rare perfection.

Philipponnat, Les Cintres 2008
Aucun vignoble champenois n’est plus spectaculaire que le clos des Goisses qui surplombe à Mareuil, de sa pente vertigineuse, le canal de la Marne. Grâce à son sol calcaire et son exposition idéale, le vin atteint une plénitude reconnue par tous depuis qu’il est vinifié à part. J’ai toujours considéré que le pinot noir était supérieur au chardonnay pour l’expression de la force du terroir et je suis heureux que Charles Philipponnat ait progressivement isolé quelques parcelles de pinot noir pur pour produire cette étonnante et rare cuvée, réunion des « petits cintres » et des « grands cintres », au cœur du clos. Rien n’égale en vin de champagne la puissance et la majesté de constitution de ces deux parcelles, apothéose du blanc de noirs. Apogée prévisible vers 2028.

Guiborat, De Caures à Mont-Aigu 2014
J’ai toujours eu un faible pour les vins de Cramant, merveilleux en vin tranquille, chez Roederer ou Dom Pérignon, avant assemblage. Beaucoup de déceptions cependant avec les vins d’autres marques, soit trop lourds, soit trop acides, sauf pour ceux assemblés avec des vins voisins de Cuis. Une nouvelle génération pratiquant une viticulture bien plus précise et moins productiviste leur redonne progressivement toute leur force. Richard Fouquet en fait partie et, à chaque nouveau millésime, affine le style de ses vins de Cramant. Montaigu, officiellement sur Chouilly, ne fait que prolonger au nord les coteaux de Cramant, dont le délicieux Caures, dont il égale et parfois surpasse la pureté minérale. Le côté cristallin de ce 2014, assemblage des deux lieux-dits, est proprement irrésistible et place la marque Guiborat – du nom de la grand-mère de Richard – au sommet de l’élite des récoltants-manipulants de la côte des Blancs. D’autant plus que même les vins d’entrée de gamme ont cette transparence.

Le mondovino de la semaine n°48 tourne à fond

Le rendez-vous des vins à leur apogée • Le champagne pour tous • Une grande dame • Tout d’un grand • Les quatre mousquetaires • Meilleurs accords du monde • Chaque jour du nouveau, en voici six

Le rendez-vous des vins à leur apogée

Trente quatre vignerons vous donnent rendez-vous le lundi 17 janvier au Pavillon Dauphine à Paris pour la 6e édition de Vinapogée. De 11h à 19h, les vignerons présents proposerons à la dégustation cent vins qui ont exclusivement plus de dix ans et qui sont donc à leur apogée. Des ateliers pédagogiques sont également au rendez-vous. Magnifique lieu, beaux vins et des conditions de dégustation adaptées au contexte sanitaire.

Informations et réservations vinapogee.com

Le champagne pour tous

Une série de douze vidéos, qui inclut la langue des signes française, vient d’être créée par Champagne De Sousa pour rendre accessible et partager sa passion du champagne ainsi de son savoir-faire avec les personnes sourdes et malentendantes. Le champagne devient plus inclusif grâce à cette initiative que nous encourageons.

La série est disponible sur https://www.youtube.com/channel/UCWhxxFRUDAWTJszVJLRD3Uw/videos

Une grande dame

Madame Clicquot ne s’était pas trompée en 1805 en disant que ses raisins noirs donnaient les meilleurs vins blancs. Avec ce grande-dame, la maison se tourne vers ses fondamentaux, affichant fièrement son goût pour les champagnes vineux et sa préférence pour le pinot noir issu des grands crus historiques, comme Aÿ, Verzenay, Verzy, Ambonnay et Bouzy. Le bel habillage est signé par l’artiste japonaise Yayoi Kusama.

Champagne Veuve Clicquot, La Grande Dame 2012, 190 euros

Tout d’un grand

Pichon-Baron possède la vigueur et la puissance des plus grands médocs. Dans ce coffret, il offre une initiation à l’esprit du domaine avec quatre millésimes de son deuxième vin : 2015, 2016, 2017 et 2018. Les raisins qui constituent l’assemblage de Tourelles proviennent essentiellement de la parcelle Sainte-Anne, plantée en majorité de merlot qui procure au vin de la souplesse et une belle plénitude.

