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Local et global

Organisée chaque année depuis 2011, la journée “responsable” de Pernod Ricard concerne les 18 500 collaborateurs du n°2 mondial des vins et spiritueux qui se consacrent ce jour-là à autre chose qu’à leur travail. Jeudi dernier, « le défi était de construire et de rénover des espaces de rassemblements au profit des communautés locales. » Alexandre Ricard, président-directeur général de Pernod Ricard, explique que la sixième édition de cet événement « sans équivalent» qui permet aux collaborateurs d’être les ambassadeurs des engagements de l’entreprise a été pour tous « une journée très particulière » :

« Nous souhaitions travailler auprès des communautés locales. Tant la quantité que la qualité des plus de cent projets réalisés en une seule journée sont impressionnantes. Nous sommes une entreprise engagée, qui s’appuie sur des collaborateurs tout aussi impliqués. »

Rénovation de maisons habitées par des familles dans le besoin (République Dominicaine), travaux de peinture, de nettoyage et de jardinage au profit d’un organisme caritatif (Nouvelle-Zélande), création d’une scène d’été avec terrasses pour l’un des plus anciens théâtre de Moscou, restauration d’un lieu de réunion dans un village aborigène (Taïwan) ou encore course à vélo au profit d’une association (Irlande), les initiatives ont été nombreuses et elles sont toutes recensées sur le site dédié, cliquez .

Le WineLab 2016 en images

Voici un petit portfolio du WineLab 3e millésime, uniquement réservé aux pros. Salon pluvieux, salon heureux ! Merci à tous les exposants et à nos visiteurs. À l’année prochaine (sous le soleil évidemment).


WineLab 2016 (101) WineLab 2016 (91) WineLab 2016 (86) WineLab 2016 (81) WineLab 2016 (76) WineLab 2016 (58) WineLab 2016 (7) WineLab 2016 (9) WineLab 2016 (14) WineLab 2016 (17) WineLab 2016 (42) WineLab 2016 (43) WineLab 2016 (53) WineLab 2016 (3) Winelab 2015 (85)

© Fabrice Leseigneur

Et aussi dans les vignes.

Le site dédié à la quatorzième édition de l’opération Rendez-vous aux jardins qui se déroule ce week-end dans toute la France propose un programme en forme de carte interactive. Ainsi, en tapant “viticole” dans la fenêtre de recherche, peut-on découvrir tous les domaines qui accueillent le public dans leurs jardins, dont certains sont privés et uniquement accessibles pour l’occasion. Il y a la commanderie de Peyrassol (nous vous en avons parlé ) et aussi le château Mentone en Provence, le château Chasse-Spleen dans le Médoc, le château de Serres à Carcassone, le jardin ampélographique du domaine de Laquirou (dans le massif classé “site naturel” de la Clape) ou encore, en tapant “vignes” cette fois, la promenade archéologique et botanique de Gigondas. Il y a bien d’autres propositions, cliquez .

Ci-dessous, printemps, été, automne et hiver : comme il y a quatre saisons, il y a quatre affiches pour illustrer cette édition 2016 dédiée aux “couleurs du jardin”.


©duofluodesigngraphique
©duofluodesigngraphique

L’art contemporain à Peyrassol


Sur les contrefort du massif des Maures, la Commanderie de Peyrassol, un très historique domaine dont l’activité agraire et vinicole remonte au XIIIe siècle, offrait déjà à la vue de ses visiteurs une cinquantaine d’œuvres monumentales (signées Arman, Folon, Bertrand Lavier, Jean-Jacques Tosello, Franco Adami, César, Dubuffet, Dan Graham, Barry Flanagan et bien d’autres) installées au cœur de ses 95 hectares de vignoble. Entièrement restauré au long de « dix ans de travaux sur tous les fronts », comprendre aussi à la vigne et au chai, le domaine pour lequel Philippe Austruy a eu un “coup de foudre” en 2001 initie ces temps-ci une nouvelle approche de l’art contemporain, plus “classique”, avec l’ouverture d’une galerie, « nouvel espace démesuré et ambitieux réalisé par l’architecte Charles Berthier » avec la complicité de l’architecte de Peyrassol, Robert Michel.

