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2012, de Sauternes au Liban (en passant par la Champagne)


Château Guiraud, grand cru classé en 1855, Sauternes

« Carnet de vendanges, lundi 10 septembre : début des vendanges pour le vin blanc sec. Cent vendangeurs arrivent au château et s’équipent de paniers et de sécateurs. A 12h30, toute l’équipe se retrouve dans la cour d’exploitation pour partager le déjeuner et repartir plein d’énergie. Les vendanges du G de Château Guiraud dureront deux semaines, la dernière presse est prévue pour le lundi 24 septembre. Mercredi 19 septembre : inquiets ! C’est la période nous direz-vous, mais vraiment le botrytis ne veut pas sortir et se mettre au boulot. Trop de sécheresse qui passerille certaines grappes et trop de froid la nuit. Nous n’avons eu que deux nuits tièdes et un peu de brouillard le matin pour enclencher le phénomène, du jamais vu depuis 1985. La nuit de mardi à mercredi pourtant réunissait les conditions idéales. Le thermomètre, fixé au-dessus des 10°C, attesta d’une accalmie dans une suite de nuits trop fraîches pour cette parfaite alchimie. Une pluie fine avait aussi préparé les rangs, que le soleil est venu assécher généreusement avec l’appui du vent. La nuit du botrytis semblait arrivée. Jeudi 20 septembre : le réveil est frais, trop frais. Le thermomètre à nouveau semble nous jouer des tours, mettant en péril les effets d’une nuit bienfaitrice. Le champignon cendré exige une parfaite trinité entre les éléments, eau, vent et soleil. 2012 nous rappelle que c’est cet équilibre si précieux qui fait le caractère exceptionnel de nos vins d’or. Nous patientons donc, et en attendant nous vendangeons des sémillons magnifiques pour de grands vins blancs secs. Vendredi 21 septembre : la nuit de l’espoir. Le thermomètre a fait preuve de clémence en restant au-dessus des 15°C. S’ensuivit une petite pluie matinale laissant place à un beau soleil l’après-midi… Bientôt les premiers coups de ciseaux pour le Sauternes ? Dimanche 23 septembre : deux nuits de suite à 15°C, avec un peu de pluie et du brouillard hier matin mais pas aujourd’hui dimanche… C’est compliqué, il semble que le raisin change. Va arriver le trou noir, c’est-à-dire le moment où l’on ne peut plus faire de sec et pas encore de grands Sauternes. J’espère qu’il va être court. Mardi 25 septembre : dernière matinée de vendanges pour les secs. Au total, neuf jours et demi de vendanges pour le G de Château Guiraud 2012. Dans le chai, les barriques gazouillent gentiment, quelle douce musique. Lundi 1er octobre : pleine lune hier soir. Il fait frais, on a rallumé le feu dans la cheminée du château cette nuit pour notre deuxième Fête de la Lune. Heureusement la météo prévoit un redoux, les sécateurs sont prêts, l’ami Botrytis pointe le bout de son nez. Encore quelques jours et on y va. Jeudi 4 octobre : retour dans les rangs de vignes, pour le sauternes cette fois. Un premier passage pour “nettoyer” la vigne. Les maternelles de Sauternes nous donnent un petit coup de mains dans la matinée. Mardi 9 octobre : on continue cette première phase de nettoyage et enfin les tout premiers lots de sauternes rentrent dans le chai. C’est délicat cette année, nous n’étions pas sûrs de vendanger hier soir encore. Les vendangeurs ont dû appeler ce matin à 7h30 pour savoir s’ils viendraient ou non. Vendredi 12 octobre : un temps souvent couvert le matin, du brouillard mais quelques éclaircies entre deux averses nous accompagnent depuis trois jours. La pluie nous arrête aujourd’hui. Jeudi 25 octobre : reprise après 12 jours de pluie non-stop. Lundi 29 à mercredi 31 octobre : trois jours qui sauvent la récolte. Jeudi 1er novembre : fin de vendanges à 10h. Nous nous sommes faits sortir des vignes par un grand abat d’eau sous un ciel tout noir. C’est donc fini. Nous avons vendangé des raisins botrytisés et concentrés uniquement les 29, 30 et 31 octobre. Avant et après il n’y a rien de très bon, même si cela est correct. Seuls ces trois jours nous ont permis de rentrer des lots dignes de Château Guiraud. Nous verrons après vinification si les promesses du raisin sont tenues. En trente ans, je n’ai vécu cela qu’en 92, 93 et 94. Heureusement ces trois belles et rares journées de la fin octobre vont nous permettre de faire un peu de premier cru. L’honneur est sauf ! »
Xavier Planty, directeur. Février 2013.


Domaine d’Arton, Côtes de Gascogne

« Cette année fut l’année des contrastes climatiques, épisode hivernal allant jusqu’à -18°C et 20 cm de neige, épisode printanier pluvieux et épisode estival aride avec moins de 20 mm de pluie en 2 mois. Le débourrement a été précoce avec un ralentissement dû à un printemps pluvieux et frais et à un orage de grêle touchant la propriété de plein fouet : 50% de pertes de récolte avec des parcelles touchées à plus de 70%. La floraison très étalée s’est faite dans de mauvaises conditions et la véraison des raisins a débuté aux alentours du 8 août. Cependant, sur une même grappe, elle démarrait pour certains grains avec presque deux semaines de décalage. Les vendanges ont commencé le 10 septembre avec le sauvignon pour se terminer le 29 octobre avec la récolte de nos petits mansengs destinés à l’élaboration de notre récolte tardive (Victoire). Elles se sont déroulées sous des conditions climatiques idéales alliant fraîcheur et beau temps. Malgré de multiples points faibles, le millésime 2012 se caractérise par des vins fruités et souples. Cette année a été difficile, tant pour maintenir l’état sanitaire de la vigne face à la forte pression des maladies que pour réussir à déterminer une date optimale de récolte. La dégustation des baies a été un des facteurs déterminants pour décider, in fine, des dates de vendange. »

Patrick de Montal, propriétaire. Janvier 2013.