Château Pichon-Baron, Quatuor Les Tourelles de Longueville, 200 euros

Les quatre mousquetaires

Dix cépages sont autorisés par l’AOC dans l’élaboration de l’Armagnac. Cependant, le baco (un cépage hybride qui apporte de la rondeur, de la suavité et des arômes de fruits mûrs), l’ugni-blanc (un cépage roi, fins et qualitatif), la folle blanche (le cépage historique aux notes florales et fruitées) et le colombard (le plus secret aux arômes épicés très appréciés) sont les quatre cépages qui font la diversité de cette eau-de-vie et la fierté du terroir gascon. L’armagnac s’apprécie en mono-cépage ou en assemblage.

Informations sur armagnac.fr

Meilleurs accords du monde

Si on ne présente plus Philippe Faure-Brac, on peut rappeler son palmarès. Meilleur jeune sommelier de France 1984, meilleur sommelier de France 1988, meilleur sommelier du monde 1992, MOF Honoris Causa 2015. Référence de la sommellerie française et propriétaire du Bistrot du sommelier depuis 1984, il signe cet ouvrage (Prix OIV 2021) joliment illustré qui met à l’honneur les classiques de la cuisine française et internationale enrichis de cent accords mets-vins créatifs et inattendus. Pour chaque produit, l’aspect pratique n’est pas mis  de côté. Sont proposés à chaque fois la fiche technique du vin, une recette, des alliances harmonieuses, voire des alternatives avec d’autres vins.

Philippe Faure-Brac, Accords Vins & Mets, Éditions EPA, 45 euros

Il n’y aura pas de dom-ruinart 2008

Frédéric Panaiotis, chef de caves de Ruinart à Reims, a décidé de ne pas millésimer 2008 dans la cuvée iconique dom-ruinart. Interview.

Vous êtes le chef de cave de la maison Ruinart à Reims. Il se trouve que vous avez décidé de ne pas millésimer 2008. Qu’est-ce qui justifie ce choix ?

Il y a plusieurs raisons. En Champagne, les trois cépages ont vraiment des comportements différents d’une année sur l’autre. Un cépage peut bien réussir une fois et être en-dessous de nos attentes l’année d’après et inversement. C’est encore plus rare de voir les trois cépages bien marcher ensemble la même année. Je suis arrivé chez Ruinart en 2007, année où l’on a décidé de faire un millésimé. C’est intéressant parce que c’est un millésime considéré comme difficile et que ne suis pas d’accord avec cette affirmation. 2007 était une grande année pour les blancs, 2008 est un millésime avec des niveaux d’acidité assez élevés. Je me souviens de ma satisfaction d’avoir récolté des raisins parfaitement mûrs et qui conservaient ces niveaux d’acidité. Souvent, ça fait fantasmer certaines personnes en Champagne, des journalistes et des sommeliers, qui pensent que c’est le Graal d’avoir cette maturité haute en même temps que ce niveau d’acidité élevée, qui permet au vin de vieillir. D’après moi, on peut

 

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Maggie Henriquez quitte les champagnes Krug. Sa dernière interview ?

Maggie Henriquez a quitté la maison Krug il y a quelques jours. Nous l’avions interviewée en novembre 2019. Sa dernière interview ?