Prolongement du parc de sculptures du domaine, une collection progressivement réunie par Philippe Austruy et son épouse, Valérie Bach, galeriste à Bruxelles, la galerie Peyrassol accueille les œuvres emblématiques de la collection personnelle de son propriétaire ainsi que des expositions temporaires. Orchestrée par le jeune commissaire Alexandre Devals, celle qui vient de débuter se nomme Esthétiques industrielles et « s’attache à éclairer les différentes formes intégrant les éléments industriels dans le champ de l’art. » Rappelons que pour faire suite à une tradition d’accueil qui a quelques siècles, la Commanderie propose également à ses visiteurs une table d’hôtes aux accents provençaux (plus de renseignements ici) ainsi que cinq chambres d’hôtes à découvrir (129 euros la nuit, pour deux personnes, petit-déjeuners inclus).

La Commanderie de Peyrassol participe ce week-end à l’édition 2016 des Rendez-vous aux jardins et donne ici un aperçu de ce que vous y verrez.

Composition rouge, Alexander Liberman
Composition rouge, Alexander Liberman

Clément, Jean-Jacques Tosello
Clément, Jean-Jacques Tosello

La Chine protège les AOC


Après l’AOC bordeaux en juin 2015 – et après le cognac, le champagne, la tequila, le scotch et les vins de la Napa Valley, la Chine vient d’annoncer la reconnaissance en tant qu’indication géographique (IG) de toutes les appellations bordelaises productrices de vins tranquilles (voir ci-dessous). Le vignoble de Bordeaux est la première région viticole à bénéficier d’une protection de cette ampleur sur le marché chinois, la place prise par la Chine dans ses exportations* ayant poussé l’interprofession bordelaise à se préoccuper très tôt de la reconnaissance de ses AOC. La démarche entreprise dès 2011 par le Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB) a rencontré un écho favorable auprès des autorités chinoises et une « solide » coopération s’en est suivie, traduite « par de riches échanges entre experts chinois et français » et par des voyages, en Chine comme à Bordeaux, « pour s’imprégner et comprendre les réalités des terroirs couverts par les IG bordelaises. »

Le président du CIVB, Bernard Fargues, a salué « la forte mobilisation et le travail approfondi » de l’Administration générale de la supervision de la qualité, de l’inspection et de la quarantaine (AQSIQ) qui « a exploré tous les détails de ce sujet complexe et mené à bien les procédures administratives pour faire aboutir cette reconnaissance. » L’AQSIQ est un département de niveau ministériel avec lequel la coopération autour des IG va se poursuivre. Si cette démarche de reconnaissance des origines géographiques des vins de Bordeaux menée par le CIVB s’est fait dans l’intérêt des 6 500 producteurs et 300 négociants de Bordeaux et des professionnels chinois qui œuvrent sur ce marché, son aboutissement profitera aux amateurs chinois, les millions de bouteilles de bordeaux commercialisées en Chine (63,8 en 2015) étant désormais légalement protégées contre les abus.

“La communauté de vues entre la Chine et la France sur les valeurs des indications géographiques ainsi que le soutien constant du ministère de l’agriculture et de l’ambassade ont largement participé à faire aboutir ce dossier”
Bernard Fargues, président du CIVB

Les appellations concernées :

