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Bourgogne, quelles caves visiter ?

Un grand talus de calcaire s’étire sur plus de soixante kilomètres de Dijon à Santenay. Au milieu court une petite route surnommée les Champs Elysées tant elle brille de noms prestigieux. Ses clos et grands crus de légende se laissent pourtant volontiers approcher, ouvrant leurs maisons et leurs impressionnantes caves cisterciennes où se tient toujours prêt pour le visiteur un verre ou un tastevin, et quelques belles histoires.

L’imagination au terroir

Sur la terre nuitonne, jumelée avec la Lune, notre imaginaire décolle ici pour explorer les mystères de la vigne.Maquettes, manipulations ludiques (à l’atelier de remuage, par exemple), immersion dans une bulle géante révèlent “la magie des bulles”. Et pour nous conter la “sacrée vigne” de Bourgogne, tout un ballet d’outils se met en mouvement et s’illumine. L’atterrissage se fait en douceur, verre en main, autour de premiers et grands crus. Sur place, boutique des domaines et maisons Boisset.

L’Imaginarium.
Avenue du Jura, 21700 Nuits-Saint-Georges

De la cave au grenier

Dans leur village d’enfance, à deux pas du mythique château du clos Vougeot, Nathalie Boisset et son frère Jean-Charles ont créé une maison d’un genre nouveau, habillée de velours par Jacques Garcia. D’une pièce à l’autre, on déambule librement et, selon l’humeur, on s’installe dans la bibliothèque, le boudoir, le cabinet de curiosités, pour savourer un vougeot premier cru Le Clos Blanc de Vougeot du domaine de la Vougeraie ou un crémant de Bourgogne JCB de Jean-Charles Boisset. Dans la cave au confort feutré, le vin fait goûter ses secrets entre comparaisons des climats de Vougeot et mariages gourmands.

La Maison Vougeot.
1, rue du Vieux Château, 21640 Vougeot

Franchir la porte d’Or

Porte d’Or de la côte de Nuits, à son extrémité nord, Marsannay offre une excellente entrée en matière. En particulier son château, propriété d’Olivier Halley, l’un des grands mécènes fondateurs de l’association des Climats de Bourgogne. Ici, une série de monolithes – coupes verticales sur 1,20 m des premiers crus potentiels – livre une pédagogie efficace des sols. Après la visite des caves cisterciennes, les climats du château (Les Longeroies, Clos de Jeu, etc.) se dégustent avec vue sur les vignes. Et « parce qu’avec le vin tout finit par un banquet », Sylvain Pabion, régisseur, lance au printemps des repas au domaine.

Château de Marsannay.
2, rue des Vignes, 21160 Marsannay-la-Côte

« Veloutée, chaude et sucrée »

Le cassis est l’autre grain star de la Bourgogne. Introduite dans la région par les moines de Cîteaux, popularisée par le chanoine Kir dans les années 1950, cette petite baie gorgée d’anecdotes révèle toutes ses facettes dans le musée que lui consacre la maison Védrenne. En fin de parcours, un bar à crèmes, liqueurs et sirops donne toute sa saveur à ce commentaire de la duchesse de Clermont-Tonnerre (Almanach des bonnes choses de France, 1920) : « Excellente liqueur veloutée, chaude et sucrée qui après une coulée de volcanique bourgogne, mettra dans le palais une note de douceur comme un trille mineur terminant une fugue de Bach. » C’est joli.

Le Cassissium.
8, passage des Frères Montgolfier, 21700 Nuits-Saint-Georges

Un dimanche à la maison

Quand l’un des maîtres de la côte de Nuits, Jean-Louis Trapet, cultive le sens de l’hospitalité, cela donne une superbe maison d’hôtes. Au coeur du village de Gevrey, l’amateur pose ses bagages et s’attable devant un bon feu de cheminée ou dans le jardin. Froids “comme dans les vignes” (jambon persillé dijonnais, fromages de chèvre) ou chauds “comme un dimanche” (avec l’indispensable boeuf bourguignon), les repas résonnent parfaitement avec les nectars maison, bourgognes (villages, premiers et grands crus) et vins d’Alsace, la famille possédant un vignoble à Riquewihr.

La Maison Trapet.
4, rue du Chêne, 21220 Gevrey-Chambertin

Le vin en pleines pages

Plus de deux mille titres, souvent disponibles en plusieurs langues, ont trouvé place dans la librairie vouée au vin et à sa culture située en face des Hospices de Beaune. Des ouvrages qui vivent en parfait voisinage avec les bouteilles, près de 700 références, de Bourgogne et d’ailleurs. Un rayon rassemble aussi tout ce qu’il faut pour une dégustation optimale (tire-bouchons, carafes, verres, etc.), un autre est réservé aux cartes viticoles. De quoi rêver, flâner, déguster et réviser ses classiques entre deux visites. La boutique modèle.

Athenaeum de la vigne et du vin.
5, rue de l’Hôtel Dieu, 21200 Beaune

Beaune à ne pas rater

S’il est un lieu où le bourgogne fait “sensation”, c’est dans les caves de la maison Bouchard Aîné et Fils. D’abord, tendre l’oreille. Le bruit sec des sécateurs, le crépitement des sarments, le doux murmure de la fermentation recréent la petite musique du vin. Puis l’étonnante gamme de nuances que prennent au fil du temps les rouges et les blancs se parcourt du regard. Le flair s’aiguise au-dessus des bocaux aux arômes et les textures défi lent sur la Rampe du toucher. Ce parcours des cinq sens s’achève avec une exposition de menus imaginés par des chefs du monde entier autour des crus de la maison.

Bouchard Aîné et Fils.
4, boulevard Maréchal Foch – Hôtel du Conseiller du Roy,
21200 Beaune

Tours et trésors

Bernard Bouchard, arrière-petit-fils du fondateur de la maison Bouchard Père et Fils, achète le site de l’ancien château de Beaune en 1820, forteresse royale du XVe siècle bâtie sur les remparts. Grâce à des murs de sept mètres d’épaisseur, des millions de bouteilles reposent dans des conditions parfaites d’élevage et de vieillissement, dont une collection inégalée de près de 2 000 fl acons préphylloxériques (meursault-charmes 1846, beaune-grèves Vigne de l’Enfant Jésus 1865, etc.). Un trésor enfoui sous l’une des anciennes tours de défense.

Bouchard Père et Fils.
15, rue du Château, 21200 Beaune

Haut talent

Tout près de la mythique montage de Corton qui fait la charnière entre la côte de Nuits et celle de Beaune, ce domaine des Hautes-Côtes a gardé son âme familiale depuis sa création au XIXe siècle. Aujourd’hui Frédéric Féry, cinquième génération, continue la belle histoire et veille avec talent sur sa palette de crus, une vingtaine s’égrenant sur une quinzaine d’hectares, de Gevrey-Chambertin à Chassagne-Montrachet. Aimant faire partager le goût de cette terre « où les gens ont du coeur et le sens de l’effort », il a installé deux gîtes douillets non loin des vignes et de la cave. Une famille épatante.

Domaine Jean Féry et Fils.
1, route de Marey, 21420 Échevronne

Les grands ducs

Entre les Hospices et la collégiale Notre-Dame, un lacis de caves s’étend sur près d’un hectare. C’est ici que vieillirent les vins de Philippe le Hardi ou de Jean sans Peur, au plus fort du duché de Bourgogne, et ceux de la cour de France (sous Louis XI). Sur rendez-vous, la maison Joseph Drouhin, propriétaire des lieux depuis plus d’un siècle, ouvre à l’amateur les portes de cet univers de roc brut duquel s’élèvent des arches d’une hauteur surprenante. Dans l’ancienne cuverie trône un impressionnant pressoir à perroquet datant de 1570, l’un des deux seuls de cette époque – avec celui du clos de Vougeot – encore en état de fonctionnement. Utilisé pour les grandes occasions.

OEnothèque Joseph Drouhin.
1, place du Général Leclerc, 21200 Beaune

L’étape obligatoire

Arpenter à pied, avec un sommelier, les vignes des
prestigieux grands crus du domaine, décliner in situ les
terroirs de Puligny-Montrachet, voilà une excellente mise en bouche avant de rejoindre La Table d’Olivier Leflaive. Ici, les vins ont trouvé en Lionel Freitas un parfait chef d’orchestre qui, des déjeuners dégustation aux dîners à la carte, fait jouer formidablement ensemble l’assiette et le verre. Le santenay blanc 2014 sonne juste avec le pâté en croûte maison, l’accord du puligny-montrachet premier cru Champ Canet 2013 et du dos de lieu jaune rôti va droit aux papilles. Une partition très au point.

Olivier Leflaive.
10, place du Monument, 21190 Puligny-Montrachet

Meursault en version château

Sous ses airs paisibles, cette élégante bâtisse de pierres blanches bien calée entre grands arbres, pelouses et vignes est l’un des domaines les plus fréquentés en Côte-d’Or. Et l’un des premiers à avoir ouvert ses portes au public dans les années 1970, peu après le tournage de La Grande Vadrouille qui attira le monde entier à Meursault. Avec ses superbes doubles voûtes, la cave construite il y a 900 ans fait l’objet d’une visite guidée qui se clôt dans les caveaux de dégustation, à côté de l’ancienne cuverie où se tient chaque année la fameuse Paulée.

Château de Meursault.
5, rue du Moulin Foulot, 21190 Meursault

Sous les pavés de Beaune

Cinq kilomètres de caves se cachent dans les entrailles de cette illustre maison beaunoise. Installées depuis 1780 dans l’ancien couvent des Visitandines, elles sont accessibles par l’ancienne chapelle. Sous les voûtes, les couloirs jalonnés de bornes audio et vidéo et d’une dizaine de points de dégustation invitent à déambuler, librement ou avec un sommelier, parmi les foudres et plus de trois millions de bouteilles alignées au cordeau, certaines plus que centenaires. Au fond d’une galerie, le moine emblématique de la maison, sculpté en 1943, veille sur ce patrimoine. Toucher sa barbe porterait bonheur. Faites-le.

Patriarche Père et Fils.
5-7, rue du Collège,
21200 Beaune

L’aligoté, le retour

Si les trois cépages bourguignons sont cultivés sur ses différents terroirs de la côte chalonnaise, c’est le plus méconnu que la maison Chanzy aime à faire vibrer à Bouzeron, son fief historique. Cultivé de manière raisonnée, bercé lors des fermentations par les notes de Mozart, l’aligoté livre ses plus belles expressions au clos de la Fortune, unique monopole de la jeune AOC bouzeron. Au printemps, les Escapades viticoles avec pause gourmande dans les vignes ne manquent pas de faire un détour par ce fleuron qui jouit d’une situation exceptionnelle au coeur du plus beau coteau de l’appellation.

Maison Chanzy.
1, rue de la Fontaine, 71150 Bouzeron

Un clos très ouvert

Ouvrir les yeux, sentir, toucher pour s’immerger dans une Bourgogne viticole discrète, sinon secrète, c’est ce que propose le nouveau parcours de visite libre libre de cette maison emblématique de la côte chalonnaise. En guise de mise en bouche, deux courts-métrages retracent la saga d’une famille de visionnaires, débutée en 1875. Une Table des textures et terroirs, installée dans les jardins du clos, invite ensuite à goûter et toucher les différents sols. La découverte se poursuit à la cave (dégustation sur fût), à l’espace d’exposition d’objets publicitaires et d’affiches d’époque, et s’achève autour de quatre crus emblématiques de la maison.