Vignobles Lorgeril, Languedoc Roussillon


« Une pluviométrie normale a reconstitué les réserves des sols et a permis aux vignes de s’épanouir tout au long du cycle de végétation. Les années plus humides sont de belles années sous nos cieux ensoleillés. La vigne s’est donc bien développée avec une végétation bien équilibrée jusqu’à fin août, même si les grappes étaient petites, (peu de grains), ce qui a conduit à une récolte faible. L’été a été beau sans canicule, avec les trois beaux orages “habituels”, puis une forte pluie fin septembre qui a rafraîchi le temps. Les cieux clairs ont fait baisser la température de nuit, ce qui a conduit à une maturation lente malgré les après-midis chauds. Ces écarts de températures entre nuits et jours sont propices à une maturation lente et donc au développement des arômes. Nos zones d’altitude se révèlent plus précieuses encore. Le temps a été ensuite exceptionnellement beau pendant les vendanges. Notre équipe a été bien préparée et motivée par Bernard Durand, notre nouveau directeur technique qui nous a rejoint cet hiver, après avoir dirigé la production Sud de François Lurton pendant 17 ans. Nous avons vendangé pendant plus de six semaines, du 10 septembre (pour renforcer la vivacité des chardonnays et des rosés) jusqu’au 25 octobre pour les derniers cabernets et au 3 novembre pour la vendange tardive de chardonnay. Nous avons beaucoup plus vendangé de nuit pour conserver la fraîcheur. Il a fallu être spécialement vigilant sur l’état sanitaire cet été, la pression d’oïdium étant très forte. Un raté de traitement sur quelques rangées de chardonnay nous a donné une idée de ce qu’auraient pu être les dégâts. Bien sûr, nous poursuivons nos travaux en agriculture raisonnée et la traçabilité pour protéger l’état sanitaire, tout en utilisant le moins de produits possible et en travaillant les sols. Les cépages tardifs (mourvèdres en zones méditerranéennes, grenaches et cabernets en Cabardès) ont eu besoin de temps pour mûrir compte tenu de la fraîcheur de la fin de saison, mais le bon état sanitaire a permis d’attendre qu’ils finissent de mûrir lentement et complètement en offrant une belle fraîcheur. Ceci explique la longueur des vendanges. Ce millésime 2012 présente un très joli fruit, de la fraîcheur et un bel équilibre Les raisins bien mûrs ont livré spécialement facilement leurs couleurs, arômes et tanins. Les fermentations ont été régulières, sans accélération, ni écarts trop forts de température. Les vins sont donc encore davantage que l’année dernière “sur le fruit”, croquants et gourmands, frais et élégants, structurés avec des tanins bien fondus. Nous pensons avoir continué à progresser notamment à Ciffre, en Roussillon et à la Livinière, les vins exprimant une belle intensité de fruit par cette extraction douce. »

Miren de Lorgeril, propriétaire. Janvier 2013.

Château Lauzade, Côtes de Provence

« Ce millésime 2012 au vignoble nous aura fait passer des nuits blanches. En effet nous avons connu un hiver extrêmement rude, avec des températures ressenties proches de -15°C. Les traces les plus visibles se sont constatées avec certains bourgeons brûlés, et donc un manque de production. Au printemps, la grêle a frappé le département du Var et le couloir n’est passé qu’à quelques kilomètres de la propriété. Pour vous faire partager la violence du phénomène, apprenez que certains de nos voisins ont tout simplement perdu leur récolte ainsi que celle de l’année prochaine. De mai à août, nous avons enregistré très peu de pluie. Fort heureusement les ressources souterraines étaient bien fournies et la vigne, grâce aux soins apportés au vignoble, a réussi à trouver la force d’aller puiser cette eau et nous donner de beaux raisins à maturité. La pluie est arrivée en même temps que le mois de septembre, ce qui nous a fait gagner en volume ! Le mois d’août avait été consacré aux travaux de rénovation de notre chai béton et à l’installation de notre système de thermorégulation et les travaux ont fini quelques jours avant le début des vendanges. La combinaison de raisins sains et équilibrés et de cette avancée au chai a permis de dégager un temps non négligeable pour suivre de très près nos différentes cuvées. Les vendanges débutées fin août se sont arrêtées quelques jours, le temps de laisser la plante absorber la pluie, pour reprendre sans discontinuité jusqu’à la mi octobre. A cette heure, les assemblages des rosés et des blancs sont validés et laissent présager de grands moments de plaisir. Nous finalisons la seconde partie des futurs investissements nécessaires au chai, qui vont nous permettre de faire un bond considérable dans la manière d’apprivoiser ce terroir magnifique et unique. »
Nicolas Perolini, directeur d’exploitation. Janvier 2013.

Maison Louis Jadot, Bourgogne

« Ce millésime est né d’une saison chahutée, pleine de contraste de vie au rythme peu commun. Chaque année le vigneron assure le suivi régulier de ses ceps. En 2012, il a dû s’arcbouter et ne rien “lâcher” pour combattre et vaincre les maladies cryptogamiques et sauver la récolte. Mais ce travail laborieux a payé. La nature, dans une grâce mille fois appréciée, nous a préservé de la pourriture et les raisins rentrés aux chais étaient d’une qualité étonnante, rendant aux visages inquiets des hommes une clarté nouvelle. On parle de ce qui est sauvé. Car tous les aléas, avec la grêle en plus, ont divisé par deux la récolte. La réponse optimiste est dans la qualité des vins. Les rouges sont une belle réussite. Les blancs semblent prendre un chemin d’élégance, sans lourdeur, et ce style devrait plaire à tous. »

Jacques Lardière. Décembre 2012

Champagne Philipponnat Clos des Goisses, Champagne

« Les vendanges se sont achevées le lundi 24 septembre. Elles avaient commencé le 13, et s’étaient interrompues le 15 pour reprendre le 18 afin de rechercher la maturité idéale. Les gelées d’hiver, de printemps, le froid subi juste après la floraison et la coulure qui s’en est suivie ont eu raison des espoirs d’une belle récolte en quantité. L’humidité de juillet nous a donné beaucoup de travail, surtout pour le désherbage des sols, au tracteur équipé d’interceps, au cheval de trait et même à la sarclette manuelle dans les pentes ardues du Clos des Goisses. Le mildiou a encore fait sécher quelques grappes, mais le feuillage a été protégé et est resté bien vert, assurant une bonne photosynthèse. Le rendement n’atteint que 6 à 7000 kilos/hectare. En revanche, la qualité est au rendez-vous, particulièrement dans les pinots noirs, où la grande richesse en sucre, de 11°5 à plus de 12°, plus haute qu’en 1976, 2000 ou 2003, est associée à une acidité très satisfaisante, et plus agréable qu’en 1996. La proportion élevée d’acide malique permettra de conserver une belle fraîcheur, sans excès. Cela est à mettre au crédit d’un mois d’août exceptionnellement sec et à trois semaines de septembre également sèches, aux nuits froides. Le dicton est vérifié : août fait le moût. Originalité du millésime, le Clos des Goisses est un peu moins mûr qu’Ay (base de la cuvée 1522), car le rendement y est un peu meilleur, ce terroir très chaud ayant fleuri avant la vague de froid de juin. Les moûts sont clairs, peu ou pas oxydatifs, et présentent déjà une belle qualité aromatique. Les meilleurs fermentent déjà en fûts de bois. Cela promet de la pureté et de la longévité. Tout sera à confirmer dans quelques semaines à la dégustation des vins clairs, mais d’ores et déjà, ce que nous voyons se situe entre 2002 et 1959, grands millésimes s’il en fut en Champagne. »
Charles Philipponnat, président directeur général. Septembre 2012.

Chateau Marsyas, Liban

« Ici, l’automne fut très pluvieux et l’hiver froid et très neigeux. Les précipitions qui furent abondantes et supérieures à la moyenne se sont arrêtées très tôt, au début avril. S’en est suivi un printemps chaud et sec ainsi qu’un été assez chaud avec une fin juin assez caniculaire. Les rendements ont été diminués pour permettre une maturité des peaux correctes et éviter la déshydratation des baies. Les vendanges ont commencées la troisième semaine d’août et se sont terminées un mois plus tard. »
Karim et Sandro Saadé, propriétaires. Février 2013.