Vous avez repris la maison dans une période très difficile. En 2008, La crise des subprimes éclate pendant l’été aux États-Unis et arrive en France en septembre. On a raconté que la Champagne avait eu beaucoup de difficultés dès le premier trimestre 2009. Comment avez-vous eu le courage, ou l’inconscience, de reprendre une maison dans cet état ?
Je suis arrivée en 2009 sans connaître la situation de la maison, avec une expérience très marquée par les “turn around”. J’ai travaillé dans beaucoup de situations de crise, celle de 89 au Venezuela, celle du Mexique, celle de 2001 en Argentine. Je suis habituée à ces circonstances et à travailler dans des organisations très larges. J’arrive chez Krug qui est une petite maison avec cette perception de moi-même comme très experte dans la crise. 2009 était déjà une année très difficile pour la maison. Je me suis dit : « C’est petit, c’est facile ». C’est la formule des échecs. Ma première année fut l’année la plus difficile de ma carrière. À la fin de l’année 2009, on avait perdu déjà un volume important additionné à celui qu’on avait perdu en 2008. J’ai terminé l’année avec la sensation d’avoir échoué et de ne pas avoir pris les bonnes décisions.

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Le mondovino de la semaine n°47 tourne à fond

La relève de Cramant • Divin • Orange •  Formidable furmint • Mon Languedoc • Renaissance • Chaque jour du nouveau, en voici six

La relève de Cramant

Dans cette maison familiale d’Épernay, on fait du sur-mesure et de la haute couture. Porté par la jeune génération de la famille Lombard, la marque du même nom entame un formidable retour au premier plan. Un seul point d’arrivée : la recherche de la transcription la plus pure des terroirs champenois, par une approche parcellaire poussée, à l’image de la cuvée Les Bauves. Ce brut nature 100 % chardonnay grand cru d’une grande fraîcheur provient d’une parcelle de 26 ares de vignes presque soixantenaires.
Champagne Lombard, Cramant grand cru “Les Bauves”, 65 euros

Divin

La Chapelle, c’est la grande cuvée du château Sainte-Roseline, en appellation côtes-de-provence. Produite uniquement certaines années, et en petite quantité, ce vin rouge issu des meilleures parcelles est sélectionné avec attention. Aurélie Bertin, à la tête de la propriété, y apporte un soin particulier en plus de son savoir-faire. Un rouge de Provence taillé pour la gastronomie, frais dans ses arômes et structuré en bouche. Tendre et délicieux.
Château Sainte-Roseline, La Chapelle 2013, 89 euros le magnum boutique-sainteroseline.com

Orange

Villa Soleilla, c’est le nouveau venu parmi les grands vins de Gérard Bertrand. Un style particulier et une invitation au souvenir puisque ce vin orange rend hommage aux premiers vins élaborés en Géorgie il y a 4 500 ans. Un savoir-faire ancestral unique remis au goût du jour et proposé en caisse bois par une équipe talentueuse. (photo : Alexia Roux)
Gérard Bertrand, Villa Soleilla, 149 euros, gerard-bertrand.com

Formidable furmint

On se réjouit de retrouver ce grand cépage hongrois en version « dry », signée par le célèbre domaine Disznókő, propriété d’Axa Millésimes. Invitation au voyage et à une future escapade au bord du Danube, ce liquoreux de grande classe nous rappelle que ce style de vin est loin d’avoir dit son dernier mot, surtout quand ils sont faits comme ça.
Disznókő, Tokaji Dry Furmint 2020, 11,50 euros decantalo.com/

Mon Languedoc

Ambassadeur infatigable des vins du Languedoc et grand amoureux de l’art de vivre rural qui rythme son quotidien, Jean-Claude Mas souhaitait, à travers cet ouvrage, mettre en avant son mode de vie et son patrimoine architectural unique. Sous la plume de la journaliste du vin Laure Gasparotto et l’œil du photographe Aurelio Rodriguez, il se confie sur ses projets et l’avenir de ces domaines. Une vie en 224 pages, c’est dense.
Domaines Paul Mas, Le luxe rural en Languedoc (Glénat), 39 euros, cote-mas.fr

Renaissance

Dix ans de vieillissement ont donné à ce cognac XO son nez riche, délicat, aux notes boisées d’épices, de réglisse et d’écorce d’orange. Sa bouche toute en puissance est relevée par des notes de noisettes, de noix, de bois de cèdre et se prolonge sur des fruits confits. Un régal.
Cognac ABK6, coffret XO Renaissance, 159 euros, boutique.abecassis-cognac.com