Antonin Rodet.
55, Grande Rue, 71640 Mercurey

Les charmes de Chamirey

Au coeur des vignes de Mercurey, les hôtes de la famille Devillard peuvent s’installer dans une authentique maison vigneronne du XIXe siècle en pierre de Bourgogne. La terrasse orientée plein ouest offre une vue plongeante sur les parcelles du premier cru Clos du Roi que l’on peut arpenter à pied, sur réservation. Le cadre parfait pour prendre ses repas ou savourer les meilleurs mercureys et climats environnants. Comme le veut la tradition locale, on peut aussi recevoir ses amis dans le cellier semi-enterré, pour une dégustation des beaux vins de la famille ou un dîner à la lueur du rat-de-cave.

Les Maisons de Chamirey.
20, place des Noyers, 71640 Mercurey

Cet article est tiré du numéro #15 du magazine En Magnum

Nos six côtes-du-rhône préférés

Les côtes-du-rhône reviennent en force, en qualité, en diversité. Retrouvez ici les vins des vignerons dont nous avons parlé dans notre périple dans les vignobles en 3 épisodes.

Pascal Chalon, La Grande Ourse, côtes-du-rhône 2016

LE DOMAINE
Il est mené par un vigneron du genre rebelle qui met son talent dans ses vins, pas dans le baratin. Ses dix hectares sont en côtes-du-rhône villages, mais il ne les déclare pas. Il est en bio certifié, mais il ne l’écrit pas.

LE VIN
Goûté au printemps 2018, il était encore fermé, avec pourtant cette fraîcheur d’orange sanguine du grenache déjà là. Bouche onctueuse, fruitée, avec du fond. Ce vin a la vie devant lui.

LE DÉTAIL
La gamme va évoluer, mais vous pouvez visiter toute la constellation de ses vins, vous aurez la tête dans les étoiles.

16 euros
06 30 22 41 04
pascalchalon.com


Matthieu Dumarcher, Les Vaillants, vin de France 2015

LE DOMAINE
Il a plein de diplômes. Ça lui a permis de voir tout ce qu’il ne voulait pas faire. Il s’est installé en 2006 dans un petit coin de Drôme provençale avec quatre hectares en fermage. La certification bio a suivi.

LE VIN
C’est le premier millésime de cette cuvée. Soixante pour cent de grenache de 60 ans, le reste en syrah, le tout non-éraflé. Très complexe, au nez comme en bouche : camphre, garrigue, herbes de Provence. À garder.

LE DÉTAIL
Matthieu Dumarcher parle d’éthique. En clair, un vin c’est un goût, ce sont aussi des méthodes.

25 euros
04 75 53 26 55


Le Clos du Caillou, La Réserve, côtes-du-rhône 2016

LE DOMAINE
Célèbre propriété de Châteauneuf-du-Pape qui réunit la famille Pouizin et les Vacheron de Sancerre et produit de superbes côtes-du-rhône. Certifié bio depuis 2010, le domaine est mené de main de maître.

LE VIN
Un grand côtes-du-rhône dans un grand millésime. Des jus très concentrés, avec 75 % de grenache. Le nez est compact et la bouche en puissance tannique. Grand vin de garde à petit prix.

LE DÉTAIL
Tout le domaine a été planté en sélection massale entre les années 1950 et 1980.

27 euros
04 90 70 73 05
closducaillou.com


Maison Tardieu-Laurent, Guy Louis, côtes-du-rhône 2016

LE DOMAINE
Michel et Michèle Tardieu ont lancé ce micro-négoce de vins du Rhône en 1996. Avec leurs enfants, ils ne cessent de faire monter le niveau de qualité.

LE VIN
Les Tardieu font trois côtes-du-rhône, dont celui-ci est la star. Cet assemblage de crus compose un vin moderne et consensuel, élevé 12 mois en barrique et 6 mois en foudre.

LE DÉTAIL
Il faut pousser jusqu’au Lubéronpour trouver la maison Tardieu-Laurent, un peu à l’écart du joli village de Lourmarin.

18 euros
04 90 68 80 25
tardieu-laurent.fr


Les Vignerons d’Estézargues, La Montagnette, côtes-du-rhône villages 2016

LE DOMAINE
Une cave coopérative atypique qui ne regroupe que dix gros vignerons. Grâce à son ancien directeur, elle a pris très tôt le tournant de la qualité et du bio, qui représente plus de 50% de la production.

LE VIN
Dominante grenache.Fraîcheur aromatique, fruité, et une bouche soyeuse. Très plaisant.

LE DÉTAIL
Le nom de chaque domaine au lieu de la coopérative, Les Vignerons d’Estézargues. Du coup, on ne sait pas toujours que c’est eux.

8,50 euros
04 66 57 03 64
lesvigneronsdestezargues.com


Château des Coccinelles, Elytres, côtes-du-rhône 2016

LE DOMAINE
70 hectares sur le plateau de Signargues. La famille Fabre s’est très tôt convertie au bio, considérant que son terroir ne nécessitait pas de chimie. Certifié Nature & Progrès dès 1978.

LE VIN
En 2016, le domaine a pris le risque de faire un vin sans sulfites ajoutés à partir d’une sélection parcellaire. Pari réussi. Vin à dominante de syrah qui exhale les parfums de fruits noirs. Tout en fruité et en soyeux.

LE DÉTAIL
Aucune des cuvées du domaine n’est élevée sous bois.

14 euros
04 66 57 03 07
chateau-coccinelles.com

Le vrai visage des côtes du Rhône, épisode 3

Troisième et dernier volet de ce périple dans les crus du côtes-du-rhône comme vous n’en avez jamais bu.

Matthieu Dumarcher, devant sa vigne. Bio, forcément.

Les quatre de Tulette : Corinne Depeyre, Pascal Roussel, Pascal Chalon, Mathieu Dumarcher

Cap au nord-ouest désormais, pour terminer notre périple à Tulette. C’est sur cette commune, et aux alentours, qu’on a déniché une petite bande de viticulteurs bios qui nous a séduit. Bande, c’est peut-être abusif. Ils ne traînent pas nécessairement ensemble. Mais étonnamment, ils sont regroupés dans le même coin. Peut-être parce qu’à Tulette, il n’y a pas de terroir prestigieux, pas de côtes-du-rhône nommé qui pourrait un jour passer cru. C’est peut-être plus facile de s’installer. Corinne Depeyre n’a pas eu ce problème là, car elle est issue d’une famille de viticulteurs, le domaine du Père Clément à Visan. Mais elle a eu d’autres soucis. « Je suis entrée au domaine familial à 30 ans. Quatre-vingts hectares en conventionnel. J’y ai fait mes propres cuvées. Mais je voulais faire du bio sur un domaine à taille humaine. Papa a pris sa retraite quand je me suis installée en 2015, sur dix-neuf hectares. Il y a une pression familiale énorme dans le milieu viticole. Mais je savais ce que je voulais faire, j’avais envie de construire ma propre vision des choses, et papa a respecté mes choix. »

« JE SUIS DE LA TERRE. J’AIME ÇA. POUR MOI LE BIO,
C’ÉTAIT UNE ÉVIDENCE. ON NE PEUT PAS CONTINUER COMME AVANT. »
CORINNE DEPEYRE

Corinne a aujourd’hui 40 ans, elle met tout en bouteilles depuis 2017. Elle est en train de se faire construire une nouvelle cuverie pour 450 000 euros. Elle s’endette pour on ne sait pas combien de temps, mais on la sent plus déterminée qu’inquiète. Elle a de l’énergie pour douze. « Je suis de la terre. J’aime ça. Pour moi le bio, c’était une évidence. On ne peut pas continuer comme avant. J’ai passé six ans d’apprentissage dans mes vignes, à observer, à me demander ce qu’elles pouvaient me donner. J’ai construit ma gamme à partir de ces observations. » Une gamme de huit vins, assez complète, où tout est bon. En blanc, elle aime beaucoup la clairette, qui compose la moitié de son assemblage. Elle fait un rosé aussi, fin, délicat. Mais le coeur de gamme ce sont les rouges. On retient surtout Les Phacélies, 60 % grenache et 40 % carignan, que des vieilles vignes de plus de cinquante ans et un élevage en cuve béton uniquement. « J’adore le carignan, il donne de la profondeur aux vins. » L’autre vin, c’est Terre de Cabassoles, un 100 % grenache sur un coteau argileux. Pareil que l’autre, que de la cuve béton. Pas de bois. Cela donne un vin structuré mais élégant, avec du fond. Et pour dix euros seulement au domaine.

À quelques centaines des mètres de là on trouve la zone artisanale de Grand Devès. C’est là que se sont planqués Pascal Roussel et Pascal Chalon. Roussel n’est pas vraiment planqué. Il travaille pour les établissements Perret, qui distribuent des produits phytosanitaires et des engrais. Mais Pascal Roussel est spécialisé bio et biodynamie. Son grand-père était vigneron à Bordeaux et son père à Limoux, alors forcément, au bout d’un moment, ça l’a titillé. « Il fallait que je fasse autre chose que mon boulot de conseil, que je crée une oeuvre. » Grâce à deux vignerons de Gigondas, il récupère peu à peu quelques hectares de vignes en fermage, jusqu’à en avoir huit pour créer le Domaine des Elixirs. Et évidemment, il est certifié bio. « Il faut d’avantage de réflexion sur ce qu’on fait, comment on le fait et quand on le fait. Moi, mon métier me permet de profiter de l’expérience des autres. Le vin c’est à 80 % le raisin. Toutes mes cuvées contiennent du grenache à 50 %, complété pour chaque cuvée d’un autre cépage. » Contrairement à Corinne, il aime élever ses cuvées dans le bois, mais pas forcément en fûts. On a bien aimé Les Sages 2016, un assemblage de grenache et de carignan, avec des vieilles vignes plantées en 1947 et 1951. Un vin compact, mais très soyeux. L’Elixir du domaine 2015 associe lui le grenache au mourvèdre. « Le mourvèdre est capricieux. Il a besoin de soleil et d’eau. Il faut de l’argile et une exposition sud. Le mien n’était pas assez mûr entre 2011 et 2014, donc je n’ai pas fait la cuvée sur ces millésimes. Dans la région, la tendance est plutôt à planter de la syrah. C’est la mode. Mais on a des gros problèmes de mortalité des pieds, à cause de la chaleur. » Corinne Depeyre ne nous avait pas dit autre-chose. Comme quoi les modes du goût ne sont pas les modes de la terre.