Bordeaux : 2012 en treize propriétés.

Château Talbot, grand cru classé en 1855, Saint-Julien

«Voici la fin de l’année et l’heure des bilans. La tension est retombée. Le vignoble retrouve le rythme laborieux et routinier du début d’hiver. Le vin nouveau commence à être logé dans les bois neufs et nous voyons se dessiner ce que sera ce millésime. On peut se demander d’où sortent ces quelques cuves extraordinaires de cabernet sauvignon car de prime abord, le climat de l’année n’était pas avec nous. A un hiver plutôt sec et froid (le plus froid depuis 30 ans), un printemps frais et pluvieux a succédé. Il a entrainé une floraison capricieuse et une nouaison imparfaite. Le résultat : l’apparence d’une petite récolte, semblable à 2002, merlots confidentiels, cabernets sauvignons très “aérés”. Le début de l’été continue à être peu conciliant avec nos espoirs et il faut attendre août pour voir enfin s’installer un temps sec et chaud, jusqu’à un début de canicule qui a échaudé quelques raisins les plus exposés aux rayons de l’après-midi, souvent en bout de rang. Septembre s’annonce plutôt bien, nous vendangeons nos sauvignons blancs les 12 et 13 puis les sémillons le 17, à point, avec une belle fraîcheur et des arômes exotiques mêlés de pêche blanche et de poire. Jusque-là, tout allait bien et finalement le cumul des températures s’apparentait à 2010. Peut-être cela allait-il le faire ? Mais la deuxième partie du mois de septembre se gâte et de nombreuses précipitations sont enregistrées et pas que dans les pluviomètres. Les grains gonflent, l’eau est aux racines. Le botrytis cinerea, notre ennemi juré, peu présent jusqu’alors, va exploser littéralement début octobre. Le parti de ramasser les merlots du 1er au 3 octobre fut un bon pari. Pas de sur-maturité mais une belle concentration et l’équilibre sucre-acidité donne des lots de grands merlots vifs et expressifs, équilibrés. Nous allons ensuite prendre la décision d’arrêter les vendanges 6 jours. On ne dort plus et on vit dans une sorte de sauna ; humidité de l’air proche de 100 % et température de 18°C même la nuit. Les cèpes sortent dans toutes les garennes proches de nos vignobles et c’est à la faux que certains les ramassent. Mauvais présage. Mais la reprise des vendanges est là et les petits verdots, si sensibles, nous donnent de l’inquiétude, nous les vendangeons en une journée, dare-dare ! Les cabernets sauvignons enchaînent, on fait la part du feu sur les zones les moins nobles et on rentre le plateau au summum de maturité pour ce millésime. Les peaux se fragilisent mais le potentiel phénolique est intact et ils vont donner des cuvées certes limitées mais d’une complexité et d’un classicisme bordelais parfaits. L’eau, si elle est néfaste en excès, a ici, sur le coeur du plateau dans les plus grands terroirs, l’effet d’un polissoir sur une pièce d’orfèvrerie. Tout est sans aspérité, dans la netteté et dans la courbe, dans la sensualité ! La perfection n’est pas loin pour ces vieilles vignes au feuillage sénescent. Elles nous livrent leurs fruits comme un testament, témoin du travail de tous, dans un climat médocain affirmé. Nous finissons les vendanges le 16 octobre, exsangues et lessivés. Les fermentations malolactiques terminées, Noël verra les vins tranquilles logés dans nos barriques neuves. Les assemblages, ce mystère, alchimie de nos palais et de nos sensibilités, viendront construire ce millésime si difficile à faire venir sous le climat que j’ai décrit mais où la race devrait parler.»
Christian Hostein, chef de culture. Décembre 2012.

Château Belle-Vue et Château de Gironville, crus bourgeois, Haut-Médoc

et Château Bolaire, bordeaux supérieur, Haut-Médoc

«Le cycle de la vigne a été marqué au départ par un gel d’hiver fort et assez long, après une période douce.
La pousse s’est faite par à-coups, débourrement rapide et homogène jusqu’au premier levage, puis une pression sanitaire plus forte et durable qu’en 2007 avec, par exemple, un arrêt momentané de pousse et de végétation fin juin. Les conditions de floraison ont été moyennes, d’où une fécondation limitée, impactant les rendements.
Les merlots et petits verdots ont été défavorisés, les cabernets ont bien compensé. Les grappes étaient en nombre mais plus petites que de coutume. La maturation s’est faite de façon hétérogène et la météo pluvieuse a imposé des travaux en vert importants (effeuillage, toilettage). Heureusement les conditions favorables de septembre ont permis d’attendre sereinement la vendange. Au bilan, une année pour cépage tardif, avec de très beaux cabernets malgré une forte pression sanitaire (botrytis). Les vendanges se sont déroulées d’une seule traite sur 13 jours consécutifs, du 5 au 17 octobre 2012, dans des conditions météorologiques très variables au quotidien, humidité puis soleil. Le besoin de tri était important. On a immédiatement noté une belle libération de couleur, le risque de dilution lié aux pluies étant compensé par des saignées importantes. Ces conditions ont permis des vins concentrés, sur la fraîcheur. Ce millésime aux vins assez ouverts, avec un joli fruit et une bonne structure tannique, marqués par une intensité de couleur se situe entre 2008 et 2009. Une sorte de 2008 “plus”, en quelque sorte. Une fois de plus, la nature et les conditions d’environnement ont dicté leur loi souveraine, les équipes ont chaque jour adapté leur démarche technique et ont su optimiser nos cépages.»

Jean-Michel Marle, directeur d’exploitation. Janvier 2013.

