Bon, je vais encore me faire appeler Arthur par ceux de nos lecteurs qui n’aiment pas qu’on parle de bière, ou de grande distribution, ou des deux. C’est pas grave, je serais dans le ton : c’est aujourd’hui l’Arthur Guinness Day, jour de célébration de la création de la marque, le 27 septembre 1759. Depuis la recette n’a jamais changé, et les amateurs de cette bière irlandaise au goût puissant, appréciée pour son amertume et son arôme de malt torréfié la trouveront mise en valeur aujourd’hui (comme l’année dernière) dans des centaines d’établissements en France. Si vous êtes en Irlande, alors là c’est carrément fête nationale, ambiance survoltée dans les pubs et concerts un peu partout. Chez nous, pas (encore) de site dédié, mais vous trouverez ici la liste des pubs concernés.
Pour la beauté du chiffre
Chez Balvenie, le maître de chai s’appelle David Stewart et c’est l’un des artisans les plus respectés et récompensés du monde du whisky. Dans la place depuis 50 ans, le monsieur a rejoint la distillerie à 17 ans, un an avant que le single malt ne soit officiellement exporté hors des frontières écossaises. Apprenti pendant douze ans avant de devenir le maître des lieux, David Stewart – son nez remarquable et son palais d’exception – s’est intéressé à plus de 400 000 fûts de whisky au long de sa belle carrière. Il est très admiré par ses pairs pour sa capacité à innover (révolutionner, même) tout en respectant et conservant les méthodes traditionnelles. Pour célébrer cette exceptionnelle longévité, Balvenie sort un rare single malt distillé en 1962. Quatre-vingt huit bouteilles seulement seront mises sur le marché, dont six en France. Confirmant avec humour que le fût 5576 et lui-même avaient « partagé les cinq dernières décennies ensemble à la distillerie » (voir photo ci-dessus) et précisant que « la création d’un single malt est autant art et alchimie que science exacte, l’interaction entre le bois et la maturation du whisky signifiant que chaque fût produira quelque chose d’absolument unique », le modeste David Stewart a fait part de son immense plaisir « de découvrir après un demi-siècle un malt d’exception. » La maturation particulièrement longue, dans un fût de chêne européen de xérès, rarement utilisé de nos jours dans le processus de fabrication du whisky, a permis de créer des arômes doux et floraux avec une belle combinaison équilibrée de notes légères de citron, de miel, d’épices et de chêne. The Balvenie 50 ans sera disponible à partir d’octobre 2012 au prix de vente conseillé (sic) de vingt-trois mille quatre cents euros.
Pour la beauté du chiffre (bis)
D’abord acquis en 2003 par un prestigieux groupe champenois qui souhaitait élaborer un grand bordeaux, les 26 hectares de Château Réaut, situés en surplomb de la Garonne à Rions, près de Cadillac, ont été largement revus aux critères des grands crus (arrachage et replantation dense à 5 500 pieds/ha, sélection des meilleurs plants de vigne, vendanges à la main, petites cuves) avant que le groupe ne change sa stratégie et n’abandonne son projet, en 2009, à l’heure d’un premier millésime excpetionnel. En 2011, Yannick Evenou (Château La Dominique, grand cru classé de Saint-Emilion) décide de reprendre le flambeau et rassemble des amis professionnels du vin et passionnés pour racheter la propriété. Ce groupe de six Bordelais et six Bourguignons, c’est unique, a ensuite décidé de proposer des parts (40 %) du domaine à des investisseurs particuliers, amateurs de bonnes bouteilles, via un groupement agricole foncier (GFA), système bourguignon peu usité dans le Bordelais. Sur mille candidats, quatre cent vingt-sept ont été retenus qui recevront chaque année trente-six bouteilles de « leur » vin. Samedi, ces nouveaux propriétaires viendront participer (enfin, la moitié d’entre eux, et c’est déjà beaucoup) à leur première récolte.
Gigondas à Bagatelle
Ce week-end, l’appellation Gigondas (représentée par son beau millésime 2007) accompagnera la comédie lyrique de la compagnie Opera du Jour qui sera donnée dans l’Orangerie des Jardins de Bagatelle, en partenariat avec la Ville de Paris. De l’Espagne jusqu’à Broadway, « Lyrique au vert » se présente comme un voyage musical en deux actes plein d’humour pour quatre chanteurs et un pianiste. Les quelques 500 spectateurs attendus se verront proposer cette dégustation au verre avant les représentations de samedi soir et dimanche après-midi. Informations et réservations ici
.