De la Lune à la Terre

Un peu plus loin, on trouve enfin la cuverie de Pascal Chalon, bien planqué, lui, pour le coup. Un simple hangar, un peu à l’écart. Pascal est un gars carré, pas très grand, pas très causant. Pas antipathique, loin de là, plutôt timide, voire lunaire. « Quand on était gamin, on regardait le ciel. La Grande Ourse, c’est la constellation qu’on voit toute l’année. » Du coup il s’en est servi pour nommer ses cuvées, La Petite Ourse, La Grande Ourse, Ursa Major. De la lune il retient aussi les cycles « J’ai lu Steiner. Ce que j’en ai retenu, c’est de travailler dans l’intuition. J’ai fait des essais en biodynamie, mais tout ne m’a pas convaincu. Une fois je devais faire une 501 (une préparation à base de silice de corne qu’on pulvérise sur les vignes, ndlr). Il a plu. Je ne l’ai pas faite. Et ça allait très bien. Pourquoi insister ? Pareil pour le vin naturel. Je mets du soufre, donc je ne suis pas naturel. Mais juste ce qu’il faut. Le naturel pur et dur, je trouve que ça uniformise les arômes. »

« J’AI LU STEINER. CE QUE J’EN AI RETENU, C’EST DE TRAVAILLER DANS L’INTUITION. J’AI FAIT DES ESSAIS EN BIODYNAMIE, MAIS TOUT NE M’A PAS CONVAINCU. »
PASCAL CHALON

On aura compris que Pascal Chalon est un empirique et un instinctif. Les dogmes, c’est pas trop pour lui. D’ailleurs, au départ, ce fils de coopérateur ne voulait surtout pas être paysan. Il a fait des études pour exercer un autre métier. « Mais avec un copain qui a fait viti-oeno, j’ai fait du vin, pour m’amuser. Ça m’a plu. » Il s’installe en 1999, sort son premier millésime en 2001, est certifié bio depuis 2008. Mais il ne revendique rien. Ni ses terroirs qui lui permettraient d’être côtes-du-rhône villages Visan, ni sa certification. Pascal Chalon est un outlaw qui laisse penser que l’intuition, le travail et le questionnement sont peut-être les qualités qui donnent le génie. Non seulement il ne la ramène pas, contrairement à trop de ses collègues, mais en plus il fait de très bons vins. On a goûté les 2015 et les 2016. Tout est bon. Peut-être parce qu’il se pose beaucoup de questions, parce qu’il n’arrête jamais de chercher, et qu’il a l’air aussi un peu maniaque, constamment en recherche de quelque chose de mieux, de quelque chose de plus. Ses vins sont puissants, mais ça ne se sent pas. Et ils ont souvent cette signature organoleptique sur l’orange sanguine. Pascal Chalon devrait être dans tous les guides. Il n’y est pas. Il ne fait rien pour. Il y finira, fatalement. Les prix monteront, car ils sont anormalement bas. Mais n’allez pas le voir. Laissez-le se questionner tranquille. Allez plutôt dévaliser les cavistes qui vendent ses vins.

Le dernier aussi, il nous a fallu le débusquer. Et aller un tout petit peu plus loin. Planqués qu’on vous dit. Matthieu Dumarcher, comme Pascal Chalon, est sauvage. Mais pas de la même façon. Moins réservé, plus méfiant. Un journaliste qui veut le voir ? Pourquoi faire ? Mais il ne dit pas non, et si on ne cherche pas trop à le faire rentrer dans des cases, ça se passe bien. « Les gens qui veulent du marbre ne viennent pas chez moi. » Contrairement à Chalon, lui a passé les diplômes qu’il fallait : ingénieur agro et diplôme national d’oenologie. « Je suis venu au vin parce que ça me parlait. Je ne voulais surtout pas rester dans l’agroalimentaire. J’ai fait du conseil viti-oeno et je me suis installé en 2006, avec quatre hectares de fermage et la construction d’une cave. Ce qui est important pour moi, c’est que les gens se fassent plaisir avec mes vins, mais il faut aussi qu’ils aient une conscience de l’éthique du travail. Moi je veux amener du très beau raisin en cave et chercher son équilibre naturel. Je ne pompe pas, je n’acidifie pas, je n’enzyme pas, je ne levure pas. » Quand il nous dit « je suis méridional, mais j’aime les vins septentrionaux, j’aime la fraîcheur », il nous donne une clef de lecture de ses vins. Dans ses deux premiers rouges, Zinzin et Vin Rouge, on sent cette recherche d’épure, de finesse. On l’apprécie, mais on n’a presque plus l’impression d’être dans le Sud. Il nous semble qu’il parvient mieux à une sorte d’équilibre entre son terroir et son style dans Les Vaillants et Réserve. Les vins restent sudistes, avec ce fond légèrement tannique, et cette patte affinée. Le premier millésime de sa cuvée Les Vaillants, le 2015, des vieux grenaches en vendange entière, est très beau. Il exhale la garrigue, le camphre, les herbes de Provence. Il voulait qu’on se fasse plaisir, parfait, c’est fait. On peut repartir, l’esprit tranquille. Et avec surtout cette sensation qu’au sein des côtes-du-rhône, on trouve de tout. Des vins de grande diffusion, souvent bien faits, peu onéreux, classiques. Mais aussi ce genre de petites pépites, pas forcément beaucoup plus chères, d’un excellent rapport qualité-prix. Comme quoi, où qu’on aille, qui qu’on rencontre, n’oubliez jamais ça : partout il y a des vignerons qui révèlent leurs terroirs. Et ça n’est pas parce qu’ils sont en appellation côtes-du-rhône qu’ils vont y mettre moins d’acharnement que dans des grands crus de Bourgogne. Ils auront peut-être moins de moyens, mais certainement pas moins de coeur. Et surtout, vous pourrez vous payer leurs vins sans être des milliardaires chinois. C’est plutôt une bonne nouvelle. Profitez-en.

Le vrai visage des côtes-du-rhône, épisode 2

Suite de notre voyage dans les crus de caractère des côtes-du-rhône. 

Marilou Vacheron, Clos du Caillou.

Les côtes-du-rhône de Châteauneuf-du-Pape : Le Clos du Caillou

Puisqu’on est lancé, autant y aller, chez les puissants de Châteauneuf-du-Pape. Il suffit de traverser l’Ouvèze pour y arriver. Il n’est pas rare que les producteurs de châteauneuf-du-pape produisent également des côtes-du-rhône. Certains sont très renommés, comme ceux du château de Fonsalette du fameux Emmanuel Reynaud de Château Rayas. Certains le sont moins, mais ont beaucoup à voir avec le terroir de leurs glorieux aînés de Châteauneuf. On pense notamment à celui du Clos du Cailloux à qui on a rendu visite. Ce domaine de Courthezon possède un clos de dix-sept hectares qui aurait dû être classé en châteauneuf-du-pape. Mais il était boisé dans les années 1930 et le garde-chasse n’a pas laissé entrer les experts chargés de délimiter l’aire d’appellation. Il n’a donc pas été retenu pour châteauneuf- du-pape, bien que quasiment enclavé dans la zone d’appellation. Déboisé par la suite, il produit aujourd’hui d’excellents côtes-du-rhône qui jouent plutôt dans le registre de la finesse grâce aux terroirs de sables. C’est Marilou Vacheron, fille de la propriétaire Sylvie Vacheron, et Bruno Gaspard, le maître de chai-oenologue, qui nous ont reçu. Bruno est là depuis plus de quinze ans. Quand Sylvie a perdu son mari, Jean-Denis Vacheron, dans un accident, elle a décidé qu’elle allait se battre pour cette propriété. C’est le travail de ce binôme, poursuite de celui initié par Jean-Denis et Sylvie entre 1996 et 2002, qui a emmené le Clos du Caillou là où il est aujourd’hui. On sent que Bruno a le domaine bien en main, qu’il le connaît par coeur. Marilou, toute en douceur, s’affirme comme elle est. Axel, son frère, fait ses études à Changins, en Suisse, et renforcera bientôt l’équipe. S’ils possèdent cinquante-et-un hectares en appellation côtes-du-rhône, seules deux cuvées sortent des dix-sept hectares du clos : Les Quartz et La Réserve. Le terroir des Quartz présente la caractéristique d’avoir des galets roulés en surface avant d’atteindre les fameux safres, du sable aggloméré. Composé à 85 % de grenache, il présente sur le millésime 2016, une trame tannique importante. La Réserve représente un terroir purement sableux et associe 25 % de mourvèdre au grenache. On monte d’un cran en compacité. Il faudra l’attendre. Reste qu’on a là deux excellents côtes-du-rhône, qui n’ont pas grand-chose à envier à des châteauneufs, et pour seulement vingt et vingt-cinq euros. On se serait bien attardé là, à regarder tomber la pluie avec Bruno et Marilou, mais les autres nous attendent.

Le Plateau de Plan-Dieu : Domaine Le Grand Retour

Si on remonte au nord-est, vers Travaillan, on arrive au plateau de Plan-de-Dieu. Il y a quelques siècles, il était recouvert d’une forêt. Quiconque la traversait devait s’en remettre à Dieu pour ne pas s’y faire occire. Puis les hommes ont commencé à la défricher pour planter de la vigne, à la main au Moyen Âge. Puis de façon beaucoup plus efficace après la Seconde guerre mondiale, grâce aux bulldozers de l’armée américaine. Mais il a fallu attendre longtemps pour que ce lieu-dit passe de la production de côtes-du-rhône à celle de côtes-du-rhône villages Plan-de-Dieu. Très longtemps. C’est en 2005 que l’Inao lui accorde sa dénomination géographique. Désormais, on trouve de la vigne sur 1 500 hectares d’un terroir quasiment homogène de cailloutis d’alluvions anciennes sur des safres gréseux. Il fait ici très chaud l’été et le goutte-à-goutte n’est pas du luxe. On est reçu par Alain Aubert qui dirige le domaine Le Grand Retour, fondé par des pieds-noirs en 1962 et racheté par les Aubert en 1999. L’homme, 56 ans, est massif, corpulent, à la fois débonnaire et parfaitement pragmatique. Il vous enrobe de sa faconde méridionale, mais on sent que lui dire non doit être compliqué. L’avantage est qu’il n’a pas sa langue dans sa poche.

« LES HOMMES VEULENT TOUJOURS ÊTRE PLUS FORTS QUE LEUR VOISIN. MAIS SI TU AS PEUR D’ENRICHIR TON VOISIN, TU N’AVANCES PAS. »
ALAIN AUBERT

Il m’explique que l’appellation est à cheval sur quatre communes, ce qui a poussé les vignerons à s’entendre. « Ça nous a évité les querelles du type “mon clocher brille plus que le tien”, car les hommes veulent toujours être plus forts que leur voisin. Mais si tu as peur d’enrichir ton voisin, tu n’avances pas. À Plan de Dieu on a bien avancé. Depuis 2005 on est devenu le côtes-du-rhône villages nommé le plus gros en volume et le plus cher en prix. Sur Le Grand Retour, on est parti de rien en bouteilles en 2010. Aujourd’hui, on est le plus gros opérateur de l’appellation. » Il faut dire qu’avec ses 156 hectares, Alain Aubert a de quoi faire. Mais il s’en donne les moyens. On le suspecte de ne jamais être vraiment en vacances. Il a bien modernisé son outil de production. Son principal souci désormais, c’est la chaleur. « On a gagné trois semaines sur la date des vendanges depuis que je suis petit. Avant, mes parents étaient contents avec des vins à 11,5 degrés d’alcool. Aujourd’hui on flirte avec les 15 degrés. » Ses vins qui voient le bois vieillissent en foudre de 80 hectolitres plutôt qu’en barriques, « car la barrique sèche le grenache. » Il joue le jeu de la dégustation syndicale, il est vice-président de l’appellation, en nous faisant goûter les vins de ses collègues. Mais il garde ses deux meilleures cuvées pour la fin, histoire de nous épater. Et en effet, son Château Grand Retour 2015 et le Grand Retour Excellence tirent leur épingle du jeu. Pour moins de dix euros au domaine, on a là deux vins qui allient puissance, une belle maîtrise de l’alcool et un joli toucher de bouche. Si tous les plan-de-dieu ne sont évidemment pas de ce niveau là, ça montre bien que, dans le coin, on peut faire de l’excellent rapport qualité-prix.