Château de Lamarque, Haut-Médoc

«Nous avions qualifié de “millésimes de viticulteur” les trois derniers millésimes en rappelant la maxime du professeur Peynaud, c’est “avec de bons raisins que l’on fait de bons vins”. Le viticulteur n’avait pu préparer la qualité de sa vendange que grâce à de bons choix d’interventions culturales, dans la partie de cache-cache avec la météo annuelle. Le soleil des vendanges avait fini le reste pour en faire des millésimes exceptionnels ou de très grande classe. Le millésime 2012 fut évidemment soumis à la surveillance et à l’intelligence du viticulteur, tout au long de l’année, pour arriver “à mener au bout”, comme l’on dit au jeu du tarot, des raisins sains, à maturité et d’abondance contrôlée. Mais les conditions climatiques de la période des vendanges 2012 furent très compliquées, entre pluviométrie et température. Nous étions loin des conditions des années précédentes. C’est cette période qui va caractériser le millésime 2012. L’ambiance “pseudo-tropicale” installée à la fin août, avec quelques cessions chaudes et sèches, nous a permis d’attendre le 1er octobre pour commencer les vendanges, terminées le 19 octobre. Le vigneron a coiffé son chapeau de vinificateur pour mener les opérations. Il a fallu, pour chaque cépage et selon les parcelles, atteindre le bon équilibre (Ph, degré théorique, acidité …) et l’exacte limite de l’état sanitaire. Prendre le risque maximum, soit,. Mais il fallait avoir les moyens d’intervention à la vigne comme à la réception de la vendange. Nous avons eu cette année une vendange mixte : mécanique et manuelle. Avec une machine à vendanger de dernière génération, mais sans égrappage embarqué pour ne pas triturer la vendange, nous avons ramassé les premiers merlots, les autres l’ont été manuellement. Nous avons vendangé, mécaniquement, tous les cabernets sauvignons, puis manuellement, nos quelques cabernets francs et tous les petits verdots. S’il fallait une “force de frappe” rapide et qualitative, pour vendanger en limite équilibre-état sanitaire, encore fallait-il avoir les moyens d’un tri complémentaire et indispensable à la réception des raisins au cuvier. Jusqu’au millésime 2011, notre tri draconien se faisait sur une table vibrante de cinq mètres, après égrappage, avec une équipe de huit personnes expérimentées par de nombreuses années de pratique. Venait, après, le foulage avant l’arrivée dans les cuves. Mais cette méthode au résultat excellent était lente et faisait prendre des risques quant à la vitesse de la vendange. Depuis plusieurs années, nous nous sommes intéressés aux diverses formes de tri dans le but d’améliorer le travail mais aussi la rapidité. Au printemps dernier, notre choix s’est arrêté sur une machine de tri optique, présente chez certains de nos très fameux confrères (La Lagune, Léoville Las Cases), qui combine à la fois très haute qualité de tri, les caméras allant si on le souhaite jusqu’à analyser le taux de chlorophylle, et rapidité. Bien nous en a pris, eu égard aux circonstances de la vendange 2012. Nous avons pu, en effet, vendanger, nous arrêter, reprendre, très exactement au rythme que nous souhaitions. La vinification a été relativement facile et les fermentations alcooliques et malolactiques se sont déroulées normalement. Ce millésime présente un bon équilibre. L’assemblage s’est fait avec l’aide des œnologues Jacques et Eric Boissenot, 80 % consacré au grand vin Château de Lamarque et 20 % au second vin, D de Lamarque. Dans le millésime 2012, les cépages du Château de Lamarque sont 45 % de cabernet sauvignon, 43 % de merlot et 12 % de petit verdot. La mise en barriques s’est étalée de la mi-novembre à la fin janvier. En l’état, au 1er février 2013, le millésime 2012 du Château de Lamarque présente une robe rouge-grenat, éminemment dense et foncée, brillante et nette. Le nez est encore discret et se marque par un léger boisé (prise de barrique) avec des arômes de fruits noirs (myrtille, cassis). En bouche, bon équilibre et bonne structure, grande densité aux tanins fins, fruits bien présents, belle persistance. Un millésime classique aux allures d’un 2006.»

Marie-Hélène et Pierre-Gilles Gromand d’Evry, propriétaires. Février 2013.

Château Cantemerle, grand cru classé en 1855, Haut-Médoc

«L’éclosion des bourgeons s’est produite par un temps doux et sec à la croisée des mois de mars et avril. Le climat s’est ensuite inversé avec l’arrivée d’une vague de froid humide qui a perturbé et ralenti la pousse des rameaux jusqu’au début du mois de mai. La floraison en juin et le début de la véraison en juillet ont connu des températures un peu basses qui ont impacté le volume de production. Le retard pris par la vigne à ce stade laissait entrevoir une récolte tardive, mais le temps sec et ensoleillé qui a suivi aux mois d’août et septembre a offert une belle session de rattrapage au millésime. Les vendanges se sont déroulées du 1er au 16 octobre après quelques ondées fin septembre. Les merlots ont été ramassés avec le soleil, mais la pluie est revenue le 7 octobre, induisant une accélération de la cueillette. Globalement, il s’agit d’une année un peu compliquée, que l’on appellera peut-être un “millésime de viticulteur”. La lutte contre les maladies saisonnières de la vigne aura été déterminante pour amener un raisin parfaitement sain au cuvier. Le choix des dates de vendanges et la capacité d’agir au niveau du rythme de travail (récolte, tri post-égrappage et gestion des apports au cuvier) ont également été des conditions nécessaires pour réussir au mieux ce millésime. Des premières dégustations ressort une sensation d’équilibre et d’harmonie.
La couleur est soutenue et les arômes primaires s’expriment avec intensité. Le vin circule en bouche sans creux ni aspérité. La puissance inhabituelle des derniers millésimes cèdera probablement la place à la finesse, mais le plaisir de déguster sera certainement au rendez-vous dans quelques années comme c’est le cas actuellement avec les millésimes 2001 et 2004.»

Philippe Dambrine, directeur. Janvier 2013.

Château Paveil de Luze, cru bourgeois, Margaux

«Après un début d’hiver plutôt doux, le mois de février enregistre une quinzaine de jours de froid, record pour la région. Le printemps pluvieux engendre malheureusement une forte coulure induisant des petits rendements et une grande hétérogénéité en particulier sur les merlots. L’été s’installe enfin à la mi-juillet, nous décidons de lancer les effeuillages côté soleil levant ainsi que les premiers éclaircissages afin d’éliminer les quelques paquets au sein des grappes. Il s’ensuit un mois d’août chaud et sec, mais pas caniculaire, laissant enfin envisager un beau millésime. Malgré cette amélioration climatique, on voit à cette période une véraison hétérogène nécessitant un deuxième passage de vendanges en vert afin de se donner toutes les chances d’emmener ce millésime à parfaite maturité. Cette hétérogénéité nous confirme que les vendanges seront tardives avec le risque d’une arrière-saison capricieuse, nous comprenons dès à présent, cette année encore plus que les précédentes, l’importance d’une belle présentation de la récolte. Les fameuses pluies d’équinoxe tant craintes ne dérogent pas à la règle, avec un changement de temps dès la mi-septembre et ce jusqu’à la fin des vendanges. La succession d’averses et d’éclaircies, accompagnée de températures douces met les nerfs à rudes épreuves, mais il faut tenir car la maturité avance doucement. Malgré cette climatologie et la présence du botrytis, les efforts au vignoble payent. Nous comprenons qu’il faut attendre encore quelques semaines lors de la première visite de Stéphane Derenoncourt et Simon Blanchard, le 20 Septembre. Les quinze jours suivants sont stressants, les vendanges se précipitent dans le Bordelais, mais nous prenons le risque de ne pas compromettre les efforts de toute une année, et lors de la dégustation des raisins au vignoble le 4 octobre, nous décidons d’attaquer les vendanges le lundi suivant. Les merlots du Pont Rouge sont les premiers à être vendangés 19 jours plus tard que l’année dernière, ils sont encourageants dès les premières cuves, en laissant présager un millésime de bel équilibre. Deux jours après, nous attaquons les merlots du Paveil, les conditions sont difficiles et on arrive tant bien que mal à passer entre les averses, mais là aussi les cuves justes rentrées laissent échapper de jolis arômes prometteurs de fruits rouges.
A partir du 11 octobre, viennent les cabernets, d’abord le franc puis le sauvignon, le temps ne s’est guère calmé, mais nous continuons, et l’évolution de la maturité des cabernets nous permet d’envisager sereinement la fin des vendanges. Au final, les vendanges d’une bonne maturité se sont déroulées du 8 au 16 octobre dans un temps record pour la propriété. Au vu des dégustations des baies de raisins, leur bonne maturité et leur joli potentiel nous encourage à faire des extractions douces lors de remontages espacés afin de respecter au mieux la vendange.
Les macérations post fermentaires se font à haute température afin d’obtenir un joli gras et des tanins enrobés.
A l‘écoulage, les vins sont très aromatiques, à la structure douce et élégante. Côté merlot Paveil, le nez de fruits rouges, framboise, groseille possède des notes fumées typiques des sols graveleux. La bouche est suave, ronde,
à la fois crémeuse et dense. La finale possède de jolis tanins soyeux. Côté cabernet sauvignon, nez de cassis, de framboise et de rose. L’attaque est franche, suivi d’un milieu de bouche aux tanins fins mais serrés. Belle finale aromatique et persistante.»
Frédéric de Luze, propriétaire. Février 2013.