AOC bordeaux – AOC barsac – AOC blaye-côtes-de-bordeaux – AOC cadillac-côtes-de-bordeaux – AOC castillon-côtes-de-bordeaux – AOC francs-côtes-de-bordeaux – AOC bordeaux haut-benauge – AOC bordeaux supérieur – AOC cadillac – AOC canon-fronsac – AOC côtes-de-blaye – AOC Cérons – AOC côtes-de-bordeaux-saint-macaire – AOC côtes-de-bourg– AOC entre-deux-mers– AOC entre-deux-mers haut-benauge – AOC fronsac – AOC graves – AOC graves-de-vayres – AOC graves-supérieures – AOC haut-médoc – AOC lalande-de-pomerol – AOC listrac-médoc – AOC loupiac – AOC lussac-saint-émilion – AOC margaux – AOC médoc – AOC montagne-saint-émilion – AOC moulis ou moulis-en-médoc – AOC pauillac – AOC pessac-léognan – AOC pomerol – AOC premières-côtes-de-bordeaux – AOC puisseguin-saint-émilion – AOC sauternes – AOC saint-émilion – AOC saint-émilion grand cru – AOC saint-estèphe– AOC saint-georges-saint-émilion – AOC saint-julien – AOC sainte-croix-du-mont – AOC sainte-foy-bordeaux

*Le marché chinois accueille un quart des bordeaux exportés. La Chine est le premier marché de Bordeaux à l’export, en volume comme en valeur. En 2015, cela représentait 479 000 Hl commercialisés pour 277 millions d’euros.

Photo ci-dessus : Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, Bernard Farges, président du CIVB et Sun Dawei, vice-ministre de l’AQSIQ.

Coupe des crus bourgeois 2016


Hier soir, le caviste parisien Lavinia accueillait la compétition qui a distingué le roi parmi les bourgeois médocains. Organisée par l’Alliance des crus bourgeois du Médoc en partenariat avec le magazine Le Point, cette dégustation dont le vin d’appellation haut-médoc Château Belle-Vue est sorti vainqueur portait cette année sur 155 vins du millésime 2013.

Au total, douze lauréats ont été distingués :

Château Belle-Vue, AOC haut-médoc
Château Bibian, AOC haut-médoc
Château Coutelin Merville, AOC saint-estèphe
Château l’Ermitage, AOC listrac-médoc
Château Les Grands Chênes, AOC médoc
Château La Haye, AOC saint-estèphe
Château du Périer, AOC médoc
Château Peyrat-Fourthon, AOC haut-médoc
Château Pontoise Cabarrus, AOC haut-médoc
Château Tour Castillon, AOC médoc
Château Tour de Pez AOC saint-estèphe
Château la Valière, AOC saint-estèphe




Photo ci-dessus :
Parrain de cette édition, Yves Legrand (Chemin des Vignes), le président du Syndicat des cavistes professionnels, a remis la Coupe des crus bourgeois du Médoc 2016 aux enfants de Vincent Mulliez (Château Belle-Vue).

Vinsobres, 2006-2016



Depuis sa reconnaissance officielle en tant que cru des Côtes du Rhône à part entière (et non plus côtes-du-rhône villages) en 2006, l’AOC vinsobres a beaucoup progressé, sur tous les plans. Un très positif bilan dont l’appellation résume l’essentiel dans l’infographie ci-dessous, tout comme dans la cuvée anniversaire ci-dessus, dont nous vous avions parlé .

infographieVinsobres

100 % côt

Dénomination géographique au sein de l’appellation d’origine contrôlée touraine depuis 1954, l’aire de production située à l’est d’Amboise et de son royal château travaille ces temps-ci à une redéfinition de son cahier des charges. Une identification par l’Inao des parcelles de ce vignoble qui couvre une dizaine de communes est en cours et devrait engendrer à terme, c’est à dire en 2017, la reconnaissance d’une nouvelle AOC simplement appelée amboise.

Cette aire de production de 200 hectares, dont l’élargissement aux villages de Rilly-sur-Loire et Chaumont-sur-Loire est prévu pour 2018, produira désormais des vins blanc et rouge uniquement issus des cépages chenin et côt, sur la base d’un rendement plus faible et d’un élevage plus long que ce qui est exigé aujourd’hui. L’appellation sera alors la seule AOC ligérienne à proposer des vins rouges 100 % côt (mais la deuxième appellation française à le faire après Cahors, dont c’est le cépage caractéristique). Ses vins rosés devront quant à eux être élaborés essentiellement à partir de ce même cépage (70 % minimum), éventuellement complété de gamay.