Les Dentelles de Montmirail : Domaine des Pasquiers, domaine de l’Amauve

On part un peu plus à l’est, vers les villages de Sablet et Séguret qui partagent avec Gigondas les dentelles de Montmirail. Là, la géographie devient beaucoup plus accidentée, ce qui donne des terroirs très différents d’une parcelle à une autre. Séguret a été classé avant Sablet en côtes-du-rhône communal, en 1967, alors que son voisin a du attendre 1974. Le village est classé parmi les « plus beaux villages de France ». Pour nous parler de Séguret, on a rencontré Christian Voeux, vieux de la vieille de l’oenologie rhodanienne puisqu’il a travaillé plus de trente ans dans des domaines de Châteauneuf-du-Pape. Il gérait le domaine familial, Domaine de l’Amauve, sur son temps libre avant que la retraite ne lui permette de s’y consacrer pleinement depuis 2016. Du coup, même s’il est d’un rationalisme scientifique imparable, il a décidé de prendre le train de la modernité en convertissant le domaine à la viticulture bio. Il croit beaucoup à son village, dont il préside le syndicat viticole depuis huit ans. Son dernier combat sera de faire passer Séguret en cru. Un dossier sera déposé à l’Inao pour cela, mais il anticipe que ça prendra entre cinq et dix ans. Question vin, il cherche évidemment à faire de la qualité, avec des rendements extrêmement limités (25 à 30 hectolitres à l’hectares en rouge et 30 à 35 en blanc). « Ma formation en oenologie à la fac de pharmacie à Montpellier m’a appris à être logique et simple. » Ça se retrouve dans les vins, très maîtrisés, presque trop. Dans les meilleurs millésimes, il produit une cuvée « réserve » qui est excellente. Et malgré la toute-puissance de la science, il l’avoue modestement, « dans cette vigne de vingt-cinq ans, il y a quelque chose au niveau du sol qui fait la différence. » Chez ses voisins de Sablet, qui tire son nom de la butte sableuse sur laquelle le village est installé, on est allé voir les frères Lambert qui dirigent le domaine des Pasquiers. Jean-Claude, 60 ans, et Philippe, 54 ans, désormais épaulé de son fils Matthieu, ont été la première génération à mettre en bouteille, à partir de 2002. En 2012, ils se sont offerts un nouveau bâtiment de stockage, juste à côté de la mairie. Plutôt que de faire construire un hangar tout moche en tôle ondulée, ils ont fait un joli bâtiment recouvert de pierre du Gard. Rien que pour ça, on s’est tout de suite mis à les aimer. Et comme en plus ils n’ont pas ce côté hâbleur des sudistes, on s’est rapidement senti en confiance. Ils mettent désormais toute leur production en bouteille. Ils ont vingt-cinq hectares de côtes-du-rhône villages Sablet et quarante hectares de côtes-du-rhône villages Plan-de-Dieu. Ça leur permet de bien connaître les deux appellations. Philippe nous explique : « Plan de Dieu donne plutôt des vins puissants, ronds, plaisants jeunes. Sablet c’est plus fin, mais curieusement c’est plus difficile à déguster jeune. Le bas de l’appellation, sablonneux, donne des vins fruités. Le haut, argilo-calcaire, donne des vins plus complets. » Depuis 2012, leurs côtes-du-rhône et côtes-du-rhône villages sont certifiés bio. On en a goûté quelques-uns sur les millésimes 2016 et 2017. Comme les Lambert, ils sont sérieux, tanniques, mais fins, avec du fond. Leur cuvée haut-de-gamme de plan-de-dieu, L’Envy, seulement dix barriques, joue plutôt sur la rondeur et l’onctuosité. Quant à Matthieu, il s’amuse à faire des essais avec du  marselan et des vieilles syrah. Un domaine discret, mais à suivre, assurément.

Le vrai visage des côtes-du-rhône, épisode 1

Sur 40 000 hectares, les vignobles des Côtes du Rhône produisent des vins aussi nombreux que variés. Ils vont bien au-delà du petit vin de comptoir que chacun a déjà croisé. Un périple de quelques jours nous a permis de comprendre les nouveaux côtes-du-rhône.

Derrière la bouteille, c’est Claire Delon,
oenologue du domaine Notre-Dame de Cousignac.

La Pointe de l’Ardèche : Domaine Notre-Dame de Cousignac
Plus connu pour ses vins d’AOC côtes-du-vivarais, le sud de l’Ardèche, où nous débutons notre périple, produit aussi quelques côtes-du-rhône. C’est un coin où il fait sensiblement plus frais que dans les appellations situées plus au sud de la vallée du Rhône, avec une pluviométrie plus importante qu’à Châteauneuf-du-Pape. Nous sommes allé rencontrer l’équipe du domaine Notre-Dame de Cousignac, qui tire son nom d’une jolie chapelle presque cachée dans la verdure, sur un coteau qui mêle vignes et garrigues. Le Rhône est tout près, à deux kilomètres à l’est. La famille Pommier est implantée là depuis 1780. Ils ont été les premiers en Ardèche à arrêter les pesticides, dans les années 1970, et à se faire certifier bio, en 2007. C’est Raphaël Pommier qui exploite le domaine avec l’aide du groupe Ogier depuis 2004. Claire Delon, jeune oenologue diplômée de Supagro, supervise les vinifications. Elle privilégie la fraîcheur avec des vendanges effectuées de nuit, un égrappage total, un levurage pour contrôler la fermentation et pas d’élevage sous bois. Le côtes-du-rhône standard est de bonne facture, mais c’est surtout le côtes-du-rhône villages qui sort du lot. Il vient d’obtenir sa mention géographique Saint-Andéol et se montre extrêmement policé, avec des petits tanins onctueux. Le domaine s’amuse également à faire une cuvée Vinolithic (côtes-du-rhône villages), la seule à reposer quelques mois en barriques, logée dans une grotte à quatre-vingt mètres sous terre, à douze degrés, avec 80 % d’humidité. Le 2015 est une belle réussite. Si le vin blanc reste marginal, il ne faut pas le sous-estimer.
Le domaine replante actuellement pour pouvoir fournir plus de côtes-du-rhône blancs. Ils produisent deux cuvées, l’une avec les vignes du nord, l’autre avec les vignes du sud. La première se distingue par son grillé, dû à un surplus de marsanne, et par sa fraîcheur portée par une amertume finale. Les vins du domaine se situent dans le haut de gamme de l’appellation, soit entre dix et quinze euros, mais ça les vaut largement.

Les Gardois : Les Coopératives de Laudunchusclan et Estezagues

Au sud de l’Ardèche, on trouve la partie est du département du Gard, bien pourvue en vins d’AOC côtes-du-rhône. Premier arrêt à Chusclan qui abrite une cave coopérative qui réunit les vignerons des deux mentions géographiques Laudun et Chusclan. Les bâtiments, en travaux, assez symptomatiques de ces coop’ qui ont connu leur essor après guerre, ne paient pas de mine. Et pourtant, Laudun-Chusclan Vignerons, c’est la cave du XXIe siècle. Il faut dire que son président, Philippe Pellaton, est aussi le vice-président pour la viticulture de l’organisme interprofessionnel des AOC de la vallée du Rhône (Inter Rhône), par ailleurs présidé par Michel Chapoutier. Le type, la cinquantaine énergique, a tout du manager de l’ère macronienne. Il ne dépareillerait pas dans une tour à La Défense. La coopérative est d’ailleurs gérée comme une multinationale, avec directrice de la com’ tirée à quatre épingles, clef USB bourrée d’infos et gamme de vins au marketing très appuyé. En dix ans, Laudun-Chusclan Vignerons est passé de deux millions de bouteilles à huit millions, avec un programme d’investissements de quinze millions, dont neuf ont déjà été réalisés. L’idée est de monter en gamme et de se développer à l’export, qui représente déjà un gros tiers du volume commercialisé. Les vins sont dans le même esprit : techniquement très maîtrisés et destinés à plaire au plus grand nombre. En clair, personne ne sera jamais déçu en achetant une bouteille de Laudun-Chusclan, même si on peut regretter que l’hyper-maîtrise technique puisse prendre le pas sur une approche plus “terroiriste”. Ce qui est une garantie pour le consommateur est parfois un renoncement pour le journaliste. Aboutissement ultime de cette volonté de maîtrise, la collection Villa, soit trois vins issus des meilleures barriques qui reprennent des éléments visuels liés à la présence de l’Empire romain dans la région. Des vins de très bon niveau, avec des touchers de bouche très travaillés et des élevages poussés, qui expriment bien la volonté de la cave de se positionner comme un fournisseur fiable et qualitatif.

À quelques dizaines de kilomètres au sud de là, entre Avignon et le pont du Gard, on trouve une coopérative réputée qui défend l’appellation côtes-du-rhône villages Signargues, créée en 2005, caractérisée par un plateau pierreux recouvert de galets roulés rougis à l’oxyde de fer, et non pas du sang des Sarrasins qui ont trouvé là à qui causer en la personne de Charles Martel. Changement radical d’ambiance, Les vignerons d’Estezargues n’ont même pas un site internet à jour. Mais ils ont des terroirs et savent vinifier, c’est l’essentiel. On est reçu par la directrice commerciale export, Aude Ferrier, qui nous raconte plein d’histoires avec son accent chantant, comme le fait que la production est à 70 % en bio. Elle est bientôt rejointe par l’actuel président, Frédéric Vincent, assez débonnaire, qui nous indique que le bio représente un peu plus de 50 %. On a un petit sourire pour Aude qui est à la fois commerciale et du Sud. Elle a légèrement extrapolé sur les futurs apporteurs labellisés bio. La coopérative est dynamique. Pas seulement parce qu’elle ne regroupe que dix gros apporteurs, ce qui rend les décisions plus faciles, mais aussi parce qu’elle a eu dans le passé un directeur entreprenant qui l’a mise sur de bons rails. Jean-François Nick a été précurseur. Sous sa direction, la cave est sortie du vrac pour faire de la bouteille, s’est mise à la lutte raisonnée avant de passer au bio, et a commercialisé ses vins en fonction des domaines. En clair, chaque apporteur voit 30 à 40 % de ses raisins commercialisés dans les cuvées qui portent son nom. Mais question vinification, tout le monde est logé à la même enseigne. Et c’est le terroir qui parle. L’AOC côtes-du-rhône Signargues, c’est uniquement du rouge, avec un minimum de 50 % de grenache. La cave commercialise aussi des côtes-du-rhône génériques dans toutes les couleurs. On retient Domaine des Fées 2016, moitié grenache, moitié syrah, puissant, mais avec un joli toucher de bouche et Domaine des Bacchantes 2016, à dominante de syrah, au très joli soyeux. En côtes-du-rhône villages Signargues, Domaine de Sarrelon 2016, avec ses notes d’orange sanguine qui viennent chatouiller le nez. La bouche est toute en tannins fins et caressants. Enfin, Domaine de la Montagnette 2016 nous a également interpellé avec un côté fruité tout en élégance. Tous ces vins coûtent moins de dix euros et sont d’un rapport qualité-prix étonnant. Pas étonnant que les locaux soient contents de se fournir là.