Château Sénéjac, cru bourgeois, Haut-Médoc

«Entre deux averses, c’est ce qui résume bien l’année qui vient de s’écouler. Nous sommes dans le chai, en train d’assembler les différents lots qui vont donner naissance au millésime 2012 de Sénéjac. Ce dernier, le premier en ces lieux pour moi, fut difficile à mettre au monde. En effet, l’année a été marquée par une succession d’épisodes pluvieux durant les différents stades clés du cycle végétatif de la vigne. Avril, 153 mm. Mai, 50 mm. Juin, 85 mm. Cela a notamment entraîné la coulure des merlots, mais surtout une grande hétérogénéité des grappes lors de la floraison. De ce fait nous trouvions des baies à des stades différents sur une même parcelle, voire sur un même pied lors des analyses de contrôle de maturité avant les vendanges. C’est d’ailleurs en grande partie grâce à la précision du choix des dates de ramassage des parcelles et à leur respect dans la mise en pratique, que nous pouvons dire aujourd’hui que 2012 sera un bon millésime et ravira, je le souhaite, les dégustateurs lors de la présentation en primeur dans quelques mois. Nous avons ramassé les jeunes merlots le 28 septembre et ceux du plateau les 2, 3
et 5 octobre. Le 4, on cueillait les cabernets francs. Il fallait viser juste. Nous avons repris le 8 octobre par les plantes de cabernet sauvignon pour finir les vendanges le 15 dans les vieux cabernets situés sur le plateau de Sénéjac,
qui ont résisté à la pluviométrie pléthorique. L’année 2012 s’est terminée dans le vignoble en reprenant les travaux d’hiver sous la pluie, en attendant les jours plus secs de janvier pour faire revenir le sourire sur les visages des vignerons et vigneronnes, désormais prêts pour une nouvelle aventure dont le titre est déjà connu : le 2013.»

Damien Hostein, directeur technique. Décembre 2012.

Château de Rouillac, Pessac-Léognan

«Alors ange ou démon, ce millésime 2012 ? En tous cas pas de ces millésimes restés dans notre mémoire comme des symboles de sérénité, inspirant plus la méditation philosophique, la promenade à pied ou à cheval que le combat de boxe. 2012 s’apparente plutôt au concours de saut d’obstacles avec tous ses ingrédients, concentration, difficulté, chrono, agilité, prestance. Tout d’abord, après avoir résisté à la rudesse de l’hiver, la vigne se réveille grâce à un mois de mars chaud et sec. Début avril, une gelée de printemps vient reprendre quelques bourgeons et avec eux, une partie de la récolte. Nous évitons ce piège tendu par la météo grâce aux éoliennes de lutte antigel d’une part, à la mobilisation de toute l’équipe d’autre part. Le reste du mois d’avril est très humide gorgeant les sols d’eau. Le chaud mois de mai permet un développement très rapide de la vigne qui adore ces conditions sols humides-temps chaud. Malheureusement, le mildiou, champignon bien connu des viticulteurs, aime lui aussi ces conditions, il veut sa part de récolte. Son développement est explosif. C’est une des principales difficultés à laquelle nous avons eu affaire dans l’année. Notre vigilance nous permet d’éviter cet écueil en employant des méthodes douces pour la nature qui nous ont permis d’obtenir la certification AREA, agriculture responsable de son environnement en Aquitaine. La chaleur de juin permet à la floraison de se dérouler dans de bonnes conditions. Les premiers jours de juillet sont frais. Nous pensons alors que nous allons avoir un été médiocre. Cette idée est très rapidement oubliée à partir de la dernière décade de juillet où le beau temps arrive. Cette météo exceptionnelle, pas la moindre goutte de pluie pendant 2 mois, permet une bonne maturité des grappes, en blanc comme en rouge. La première pluie arrive fin septembre, elle est providentielle car elle permet de finaliser une maturité languissante par manque d’eau. Le deuxième épisode pluvieux arrive à partir du 12 octobre, il sera conséquent. Ainsi, grâce au terroir précoce du Château de Rouillac, les vendangeurs motivés et spécialement formés à leur tâche ont récolté les blancs du 12 au 19 septembre et les rouges du 1er au 11 octobre dans de très bonnes conditions de maturité. A condition d’avoir su franchir tous les obstacles, 2012 est une année généreuse. C’est également un qualificatif que nous donnons à nos vins après les assemblages. 2012 nous fait penser à un autre millésime, que nous évoquons à chacune de nos dégustations tant cette comparaison est flagrante. Mais il serait prétentieux de notre part de le citer dans ces lignes.»
Jean-Christophe Barron, directeur technique. Janvier 2013

Château Carbonnieux, grand cru classé, Graves

«2012 a été une année marquée par les caprices météorologiques. Le printemps pluvieux et froid a rendu le travail du sol et les traitements de la vigne très délicats. La pression des maladies fongiques a nécessité une vigilance de tous les instants et une grande technicité dans le choix des matières actives. La vigne a débourré aux dates habituelles mais sa croissance fut ralentie par des températures en dessous des normales saisonnières jusqu’au mois de juin. Ce n’est qu’après la floraison que le cycle végétatif a rattrapé son retard, les équipes de travaux en vert ont été renforcées pour pouvoir freiner cette liane qu’est la vigne et ainsi rééquilibrer le flux de sève vers les grappes. Les premières véraisons apparurent début août et laissaient envisager des vendanges plutôt tardives. C’était sans compter sur une météo qui a une fâcheuse tendance à se dérégler, ou plutôt pour cette année, l’heureuse tendance à remettre les choses dans l’ordre. En effet, la pluviométrie fut quasi inexistante de mi-juillet à mi-septembre ce qui a favorisé les phénomènes de maturation et de concentration des raisins et nous a amené à lancer les vendanges le 4 septembre, date tout à fait normale pour la propriété. Les blancs ont été ramassés en quinze jours et les rouges en quatorze, avec en moyenne une soixantaine de vendangeurs jusqu’au 17 octobre. Ce millésime capricieux, sa météo inhabituelle et sa nature généreuse nous ont offert des raisins riches, typés, racés. Ceux-ci nous ont permis de constituer un grand nombre de lots de belle qualité pour obtenir des vins dignes d’un grand cru classé. Il faut dire que nous avons équipé notre cuvier d’un nouvel égrappoir, dont le travail précis et respectueux du raisin nous a permis d’obtenir des baies d’une intégrité sans précédent. En blanc, les sauvignons ont cette fraîcheur et cette pureté que l’on retrouve uniquement dans les grands terroirs argilo-calcaires. Les sémillons sont particulièrement exquis avec leur note d’abricot et leur volume en bouche incroyable. En rouge, les merlots nous ont surpris et se sont dévoilés au cours des remontages avec une très belle robe profonde et intense. Les cabernets sont quant à eux fruités et pleins de caractère. Ils demanderont un élevage un peu plus long que d’habitude, mais cette force sera garante d’une grande longévité en bouteille. Ce qui a marqué cette année, c’est aussi l’arrivée de notre nouveau chef de culture, Frédéric Magniez qui avait travaillé précédemment sur les domaines de la famille Rothschild. Grâce à ses compétences et son efficacité, il a très rapidement pris le vignoble en main et conduit les derniers travaux d’été et les vendanges de main de maître. Les vendanges se sont déroulées pratiquement entièrement en dehors des épisodes pluvieux et, grâce à l’augmentation des effectifs et de la cadence, les raisins ont pu arriver au cuvier au meilleur de leur qualité. 2012 sera proche de 2011 pour les deux couleurs, avec cependant un peu plus de volume en bouche pour le blanc.»