Cette affirmation de l’identité de leur zone de production a conduit les vignerons à renoncer progressivement au cabernet franc et au gamay et à sélectionner, revaloriser et replanter les parcelles les mieux adaptées à l’épanouissement du côt. « Beaucoup d’entre eux ont réalisé leurs propres sélections massales issues d’anciennes variétés locales qu’ils avaient conservées. » Ainsi, les producteurs de la future AOC amboise, « nouvelle garde, qui a en moyenne 40 ans », proposent-ils déjà des cuvées 2014 et 2015 issues à 100 % de ce cépage. Le salon des vins organisé deux fois par an dans la cave du château d’Amboise sera l’occasion de les découvrir (prochaine édition le 15 août, plus de renseignements en cliquant ).

La Cité du vin par Bernard Magrez et Robert de Luxembourg

Bernard Magrez

BERNARD MAGREZ A COUFFOULENS
BERNARD MAGREZ A COUFFOULENS

« La Cité incarne l’image moderne de Bordeaux »

Mécène des arts plastiques et de la musique, l’homme aux 40 châteaux s’est engagé pour la Cité du Vin.

Bernard Magrez Grands Vignobles est mécène « Grand bâtisseur » de la Cité du Vin. Pourquoi ? Et combien avez-vous donné ?

A travers Luxury Wine Experience, notre activité d’oenotourisme à La Tour Carnet , Pape Clément et Fombrauges, nous avons constaté que les visiteurs qui sont à Bordeaux n’ont pas toujours le temps d’aller rive droite ou rive gauche dans les châteaux et cherchent en ville quelque chose qui les rapproche du vin. Les Champenois, eux, n’ont pas ce problème. Mais avec six millions de visiteurs à Bordeaux, on ne pouvait pas ignorer cette demande. La Cité du Vin est là pour ça. Nous en avions besoin. Et j’ai donné 500 000 euros, ce n’est pas un secret.


Que pensez-vous des polémiques bordelaises autour de la Cité : on va parler des vins du monde mais pas des nôtres…, on va détourner les visiteurs des châteaux, etc ?

Je trouve extravagant que ceux qui n’ont pas fait hier l’effort de s’organiser pour recevoir du public chez eux se plaignent maintenant qu’on va leur piquer des visiteurs. D’ailleurs c’est faux puisque de la Cité, on pourra partir en croisière sur le fleuve vers les vignobles – nous avons-nous-même pris une participation dans Bordeaux River Cruise. Tout comme je trouve extraordinaire qu’on se mette à genoux devant le Guggenheim de Bilbao et qu’on trouve notre Cité du Vin trop futuriste. Bordeaux a besoin d’une image moderne, la Cité l’incarne.

Que pensez-vous du bâtiment ?

Il est splendide. Il était encore mieux que ça, il a été un peu revu pour des raisons de normes de sécurité.

Pourquoi est-ce en France et pas ailleurs dans le monde que cette Cité a pu voir le jour ?

La Napa Valley, l’Espagne, l’Italie nous ont montré la voie de l’oenotourisme. Mais pour le monde entier, Bordeaux égale vin et inversement.

Que signifie pour vous le terme de civilisation du vin ?

La vigne a traversé les âges, le vin a été le vecteur d’innovations, d’idées. Les deux ont nourri le monde, l’histoire du monde. Le vin hier était une nourriture, aujourd’hui c’est un plaisir, un sujet de conversation, un marqueur social.

Qu’est-ce qui vous fascine le plus dans l’épopée du vin ?

Le vin en tant que symbole chrétien.

Vous dévorez les biographies d’hommes célèbres. Avec qui auriez-vous aimé converser autour d’un verre de vin ? Pour parler de quoi ?

Voltaire, un athée qui, à la fin de sa vie, a dit : « L’univers m’embarrasse et je ne puis songer que cette horloge existe et n’ait pas d’horloger ». Rien que pour l’emmerder, je lui aurai servi du Pape Clément !