Domaine du Bois de Saint-Jean
Au domaine du Bois de Saint-Jean. Joseph Anglès et ses fils Vincent et Xavier

Les Rocailles de Gadagne : Domaine du Bois de Saint-Jean

On repasse le Rhône, à l’est toute, pour se diriger vers la zone la plus méridionale des territoires dévolus aux côtes-du-rhône, petit coin où l’on trouve Saint-Saturnin-les-Avignon, Châteauneuf-de-Gadagne et Caumontsur-Durance qui, comme son nom l’indique, voit son coteau se jeter dans la Durance. Cette appellation villages bénéficie depuis 2012 d’une dénomination géographique, Gadagne et non Châteauneuf-de-Gadagne, un autre Châteauneuf du coin voyant, semble-t-il, d’un mauvais oeil de se faire parasiter l’exclusivité du nom. Déjà que le terroir de Gadagne, un désert de pierres, très galets roulés, rappelle l’autre, il n’aurait pas fallu que la confusion puisse s’étendre au-delà. Nous ça nous amuse, mais ça a été douze ans de conflit entre Châteauneuf-du-Pape et Châteauneuf-de-Gadagne, donc là-bas, ça ne les fait pas rire. À défaut d’avoir le temps de se promener, on file retrouver la famille Anglès à Jonquerettes au domaine du Bois de Saint-Jean. Les Anglès sont là depuis 1650. Pas de doute, c’est des gens du coin. On est reçu par Xavier, le frère cadet de Vincent. La quarantaine, volubile, nerveux, sportif. Sympa. Mais un peu intimidant. Quelque-part entre le bandit corse et un personnage de film de Scorsese. Le type avec qui on n’a pas envie de se prendre la tête à la sortie d’un bar. Il nous raconte tout de sa famille et de Châteauneuf-de-Gadagne. Il met des « bim bam, bim bam » dans ses phrases. En fait c’est Bebel. Le domaine fait cinquante hectares, vingt-et-un en côtes-du-rhône villages Gadagne, vingt en côtes-du-rhône, un peu de vacqueyras, et ne surtout pas oublier les quarante ares de châteauneuf-du-pape, vous savez, l’autre châteauneuf. La gamme est large. Il y a au moins une douzaine de références, toutes avec des étiquettes différentes, ce qui n’aide pas forcément le consommateur à identifier le domaine. Tout ne se vaut pas, même si L’Intrépide, côtes-du-rhône générique, est de bonne tenue, à défaut d’être éblouissant. Ce sont les cuvées parcellaires qui méritent le détour : Voulongue, produit seulement les meilleures années, avec une parcelle de vieux grenaches ; Pur Cent, fait avec une parcelle complantée par le grand-père en 1910. C’est le trésor de la famille. Ce qu’on comprend, car le 2015 goûté était excellent, puissant et civilisé à la fois.

Cet article est tiré du numéro 14 d’En Magnum. Nous avons divisé le périple de notre journaliste en trois épisodes.

Les 12 apôtres des vins de Savoie

Le vignoble d'Arbin, sur le versant sud de la Combe de Savoie.

Circonscrite à ses pistes de ski, la Savoie regorge pourtant d’un phénoménal patrimoine de cépages t de crus. Une diversité explorée des curieux qui ont bien compris que la région renouvelait l’exotisme viticole avec panache.

Domaine Louis Magnin (Arbin)
Les Magnin réduisent la voilure, mais maintiennent le rang et le style avec une nouvelle cuvée de mondeuse en grappes entières, Fille d’Arbin, à découvrir absolument. Ce domaine conduit en biodynamie est un incontournable. La précision, la pureté de style et surtout la grande régularité affichée année après année forcent le respect. Entier et attachant, le couple fait partie de ces figures savoyardes qu’il faut rencontrer au moins une fois. Hélas pour nous, les Magnin ont décidé de raccrocher (en partie) les gants et de réduire le domaine à 2,5 hectares à partir de la récolte 2018 pour réaliser une gamme courte autour de trois mondeuses (dont une en raisins entiers), une roussette et un bergeron. Certifiés bio, les vins sont d’une grande régularité, bâtis pour la garde. Les blancs sont terriens, parfois confits dans leurs arômes, mais harmonieux. Les rouges traduisent une grande intelligence de l’élevage, comme la cuvée Tout Un Monde, une mondeuse de vignes centenaires, puissante et colorée, bâtie pour la garde. Ces vins d’attente, dédiés à tous les hédonistes que le temps ne presse pas, sont des savoyards au coeur fidèle. Il reste des vins à vendre, sachez-le !

Domaine des Ardoisières (Fréterive)
Originaire de la Champagne et ingénieur agricole, Brice Omont a débuté son aventure en 1999, choisissant la Savoie et s’associant dans la foulée avec Michel Grisard les premières années. Seul aux commandes depuis 2009, soutenu par dix associés amis et amateurs qui financent en partie son projet, il travaille en bio treize hectares sur deux coteaux. Il y a celui de Cevins, avec des schistes et des sables relativement légers, et celui de Saint-Pierre-de-Soucy, sur la rive gauche de l’Isère, avec des sols de schistes plus profonds et plus argileux. Il y a quarante ans, ces terroirs étaient à l’abandon, peu exploités du fait d’un mûrissement aléatoire. Aujourd’hui, la fraîcheur de ces coteaux se démarque, elle est même devenue un atout. Avec des rendements a minima, les blancs notamment tirent leur épingle du jeu. Les paysages préservés et encaissés, à l’entrée de la Tarentaise, valent absolument le coup d’oeil, le travail effectué y est dantesque et force le respect. Les vins sont pleins et mûrs, propulsés par des élevages savamment dosés où le bois transparaît peu et s’intègre parfaitement au vieillissement. Les blancs (à base de jacquère, chardonnay, roussanne, mondeuse blanche, altesse, pinot gris) offrent beaucoup d’ampleur, de la tension et de l’ambition. Des fûts Stockinger sont entrés pour le millésime 2016. Les rouges (à base de persan, mondeuse, gamay) ont du fond, de la densité, sans dureté ni rusticité aucune. Ce sont des vins complexes assez étonnants, à carafer et préparer, qui vieilliront bien une petite dizaine d’années.

Domaine Pascal et Annick Quénard (Chignin)

Installé au Villard, sur la commune de Chignin depuis 1987, Pascal Quénard cultive aujourd’hui 6,5 hectares. Même si la démarche et la réflexion ont fleuri dans son esprit il y a trente ans déjà, et ont été appliqués dans les faits, le passage officiel au bio n’est effectif que depuis 2016, premier millésime certifié. La gamme est aussi convaincante que complète, en progression année après année. Les blancs, malolactique faite, offrent un bon confort de bouche et beaucoup de gourmandise. Les deux mondeuses cherchent la finesse et le floral, avec réussite. Les 2016 dégustés cette année en bouteille confirment amplement le style du domaine et sa bonne tenue, avec toujours une mention spéciale pour la mondeuse L’Etoile de Gaspard et le chignin-bergeron Noé. Une adresse à découvrir et à visiter, un nouveau caveau d’accueil permet de déguster sereinement.

Domaine Partagé (Chignin)
Installé sur les coteaux abrupts de Chignin, entre calcaires, limons et argiles, Gilles Berlioz a troqué voilà près de trente ans ses habits de paysagiste pour ceux de vigneron, non sans réussite. Son exploitation à taille humaine, réduite à cinq hectares, lui permet de cultiver la vigne comme un jardin, en biodynamie depuis 2007. Il était parmi les premiers à l’aube des années 2000 à opter pour l’agriculture biologique, parce que « le vin est fait avant tout pour être bu » et qu’il peut ainsi, grâce à de petits rendements, obtenir des matières concentrées et mûres sans de gros degrés. À partir de 2016, le domaine s’appelle Partagé et fonctionne selon un modèle coopératif et solidaire. Les vins sont vinifiés selon le mode « un terroir, une cuvée ». Titrant peu de degré alcoolique, jamais chaptalisés, toujours mûrs à point, les blancs sont aboutis, purs, minéraux et délicats, même si on note çà et là quelques irrégularités d’une année sur l’autre. Les 2016 et 2017 ont donné de belles réussites, réunies dans une gamme raccourcie.

Domaine du Cellier des Cray (Chignin)
Cousin de Gilles Berlioz, Adrien Berlioz s’est installé en 2006 sur les coteaux de Chignin et d’Arbin. Intègre et pointilleux, le trentenaire va jusqu’au bout de sa démarche bio, jonglant avec les millésimes et les terroirs. Car d’une année sur l’autre, il ne vinifie pas forcément les mêmes parcelles, selon les fermages alloués. Porté à 6,5 hectares aujourd’hui, le domaine fait partie des références de Savoie, offrant des vins denses, sincères, hétérogènes selon les cuvées, mais toujours ancrés dans leur terroir. Les très nombreuses cuvées sont proposées dans des bouteilles lourdes de belle facture. Eclat et finesse pour les blancs, fraîcheur et profondeur pour les rouges caractérisent ces vins produits à petits volumes. Le millésime 2017, de belle facture, offre une gamme de dix-huit vins.

Le domaine J.F. Quénard, au pied des tours de l’ancienne forteresse de Chignin.

Domaine Jean-François Quénard (Chignin)
Jean-François Quénard a pris la suite de son père en 1987, après un diplôme d’oenologue à Dijon. Les cinq hectares d’origine ont été élargis par fermage pour arriver à dix-sept aujourd’hui. Avec son épouse Catherine, il gère le domaine en bon père de famille, en agriculture raisonnée. Mais chemin faisant, il réalise quelques essais en bio sur cinq hectares de jacquère, pratique les labours et les griffages, l’enherbement, etc. Les blancs sont effilés, minéraux, purs, d’une régularité réjouissante. Ils jouissent d’une maturité idéale, sans excès, et de beaucoup de finesse. Chaque année, les chignin-bergeron Au Pied des Tours et Comme Avant sortent du lot. Les rouges sont complets et généreux, il faut les carafer ou les attendre car ils en ont le potentiel et l’ambition. La mondeuse Élisa se distingue elle aussi. Le reste de la gamme est du même acabit, avec toujours un bon relief de bouche et de l’ampleur. La qualité est exemplaire et ne cesse de progresser. Le crémant nouvellement arrivé survole la catégorie. Une valeur sûre.