Eric Perrin, propriétaire. Décembre 2012.

Château de Pressac, grand cru classé, Saint-Emilion

«Le millésime 2012 a été marqué par un printemps humide et frais, qui a entraîné un décalage de pousse et de phénologie entre les pieds et même entre les bourgeons d’un même pied. Il a également causé un retard dans la floraison qui s’est étalée dans le temps. Pour couronner le tout, la pression sanitaire a été très forte. Bref, au début de l’été, le moral n’était pas au beau fixe. Puis, la situation s’est inversée. Les mois d’août, notamment la seconde quinzaine, et de septembre ont été chauds et secs, avec des amplitudes thermiques importantes, gage de richesse aromatique. Dans la vigne, il a fallu beaucoup travailler. Contre le mildiou tout d’abord, il a fallu être très vigilant sur la protection. Pour l’homogénéisation des raisins d’autre part, nous avons embauché une importante troupe pour effectuer des vendanges en vert. Les grappes et morceaux de grappe en retard de maturité ont été méticuleusement éliminés. Toutes les grappes sur 200 km de rangs de vignes au total ont été inspectées. C’était le prix à payer pour corriger la floraison languissante et obtenir une maturité homogène. Les vendanges ont été tardives, le 4 octobre pour les “Pressac” (malbec), et à partir du 9 pour les merlots puis les cabernets francs. Les pluies de mi-octobre nous ont forcés à accélérer pour finir les cabernets sauvignons le 22 après un week-end très arrosé. Finalement, des vendanges tardives et rapides pour lesquelles nous avons embauché soixante-quinze vendangeurs, soit la moitié de plus que les années précédentes. Le résultat est enthousiasmant. Les merlots sont fins et enrobés, aromatiques sans aucune rusticité. Le travail acharné de l’été est récompensé, même si les rendements sont particulièrement bas.»

Jean-François Quenin, propriétaire. Novembre 2012.

Château Soutard et Château Larmande, grands crus classés, Saint-Emilion

«Le rapprochement des terroirs de Cadet Piola et Soutard nous a permis de vendanger quatre cépages, merlot, malbec, cabernet franc et cabernet sauvignon afin d’élaborer notre premier millésime du Grand Soutard. Une fois de plus, le terroir calcaire de Soutard nous a démontré son excellence. La vigne s’est montrée généreuse. Volume et qualité nous ont encore séduits. La pertinence du choix cultural en biodynamie s’est avérée très constructive, puisque nous avons pu porter les merlots et les malbecs à leur parfaite maturité. L’expérience de l’équipe et son organisation opérationnelle nous ont permis de commencer les vendanges le 3 octobre et de terminer le 13. A Larmande, les grands succès rencontrés jusqu’à ce jour nous ont conduits à persévérer dans notre stratégie de sélection parcellaire. L’abandon des parcelles situées sur les terroirs qui nous paraissaient peu favorable à l’excellence, deux hectares en tout, aura une incidence qualitative très positive. Le rapprochement d’un pourcentage plus important en cabernet franc nous permettra d’apporter fraîcheur et élégance, qualités très recherchées par notre clientèle traditionnelle.»
Véronique Corporandy, responsable technique. Février 2013.

Cosecha 2012





Au domaine espagnol Marqués de Cáceres, les vendanges débutées le 21 septembre se sont échelonnéees jusqu’au 8 octobre dans de bonnes conditions climatiques. Tout était ramassé avant les pluies de mi-octobre. L’année avait commencé par une taille effectuée sous un temps ensoleillé. Les premières pousses ont pris vigueur avec les pluies d’avril. Pendant l’été une sécheresse extrême a accompagné des journées chaudes et les précipitations de l’année ont à peine couvert les besoins du vignoble. La production a été plus courte que d’habitude, avec des raisins à petits grains, une belle concentration et un état sanitaire optimal qui a permis de pratiquer des macérations prolongées et d’obtenir ainsi des vins structurés. Les vins blancs affichent une richesse aromatique remarquable et les rouges abondent de couleur, fruit et tannins délicieusement mûrs. Dans sa lettre de vendanges, le domaine prévoit des vins de grande classe et une politique commerciale qui tiendra compte de la baisse de la récolte, qui représente environ – 8% pour les rouges et – 20 % pour les blancs. Les ventes du millésime 2011 seront prolongées pendant les premiers mois de 2013 et le lancement du 2012, dont les vins sont conservés au froid et en cuves, afin d’être embouteillés dans des conditions impeccables au fur et à mesure des besoins commerciaux, est retardé au deuxième trimestre.

Vinalies Internationales 2013





Au cours des cinq matinées de dégustation de cette dix-neuvième édition, les cent trente-sept dégustateurs de trente-six nationalités différentes ont goûté trois mille quatre cent vingt-cinq cuvées. Les huit vins* qui ont reçu
un Trophée Vinalies Internationales (les mieux notés dans leur catégorie) ont été dévoilés lors d’une soirée de clôture à huis clos chez Ledoyen, en présence de Madame Claudia Inés Quini, présidente de l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV) et des représentants des ministères et organismes de la filière vin.
Cyril Payon, président de l’Union des œnologues de France, organisatrice du concours, a déclaré lors de cette remise de prix que ces dégustations, des échanges aux regards et attitudes des dégustateurs autour de la table, «sont simplement majestueuses tant la concentration qui y règne impose un silence des plus respectés. Les mots, tous en français, sont précis, justes, flatteurs, parfois cinglants. Rien n’échappe aux palais de ceux qui s’attachent
à comprendre les cuvées qu’ils dégustent lors de leur caractérisation. Avec nos Trophées, nous sommes loin du précepte qui voudrait désigner le meilleur vin du monde. Nous saluons seulement celui qui, dans sa catégorie,
a obtenu la meilleure note et donc ébloui le plus favorablement par ses qualités intrinsèques.
». Ces qualités sont d’ailleurs toutes répertoriées de manière instantanée et sauvegardées grâce à un système informatique conçu spécialement pour le concours. Si besoin est, un débat s’instaure pour aboutir à un consensus général. Chaque note, accompagnée du commentaire de dégustation, est à la disposition du vigneron concourant qui peut recueillir ainsi des éloges fondés et professionnels et obtenir un argument commercial des plus légitimes. L’intégralité de ces commentaires de vins primés sera éditée dans un ouvrage diffusé à l’ensemble des acteurs et acheteurs de la filière vin en France et dans le monde. Au total, mille vingt-quatre vins ont été récompensés cette année, 256 par une médaille d’or et 768 par une médaille d’argent. La totalité de ce palmarès est à retrouver ici.