Robert de Luxembourg

Dégustation au Château Haut-Brion le Prince Robert de Luxembourg_2

« La Cité, c’est un toast aux civilisations du vin »

Propriétaire de château haut-brion, le prince de Luxembourg, à travers sa fondation familiale, est Bâtisseur d’Honneur et président du comité d’orientation culturelle de la Fondation pour la culture et les civilisations du vin.

Vous êtes l’un des tout premiers mécènes de la Cité. Pourquoi ce projet vous a-t-il séduit ?

Alain Juppé a réuni dès 2008 les représentants des premiers grands crus pour présenter le concept d’une future Cité du vin. Pour moi, c’était une évidence que ce projet devait exister en France – l’importance de la culture y est telle qu’on peut y faire aboutir ce type de projet en toute légitimité, et à Bordeaux, une ville de partage, d’influences, d’où le vin est exporté depuis toujours vers toutes les tables du monde. Bordeaux reste la ville du monde la plus identifiée avec le vin. Le challenge d’avoir sur le port un temple du vin qui puisse faire rayonner cette culture internationale, m’a plu. C’est excitant.
Le mécénat est dans la tradition américaine, et dans celle de la famille Dillon…
Mon arrière-grand-père Clarence Dillon (NDLR : l’acquéreur de Haut-Brion en 1935) et mon grand-père Douglas Dillon (NDLR : l’ambassadeur des Etats-Unis en France de 1953 à 1957) ont toujours mécéné la culture, en France comme aux Etats-Unis. Donc le Clarence and Anne Dillon Dunwalke Trust a immédiatement dit oui à la Cité du Vin.

Domaine Clarence Dillon est « bâtisseur d’honneur », ce qui indique que vous avez contribué pour au moins un million d’euros. Quel est le montant exact de votre engagement financier ?

Je ne crois pas utile de le préciser. Il est plus intéressant d’indiquer que la Cité du Vin, qui a coûté 81 millions d’euros, a recueilli 19 millions via le mécénat privé, un record pour ce type d’équipement culturel. Il y a une vraie cohésion aujourd’hui qui va au-delà de nos intérêts économiques personnels. Il y a même une fierté. Et désormais les entreprises et les particuliers peuvent aussi devenir mécènes.
A part les American friends of La Cité du Vin*, les mécènes internationaux sont absents…
C’est toujours difficile de convaincre en phase projet. Mais ils viendrontnaturellement à travers nos expositions, par le sponsorship.

Que signifie pour vous « civilisation du vin » ?

Une histoire commencée il y 9000 ans, la consommation d’un produit transformé par l’homme, un produit de partage… la Grèce antique où le vin accompagne l’échange d’idées philosophiques et politiques… les religions… Haut-Brion s’inscrit naturellement dans cette histoire, avec ce « new french claret » qui arrive à Londres au XVIIe siècle et réunit au Pontac’s Head les esprits brillants de l’époque, avides d’idées nouvelles. Haut-Brion a aussi appartenu à Talleyrand, le symbole de la diplomatie française. Aujourd’hui encore, quand les chefs d’Etat, quel que soit le pays, reçoivent, il y a toujours un toast avec un verre de vin. Le vin nous rapproche, c’est un symbole fort. La Cité du vin, c’est un toast aux civilisations du vin.

Vous présidez le comité d’orientation culturelle. En quoi consiste votre mission ?

A réunir autour d’une même table douze personnalités internationales du vin et de la culture pour guider, soutenir les projets de la Cité, et mettre bénévolement notre expérience et nos relations à son service. C’est du networking global.

En 2017, la Cité donnera carte blanche à la Géorgie, premier vignoble invité. Pourquoi ce choix qui peut paraître confidentiel ?

La Cité du Vin ne doit être ni élitiste ni aller vers la facilité mais doit parler à tout le monde, initiés, curieux, néophytes. La Géorgie est légitime car c’est l’un des berceaux de la viticulture. Nous allons faire découvrir une histoire extrêmement riche, c’est notre rôle.

Vous aimez l’art, vous avez étudié la sculpture, vous avez été scénariste. Est-ce que tout cela vous inspire des idées pour la Cité du Vin ?