Cellier de la Baraterie (Cruet)
À tout juste 25 ans, Julien Viana n’a peur de rien. L’outsider de la Savoie confirme sa lancée et incarne le renouveau du vignoble savoyard. Il exploite depuis 2014 une quinzaine de parcelles à Cruet, Saint-Jean-de-la-Porte et Arbin, soit dix hectares. La coccinelle, mascotte des étiquettes, est le symbole de « vignes cultivées de façon naturelle, sans désherbant ni produit chimique », certifiées bio depuis le millésime 2017. Maniant tous les cépages jusqu’au gamay et à la malvoisie, le plus jeune vigneron de Savoie opère un travail méticuleux, conscient que chi va piano va sano. La production est très soignée, la gamme d’égale réussite, c’est un bonheur.

Vendanges au château de Mérande, c’est l’heure de ramasser la jacquère.

Château de Mérande (Arbin)
André et Daniel Genoux ont relancé l’exploitation familiale il y a dix ans. Ils ont alors racheté et entièrement rénové la splendide forteresse du XIIe siècle qui fait office de caveau. Souhaitant réserver la marque Domaine Genoux à la grande distribution, ils mettent en avant Château de Mérande, des vins bien calibrés et soignés, axés sur les mondeuses. Depuis 2008, Yann Pernuit (passé par la Bourgogne et vinificateur avisé) a rejoint l’aventure en tant qu’associé. Sous son impulsion, le vignoble de douze hectares a été converti à la biodynamie et les vins ont largement progressé et gagné en justesse et en profondeur. Ils séduisent d’abord par leur pureté de fruit et d’expression, notamment les mondeuses qui sont la marque de fabrique de la maison. Ce sont des vins droits, habilement vinifiés sous bois, aux élevages parfois un peu démonstratifs, mais qui s’apaisent à la garde et surtout qui progressent d’année en année. Les blancs sont généreux et toujours très mûrs, ronds et bien loin des standards des petits blancs de la Savoie. Ici, on veut faire du grand vin et on s’en donne les moyens, avec une régularité salutaire.

Domaine La Combe des Grand’Vignes (Chignin)
Les frères Berthollier ne ménagent pas leur peine à conquérir les coteaux abrupts de Chignin, privilégiant le bergeron et la jacquère, leurs cépages principaux. Le vignoble compte onze hectares, dont de vertigineuses parcelles plantées plein sud face au massif de la Chartreuse, sur des pentes atteignant au sommet 55 % de déclivité. Ces versants de roche dure et d’éboulis calcaires sont bien entendu assez chers à exploiter et surtout pénibles à la tâche. Les élevages avec bâtonnage généreux appartiennent désormais au passé. Avec moins de remise en suspension des lies, plus de garde et la mise au ban des sucres résiduels, les blancs ont atteint un superbe niveau de pureté. Les chignin-bergeron notamment sont magnifiques de confort et de tension, avec des élevages parfaitement ajustés. Les rouges sont souples et friands, avec une mention spéciale pour la mondeuse Les Granges Tissot, de totale plénitude. Depuis 2017, le domaine est en conversion bio. Une adresse devenue incontournable pour la précision et l’éclat des vins.

Domaine Fabien Trosset (Arbin)
Depuis 2011, Fabien Trosset et sa compagne Chloé incarnent avec panache la nouvelle garde. Les vignes familiales ont peu à peu été sorties de la cave coopérative au décès du père de Fabien. Le domaine s’est ensuite agrandi par opportunités, grignotant les belles terres du voisinage jusqu’à former aujourd’hui une superficie importante. Avec 17,5 hectares, dont 14 consacrés à la mondeuse d’Arbin, il est ainsi le plus gros propriétaire du cru, forgeant des vins de grand caractère, vinifiés en vendange entière, désormais dans une nouvelle cuverie. Les rouges du cru Arbin, sur les puissantes argiles rouges, reflètent parfaitement la puissance et l’équilibre de ce terroir réputé. La cuvée Malatret est d’un style avenant et plus immédiat, Avalanche constitue la grande cuvée, apte à vieillir plus longtemps, Les Éboulis marque l’entrée de gamme idéale. Une quatrième mondeuse, baptisée 1952, a fait son entrée en 2016, avec un élevage en fûts et demi-muids. Les blancs, minoritaires, lient fraîcheur et générosité dans une tension idéale. Le tout à des prix super doux.

Dominique Belluard (Ayse)
Il est le spécialiste mondial du gringet, une variété endémique dont il ne reste que vingt hectares dans le monde. Depuis 1988, il cultive dix hectares dans la vallée de l’Arve à Ayse (à trente kilomètres au sud-est de Genève), convertis à la biodynamie depuis 2001, sur trois terroirs de terrasses, abrités des vents du nord : des marnes jaunes, des argiles rouges au lieu-dit Le Feu et des éboulis calcaires, plantés de gringet, d’altesse (5 %) et de mondeuse (5 %), à une densité de 10 000 pieds à l’hectare, entre 425 et 550 mètres d’altitude. Tout est ici pensé pour préserver le fruit intact et le maximum de pureté, avec des élevages en amphore ou en oeuf béton, avec levures indigènes. Un domaine unique, aux vins étonnants, à voir de très près.

Domaine Jean Masson (Apremont)
Au pied du mont Granier, Jean-Claude Masson manie la jacquère comme personne. Autant dire que ça décoiffe car le maître des lieux est plutôt du genre loquace. Les neuf hectares sont cultivés en “viticulture Masson”, la plus respectueuse possible des sols, sans certification. Chaque coteau est vinifié à part, ce qui donne dix cuvées d’apremont aussi pures et fraîches les unes que les autres, et une roussette. Ici on fait « du vin avec des raisins », sans tralala ni fûts, du mieux possible. De l’autre côté de l’Atlantique, on boit du J.C. Masson (prononcez « Jessie Maïssonne »). Remettez vos palais à zéro car ces jacquères-là vont vous étonner. Jean-Claude Masson réussit sans doute les meilleures de la région, toujours ramassées très mûres, après tout le monde, et qui savent vieillir à merveille. Cela paraît un peu fou, et pourtant ces blancs ciselés, toujours tendus et droits à leurs débuts, gagnent en corpulence au fil des années, les vignes centenaires aidant. Le millésime 2016 s’inscrit dans la lignée de la Masson’s touch.

Cette sélection est issue du numéro #15 du magazine En Magnum

Les déviances inacceptables de certains vins, par Michel Bettane

De mises en scène contemporaines et illisibles aux déviances inacceptables de certains vins, notre dégustateur tire des conclusions consternées.

Quand nous vieillissons, notre perception du temps ralentit sans que nous nous en apercevions. Ou, en tout cas, avance plus lentement que celle des générations plus jeunes. Ce qui est pour nous un passé immédiat en matière d’émotions liées à l’art, aux saveurs, aux odeurs, attachées à notre propre éducation, peut sembler aux plus jeunes préhistorique et, par là même, incompréhensible. Jusqu’à ce point, rien que de sain, de normal et annonciateur de renouveau. Quand la transmission du savoir défaille parce que l’accélération fulgurante des technologies laisse sur place les modes traditionnels de l’enseignement, le pire est à craindre. Récemment à l’opéra Bastille, une mise en scène « moderne » et dérangeante des Troyens de Berlioz m’a littéralement traumatisé. J’ai éprouvé, jeune, des émotions considérables à fréquenter Virgile dans le texte et j’ai eu la chance d’apprendre à lire la musique, à respecter la discipline du solfège. Notre enseignement humaniste de l’histoire nous apprenait à mettre toute création artistique dans une juste perspective historique et à chérir l’imaginaire et le style des grands créateurs. Voir une bande d’idiots hystériques agiter des drapeaux ou des ballons pour représenter le peuple troyen, son aristocratie déguisée en habits de dictateur sud-américain ou de pimbêches proustiennes, Troie, puis Carthage trahies non pas par la ruse des Grecs ou la volonté des dieux, mais par la veulerie du héros de l’Enéide, futur fondateur de Rome, imaginer Cassandre violée par son père et surprendre Didon en directrice déjantée d’hôpital psychiatrique, tout cela ne laisse pas indifférent. Sans parler des maladresses de solfège et de diction ou de coupures inadmissibles dans la partition. Quand vos voisins applaudissent frénétiquement et que quelques clercs crient au génie dans la presse, vous commencez à vous demander si vous n’avez pas migré dans un monde parallèle.

De l’opéra au vin, le passage est facile avec la mode pour nous incompréhensible des vins déviants. Rouges aux arômes décomposés, à la limite de la puanteur, troubles, gazeux, blancs amollis, plus proche de la pomme blette que de la fleur de vigne, plus orangés que votre jus d’orange préféré. Des milliers de jeunes dégustateurs de Tokyo à San Francisco, d’Adélaïde à Paris, de Londres à Milan ne jurent plus que par eux. Attention, je ne me permettrais pas de mettre dans le même sac les vins autoproclamés « nature » qui peuvent être fruités, aimables à boire jeunes et donc capables de redonner l’envie de boire du vin. Je parle bien de vins avariés, nés de la paresse et de l’incompétence de leur élaborateur ou bien, c’est plus tragique, de son désir de casser les codes en exprimant sa haine de toute tradition, de toute discipline jugée castratrice au lieu de formatrice. Oublier ses racines, jubiler à l’idée de jeter à la poubelle les luttes et les efforts de ceux qui vous ont précédé, au nom d’une vision paradoxalement perverse d’une modernité qu’on déteste et dénonce, est un signe inquiétant de retour à la barbarie en matière de goût. Comme de s’habituer à des défauts qu’on s’est amusé un premier temps à aimer par plaisir de désobéir. Ne plus vouloir raconter en la renouvelant la longue histoire des terroirs, voilà qui ressemble fort à la folie de metteurs en scène se croyant inspirés, confortés par la curieuse addition de clercs qui trahissent et de moutons analphabètes qui suivent ces bergers inconséquents.

Cet éditorial est extrait d’En Magnum #15

Nos 30 rosés de l’été

Par-delà les régions qui le produisent, quels que soient les cépages dont il est issu, peu importe la technique qui l’a engendré, le rosé est un art de vivre, une façon d’apprécier le vin. Désormais consommé toute l’année, il reste un grand plaisir d’été. Il y en a pour tous les goûts. Peu coloré, fruité et frais, il se boira sans arrière-pensées. Plus structuré, charnu voire épicé, il ose des accords de fins gourmets.

Domaine du Gros’Noré, bandol 2017
Ce domaine réputé dans l’appellation a considérablement progressé en finesse sur les derniers millésimes, en rouge, mais aussi en rosé. En équilibre et en dentelle, c’est un vin qui évolue régulièrement sur plusieurs années, ce qui n’est pas la norme en Provence.

17 euros
gros-nore.com

Château Pibarnon, bandol 2018
Peut-être le château le plus réputé de toute la Provence, sous la direction d’Eric de Saint-Victor, qui y réussit sans égal les blancs, les rouges et bien entendu les rosés. Avec son toucher en élégance et sa belle finesse, il goûte déjà très bien et se gardera plusieurs années.