* Catégorie vins blancs secs : 

  Vinicola San Lorenzo, S.A. de C.V. – Casa Madero Chenin blanc 2012 (Mexique)
  Catégorie vins rouges secs : 

  Manny O. Wines Ltd, Philippines – Château La Chandellière Cru bourgeois rouge 2007, AOC Médoc (France)
  Catégorie vins rosés : 

  Famille Quiot – Domaine Houchart rosé 2012, AOC Côtes-de-Provence (France)
  Catégorie vins effervescents (ex aequo) :
  EARL Vignobles Baudry – Champagne Baudry Brut Privilège blanc, AOC Champagne (France)
  Champagne Prestige des Sacres Brut Cuvée Grenat blanc 2007, AOC Champagne (France)
  Catégorie vins liquoreux : 

  Provins Valais – Domaine Tourbillon blanc 2008, AOC Valais (Suisse)
  Catégorie vins de liqueur :
  
Bodegas Robles SA – PX Robles, Seleccion del 1927, DO Montilla-Moriles (Espagne)
  Catégorie eaux-de-vie :
  
Bodegas y Viñedos Tabernero SAC – Tabernero Pisco Premium Mosto Verde Italia, DOC Pisco (Pérou)

Rubbish, le vin naturel ?

C’est Michel Chapoutier qui le dit, en anglais et ici, dans la troisième édition du supplément de Drinks International consacré aux marques de vins les plus admirées dans le monde*. Placé en quatrième position, et à nouveau le premier cité pour ce qui concerne les marques françaises, Chapoutier déclare que faire du vin naturel c’est comme faire du vinaigre, et même du mauvais vinaigre. Comment, se demande celui dont les vignobles sont conduits en agriculture bio ou biodynamique, quelqu’un peut-il permettre à des levures toxiques de se développer dans le vin ? Par quelqu’un, comprendre un vigneron. Vigneron que ce vigneron et négociant trouve un peu gonflé de produire des vins avec des défauts et de présenter ces défauts comme étant « naturels » (comprendre qu’on faisait comme ça, avant, et que c’est donc forcément bon). Michel Chapoutier, lui, ne voit rien de naturel dans le retour au temps où l’on n’avait pas les outils pour faire des vins sans défaut. À part ça, il se voit encore vigneron dans vingt ans et il ne souhaite défendre qu’une chose, le fait de faire des vins rares, de terroir.

* Top 3 : Concha y Toro (Chili & Argentine), Torres (Espagne) et Penfolds (Australie).

Henriot, Grange des pères, Petite Cocotte

Ingrédients
– Un samedi soir un peu doux,
– trois paires de potes de bonne qualité,
– une grande table dans une vaste cuisine,
– un hôte talentueux aux fourneaux,
– un menu de princes.
Secouez tout ça avec précaution. Prévoir des fleurs.

Vins
– Attaquer la soirée avec un champagne rosé 1989 Henriot en magnum. Les griottes le disputent au miel, c’est la grande émotion. Il y en a beaucoup dans ce magnum. Décidément, chaque fois que je rencontre un champagne de cette maison, ça se passe très bien. Rappeler au passage que le champagne est sans doute le vin qui vieillit le mieux.

– Avoir le choix entre un trévallon blanc et un autre. Choisir un blanc 2007 de la Grange des pères, que je ne connais pas (à la différence du trévallon blanc). Divine surprise. Au nez, on comprend lire la suite…

Brane-Cantenac en primeur (et en photos)


La Semaine des primeurs approche. Si chaque château bordelais peaufine ses échantillons et ses invitations, certains d’entre eux poussent le concept un peu plus loin. Brane-Cantenac en est un. Après les photos de l’œnologue Éric Boissenot, l’an dernier, l’idée de l’expo photo trouve son ancrage cette année avec une série de portraits des collaborateurs du château. En noir et blanc, encore une fois.
Ces photos sont signées François Poincet, un Girondin…lire la suite

La taille à Pichon-Longueville






C’est une étape-maîtresse pour l’obtention de raisins de très grande qualité que celle de couper les anciens rameaux afin que se développent ceux qui vont porter les fruits de l’année. Pied après pied, à la main, la minutieuse taille a débuté en décembre au château Pichon-Longuville, et elle se terminera fin mars. Les secrets pour obtenir une répartition équilibrée des bourgeons sur le rameau tout en respectant la bonne circulation de la sève sont dévoilés dans cette vidéo.

Coup de cœurà Saint-Émilion

Denis Hervier poursuit ses dégustations dans l’optique du prochain guide Bettane & Desseauve. Découvrez le Château Sansonnet.

« Sur le plateau argilo-calcaire de Saint-Émilion, à proximité du château Trottevieille, sur un terroir de grand cru classé, le Château Sansonnet appartint au duc Decazes, ministre épicurien de Louis XVIII. Avec l’arrivée de Marie-Bénédicte Lefévère en 2009 pour diriger la manœuvre, ce domaine affiche une nouvelle ambition qui apparaît sur le millésime 2010. Le 2011 joue dans la cour des grands, et le reclassement en grand cru classé est pleinement mérité.

Sansonnet 2011
La texture soyeuse possède du style et ce 2011 possède également de la profondeur, un volume harmonieux.
La finale sur les accents de pivoine a de la classe. »

Denis Hervier

L’hommedevant le monument


Une après-midi avec Frédéric Barnier, directeur technique de la maison Louis Jadot.