Cela m’a en tout cas aidé à comprendre ce projet et à m’y projeter. Travailler sur des idées de film pour la Cité, pourquoi pas ? Mais ma part créative aujourd’hui est plutôt dans le business.

Une des animations de la Cité est le Banquet des hommes illustres. Qui inviteriez-vous à votre Banquet ?

En fait, je l’ai déjà créé, mon banquet des hommes illustres, à travers les huit dîners donnés dans le monde pour les 75 ans de l’acquisition de château haut-brion. Chaque fois, 75 personnes de toutes nationalités – astronautes, designers, musiciens, acteurs, architectes, politiques…- réunies autour de nos vins et de mets de grands chefs. Nous avons amené notre culture vers leurs cultures. C’est ça, la magie du vin !

*American Friends of La Cité du Vin, présidée par Robert Wilmers, propriétaire de château haut-bailly, et George Sape.

Propos recueillis par Béatrice Brasseur

La Cité du Vin, se griser de culture(s)

©Anaka

 

CÉLÉBRER TOUTES LES CIVILISATIONS DU VIN DANS UN ECRIN CONTEMPORAIN ET UNE SCÉNOGRAPHIE MULTIMEDIA, TEL EST LE PARI DE LA CITÉ DU VIN INAUGURÉE AUJOURD’HUI À BORDEAUX PAR ALAIN JUPPÉ ET FRANÇOIS HOLLANDE. VISITE EN AVANT-PREMIÈRE,  AVANT L’OUVERTURE AU PUBLIC AUJOURD’HUI

 

« Bordeaux met de l’art
dans son vin »

« Bordeaux débouche la culture », « Bordeaux a soif d’innovation »,.. Depuis des mois, la presse bourgeonne de figures de style et chacun ici rivalise de métaphores pour imager la sinueuse silhouette qui se dresse en bord de Garonne, au débouché des Chartrons, le quartier historique du commerce du vin : « sphinx stylisé à l’extrême », « serpent enroulé sur lui-même », « corne de vache utilisée en biodynamie », « tastevin »… Ne dites surtout pas « carafe », ce serait pousser le bouchon trop loin au goût d’Anouk Legendre, fondatrice de l’agence parisienne X-TU*,  lauréate du concours pour la Cité du Vin devant 114 compétiteurs internationaux. L’auteur de ce bâtiment à double courbure affirme qu’il n’est pas question d’y voir une forme mais « un mouvement qui ressort de l’insaisissable… C’est par un jour de brume que nous avons découvert cette anse du fleuve où nous allions devoir raconter l’univers du vin. Nous est alors venues l’idée de marquer le paysage avec une sorte de phare et l’envie d’exprimer un mystère, celui du vin, que l’on ressent différemment selon les circonstances. Le bâtiment, lui aussi, change d’aspect et de forme selon les points de vue ». X-TU : X pour l’inconnue en mathématiques et TU pour in-situ, l’attention porté au lieu, au contexte.

Ici, donc, aucune ligne droite, aucun angle saillant. Dehors, dedans, rien que des courbes, des torsions, des ellipses, des spirales, des volutes, des vortex, des rondeurs lovés en abymes. Les 2500 écailles d’aluminium doré rappellent les pierres blondes de Bordeaux et le fleuve à l’étal sous le soleil, et les 900 panneaux de verre dansent au gré des ciels changeants. Les 13000 mètres carrés sinuent, serpentent jusqu’au belvédère d’où la ville s’offre en panoramique. 574 arches de lamellé-collé composent la charpente « envisagée comme une cathédrale puisque le vin est ici un peu comme une religion », sourit Anouk Legendre qui souligne que le défi technique de recréer le mouvement tournoyant du liquide dans le verre aurait été « impossible sans l’ingénierie informatique ».