21 euros
pibarnon.com

Domaine Ott, Château Romassan, bandol 2018
Romassan fait partie des domaines Ott depuis 1956, aujourd’hui c’est la maison de champagne Roederer qui est à la tête de cette vaste entité provençale. Les notes salines et florales font autant penser à un blanc qu’à un rosé, celui-ci ne manque pas de fraîcheur.

26 euros
domaine-ott.com

Clos Dubreuil, Clara, bordeaux clairet 2016
Ce rosé est un clairet élaboré à partir de vignes en appellation saint-émilion et destinées à produire le clos-dubreuil rouge. Couleur rose orangée soutenue. Au nez, une forte expression de fleurs et de fruits rouges (groseille), sa bouche est vive et élancée, parfait pour un pic-nique chic.

16 euros
closdubreuil.fr

Domaine Pieretti, Rose Marine, corse 2018
Lina Pieretti-Venturi dirige ce domaine qui figure parmi l’élite des propriétés corses en tirant la quintessence de l’originalité d’un microclimat marin qui imprègne les raisins. Les rosés y affichent une vraie élégance, avec une grande texture.

17,90 euros
vinipieretti.com

Terra Vecchia, Clos Poggiale, corse 2018
Le secteur d’Aléria est depuis les Romains réputé pour son potentiel viticole. L’ensoleillement y est abondant et le clos Poggiale est abrité de l’humidité de l’étang de Diana, ce qui lui confère un microclimat particulier. Le rosé y est régulièrement de belle finesse.

16,80 euros
Clospoggiale.fr

Château Beaulieu, Cuvée Alexandre, coteaux-d’aix-en-provence 2018
Un terroir très particulier puisque les vignes sont situées au coeur d’un cratère d’un volcan endormi, ce qui confère aux vins une définition très particulière. Gourmand dans ses parfums, grenadine et bonbon, sa rondeur permet de l’apprécier jeune.

9,50 euros
chateaubeaulieu.fr

Château Vignelaure, coteaux-d’aix-en-provence 2018
Bengt Sundstrom a repris la propriété autrefois créée par Georges Brunet, qui avait identifié sur ce terroir tout le potentiel du cabernet-sauvignon. Les rosés de la propriété sont toujours charnus et pleins de saveurs, ce sont des vins taillés pour la table.

15,90 euros
fr.vignelaure.com

Château La Calisse, Patricia Ortelli, coteaux-varois-en-provence 2018
Sur ce vignoble de douze hectares balayé par le mistral, Patricia Ortelli conduit ses vignes selon les principes de l’agriculture biologique. Très marqué par les notes d’agrumes et de thiols, ce rosé est techniquement très bien maîtrisé.

24 euros
chateau-la-calisse.fr

Château Roubine, Inspire, coteaux-varois-en-provence 2018
La dynamique Valérie Rousselle a bien en main la destinée de cette propriété emblématique de Provence, sur un site déjà exploité par les Templiers au XVIème siècle. Les rosés ont ici un toucher soyeux et un raffinement ne bouche qui les destinent à la table.

25,50 euros
chateauroubine.com

Château Barbeyrolles, Pétale de Rose, côtes-de-provence
Tout proche de Saint-Tropez, sur un terroir de schistes, Régine Sumeire a défini un style de rosés à la robe très claire qui a conquis toutes les tables de la Provence et au-delà. La couleur est délicate et les parfums, en finesse. Le style est devenu indémodable.

19,50 euros
Barbeyrolles.com

Château Cavalier, Grand Cavalier, côtes-de-provence 2018
Une vaste propriété d’un seul tenant entourée apr les bois, ce qui régule les températures comme les précipitations. La famille Castel a su identifier les terroirs correspondant aux rosés. Belle réussite dans cette cuvée à la fois ronde et fruitée, enjouée et plaisante.

17 euros
chateau-cavalier.com

Château Gassier, Esprit Gassier, côtes-de-provence 2018
Gassier constitue la tête de pont provençale des maison advini. La Réflexion sur l’ensemble de la gamme est aujourd’hui accomplie et l’accueil oenotouristique à la propriété, au pied de la Saint Victoire, vaut le détour. Ce rosé en pureté et en finesse, exprime une minéralité qui fait merveille sur des poissons fins.

12 euros
chateau-gassier.fr

Château La Gordonne, La Chappelle Gordonne, côtes-de-provence 2018
Cette très vaste propriété (280 hectares) appartient au champenois Paul-François Vranken, aussi propriétaire de la prestigieuse marque Pommery. Franche réussite pour ce rosé équilibré entre fruits et finesse, de belle fraîcheur, à la finale harmonieuse.

22 euros
lagordonne.com

Château Maïme, Origine, cotes-de-provence 2018
Maïme (Maxime en provençal) doit son nom à la chapelle Sainte-MAxime érigée au coeur de la propriété de 40 hectares de vignes au pied du massif des Maures. Bien fait, avec un bon fruit, ce rosé s’apprécie sans plus tarder.

14 euros
chateau-maime.com

Maîtres vignerons de la presqu’île de Saint-Tropez, Gold, côtes-de-provence 2018
La cave coopérative de Saint-Tropez dispose d’un vignoble idéalement situé au coeur d’une des presqu’îles les plus réputées au monde. Ce rosé ambitieux et équilibré nous régale de sa finesse fruitée à table.

12,60 euros
vignerons-saint-tropez.com

Château Malherbe, côtes-de-provence 2018
Le château est situé à deux pas du fort de Brégançon, fameuse résidence d’été des présidents de la République. L’histoire ne dit pas si ceux-ci dégustent le rosé de la propriété, toutefois ils auraient intérêt à le découvrir, sa fraîcheur soulignée par la salinité de la mer toute proche ne le rend que plus savoureux.

28,45€
chateau-malherbe.com

Domaine de Rimauresq, Quintessence, côtes-de-provence 2016
Ce cru classé de Provence revient progressivement au premier plan, et ce n’est que justice pour ce terroir de gré, de schistes et de quartz, en cours de conversion à l’agriculture biologique. Un rosé classique dans son expression aromatique, frais, fin et digeste à la fois.

16 euros
rimauresq.eu

Château Sainte Roseline, La Chappelle de Sainte Roseline, côtes-de-provence 2018
Sainte-Roseline continue d’accorder sa protection à la chapelle au coeur de la propriété. La gamme est déclinée en plusieurs niveaux, le sainte-roseline étant, à l’évidence, située tout en haut de l’affiche. Toujours charnue et ample, cette cuvée demande toujours un peu de temps en bouteille. Sachons attendre les grands rosés.

25,40 euros
sainte-roseline.com

Domaine Chante-Cocotte, La Cocotte Rose, IGP pays d’oc 2018
Ce domaine est de création récente, le premier millésime est 2010. Dans ce secteur sud de la montagne d’Alaric, le vignoble ignore le stress hydrique. Ce rosé au fruité fin (mandarine) offre un toucher tout en caresse, délicat et élégant.

18 euros
chantecocotte.com

Domaines Paul Mas, Gris Mas, IGP pays d’oc 2018
Ce vaste domaine viticole élabore une très large gamme, avec un style moderne assumé jusque dans les étiquettes, mais où la technique n’enlève rien au plaisir. Ce rosé est fruité et équilibré, avec une texture glissante en bouche.

7 euros
paulmas.com

Domaine d’Aigues Belles, Cuvée du Poirier des Rougettes, languedoc 2018
Ce domaine d’ancienne réputation est aujourd’hui exploité par Gilles Palatan et ses neveux Gilles et Thierry Lombard. Issu d’une majorité de grenache et obtenu par pressurage, ce rosé offre des notes de fruits bien mûrs et une bouche ronde et en finesse.

9,90 euros
aigues-belles.com

Château la Sauvageonne, La Villa, languedoc 2018
Faut-il encore présenter Gérard Bertrand? C’est l’une des plus belles success story du vignoble languedocien, il a su hisser ses différentes propriétés au premier plan. Ce rosé est né sous un grand soleil, son fruité est généreux, sa bouche charnue et dense ne manque pas d’équilibre.

45 euros
gerard-bertrand.com

Domaine Hauvette, Petra, les-baux-de-provence 2017
Un vignoble en biodynamie cultivé avec soin et passion par Dominique Hauvette une grande dame de Provence, ce qui permet à ses différentes cuvées de bien se tenir dans le temps. Le rosé offre une large palette aromatique et une rare élégance en bouche.

22 euros
04 90 92 03 90

Château Romain, les-baux-de-provence 2018
La propriété a été reprise par la famille Charmolüe (ex-Montrose à Saint-Estèphe), qui l’a convertie à la biodynamie et a récemment bâti un nouveau chai pour obtenir le meilleur du raisin. Les rosés ici ne sont jamais exubérants, mais en finesse, sur des notes florales et poivrées.

17,50 euros
chateauromanin.com

Domaine La Cavale, Petite Cavale, lubéron 2018
Paul Dubrule a su créer un lieu absolument splendide pour mettre en valeur sa production, avec la complicité de l’architecte Jean-Michel Wilmotte. On y déguste encore mieux ce rosé pimpant et croquant, tous fruits dehors, glissant et léger.

11,50 euros
Domaine-lacavale.com

Famille Perrin, La Vieille Ferme, lubéron 2018
On ne présente plus la famille Perrin, propriétaire du fameux château de Beaucastel à Châteauneuf-du-Pape. La vielle Ferme est une florissante activité de négoce, qui brille dans toutes les appellations. Ce ventoux rosé est charbu et bien en fruits, pour un plaisir décontracté.

5,10 euros
familleperrin.com

Plaimont, Rosé d’Enfer, saint-mont 2018
Un rosé du Gers bien connu,dans tous les sens du terme,son nom attire l’oeil et son étiquette soulève autant de curiosité, il faut juste se laisser séduire par sa franche rondeur fruitée en bouche, son équilibre frais et digeste.

8,30 euros
plaimont.com

Domaine Maby, Libimo, tavel 2017
Un domaine d’une rare régularité, qui excelle dans toutes les appellations de ce secteur du sud de la vallée du Rhône. Le tavel y est une référence, puissant, gourmand et parfumé, souvent tiré en finale par des notes de cerise à l’eau-de-vie. Une sorte de « rosé alpha ».

17,70 euros
domainemaby.fr

Rhonéa, Fontimple, vacqueyras 2018
Rhonéa est né de la fusion des caves coopératives de Beaumes-de-Venise et de Vacqueyras. Ce rosé figure dans le haut de gamme de la catégorie, généreux, puissant et surtout bien en fruit, ce qui est l’une des caractéristiques de on appellation.

13,20 euros
rhonea.fr

Cette sélection est à retrouver dans En Magnum #16, en kiosque jusqu’au 31 août. 

Émile Castéja, la famille et Bordeaux

C’est avec tristesse que nous avons appris la disparition à l’âge de 97 ans d’Émile Castéja. Figure emblématique du vignoble bordelais, il avait assuré la direction du négoce familial et des propriétés Borie-Manoux de 1961 à 2001 avant que son fils, Philippe Castéja, puis son petit-fils, Frédéric Castéja, ne lui succèdent.