Malgré une stature solide et sportive, on sent Frédéric Barnier tendu et nerveux dès lors qu’il aborde un journaliste, critique de vin de surcroît. Il sait que dans son métier – celui d’homme du vin- peu sont autant observés que lui,
à l’intérieur de sa maison comme à l’extérieur. Et pour cause.
À 38 ans, il a succédé en janvier 2013 à Jacques Lardière au poste de directeur technique de la maison beaunoise Jadot. Lardière, 40 millésimes de Jadot au compteur, est pourtant éternel. Séducteur à l’enthousiasme inoxydable et au charisme incroyablement juvénile, intarissable philosophe du vin, de ses terroirs à sa vinification, de sa vigueur initiale à sa sénescence révélatrice, rare exemple de scientifique sensuel, Lardière était évidemment, aux yeux du monde du vin, bien plus que le directeur technique de Louis Jadot. Au même titre que le patron de la maison,
le discret, mais efficace Pierre-Henry Gagey, il était Jadot. Et, même si, entré dans la maison en 2010, Barnier travaillait depuis trois ans avec le grand homme, sa nomination a d’autant plus surpris que son parcours ne semblait guère s’associer à la patine bon chic bon genre de ce temple du bon goût bourguignon.
Après des études d’agro à Montpellier, Barnier a travaillé dix ans avec Michel Picard, self-made-man de Chagny plus reconnu pour son dynamisme entrepreneurial que pour le raffinement de ses vins. Chagny-Beaune,
16 kilomètres par la route, une galaxie d’écart en matière de vin. Le FC Barcelone enrôlant le meneur de jeu d’un club ouzbek pour remplacer Lionel Messi ne choquerait pas plus certains professionnels de la profession.
Pourtant, Barnier ne manque pas d’atouts pour le job. Archétype de cette génération de super techniciens du vin bien formés, maitrisant aussi bien la vigne que les chais, les impératifs de qualité comme ceux du commerce,
il peut précisément s’appuyer (comme d’autres : Mounir Saouma, le talentueux créateur de la petite maison « haute couture » Lucien Lemoine l’a précédé chez Picard) sur l’expérience exigeante d’une maison où rien n’était donné, rien n’était facile. « Ici, remarque-t-il non sans bon sens, la différence, c’est l’incroyable liberté de manœuvre dont on dispose à tous les niveaux. C’est extraordinaire, mais dangereux. On peut s’y noyer, dans la liberté. » Au-delà d’un solide background, il dispose d’un atout maître : c’est Lardière qui l’a choisi. « Barnier est un type droit », dit-il sobrement, mais suffisamment fort pour faire taire tous les esprits tordus qui jugent sur la mine et le pedigree avant de le faire sur pièce.
Enfin, il y a la nature même d’une telle fonction, qu’elle soit assumée par Lardière ou Barnier : l’homme est un chainon de l’entreprise, pas un démiurge. À tous les « spécialistes » – et il y en a eu – qui n’ont pas tardé à déceler des différences stylistiques ici où là, voire carrément « un futur mal assuré » pour la maison Jadot, on conseillera de déguster sereinement l’ensemble de la gamme d’une maison imposante qui peut aussi bien proposer plus d’un million de bouteilles de bourgogne générique en blanc comme en rouge d’une impeccable tenue qu’exprimer les extraordinaires nuances d’une dizaine de premiers crus de Beaune ou d’impressionner par la sereine puissance de son célèbre corton-pougets. Les 2011, que nous avons longuement parcourus, pour réalisés conjointement qu’ils soient par le duo Lardière-Barnier, sont avant tout du pur Jadot.
Ce type de dégustation permet en tous cas de redessiner les fondamentaux de la marque. Comme toujours en Bourgogne, les observateurs se focalisent souvent sur le très haut de gamme, laissant accroire par manque d’attention au reste que la Bourgogne ne maitrise que la haute couture et pas le prêt-à-porter. Chez Jadot, le crédo de Gagey, le patron, et le talent de Lardière et maintenant de Barnier ont été de jouer sur les deux registres.
Jadot brille certes avec le corton-pougets et le clos-de -bèze ou, en blanc, ma sublimissime préférée chevalier-montrachet les-demoiselles, fille illégitime de Noureev et de Teddy Riner. Mais il assure surtout une impeccable qualité sur les cuvées « ambassadeurs » que sont les appellations régionales et les villages. En dix vins qui constituent chacun autant de mètres étalons de leur catégorie, voilà où s’impose véritablement la maison.

Pour conclure, regardons-les, ces dix piliers de la sagesse de Jadot.

1. Pouilly-fuissé. 800 000 bouteilles dont chacune est un formidable ambassadeur du Mâconnais, du chardonnay et du vin blanc en général. Riche, ample, remarquablement équilibré en 2011, as usual.
2. Bourgogne blanc. Très consensuel, harmonieux, équilibré, plus mâconnais que côte-de-beaune, il se complète désormais d’un très intéressant coteaux-bourguignons, nouvelle appellation interprétée avec intelligence dans la lettre par Jadot. Puisqu’elle autoirise tous les cépages de la grande Bourgogne (en rouge, elle remplace de fait le vieux passe-tout-grains), Lardière et Barnier ont réalisé un tendu et brillant blend chardonnay – aligoté (à près de 40%) qui développe avec allégresse un corps charmeur et vivace.
3. Bourgogne rouge. 1,2 million de bouteilles vinifiées pour 50% dans les chais de la maison à Givry, complétés d’achat de vins en Côte d’Or et en Côte Chalonnaise. Allez chercher un pinot noir aussi régulier depuis 25 ans. Rondeur gourmande, fruité souple, très agréable et accessible, belle maturité dans le millésime 2009, une pointe de vivacité en plus en 2010, un rien plus fluide aussi, mais toujours de la persistance.
4. Beaujolais villages. Avant d’acquérir le Château des Jacques, Jadot a toujours cru au beaujolais et sa cuvée 2011 au fruité souple, à l’allonge tendre, savoureuse et nette en témoigne. Et rebelote avec le savoureux coteaux-bourguignons 2011 combinant chez Jadot 25% pinot, 25% crus du Beaujolais, 50% beaujolais générique. Générosité gourmande, non boisé, fruit épanoui, confortable et allègre, très séduisant.
5. Pommard. Dans cette appellation aux larges (et souvent fluides) contours, produire chaque année 200 pièces d’une telle densité relève du travail de précision. 2011 constitue ainsi un impeccable pommard, consistant, large d’épaule mais au fruité mur et fin, ample, de belle suavité, de grande allonge.
6 et 7. Nuits-saint-georges et gevrey-chambertin. Là aussi, ces deux villages célébrissimes existent à la carte de toute maison bourguignonne qui se respecte. Je n’ai pas dégusté cette année ces deux vins, mon analyse en Côte d’Or se limitant à la Côte de Beaune, mais la politique de repli de premiers crus que pratique régulièrement la maison sur ces vins en explique la régularité et la dimension.
8. Puligny-montrachet. Même si Jadot me paraît plus à son aise à Chassagne qu’à Puligny, il est capable de sortir 125 pièces d’un village complétant un éventail brillant de premiers crus dont les célébrissime pucelles ou le clos-de-la-garenne du Domaine de Magenta. J’ai cependant trouvé le 2011 villages en retrait par rapport au très consistant millésime précédent.
9. Meursault. Là encore, les premiers crus – charmes, genevrières, folatières – sont fameux, mais en volume très limité. Ce meursault archétypique, toujours généreux, toujours brillant, représente 50 à 60 fois plus de volume que chacun des premiers crus cités. Le 2011 : finement vanillé, floral, tilleul et fleur de vigne, gras, onctueux,
très équilibré, dimension racée, allonge suave, mais profonde.
10. Chassagne. Une commune remarquablement maitrisée par la maison, et un villages impeccable et exemplaire en 2011 : grande saveur, fruit soupe d’orange, charnu, intense, grande précision, allonge.

Thierry Desseauve