Toute petite récolte
Du jamais vu de mémoire de vigneron, nous dit-on. Dans le Beaujolais, la baisse prévue se confirme de manière radicale. A mi-vendange, les rendements moyens constatés atteignent péniblement les 20-25 hectolitres à l’hectare quand les chiffres de l’appellation se situent plutôt autour de 52 hectolitres. Avec cette inédite demi-récolte,
le vignoble anticipe des tensions sur les approvisionnements. Heureusement, les raisins récoltés sont très sains,
les conditions climatiques de ces dernières semaines – relative fraîcheur matinale + belles journées ensoleillées avec un léger vent – ayant permis une bonne fin de maturation. Le millésime 2012 s’annonce donc de belle qualité. Pour le moment, la Bourgogne annonce quant à elle une baisse également historique de 15% par rapport à la moyenne de ces cinq dernières années et précise que le volume réel de la récolte devrait être connu fin février-début mars 2013.
Le TupperWine sous les ponts
En cette nuit de tempête, nous avons rendez-vous sur un bateau. Une péniche amarrée sous le Pont-Marie. C’est là que Fabrice Le Glatin reçoit le monde pour un énième TupperWine. Un TupperWine, au-delà du clin d’œil malin, c’est une réunion d’amateurs organisée par Fabrice le blogueur pour initier qui veut aux arcanes de la dégustation. Fabrice y ajoute un goût prononcé pour les vins les moins connus des régions les plus ignorées. Ce qui, forcément, provoque un intérêt accru. Ce soir-là, il affichait complet et nous voilà dans le grand carré d’une péniche doucement secouée par les vagues des bateaux-mouches. Il y a la petite foule habituelle des amateurs, on reconnaît ici et là des amis Facebook, c’est amusant, en moins réseau et plus social, on ne se parle pas trop, timides ? Il y a aussi Philippe Betschart, vigneron bordelais (Graves de Viaud), Bruno Besson, alter-caviste à Ermont venu sans son garde du corps rennais, Théophile fils d’Henri Milan, fameux vigneron provençal, un jeune blogueur vice-champion du monde de dégustation à l’aveugle lors du Concours Pol Roger (bref, une pointure, son blog ici). Pendant que la dégustation se met en place, nous parcourons la péniche. D’un côté, l’autoroute urbaine des voies sur berge, de l’autre les façades altières, historiques et un peu tristes de l’île Saint-Louis. Ce qui m’évoque les ferries du Dodécanèse, les Turcs regardent la côte (turque) et les Grecs regardent le large. Nous ne regardons rien, il pleut des cordes, on n’est pas en Grèce…lire la suite
Une grosse, grosse affaire !
Nuance et demi-teinte ne font plus partie depuis longtemps du principe même de la communication. « La viticulture bourguignonne est aux abois », c’est la première phrase d’un communiqué de presse émis par le CAVB. Bigre. Que se passe-t-il ? Les « naturistes » auraient-ils fait main basse sur les stocks de sulfites ? Un autre Chinois, annoncé par ses dollars, a-t-il l’intention d’acheter le clos de Vougeot ? Un orage de grêle installé à demeure dans le ciel clair de la côte, de Nuits à Beaune ?
Rien de tout ça. Voilà que des instances américaines ont demandé l’autorisation d’utiliser les mots « clos » et château », ce qui aux yeux des Bourguignons et de leurs collègues bordelais est une sorte de coup de poignard dans le dos. Je vous vois bailler d’ennui. Il y a de quoi…lire la suite
Les aventures de Pierre Seillan à Saint-Émilion
C’est tout de même extraordinaire cette soif de démultiplication. L’ubiquité du vigneron en marqueur des temps modernes. Sans nous attarder sur les flying winemakers à propos desquels tout a été dit, il y a d’autres spécialistes du je-suis-partout. Les grands collectionneurs de châteaux, de domaines, déjà. Ils ne sont pas à proprement parler des vignerons. Et il y a les grands vignerons qui ne sont pas vraiment des collectionneurs. Les uns partagent avec les autres un goût immodéré des vins qui portent leur signature. Et ce n’est pas une crise d’ego mal placée. Les uns vous parleront de stratégie, les autres de leur mission, un rapport à la terre d’essence quasi-divine. La vérité est ailleurs, mais bizarrement, ils ont tous du mal à l’avouer. Ils sont simplement passionnés dans des proportions inhabituelles au commun des mortels. Ils sont dévorés par la vigne, le vin, les mystères de la fermentation, cette envie d’épater le reste du monde avec des saveurs et des arômes exclusifs, la course à la reconnaissance.