Impliqué jusqu’à la fin de sa vie dans la holding familiale Borie Castéja Animation Participation (BCAP) – l’une des dernières indépendantes de Bordeaux – dont il était toujours le président du conseil de surveillance, Émile Castéjà veillait sur les nombreuses propriétés de la société (parmi elles, trois crus classés, les châteaux Batailley, Lynch-Moussas et Trotte Vieille), plusieurs maisons de négoce et deux sites de vente en ligne.

À sa famille et aux équipes de BCAP, nous présentons nos condoléances sincères.

Les vignobles vus de la mer

Il ne vous aura pas échappé que (presque) tout le monde est en vacances. Si vous êtes au bord de la grande bleue, voici un itinéraire pour visiter les plus beaux vignobles avec vue sur mer.

Toute l’équipe de Bettane+Desseauve vous souhaite de très jolies vacances, on revient fin août.

 
Par Pascale Cassagnes
Cette sélection est à retrouver dans En Magnum #16, en kiosque jusqu’au 31 août, rubrique Soirée diapo.

Vue de rêve à Saint-Tropez

Les coteaux de vignes du domaine de La Croix trempent leurs derniers schistes dans la grande bleue et le microclimat de la mythique presqu’île, ensoleillement unique et brise marine, donne à cette propriété de 108 hectares tous les atouts pour briller. Si chacun des trois terroirs du plus vaste des crus classés de l’AOC côtes-de-provence offre une vue époustouflante, celui dit de la Bastide Blanche, cerné de pins parasols, flirte avec une plage de sable fin, entre le cap Taillat et le cap Lardier. Un cadre paradisiaque qu’une culture raisonnée s’attache à préserver.
Domaine de la Croix. 816, boulevard Tabarin, 83420 La Croix-Valmer

Une escale au bout du monde

Jetez l’ancre ! Il est en effet possible d’accoster à Malherbe, ancienne ferme du fort de Brégançon, par le petit port de pêche du domaine. Son équipe vient à votre rencontre et vous emmène à terre pour une visite de la propriété et une dégustation de ses deux terroirs, celui de Malherbe, à flanc de coteaux, et celui de La Pointe du Diable, avec ses vignes les pieds dans l’eau. Pour profiter des multiples points de vue du vignoble sur les îles d’Or, la rade de Hyères et le massif des Maures, on le sillonne en 4×4 ou au guidon de vélos électriques.
Château Malherbe. Route du Bout du Monde, 83230 Bormes-les-Mimosas

Banyuls, les pieds dans l’eau

Sur les derniers contreforts des Pyrénées, le vignoble de Banyuls déferle en terrasse pour former un vaste amphithéâtre ouvert sur la Méditerranée. Dans une baie préservée, les vignes des domaines Cazes plongent leurs racines en profondeur dans les anfractuosités du schiste brun réchauffé par un soleil ardent ou rafraîchi par l’air du large qui laisse dans les vins son empreinte iodée. à déguster sur place, à la table du domaine où les poissons sont à l’honneur, avant de partir à la découverte du vignoble, de près – un sentier est aménagé au cœur des vignes – comme de loin, le temps d’une balade en kayak ou paddle.
Le Clos de Paulilles. Paulilles, 66660 Port-Vendres

Haut de la vague provençale

à l’abri du massif des Maures, dans les doux embruns du golfe de Saint-Tropez, ce cru classé de Provence est en pleine renaissance depuis 2011, sous la conduite de Roger Zannier, leader de de la mode enfantine. Un excellent capitaine respectueux de ce terroir avec vue imprenable sur les vestiges du château de Grimaud, situés en surplomb des maisons et vignes, garrigue et chênes-lièges. Baptisée “Les saveurs d’un cru classé”, la visite privée de cet écrin provençal se fait sur rendez-vous. Dégustation des cuvées Excellence, M de Saint Maur et Clos de Capelune, issue des plus hautes vignes de l’appellation (449 mètres d’altitude), à la finale saline comme un écho de la mer toute proche.
Château Saint-Maur. 537, route de Collobrière, 83 310 Cogolin

Vignes et vagues

Derrière les chais de La Sanglière, la plage est à 500 mètres, au cœur d’un site protégé. Deuxième génération à diriger ce domaine familial, Rémy et Olivier Devictor font découvrir leur exceptionnel terroir de schiste et d’argile tempéré par une brise marine quotidienne où les grenaches, cinsaults, rolles et autres cépages locaux se gorgent d’arôme et de caractère. Entre vignes et plage du Pellegrin, un gîte permet de prolonger son séjour. à proximité, le sentier du littoral s’étire jusqu’au fort de Brégançon, avec de petites criques où piquer une tête. Un peu d’eau dans son vin.
Domaine de la Sanglière. 3886, route de Léoube, 83230 Bormes-les-Mimosas

Les possibilités d’une île

à quelques minutes de bateau de la presqu’île de Gien, la vigne a trouvé son éden à Porquerolles. Protégé des vents par les haies de joncs, le vignoble de la Courtade est planté sur un schiste métamorphique que I’on ne retrouve ailleurs qu’à 500 mètres d’altitude – où la vigne ne pousse que rarement – et travaillé en bio depuis toujours. Outre ses rolles et mourvèdres, Edouard Carmignac cultive ici une autre passion, l’art contemporain. Au milieu d’un jardin de sculptures, sa fondation réunit 300 œuvres de sa collection personnelle, « plutôt mes écailles posées sur les murs », dit-il, dans un espace d’exposition offrant des échappées visuelles sur les vignes.
Domaine de la Courtade et Fondation Carmignac. Ile de Porquerolles, chemin Notre Dame, 83400 Hyères

En terrasse sur le cap Canaille

Comme un navire, le domaine Clos Sainte-Magedeleine semble prêt à fendre les flots avec ses parcelles de vignes dessinant une proue à quelques mètres du rivage. Derrière, les restanques s’étagent sur le flanc calcaire du cap Canaille, la plus haute falaise maritime de France. Partout où les yeux se posent, la vue est saisissante sur la baie de Cassis et l’horizon. à la barre de ce magnifique domaine qui appartient depuis 1920 à la même famille, Jonathan Sack-Zafiropoulo est aussi le président de l’appellation cassis. De la belle terrasse avec vue au caveau récemment restauré, les visites se prolongent autour du rosé et des blancs de la propriété, à la saveur iodée caractéristique appelant les saveurs du large.
Clos Sainte-Magdeleine. Avenue du Revestel, 13260 Cassis

Jazz, tapas et bandols sous les étoiles

Formant un vaste amphithéâtre naturel digne de celui d’Epidaure, ce vignoble cultivé en restanques offre un spectacle ininterrompu sur la Méditerranée. à une moyenne de 300 mètres d’altitude, le regard embrasse les pitons rocheux du Castellet, le massif de la Sainte Baume et le cap Sicié. La magie du site vibre encore plus intensément l’été, quand Eric de Saint-Victor rouvre les grilles de son domaine le soir pour des dégustations au son du jazz sous les pins sculptés par les vents marins. Au loin, le soleil couchant empourpre le ciel et les flots avec des harmonies de rouge et de rose que l’on retrouve dans les cuvées, servies avec des assiettes du terroir. Pupilles et papilles à l’unisson.
Château de Pibarnon. 410, chemin de la Croix des Signaux,
83740 La Cadière-d’Azur

Jeter l’ancre entre le ciel et l’eau

Aux confins de Bandol, sur le point culminant de l’appellation (400 mètres), cette ancienne étape des pèlerins en route vers la Sainte-Baume retrouve sa vocation d’accueil avec ses quatre chambres d’hôtes. On y pose ses valises, le temps de découvrir le domaine, véritable balcon aérien ouvert sur le large et la baie de La Ciotat. Cultivées en bio, les vignes captent les senteurs de garrigue poussées par l’air marin. Le chai d’élevage baigne dans l’atmosphère sereine d’une ancienne chapelle du VIIe siècle. La dégustation, partagée entre les vins et l’huile d’olive vierge extra bio produite ici, restitue toute l’âme gourmande de la Méditerranée.
Domaine de la Bégude. Route des Garrigues, 83330 Le Camp du Castellet

Immersion dans les saveurs terriennes

Un chemin qui semble grimper jusqu’au ciel. Au bout, un panorama impressionnant du massif de la Sainte-Baume au mont Caume. C’est ici que Caroline et Philippe Chauvin ont pris un nouveau cap en 2010. Après la mer (ils ont fondé le Comptoir du caviar), ils se sont tournés vers la terre en créant ce vignoble en restanques de quinze hectares, dont huit enAOC bandol. Avec autour, tout un écosystème de la douceur de vivre provençale, quatre chambres d’hôtes, trois villas tout juste rénovées, une terrasse au-dessus du chai et une ferme-auberge où déguster les fruits, légumes, herbes aromatiques, huile d’olive et volailles élevées au milieu des vignes. « Le partage autour d’un bon plat est le meilleur moyen d’apprécier nos vins. »
Domaine de la Font des Pères. Chemin de la Font des Pères, 83330 Le Beausset

Cap sur La Clape

Sur la route de Narbonne, la « bergère d’azur infinie » chère à Trenet, et ses vents décoiffants déposent leur sel sur les vignes du massif de La Clape. Au cœur de ce site classé qui est aussi une AOC, le château L’Hospitalet fait briller toutes les facettes d’un certain hédonisme méditerranéen. Cave de dégustation, ateliers d’initiation, espace d’art contemporain, hôtel trois-étoiles logé dans un ancien hospice du XIIIe siècle, restaurant avec “buffet de vins” déclinant vingt-quatre crus signés Gérard Bertrand et tout un flot d’événements célébrant les vendanges, la taille de la vigne et la musique (dont le jazz, qui a son festival au domaine fin juillet).
Château L’Hospitalet. Route de Narbonne Plage, 11104 Narbonne

Sables émouvants

Au pied des remparts d’Aigues-Mortes, ce vignoble atypique a les pieds dans le sable et regarde la mer et les lagunes de la Petite Camargue. Ses rangs de grenache sont en partie plantés francs de pied, car le sol leur a permis d’être épargnés par le phylloxéra au XIXe siècle. Après la visite des chais historiques et une dégustation des cuvées bio (Gris de Gris, Pink Flamingo), ce vaste domaine de plus de 900 hectares (dont 429 de vignes) nous embarque autour des taureaux de la manade, des gardians à cheval, des marais salants et des flamants roses, au cœur de cette réserve naturelle où se fondent les eaux douces et salées.
Domaine Royal de Jarras. Jarras, 30220 Aigues-Mortes

Le trésor des Templiers

Ici, la Méditerranée fait face à un autre géant, les Pyrénées. à ce point de rencontre exceptionnel, les ceps importés dans l’Antiquité par les marins grecs (grenache en majorité) s’accrochent sur des pentes abruptes qui dévalent de 600 mètres à 100 au-dessus du niveau de la mer. Héritée des Templiers, l’architecture des vignes est aussi belle qu’ingénieuse avec ses murets en pierres sèches (feixes), ses rigoles empierrées (agulles) et ses canaux en forme de Y (peos de gau). Toute une histoire, et bien d’autres, à découvrir lors d’une escapade dans les vignes en compagnie d’un vigneron de la cave, suivie d’une dégustation de banyuls et collioure avec le maître de chai.
Terres des Templiers. Route du Mas Reig, 66650 Banyuls-sur-Mer

 

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