Certains évoquent un « Guggenheim du vin ». N’exagérions rien. Le bâtiment n’a pas tout à fait l’aspect ni les proportions prévus initialement, économies obligent. Et comme toujours, comparaison n’est pas raison. Mais une chose est sûre, si Bilbao doit sa renaissance à sa politique culturelle et au fabuleux musée de Frank Gehry, ici aussi, il ne sera question que de culture(s). Et de civilisations, même si ce dernier mot, plein de souffle et de panache mais hélas long et jugé « clivant », a disparu de l’intitulé, réduit au pragmatique « Cité du Vin ». Celle-ci n’est pas un musée riche de collections physiques – pas d’amphores phéniciennes, ni d’hanaps médiévaux… –  mais propose une approche pluridisciplinaire et virtuelle (rassurez-vous, il y a quand même une très riche cave à vins) d’un « patrimoine universel et vivant ». Lequel n’est d’ailleurs inscrit au patrimoine culturel français que depuis 2014, encore un méandre, allez comprendre.

Exposer

« Exposer toutes les dimensions de la culture millénaire du vin, dans ses mythes, ses expressions artistiques, ses rites, sa géographie, son histoire, ses personnages, ses techniques, cela tout autour du monde, voilà notre propos »

résume Laurence Chesneau-Dupin, la directrice culturelle.  Un « voyage immersif », en dix-neuf espaces thématiques, deux heures et cent vingt films et sons, armé du « compagnon», un cicéron high tech, concentré de technologie multimedia interactive, qui a coûté à lui seul 2 millions d’euros.  La scénographie est signée de l’agence londonienne Casson Mann Ltd, qui a aussi planché sur Lascaux IV. Selon Dinah Casson, « le visiteur est imprédictible. Il faut flatter ses sens, encourager sa contemplation et sa réflexion, organiser un voyage dans le sujet, récompenser sa curiosité ». Bref, « transformer une histoire en expérience spatiale agréable », résume Roger Mann. A la Cité du Vin, ça commence par trois écrans géants où défile un Tour du monde aérien des vignobles, des plaines d’Australie aux pentes de Bourgogne, des contreforts des Andes au plat Médoc… Cela se poursuit à la Table des terroirs conçue comme un paysage tactile, où des vignerons de la Rioja ou de Moselle explique leur coin de paradis où l’on se dit que parfois l’eden ressemble à l’enfer. Plus loin, un mur couvert de ceps stylisés détaille sur tablettes digitales les cépages du monde. La Galerie des civilisations, matrice de l’histoire du vin en forme de gigantesque caisse (bois, bien sûr), remonte le temps, en 10 étapes. Elle est bordée par le minimaliste et eliptique Mur des tendances au XXIe siècle. Au Buffet des 5 sens, vous exercez votre nez pour comprendre les clés de la dégustation tandis qu’au Banquet des hommes illustres, Pierre Arditti converse avec Voltaire, Churchill, Napoléon 1er ou Colette sur leur vin préféré. Trois structures gainées d’inox, de bois et de verre évoquent les Métamorphoses du vin dans les barriques, les cuves et les flacons, et six bouteilles géantes symbolisent les grandes familles de vin. Bacchus et Vénus s’expriment à travers les arts ; les yeux rivés au ciel, semi-allongé, vous ne manquez rien de leur dialogue fécond. Encore des questions ? Des experts vous répondent dans un tête-à-tête virtuel. Ceci pour ne citer que quelques unes des animations permanentes. L’une d’elles s’intitule Boire et déboires. La gueule de bois vue par les artistes… Comme le souligne un confrère américain, il n’y avait qu’en France qu’on pouvait imaginer cela. Le parcours est libre, sans ordre de visite. Certaines animations nécessitant d’être vraiment collé au dispositif pour en profiter, il faudra parfois jouer des coudes pour approcher du « comptoir ». Le plus gros challenge sera de gérer le flux des visiteurs (toutes les visites des trois premiers mois seront horodatées).