C’est une drôle d’histoire, un engagement rare, une vocation, tout ceci est très humain. Et une étonnante envie de partager, très peu… partagée, justement. C’est aussi une manière de voyager, de posséder une poignée de portables, une carte Flying Blue Silver, une importance, il y a de l’impétuosité, là-dedans. Ces hommes auraient fait merveille à la tête d’un bataillon dans les guerres romantiques des livres d’histoire. Mais les guerres ne sont plus romantiques du tout et celles qu’ils mènent à coups de bouteilles ont à faire avec la conquête d’un monde qui n’est pas le grand monde. Un univers feutré de grands amateurs qui savent le prix de leurs gourmandises…lire la suite
Laurent-Perrier, elles ne sont pas vendeuses
Un haut mur qui n’en finit pas, masque difficilement les frondaisons des grands arbres de ce qui a tout l’air d’être un beau parc. C’en est un. On arrive bientôt à la grille d’entrée, l’élégance du fer forgé. Là-bas, au bout de l’allée, la façade austère et belle d’un petit château de campagne, flanqué de ses communs en retour d’équerre. La cour pavée. La belle entrée traversante qui découvre l’ordonnancement finalement assez simple d’un jardin à la française en devenir.
Nous sommes à Louvois, le château de réception de Laurent-Perrier. Une acquisition récente pour la maison de champagne, dont l’ensemble des activités s’est toujours tenu à Tours-sur-Marne, à quelques kilomètres de là. Bernard de Nonancourt habitait à côté de son bureau et ses filles ont été élevées entre les chais et les caves. Pourtant, ce château de Louvois leur ressemble. Il a de l’allure sans être un séducteur. Aujourd’hui que leur père a disparu, Alexandra et Stéphanie assurent la direction de la maison en gardant en tête l’esprit de ce père tout-puissant, « notre père a fait du champagne avec une image de la France et une perception fine de l’esprit français ». Avec humilité et réalisme, elles se sont entourées des compétences nécessaires à la réussite d’une grande marque de Champagne. Elles s’appliquent autant qu’il est possible à perpétrer le souvenir de leur père, sa vision, sa force…lire la suite
Lovely Fieuzal
Les fleurs délicates des troènes embaument qui font une haie entre les voitures du parking et le chai. Plus loin, la vigne exulte entre pluie et soleil. L’été pourri, la liane adore et le vigneron, moins. « C’était pas l’année pour être en bio », dit-il. Non, cette année a juste permis d’ajouter une ride sur le front du gars athlétique qui vous tend une main large et ouverte, on voit bien le souci, il engage la conversation pile où ça fait mal en ce moment. L’agriculture est un métier difficile. Pourtant, nous sommes dans le doux vallonnement des Graves, un terroir béni, agréable à vivre, à cultiver. Ici, oubliés l’austère platitude du Médoc, les chamboulements géologiques du Libournais, il y a une élégance dans ce décor sans excès. Mais l’été pourri s’en moque, il a simplement omis le bon coup de grêle sur les vignes de Fieuzal. Le vignoble est bien le seul endroit où l’on peut admettre que le chassé-croisé du soleil et de la pluie, le chaud, le froid, le vent, la météo quoi, constituent une conversation.
Ce n’est pas compliqué d’établir un contact avec Stephen Carrier, le patron de Fieuzal. Le Champenois expatrié en terre de Bordeaux est aussi ouvert qu’il est énergique. Vite, le dialogue roule sur ses vignes, son nouveau chai, surtout. Des travaux importants, menés de main de maître dans des délais raisonnables. On aura creusé jusqu’à sept mètres de profondeur et il faut bien connaître l’endroit pour s’apercevoir qu’il a changé. C’est bien joué, ce coté rien-ne-bouge. Le faux portique d’accès a été enlevé, rendant ainsi au bâtiment une certaine simplicité de bon aloi. Dans la partie en retour d’équerre, des chambres d’amis sont en fin d’aménagement. Pour autant, le château de Fieuzal s’il rejoint le standard des grandes maisons, ne retrouve pas un lustre qu’il aurait perdu. Le château n’est pas historique…lire la suite