Etancher virtuellement sa soif de connaissances pourrait très naturellement susciter l’envie d’un retour au tangible. Direction la cave à vins, 12000 bouteilles du sol au plafond, 800 références, 80 pays, soit « la plus grande cave du monde », supervisée par Michel Rolland. Chaque vin est commenté, via un QR code, par Andreas Larsson, meilleur sommelier du monde 2007. Juste à côté, Latitude 20, le bar à vins. En haut, Le 7, restaurant panoramique avec 500 vins à la carte, géré par Nicolas Lascombes (La Brasserie bordelaise, à Bordeaux, et La Terrasse Rouge à Saint-Emilion, entre autres). Aux fourneaux, un jeune chef formé au Jules Verne, l’un des restaurants parisiens d’Alain Ducasse. La meilleure vue, c’est le bélvédère, bien sûr, au 8e étage, où l’on déguste le vin de la semaine (compris dans le prix d’entrée).

La Cité, un projet initié par Alain Juppé dès 2007 et accueilli à l’époque avec la plus grande circonspection (à Bordeaux, parler des vins du monde, des concurrents, quelle drôle d’idée !), se veut le phare de l’oenotourisme. Une manne que la région a découvert sur le tard. Longtemps les châteaux ont répugné à s’ouvrir au public. Aujourd’hui, tout le monde veut en être. Dans la presse internationale, la Cité est citée parmi les dix plus importantes inaugurations dans le monde en 2016, et la ville, sacrée nouvelle capitale mondiale du vin, figure au top 10 des lieux à visiter cette année. « Nous avions besoin d’un moteur, insiste Bernard Farges, le président du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB) qui réunit viticulteurs, négociants et courtiers. Cet outil, il vaut mieux l’avoir chez nous que ne pas l’avoir (sic). Les touristes (NDLR : 6 millions en 2015) repartiront avec des souvenirs inoubliables de nos vignobles, de nos vins, de la Cité. L’enjeu est de faire partager cette culture du vin. Et d’ici, notamment par le fleuve, on pourra partir visiter les châteaux ». 450 000 visiteurs (60% de Français) sont attendus chaque année. Pari à tenir car l’économie de la Cité dépend désormais entièrement de sa billetterie et des loyers des prestataires. A la barre de ce vaisseau, Philippe Massol, ex-directeur d’exploitation d’un pionnier du tourisme culturel, le Futuroscope.

« C’est un projet exceptionnel, martèle Sylvie Cazes, présidente de la Fondation pour la culture et les civilisations du Vin (l’exploitant de la Cité). De par son architecture qui inscrit Bordeaux et ses vins dans le futur ; de par son montage financier, 80% de fonds publics, 20% de fonds privés, un record ; et de par ses contenus : c’est le seul endroit au monde où l’on parlera de tous les vins du monde !».

Dans trois semaines, la ville accueillera sur ses quais près de 500 000 visiteurs pour la 10e édition de Bordeaux Fête le Vin avec dix « great wine capitals » (Mendoza, Cape Town, Porto, San Francisco…) exceptionnellement invitées. La Cité du Vin n’en accueillera que deux manifestations (une dégustation de huit vins du monde pour cinquante personnes, et une rencontre (« Drôle d’assemblage ») entre le consultant Stéphane Derenoncourt et l’artiste Nicolas Boulard). On pouvait imaginer qu’elle serait plus étroitement associée. Il faut bien roder la machine.

* X-TU a notamment réalisé le pavillon de la France à l’Exposition Universelle de Milan en 2015.

 

 Les chiffres

3 ans de travaux

81 millions d’euros

80 mécènes

13500 m2 sur 10 niveaux

3000 m2 de parcours permanent en 19 espaces thématiques

2 expositions temporaires par an (la première consacrée à Isabelle Rozenbaum qui a photographié le making off de la Cité).

1 carte blanche à un vignoble du monde

 

Pratique

150, quai de Bacalan, 33300 Bordeaux,

www.laciteduvin.com

Ouvert tous les jours jusqu’à 19H30.

Billet Cité : 20€. Billet Atelier : 15€. Abonnement annuel : 48€.

Restaurant : Le 7, saveurs locales et du monde, de 15 à 45€.

Bar à vins : Latitude 20, snack, cave : 12 000 bouteilles de 20 à 50€.

 

Béatrice Brasseur